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06. Le contentieux de simple police (19e siècle)

- Présentation du thème





Un jugement de simple police (1846) et une analyse du contentieux de simple police dans le canton de Janville (Eure-et-Loir) au 19e siècle.

En fixant les peines sanctionnant les diverses infractions, le Code pénal de 1810 détermine à la fois les contours de la criminalité et les diverses juridictions appelées à juger leurs auteurs : peines criminelles pour les crimes jugés aux assises, peines correctionnelles pour les délits jugés au tribunal correctionnel, peines de police pour les contraventions poursuivies devant les tribunaux de simple police. Il fixe alors trois classes de contraventions distinguées précisément par le montant de l’amende prononcée : de 1 à 5 francs pour la première classe (art. 471), de 6 à 10 pour la seconde (art. 475) et de 11 à 15 pour la troisième (art. 479), la durée de l’emprisonnement (jamais supérieure à 5 jours) variant également selon les classes.
Jusqu'à la réforme de 1958, le tribunal de simple police se tenait au chef-lieu de canton et il était composé d’un juge unique, le juge de paix, le ministère public étant représenté par le commissaire de police, le maire ou l’adjoint. Il partageait toutefois sa compétence en matière de contraventions avec les maires des autres communes du canton jusqu'à ce que la loi du 27 janvier 1873 retire aux maires leurs attributions judiciaires. La compétence des tribunaux de simple police va être étendue surtout au cours du 20e siècle, accompagnant les mutations de la société, le développement de réglementations multiples. La création de procédures simplifiées de recouvrement des amendes modifie également le contentieux qu’ils sont appelés à connaître. Les tribunaux de simple police seront remplacés en 1958 par les tribunaux de police, formation des nouveaux tribunaux d’instance, constitués pour la plupart au niveau de l’arrondissement.
Le jugement prononcé le 21 mars 1846 par le tribunal de simple police du canton d’Arnay-le-Duc (Côte-d’Or) montre bien l’organisation, la compétence et la procédure simplifiée de ce tribunal. L’affaire jugée - pacage des porcs sur le pâtis communal - est tout à fait significative du contentieux pénal mineur qui vient en simple police. L’analyse des contraventions jugées devant le tribunal de simple police du canton de Janville (Eure-et-Loir) montre l'évolution de ce contentieux au cours du 19e siècle, les infractions à la police de la route et des cabarets remplaçant progressivement les conflits autour des biens communaux et des droits d’usage.



Un jugement de simple police

« Audience du samedi vingt-un mars mil-huit cent quarante six.
Le tribunal de simple police de la ville et du canton d’Arnay-le-Duc, arrondissement de Beaune, département de la Côte-d’Or, a rendu le jugement suivant :
Entre M. Anne-François-Emile Cottard-Legros adjoint au Maire de la ville d’Arnay-le-Duc, en cette qualité et par délégation remplissant les fonctions du ministère public près ce tribunal, demandeur aux fins d’un procès-verbal du vingt-cinq février dernier, enregistré le vingt-six au bureau de cette ville, dressé sur la déclaration du sieur Jacques Thibaut, garde champêtre de la commune de Voudenay-l'église et dûment affirmé, à ce que le défendeur ci-après nommé soit condamné, avec dépens, aux peines voulues par la loi et qu’il a encourues en ayant le vingt-quatre dudit mois de février, à l’heure de midi, laissé paccager dix porcs lui appartenant, sous la garde de sa domestique, sur un pâtis communal dit Fouchère, appartenant au hameau de Viscolon et situé sur le territoire dudit Viscolon, commune de Voudenay l'église, mis en réserve et interdit aux porcs, par délibération du conseil municipal de Voudenay, dûment approuvé par M. le Préfet de ce département, et publiée, le tout ainsi qu’il est constaté par le dit procès-verbal; d’une part.
Contre le sieur Charles Boeuf, propriétaire cultivateur demeurant au dit Viscolon, appelé à cette audience par simple avertissement, défendeur; d’autre part.
La cause appelée, - Lecture a été faite du procès-verbal dressé sur la déclaration du garde champêtre Thibaut.
Ensuite de quoi, le sieur Boeuf, en personne, a dit qu’il n’a rien à opposer au procès-verbal dont il s’agit; mais qu’il croit devoir faire observer que dans cette saison ses porcs n’ont pas dû causer un dommage notable sur le dit patis, pourquoi il demande modération de l’amende qu’il peut avoir encourue.
M. l’adjoint pour le ministère public a alors résumé l’affaire et donné ses conclusions tendant à la condamnation du défendeur à une amende d’un franc et aux dépens de l’instance.
Sur quoi le tribunal de simple police, - vu le dit rapport et considérant qu’il est constaté par cet acte que les porcs du défendeur ont paccagé sur un pâtis communal de Viscolon où le paccage de ces animaux est interdit par délibération du conseil municipal de Voudenay l'église, approuvée par l’autorité supérieure et dûment publiée en la dite commune; que par ce fait le défendeur a été en contravention à la loi et que dès lors il est punissable des peines qu’elle prononce.
Par ces motifs, en vertu de l’article quatre cent soixante et onze, numéro quinze du code pénal ainsi conçu : « seront punis d’amende depuis un franc jusqu'à cinq francs inclusivement, ceux qui auront contrevenu aux réglemens légalement faits par l’autorité administrative et ceux qui ne se seront pas conformés aux réglemens ou arrêtés publiés par l’autorité municipale, en vertu des articles trois et quatre titre onze de la loi du 19-22 juillet 1791. »
Et d’après l’article cent soixante deux du Code d’instruction criminelle qui porte « la partie qui succombe sera condamnée aux frais... les dépens seront liquidés par le jugement »
a condamné le dit défendeur à l’amende d’un franc pour la contravention constatée contre lui, et en outre aux dépens de l’instance taxés à quatre francs, y compris le timbre et l’enregistrement du présent jugement, mais non compris les frais exécutifs d’icelui en dernier ressort.
Ainsi fait, jugé et prononcé aux parties à l’audience publique du tribunal de simple police de la ville et du canton d’Arnay-le-duc, tenue par nous Jean-Baptiste Guyot juge de paix des dits ville et canton, cejourd’hui samedi vingt-un mars mil-huit-cent-quarante-six; Mandons & &...
Enfoi de quoi nous avons signé le présent jugement avec Alexandre Picard greffier en cette justice de paix duquel nous étions assisté. »


Source : Archives départementales de la Côte-d’Or, U XI Ac-3 Justice de paix d’Arnay-le-Duc. Audiences de police.


Le contentieux en simple police dans le canton de Janville (Eure-et-Loir) au 19e siècle























 

Suggestion de plan

Le tribunal de simple police
Organisation
Compétence : “en vertu de l’article 471...”
“Ainsi fait, jugé et procédé” : la procédure
Le contentieux de simple police et les communautés villageoises
Biens communaux et droits d’usage
Les conflits mineurs : rixes, tapages, injures
Les atteintes aux règlements municipaux et nationaux

 

Bibliographie

Gaveau (Fabien). De la sûreté des campagnes. Police rurale et demandes d’ordre en France dans la première moitié du XIXe, Crime, Histoire & Sociétés, 2000, vol. 4, n° 2, p. 53-76.
Gaveau (Fabien). L’ordre aux champs. Histoire des gardes champêtres en France de la Révolution française à la Troisième République. Pour une autre histoire de l'État, thèse de doctorat, Histoire, Dijon, 2005, 3 vol., dact., 1123 f°.
Pierre (Éric). Les historiens et les tribunaux de simple police, in Petit (Jacques-Guy) (dir.). Une justice de proximité : la justice de paix 1790-1958, Paris, PUF, coll. Droit et Justice, 2003, p. 123-142.
Rousseaux (Xavier). Peines de police et contravention : la formation des infractions de simple police, de la Révolution à l’Empire (1790-1815), in Garnot (Benoît) (dir.). La petite délinquance du Moyen Âge à l'époque contemporaine, Actes du colloque de Dijon 9 & 10 octobre 1997, Dijon, E. U. D., 1998, p. 55-78.