Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De la Monarchie de Juillet à 1914 /

Loi du 5 juin 1875

Loi sur le régime des prisons départementales

L’Assemblée nationale a adopté la loi dont la teneur suit :



Du régime des inculpés, prévenus et accusés.

ARTICLE PREMIER.

Les inculpés, prévenus et accusés seront à l’avenir individuellement séparés pendant le jour et la nuit.


Du régime des condamnés à l’emprisonnement.

ART. 2.
Seront soumis à l’emprisonnement individuel les condamnés à un emprisonnement d’un an et un jour et au-dessous.

ART. 3.

Les condamnés à un emprisonnement de plus d’un an et un jour pourront, sur leur demande, être soumis au régime de l’emprisonnement individuel.
Ils seront, dans ce cas, maintenus dans les maisons de correction départementales jusqu'à l’expiration de leur peine, sauf décision contraire prise par l’administration, sur l’avis de la commission de surveillance de la prison.

ART. 4.
La durée des peines subies sous le régime de l’emprisonnement individuel sera, de plein droit, réduite d’un quart.
La réduction ne s’opèrera pas sur les peines de trois mois et au-dessous.
Elle ne profitera, dans le cas prévu par l’article 3, qu’aux condamnés ayant passé trois mois consécutifs dans l’isolement, et dans la proportion de temps qu’ils y auront passé.

ART. 5.
Un règlement d’administration publique fixera les conditions d’organisation du travail et déterminera le régime intérieur des maisons consacrées à l’application de l’emprisonnement individuel.

ART. 6.
A l’avenir, la reconstruction ou l’appropriation des prisons départementales ne pourra avoir lieu qu’en vue de l’application du régime prescrit par la loi.
Les projets, plans et devis seront soumis à l’approbation du ministre de l’intérieur et les travaux seront exécutés sous son contrôle.

ART. 7.
Des subventions pourront être accordées par l’Etat, suivant les ressources du budget, pour venir en aide aux départements, dans les dépenses de reconstruction et d’appropriation.
Il sera tenu compte dans leur fixation de l'étendue des sacrifices précédemment faits par eux pour les prisons, de la situation de leurs finances, et du produit du centime départemental.
Elles ne pourront en aucun cas dépasser ;
La moitié de la dépense, pour les départements dont le centime est inférieur à 20 000 francs
Le tiers pour ceux dont le centime est supérieur à 20 000 francs, mais inférieur à 40 000 francs.
Le quart pour ceux dont le centime est supérieur à 40 000 francs ;

ART. 8.
Le nouveau régime pénitentiaire sera appliqué au fur et à mesure de la transformation des prisons.

ART. 9.
Un conseil supérieur des prisons, pris par les hommes s'étant notoirement occupés des questions pénitentiaires, est institué auprès du ministre de l’Intérieur, pour veiller, d’accord avec lui, à l’exécution de la présente loi.
Sa composition et ses attributions seront réglées par un décret du président de la République.

Délibéré en séances publiques, à Versailles, les 13 juillet 1874, 20 mai et 5 juin 1875.

Le président,
Signé L. MARTEL (Pas-de-Calais)

Les secrétaires,
Signé E. de CAZENOVE DE PRADINE, DUCHATEL, E. LAMY, LOUIS DE SEGUR, FELIX VOISIN.

Le Président de la République promulgue la présente loi.
Maréchal DE MAC MAHON,
duc de Magenta.

Le Vice-Président du conseil, Ministre de l’Intérieur.
BUFFET.

  • A noter : l’institution de la réduction automatique du quart de la peine pour encellulement (art. 4) est restée en vigueur jusqu’en 1958, date à laquelle la loi du 5 juin 1875 a été abrogée (art. 9 de l’ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le Code de procédure pénale).