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Ouverture du procès

Dans la salle de la 1ère chambre de la Cour d’Appel de Paris, le 23 juillet 1945 vers 13h, le Maréchal Pétain entra dans la salle d’audience suivi de ses trois avocats, puis la cour, le président Mongibeaux et le procureur Mornet qui se fraya difficilement un passage au milieu du prétoire. Les tribunes étaient combles, les éclairs de magnésium des appareils photo crépitaient. Les jurés parlementaires s’assirent dans les travées latérales à la droite de la cour et les jurés résistants à sa gauche. Les journalistes furent placés de part et d’autres du prétoire devant les deux groupes de jurés.
 

Premières impressions d’audience de Léon Werth. “Dès midi, des badauds sont massés boulevard du Palais. Ils savent bien que Pétain ne leur sera pas montré, mais ils sont attirés par l’évènement. Ils écoutent l’appel de l’Histoire. Leurs regards dirigés vers la façade du Palais, l’horloge, l’escalier monumental, mendient on ne sait où quelle révélation.

La salle où siège la Haute Cour. Le décor en est quelque peu solennel. Les murs en sont revêtus de boiseries de chêne. Le plafond à macarons d’or est allégorique. On y voit s’affronter une Justice drapée et une Vérité nue. En ce lourd décor, les tables et les bancs en bois blanc qu’on a dressés pour la presse font un bizarre contraste.  Cette salle est pleine. C’est dans un magmade foule que le maréchal s’insinue pour gagner la place qui lui fut assignée. Ses épaules ne sont pas voûtées. Il dirait qu’il a soixante-dix ans on le croirait. Avant de s’asseoir, il fait, dans la direction de la presse, un petit salut discret.” Léon Werth, Impression d'audience, Paris, Viviane Hamy, 1995, p. 25-26

Le président Mongibeaux fit une déclaration liminaire…  « Le procès qui va s’ouvrir est un des plus grands de l’histoire. Il importe qu’il se déroule dans la sérénité et la dignité. L'accusé qui comparaît aujourd’hui a suscité pendant de longues années des sentiments les plus divers, depuis un enthousiasme et une sorte d'amour jusqu'à la haine et l'hostilité violente. A la porte de cette audience les passions doivent s'éteindre, je tiens à dire que nous ne connaissons qu'une seule passion sous un triple aspect : la passion de la vérité, la passion de la justice et la passion de notre pays. Sous le bénéfice de cette observation je demande donc au public de se rappeler que si nous jugeons ici un accusé, l'histoire jugera un jour les juges eux-mêmes. Il importe qu'elle dise que la justice a été sereine. Ceci dit, je déclare les débats ouverts. »

Les premiers articles de presse se focalisait évidemment sur l’accusé ; Joseph Kessel titra « un vieillard sur un vieux fauteuil ». « Ce n’est pas la gêne physique, ce n’est pas la chaleur gluante qui font regretter surtout que ce soit si exiguë la salle où est jugé Philippe Pétain, encore maréchal de France, et qui fut chef de l’État, c’est que ce procès géant, à cause des dimensions de l’enceinte où il se déroule, prenne figure d’un pauvre drame bourgeois […] La première séance du procès Pétain ?... Une voix qui appartient aux disques de radio plus qu’à un homme… Un képi lauré sur une vieille petite table.... Un vieillard sur un vieux fauteuil. »  La Nouvelle République, édition du 24 juillet 1945, « un vieil homme dans un vieux fauteuil », article de Joseph Kessel.

Pour le journaliste de Combat, Georges Altschuler, « Philippe Pétain a l’aspect d’un très vieil homme au visage émacié, et au regard triste, comme absent. Sur sa veste kaki brille une seule décoration : la médaille militaire. Dans ses mains figées, il tient un rouleau de papier qu’il déroule et roule d’un geste machinal, tandis que les photographes le mitraillent à gauche, à droite, de face. Assis dans son fauteuil de bois, recouvert de cuir vert, l’accusé est étranger à tout ce qui l’entoure. Il est absent à son procès ». (Combat, édition du 25 juillet 1945)