Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De la Monarchie de Juillet à 1914 /

Loi du 26 mars 1891

Loi sur l’atténuation et l’aggravation des peines.


Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté ;
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :


Article premier.
En cas de condamnation à l’emprisonnement ou à l’amende, si l’inculpé n’a pas subi de condamnation antérieure à la prison pour crime ou délit de droit commun, les cours ou tribunaux peuvent ordonner par le même jugement et par décision motivée qu’il sera sursis à l’exécution de la peine.
Si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement ou de l’arrêt, le condamné n’a encouru aucune poursuite suivie de condamnation à l’emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non avenue.

Art. 2.
La suspension de la peine ne comprend pas le paiement des frais du procès et des dommages-intérêts.
Elle ne comprend pas non plus les peines accessoires ni les incapacités résultant de la condamnation.
Toutefois, ces peines accessoires et ces incapacités cesseront d’avoir effet du jour où, par application des dispositions de l’article précédent, la condamnation aura été réputée non avenue.

Art. 3.
Le président de la cour ou du tribunal doit, après avoir prononcé la suspension, avertir le condamné qu’en cas de nouvelle condamnation dans les conditions de l’article 1er, la peine sera exécutée sans confusion possible avec la seconde et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes des articles 57 et 58 du code pénal.

Art. 4.
La condamnation est inscrite au casier judiciaire, mais avec la mention expresse de la suspension accordée ;
Si aucune poursuite suivie de condamnation dans les termes de l’article 1er, paragraphe 2, n’est intervenue dans le délai de cinq ans, elle ne doit pas être inscrite dans les extraits délivrés aux parties.

Art. 5.
Les articles 57 et 58 du code pénal sont modifiés comme suit :
« Art. 57. - Quiconque, ayant été condamné pour crime à une peine supérieure à une année d’emprisonnement, aura dans un délai de cinq ans après l’expiration de cette peine ou sa prescription, commis un délit ou un crime qui devra être puni de la peine de l’emprisonnement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu’au double.
Défense pourra être faite, en outre, au condamné de paraître, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, dans les lieux dont l’interdiction lui sera signifiée par le Gouvernement avant sa libération.
Art. 58. - Il en sera de même pour les condamnés à un emprisonnement de plus d’une année pour délit, qui, dans le même délai, seront reconnus coupables du même délit ou d’un crime devant être puni d’emprisonnement.
Ceux qui, ayant été antérieurement condamnés à une peine d’emprisonnement de moindre durée, commettraient le même délit dans les mêmes conditions de temps seront condamnés à une peine d’emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double de cette précédemment prononcée, sans toutefois qu’elle puisse dépasser le double de la peine au maximum de la peine encourue.
Les délits de vol, escroquerie et abus de confiance seront considérés comme étant, au point de vue de la récidive, un même délit.
Il en sera de même des délits de vagabondage et de mendicité ».

Art. 6.
La présente loi est applicable aux colonies où le code pénal métropolitain a été déclaré exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier 1877.
Des décrets statueront sur l’application qui pourra en être faite aux autres colonies.

Art. 7.
La présente loi n’est applicable aux condamnations prononcées par les tribunaux militaires qu’en ce qui concerne les modifications apportées par l’article 5 ci-dessus aux articles 57 et 58 du code pénal.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’Etat.

Fait à Paris, le 26 mars 1891.

Par le Président de la République : CARNOT

Le Ministre de l’intérieur,
CONSTANS