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Plaidoiries

Les 13 et 14 août 1945 les plaidoiries de la défense retentirent dans le palais de justice pendant près de dix heures. Trois avocats pour Pétain, trois stratégies différentes : procès d’un « vieillard sous influence », procès de rupture, procès des circonstances…

L’enchainement de leurs plaidoiries donna lieu à des incidents de préséance (Payen, bâtonnier parlant en premier, après Lemaire, non sans avoir tiré sur sa robe pour l’interrompre, et reprenant la parole après Isorni, pour plaider le dernier). 

« Le procureur Général nous pariait, samedi, de son émotion. Je me lève, moi, devant vous, avec une immense tristesse.

Pour la première fois sans doute, on traîne devant les Tribunaux pour qu'ils le condamnent à mort, un vieillard sur qui la mort plane déjà, un vieillard de 90 ans. Et c'est la France, la  douce France qui donne ce spectacle au monde, et ce vieillard est le plus glorieux de ses fils.

Depuis sa lointaine jeunesse paysanne, il a toujours servi son pays. Élevé par sa grand'mère, qui avait vu Napoléon 1er […]. Dès ce jour-là, il n'eut plus qu'une idée : se battre ... Saint-Cyr ... » (Compte rendu d’audience, début de la plaidoirie de Me Payen, op. cit., p. 957)

« Voyez-vous, Messieurs, dans un procès si grave, qui doit nécessairement développer  dans nos coeurs d'abord, dans le pays ensuite, d’immenses passions, il faut que nous sachions nous élever. au-dessus de nous mêmes, nous faire, avant que de nous en remettre â vous, les juges du dossier, et je ne veux dès lors pas faire de questions de personne.

Nous avons, au cours de ces débats, échangé des coups avec Monsieur le Procureur Général. Nous n'en échangerons peut être plus ... Qu'il me soit simplement permis de dire, Monsieur le Procureur Général, que vous êtes un serviteur passionné de- la loi, un serviteur passionné de la loi... et du gouvernement.

M. LE Procureur Général. - De la loi.

M LEMAIRE. - Je veux simplement rappeler… » (Compte rendu d’audience, début de la plaidoirie de Me Lemaire, op. cit., p. 990)

« Messieurs de la Haute Cour, depuis de longues journées, j'entends les mots : Armistice, Montoire, Syrie, Assemblée nationale. Et j'ai quelquefois le sentiment que me reviennent, comme un écho, d'autres mots : Légion des Volontaires Français, lois raciales, lutte contre la Résistance...

C'est de tout cela qu'il m'appartient de vous entretenir. Avant de le faire, puis-je indiquer une notion – oh ! une notion qui s'exprime obscurément, qui, peut-être n'est pas de mise dans les enceintes de justice - : C'est que, les régimes nouveaux se sentent quelquefois plus solides lorsque sont abattus les symboles des régimes anciens. ..

Messieurs, je vous parlerai des problèmes qui sont les plus délicats, qui sont aussi les plus douloureux. Je vous demande de penser que je le ferai avec une grande sérénité, que je ne chercherai aucune polémique et que je ressens trop la gravité et la solennité de cette heure pour être autre chose, devant vous, qu'un homme de bonne volonté qui vous parle. » (Compte rendu d’audience, début de la plaidoirie de Me Isorni, op. cit., p. 1046).