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Le bagne de Rochefort (1767-1852)

Le monde du bagne

Abigaëlle Marjarie

Plan du bagne de Rochefort

Source : Musée Hèbre de Saint-Clément, inv 001.2.1

Le 5 janvier 1767, un arrêté du Conseil d’État du Roi proclame la création d’une chiourme à Rochefort. Son but est le même que les bagnes de Brest, Toulon et Marseille : servir aux travaux des arsenaux. Ouvert la même année, le bagne de Rochefort est plus petit que ses autres collègues.
À l’origine, le ministère de la Marine fixe l’effectif du bagne de Rochefort à 900 condamnés. Cependant, la réalité était bien différente. Le 10 février 1814, on fait état de 1436 forçats. Le bagne du XVIIIe siècle est beaucoup moins codifié que celui du XIXe : les forçats ne sont pas classés selon leur crime, leur temps de peine ou leurs compétences professionnelles. Ils sont tous mélangés et subissent ensemble, les travaux de « Grande Fatigue », c’est-à-dire les plus pénibles.
L’équilibre entre la capacité d’accueil et la volonté des administrateurs d’avoir toujours plus de forçats posait quelques désaccords. Accueillir plus de forçats, permettait d’avoir plus de budget, de maintenir l’activité du bagne et qu’il ne soit pas fermé, ou pour tout simplement répondre à des demandes de main d’œuvre. Mais les problèmes de salubrité et de contrôle de la population du bagne étaient prises en compte, si bien que le Ministère de la Marine essayait de ne pas dépasser 1500 hommes condamnés à Rochefort.
Lors de la catégorisation des bagnes à partir de 1820, le bagne de Rochefort devint celui où l’on envoyait les forçats les plus violents et ceux condamnés à vie.

Le bagne de Rochefort était composé de plusieurs bâtiments. Les forçats étaient logés dans trois salles : les salles Saint Gilles, Saint Antoine et Salle Neuve.
Si ces trois salles étaient en surpopulation, les forçats pouvaient être logés ailleurs, comme dans la caserne Martrou (actuellement le Service Historique de la Défense de Rochefort) ou dans la Maison d’Arrêt de Rochefort.

Avant le bagne, l'exposition publique

Source : Zaccone, Histoire des bagnes..., p. 441

Une fois condamnés et avant d’aller au bagne, les nouveaux forçats étaient exposés trois jours sur la place publique, en démontre la gravure ci-contre. Légalement, la peine du nouveau forçat commençait le premier jour où il était exposé.

La scène d'exposition sert à marquer les esprits, tant des s que du peuple. Les « exposés » sont attachés à des poteaux, dans leurs habits habituels. Ces habits permettent de voir que, peu importe la couche sociale, personne n'échappe à la loi. Les affiches se trouvant au-dessus d'eux, reprennent leur identité, ce pour quoi ils sont condamnés au bagne et pour combien de temps. Leurs visages ne sont pas détaillés, ôtant une identification quelconque qui montre que n'importe quel homme pouvait être condamné aux travaux forcés.

Le peuple, une foule d'homme, de femmes et d'enfants, sont présents tout autour de l'estrade. Ils regardent ces hommes qui vont partir pour le bagne. Là aussi, on retrouve toutes les classes sociales, de l'ouvrier au notable (à droite, avec son chapeau haut de forme et sa canne). Derrière ce notable, un enfant en mouvement s'empresse d'aller vers les « exposés », renforçant ainsi la valeur pédagogique tant de la scène que de la gravure. Parmi ces gens, trois visages se démarquent et nous regarde ; une femme et deux hommes. Ils laissent sous-entendre que si le lecteur va à l'encontre des lois de la société, il irait au bagne.

Tout autour de la scène, des gardes sont présents, à cheval pour qu'ils soient identifiables rapidement. Ce sont des représentants de la loi, ils la font appliquer. Sur leurs chevaux, ils dominent le peuple et montrent que la loi et l'ordre public sont des fondations de la société. Le peuple doit obéir aux lois et rester sur le droit chemin. Le garde situé à gauche, sur la ligne médiane entre les condamnés et le peuple, fait le lien entre l'ordre, l'application des lois et des condamnés.

Le bagne, miroir de la société ?

Source : P. Zaccone, Histoire des bagnes depuis leur création.., p. 173

Le bagne était un lieu cosmopolite où on y retrouvait des hommes âgés de 21 à 40 ans, car leur physique était le plus susceptible de pouvoir travailler aux travaux du port.
Le temps de la peine pouvait varier selon le crime et s’il y avait des circonstances aggravantes. Néanmoins, un homme pouvait aller au bagne pour avoir porté atteint à l'ordre établi ou à l’Ordre Religieux ; pour atteinte à la monnaie ; pour faux en écriture, faux-saunage, faux-tabac, braconnage (pêche, chasse, etc.) ; pour sédition et émotion populaires ; pour crimes contre les personnes ; pour injures contre les personnes ; pour crimes de luxure ; pour vols ou injure contre les biens.
Au XVIIIe siècle, les condamnations étaient prononcés pour des vols, avec ou sans effractions, mais souvent avec violence, pour vagabondage ou pour désertion. On relève parmi les justiciables une majorité de laboureurs, marchands, boulangers ou anciens soldats. La condamnation à cette période était beaucoup plus sévère et pouvait aller de trois ans à la perpétuité.
Le bagne du XIXe siècle, était presque similaire à celui du XVIIIe siècle concernant les types de condamnations. Cependant, en plus des gens travaillant la terre, les marchands, boulangers et déserteurs, on retrouve des forçats ayant reçu une éducation, comme des étudiants ou des hommes de loi. Pouvons-nous y voir une banalisation du crime dans toutes les classes sociales, de la condamnation aux travaux forcés ou bien une volonté de la part de la justice de ne plus être laxiste, même avec les gens lettrés ?
Mais plus qu’une représentation de la société française, le bagne est un lieu où se côtoie une grande majorité de crimes condamnés par la justice. On peut souligner cet argument par la collection de crânes phrénologiques qui se trouve au Musée de l’Ancienne École de Médecine Navale à Rochefort (17). Cette collection (1837-1840) est un corpus présentant d’une part le crâne et d’autre part l’identité du propriétaire et le crime pour lequel il a été condamné aux travaux forcés. Ces crimes, aussi différent dans leur gravité soient-ils, sont tous différents : empoisonneur, voleur, meurtrier, faux en écriture, faussaire, violeur… Autant de raisons pour être conduit au bagne et y racheter sa faute par le travail.

Le transport des forçats

Source : P. Zaccone, Histoire des bagnes depuis leur orgine..., p. 9

Après avoir été exposés, les forçats suivaient à pied un itinéraire long et pénible jusqu’à leur destination. La route était longue, épuisante, et il n’était pas rare que quelques-uns décèdent sur la route, s’enfuient, ou tombent malade de fatigue. En moyenne, on pouvait compter entre 40 et 150 hommes marchant dans les campagnes, accompagnés de leurs gardes. Cependant, la chaîne était également utilisée pour transférer des forçats à un autre bagne. Traversant villes et villages, s’arrêtant pour se reposer dans les champs, cette pratique servait majoritairement à marquer les esprits des gens libres et des forçats ; les premiers, répugnant à subir une telle humiliation,  restaient de ce fait dans « le droit chemin », les seconds continuant de prendre conscience de leur nouveau statut.
La gravure de Bisson montre cette pratique. Enchaînés les uns autres, par les chevilles et le cou, les forçats marchent sous la surveillance de gardes à pied ou à cheval. Ainsi surveillé et attaché, aucun forçat ne pouvait s'évader, à moins d'avoir réussi à cacher des outils adéquats ou d'avoir des complices parmi les gardes ou les autres forçats.
Ces forçats représentés sur la gravure portent leurs vêtements habituels ; ils viennent de finir leur peine d'exposition et s'en vont au bagne. Cependant, les sources ne définissent pas clairement l’habillement du forçat au moment de l’épreuve de la chaîne. Dans la nouvelle engagée visant à abolir la peine de mort, "le Dernier jour d'un condamné", Victor Hugo présente des forçats qui vont quitter Bicêtre et qui doivent se déshabiller dans la cour pour changer de vêtement avant d'être attachés pour partir vers leurs bagnes. Quelle réalité vestimentaire doit-on favoriser ? Dans tous les cas, peu importe la forme que prend la chaîne ou la tenue, on met en scène le forçat.
Les romans du XIXe siècle proposaient régulièrement des scènes de chaîne de forçats, accentuant le bruit, la pénibilité et en défendant l’inhumanité de cette pratique. Cependant, dans la réalité, les Français libres étaient animés d’une certaine attirance pour en voir le départ, la traversée ou l’arrivée dans une ville. À tel point que les Mairies devaient prendre des mesures pour que les habitants soient contenus à l’écart.
Cette pratique a été longtemps le sujet de vifs débats entre les hommes lettrés trouvant cela immoral, et les partisans de cette méthode. C’est en 1836, et grâce à l’Ordonnance du Roi du 9 décembre, que l’épreuve de la chaîne prend fin en faveur des voitures cellulaires, et ce jusqu’à la fin de l’ère des bagnes métropolitains. Les voitures cellulaires étaient des petites prisons sur roues, gardées par des hommes libres à l’extérieur. L’intérieur des wagons était semblable à de très petites cellules dans lesquelles chaque forçat était attaché au moyen de menottes ou de chaînes. Ces cellules, fermées, étaient surveillées par un gardien le temps du trajet. Mais si la fatigue des gardes et des forçats se voyait réduites, le nombre de condamnés transportés l’étaient aussi.

L'arrivée au bagne

Source : P. Zaccone, Histoire des bagnes, depuis leur création..., p. 172

Une fois arrivé au bagne après un trajet long et pénible, le forçat était accueillit par l’autorité civile, le Conseil de Santé de la Marine et le personnel du bagne.
Le Conseil de Santé de la Marine visitait les forçats arrivants au bagne, dressant ainsi leur état de santé. C’était le premier médecin et le premier chirurgien en chef qui évaluaient leur état sanitaire et physique. Il n’était pas rare que certains forçats, épuisés par la chaîne, se retrouvent soignés à l’Hôpital Maritime ou à l’infirmerie du bagne. Si certains bilans jugeaient que le forçat était inapte au travail, ils pouvaient préconiser un métier moins contraignant ou un transfert vers le bagne de Brest. Néanmoins, les forçats pouvaient mentir sur leur état de santé pour pouvoir obtenir un aménagement ou être changé de bagne. Les officiers de santé devaient déjouer les jeux d'acteurs des forçats.
Une fois l’examen terminé, le forçat était préparé pour sa nouvelle vie : une nouvelle tenue lui était donnée, ses cheveux étaient coupés ras aux ciseaux, il était lavé à l’eau tiède et au savon noir et recevait la demie ration prévu par l’article 34 du règlement relatif à la réception et à la disposition des forçats.

La gravure incluse dans l' Histoire des bagnes depuis leur création..., montre des hommes à l’entrée d’un bâtiment. Ils peuvent être séparés en trois classes : ceux entièrement habillés portant un uniforme, ceux entièrement habillés, et ceux partiellement habillés ; nul doute qu’il s’agit du personnel du bagne, du Conseil de Santé de la Marine et des nouveaux condamnés. Sous l’œil d’un garde-chiourme (placé à droite), l’un des hommes habillé, probablement  un membre du personnel du bagne, appelle les forçats pour qu’ils se présentent devant l’Officier de Santé qui dressera son état de santé.
La teneur de cette gravure au XIXe siècle peut servir différents discours : ceux à l’encontre de l’institution du bagne, proposant d’alimenter l’horreur de l’avilissement de l’homme par ses pairs, puisque le forçat, nu, n’a plus d’intimité, face à ceux qui le priveront de sa liberté. Mais elle peut également servir les discours favorables au bagne. En effet, le forçat est au centre, c’est un individu qui a encore une identité puisqu’il est appelé, et qui, bien qu’il soit emprisonné, sera surveillé par des Officiers de santé de la Marine.
Placée au début de l'ouvrage de Zaccone, la gravure dégage une certaine solennité : quel que soit le statut social du nouveau forçat, il est nu face à la justice

La religion

Source : P. Zaccone, Histoire des bagnes depuis leur création..., p. 297

Dans la France encore très religieuse, il est inconcevable de déroger aux traditions. Ainsi, dès Louis XIII et la période des galères, c’est St Vincent de Paul qui se vit attribuer la charge d’entendre, consoler et voir les galériens à bord des navires. Les Lazaristes sont présents à Rochefort dès le XVIIe siècle. St Vincent de Paul deviendra, entre autre, saint patron des prisonniers.
La gravure est sobre : le fond est esquissé, à peine précis. On devine un bâtiment et ce qui ressemble à un garde faisant sa ronde. Le fond clair fait ressortir l'aumônier qui est vêtu de noir. La sobriété de cette gravure n'est pas sans rappeler la mission de St Vincent de Paul et des Lazaristes, à savoir de servir les pauvres et d'observer une misère spirituelle et corporelle. Le visage de l'aumônier est à moitié dans la pénombre ; est-ce à cause de la fatigue ? De la dureté du bagne ? Ou bien de la part d'ombre qu'ont tous les hommes qui résistent à la repentance ?
Le garde esquissé au fond à droite, montre que tout le monde est surveillé, même les aumôniers qui officient au bagne. La sécurité passe avant tout. C'est également le seul élément graphique qui permet d'identifier ou de suggérer que l'aumônier est dans un établissement surveillé, et en l’occurrence, un bagne.
À Rochefort, les messes du dimanche étaient menées dans le vestibule entre les salles Saint Gilles et Saint Antoine, en attendant qu’une chapelle n’ouvre au bagne ; il faudra attendre le 13 août 1818 pour que la première messe y soit donnée. L’aumônier était accompagné d’un forçat servant officiant au bagne.
Des prières étaient faites gratuitement par l’aumônier de la Marine en l’honneur des forçats mourant à l’hôpital de Marine, des suites d’une maladie ou d’un accident.
Si certains forçats se montraient réellement enclin à aider et participer aux offices menés par  l’aumônier, d’autres forçats se rapprochaient et se faisaient bien voir auprès de l’homme de foi pour se voir accorder plus facilement un « état de grâce », ou grâce gouvernementale (et non divine).

L’aumônier de la Marine, M. Fillon était connu pour avoir contribué à l’amélioration du quotidien des forçats. Il organisa notamment une retraite rassemblant 550 forçats. 50 d'entre-eux se confièrent aux prêtres au sein du bagne de Rochefort.

La police secrète du bagne

Source : P. Zaccone, Histoire des bagnes, depuis leur création..., p. 353

Du bagne de Rochefort, il ne reste que quelques traces iconographiques et des plans. Zaccone, dans son ouvrage, en propose cette gravure. Le bâtiment est clair, épuré, imposant. A gauche, une immense entrée sombre laisse sortir des hommes, sorte de sas de transition entre les quartiers personnels des forçats et l'extérieur, qui est lumineux. Ces hommes en file indienne, ce sont des forçats. Sur leurs casaque, on peut y voir les lettres T.F. pour Travaux Forcés ; et ils portent un bonnet. Ils sont tranquilles, discutent entre eux. Ils sont majoritairement dans la lumière et ont tous un visage bien définit : ils sont rendus humains et nous regarde... A contrario des gardes-chiourmes qui encadrent la file de forçats. Ils sont en uniforme, armés de fusils et portent l'épée. Ils regardent partout : les recoins, les forçats, le lecteur. Impossible d'échapper à leur surveillance. Cependant, leurs visages ne sont pas clairs, peu détaillés. Les gardes-chiourmes sont majoritairement placés dans les zones d'ombres de la gravure. Ils sont des ombres qui guettent les forçats qui tenteraient de s'enfuir ou de se rebeller.

Pour se prévenir des évasions ou pour obtenir des informations, les bagnes étaient dotés d'une police secrète qui était un fonctionnement inhérent à l’administration. Elle permettait de recueillir des informations des forçats, des gardes-chiourmes ou des civils qu’il ne pourrait pas être possible de découvrir autrement que par la délation, contre une somme d’argent. Mais cette somme pouvait également être versée à des condamnés chargés de fouetter les forçats du port employés. En moyenne, l’administration du bagne allouait à la police secrète du bagne entre 30 et 190 Francs selon les années.    
Cet argent servait d’allocation de confiance uniquement versée aux forçats lorsqu’ils donnaient des informations utiles aux gardes-chiourmes. Elle était faite par petite somme pour favoriser les révélations et rendre cela normal. Ces forçats « mouchards », appâtés par le gain, n’hésitaient pas aussi à dénoncer les gardes qui étaient de mèche avec les forçats ou bien qui arnaquaient les condamnés (mauvais tabac vendu, vin imbuvable, etc.).
Il n’était pas rare que les forçats délateurs soient pris pour cible par les autres forçats. S’engageait alors de vives représailles, allant parfois jusqu’à la mort. La trahison n’était pas permise entre les condamnés.

Les gardes-chiourmes

Source : Aquarelle extraite de "La légende noire du bagne : le journal du forçat Clemens", 18..., Médiathèque de Rochefort

Ayant pour fonction de surveiller les condamnés au bagne, la Compagnie des garde-chiourmes, créée en 1803,  ne cesse de se moderniser, pour notamment discipliner et valoriser la profession auprès des civils et des militaires en quête d’une nouvelle carrière. Chaque garde-chiourme était armé de fusils et de sabres de 1er classe, modèle d’infanterie, et portait un uniforme bleu marine, comme le montre l'aquarelle ci-contre extraite du Journal de Clemens.
Issus de tout corps de métier, les jeunes militaires étaient cependant prioritaires, car ils étaient déjà formés à la rigueur et au commandement de l’armée.
Les conditions pour être recruté étaient très strictes. Les postulants devaient être des hommes sains, robustes, non mutilés et devaient avoir entre 21 et 45 ans, mesurer au minimum 1 mètre 57, ne pas avoir des antécédents judiciaires ou ayant été condamné pour vagabondage, ne pas avoir de parent au sein du bagne dans lequel il postulait. Mais surtout, ils devaient être célibataires ou veufs sans enfant à leur charge. En effet, l’engagement en tant que garde-chiourme était de 6 à 8 ans, jours et nuits. Si jamais le garde-chiourme souhaitait se marier, il devait demander l'autorisation à l’Intendant.
Mais cette sélection trop rigoureuse et la non-popularité du métier générait un manque de gardes, si bien que l’ordre qu’au moins un garde-chiourme soit consacré à la surveillance d’un seul forçat n’était pas possible. Même l'augmentation de la prime d’engagement, pour favoriser l’engagement volontaire, ne poussait pas les hommes à faire carrière au bagne.
Le portrait qu’en fait Maurice Alhoy est un exemple de l’image qu’avaient les civils, des gardes-chiourmes : « Les gardes-chiourmes forment un régiment de bourreaux… Alcoolique, sadiques, brutaux […] Rien de plus hideux et de repoussant comme l’aspect d’un garde-chiourme. » Difficile de trouver des traces qui valideraient ou non ces propos, car seuls les gardes-chiourmes les moins compétents, les plus violents et les plus immoraux sont renseignés dans les archives ; celui faisant acte de bonne conduite ou de morale, n’apparaît nulle part. Il n’est même jamais représenté, en démontre les nombreuses gravures mettant en avant des gardes-chiourmes battant les forçats apeurés ou en train de boire.
Tout comme les militaires, certains pouvaient être amenés à déserter. En ce cas, comme ce corps était considéré comme appartenant à l’administration civile du port, les gardes-chiourmes n’étaient plus jugés par le Tribunal Maritime Spécial, mais par le Tribunal Maritime Ordinaire. Ils étaient condamnés à verser la somme de 1500 Francs, et pouvaient être condamnés à mort, au boulet ou aux travaux publics.

Le bagne et la ville de Rochefort

Source : P. Zaccone, HIstoire des bagnes, depuis leur création..., p. 169

Si le bagne passait des marchés publics avec les commerçants de la ville (chaussures des forçats), les habitants et les commerçants ne devaient, sous aucun prétexte, entretenir de relations avec les forçats au risque de recevoir une amende.

Les seules « relations » autorisées étaient pour les délations de forçats tentant de s’évader ou se livrant à du négoce hors du bagne, les travaux pour lesquels les condamnés étaient embauchés (chez les particuliers, les commerçants ou par la Mairie), ou encore pour faire la chasse au(x) forçat(s) s’étant évadés.

Les évasions étaient courantes et l’administration du bagne pouvait compter sur les habitants des villes et des campagnes pour pouvoir rattraper ces fugitifs. Lorsqu’ils étaient prévenus et qu’ils avaient eu connaissance de la description physique des forçats, hommes et femmes partaient sur leur piste. Plus ils retrouvaient le forçat rapidement, plus la récompense était élevée.

En démontre cette gravure représentant la chasse au forçat. La composition et relativement claire et végétale, qui montre que la scène se passe en extérieur. Au fond, à gauche, les tracés rappelle la rivière Charente. Au second plan, une foule de personnes armés courent après l'évadé... Lui-même confronté à une femme qui braque un pistolet vers lui : c'est la fin de sa cavale. L'évadé, au centre de la gravure, portent de vêtements de civils qui devaient lui permettre de se fondre dans la population et ainsi faciliter sa fuite. Ce travestissement était commun chez les forçats qui souhaitaient s'évader. Ils avaient parfois recours à des postiches qu'ils cachaient jusqu'au moment venu de leur évasion.