Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De la Monarchie de Juillet à 1914 /

Arrêté du 8 juin 1842

Arrêté sur la justice disciplinaire


Nous ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur,
Vu l’arrêté ministériel du 5 octobre 1831, portant règlement des attributions des employés du service administratif des maisons centrales de force et de correction ;
Vu le Règlement disciplinaire du 10 mai 1839 ;
Vu notre Arrêté du 22 mai 1841, concernant le service des communautés religieuses dans les maisons de femmes ;
Sur la proposition du sous-secrétaire d’Etat ;

ARRÊTONS ce qui suit :

Art. 1. Il sera établi un prétoire de justice disciplinaire dans chaque maison centrale de force et de correction.
Si la maison renferme les deux sexes, il y aura un prétoire particulier pour chaque sexe.

Art. 2. La justice disciplinaire est rendue par le directeur : il ne peut infliger que les punitions autorisées par les règlements (Les pitons, la bricole, l'anneau, la camisole, etc, bien que non classés nommément au rang des punitions autorisées, nous semblent cependant des punitions permises, en ce qu’elles ne sont que des diminutifs et une véritable atténuation de l’emploi des fers, autorisé par l’art. 614 du Code d’instruction criminelle (lire l’article). Mais peut-on employer le fouet, la verge, les coups de cordes, etc. ? Le directeur qui recourrait à l’un de ces moyens commettrait un délit ou un crime justiciable des tribunaux. La même responsabilité pèserait sur le directeur qui condamnerait disciplinairement une femme détenue à avoir la tête rasée. Couper les cheveux d’une femme, c’est commettre une mutilation sur sa personne.)

Art. 3. Dans les maisons d’hommes, le directeur a pour assesseurs le sous-directeur, l’inspecteur et l’instituteur.
Les aumôniers des divers cultes, lorsqu’ils assistent aux audiences, prennent également place au bureau.
Le gardien-chef remplit les fonctions de greffier.

Art. 4. Les médecins et le pharmacien peuvent assister aux audiences. Aucun employé du greffe ne peut s’y présenter qu’avec la permission du directeur.

Art. 5. L’entrepreneur général du service est toujours appelé aux audiences disciplinaires. Il peut s’y faire représenter par son fondé de pouvoir ou par tout autre agent préalablement agréé à cet effet par le directeur.
Les sous-traitants de l’entrepreneur, pour l’exploitation des travaux industriels, peuvent demander au directeur la permission de se présenter aux audiences, lorsqu’ils y auront intérêt.

Art. 6. Le directeur, suivant les cas, fera prévenir les sous-traitants et les contremaîtres libres, et donnera l’ordre aux contremaîtres détenus et aux prévôts, ainsi qu'à tous les agents de l’entreprise, de se rendre aux audiences pour y donner des renseignements sur les faits.

Art. 7. Les assesseurs du directeur prennent rang au bureau, dans l’ordre suivant :
Le sous-directeur ;
L’inspecteur ;
L’instituteur.
Lorsque les aumôniers sont présents, ils prennent place après l’inspecteur.
Le gardien-chef est assis à l’une des extrémités du bureau et en retour ; l’entrepreneur du service ou son représentant, à l’autre extrémité.
Les employés du greffe et ceux du service de santé, les fabricants ou sous-traitants et les contremaîtres libres se placent derrière le bureau ; ils sont assis.
Les contremaîtres et autres employés détenus se tiennent debout à la place qui leur est assignée.
Les gardiens préposés à la police de l’audience sont en grande tenue.

Art. 8. Lorsque le préfet ou un inspecteur général des prisons dans l’exercice de ses fonctions assiste aux audiences, il occupe une place d’honneur à côté du directeur.

Art. 9. En cas d’absence ou d’empêchement du directeur, la justice disciplinaire est rendue par le sous-directeur, et s’il n’y a pas de sous-directeur dans la maison, par l’inspecteur. Dans ce dernier cas, le greffier comptable ou le greffier est appelé au bureau avec l’instituteur.
Le gardien-chef absent est suppléé par le premier gardien.

Art. 10. Chaque jour, les dimanches et les autres jours de fêtes exceptés, le directeur, assisté ainsi qu’il vient d'être dit, fait comparaître devant lui, aux heures qu’il a fixées, les détenus signalés par les rapports de la veille, comme ayant enfreint les règlements.
Le condamné, appelé par le gardien-chef, se présente à la barre. Après lui avoir fait connaître la dénonciation ou la plainte dont il est l’objet, et après l’avoir entendu dans ses explications, le directeur statue immédiatement et à haute voix.
Il sursoit jusqu'à plus ample information, lorsque les faits ne sont pas entièrement constatés.
Le gardien-chef écrit à l’instant même sur son registre les décisions du directeur.

Art. 11. L’infliction de toute punition disciplinaire sera précédée ou suivie d’une admonestation du directeur.

Art. 12. Si la punition prononcée est la mise en cellule ou au cachot, le directeur pourra s’abstenir d’en déterminer la durée en présence du condamné puni, et se borner à l’avertir qu’il ne pourra obtenir d’indulgence que par son entière soumission et par son repentir.

Art. 13. Les punitions infligées à tout condamné, comme les distinctions qu’il a obtenues, sont inscrites sur son bulletin de statistique moral, par les soins de l’instituteur.

Art. 14. Il est dressé procès-verbal de chaque audience.
Sont inscrits sur le procès-verbal les noms des fonctionnaires et employés du service administratif qui y ont assisté. Il y est fait mention des incidents intéressant l’ordre et la police de l’audience.
Un registre particulier est affecté à l’inscription de ces procès-verbaux, lesquels sont certifiés par le directeur.

Art. 15. Après l’audience disciplinaire, le directeur, assisté de la même manière, entend les détenus présents, dans leurs demandes et leurs réclamations ;

Art. 16. Dans les maisons et quartiers de femmes, le directeur a pour assesseurs le sous-directeur ou l’inspecteur et la sœur supérieure : une sœur remplit les fonctions de greffier.
Les aumôniers, lorsqu’ils sont présents, prennent également place au bureau. Le directeur est seul juge des cas où il peu être nécessaire ou utile d’appeler aux audiences les employés du service de santé et ceux du greffe, ainsi que les sous-traitants et autres agents libres du sexe masculin.

Art. 17. Les prescriptions du présent arrêté sont applicables aux quartiers d'éducation correctionnelle pour les jeunes détenus.

T. DUCHATEL




Exécution de l’arrêté du 8 juin. Modèles à suivre