Législation / Textes relatifs à la récidive /

15 octobre 1793. Décret contenant des mesures pour l’extinction de la mendicité

TITRE Ier. — Des travaux de secours.


Art. 1er. Les municipalités remettront, tous les ans, à l'agence de secours, du canton, sur sa demande, un état de leurs indigents valides, en désignant leur nom, leur sexe, leur âge, l'espèce de travail dont ils sont susceptibles, les époques auxquelles ils en manquent, et les moyens utiles de le remplacer.

2. L'agence de secours fera parvenir ces états au directoire du district; elle y joindra ses observations, et formera les demandes de secours qu'elle croira nécessaires pour faire subsister, par le travail, les mendiants valides, dans les seules saisons mortes.

3. Le directoire du district enverra ces états, avec son avis, au directoire du département, qui les présentera au conseil d'administration.

4. Le conseil d'administration enverra un double de ces états au conseil exécutif, en demandant les fonds qu'il croira nécessaire d'appliquer aux travaux de secours, sans que néanmoins sa demande puisse excéder les sommes qui lui seront destinées d'après les bases de répartition.

5. Le conseil exécutif présentera ces états et demandes au corps législatif, pour y être statué définitivement.

6. Les travaux de secours destinés aux indigents valides seront entrepris par adjudication au rabais : elle se fera par-devant le directoire du district. Chaque portion de travail susceptible de division portera son adjudication particulière.

7. Les seuls indigents valides y seront admis. Si l'urgence ou la nature du travail exigent d'autres bras, cette nécessité sera constatée par un commissaire pris dans le conseil du district, et assisté d'un membre de l'agence de secours.

8. Les travaux de secours, avant d'être ouverts, seront annoncés par affiches, quinze jours à l'avance, dans toutes les municipalités du district. Les indigents qui s'y rendront, seront tenus de prendre un passeport, lorsqu'ils sortiront de leur canton.

9. Les travaux de secours dont l'utilité sera reconnue par les corps administratifs être commune à tout un canton, seront ouverts de préférence à ceux dont l'avantage se bornerait à une municipalité.

10. Il sera ouvert, dans les lieux dont la population ou les localités le comporteront, des travaux sédentaires pour ceux des indigents qui ne peuvent se livrer à des travaux pénibles, ou qui pourraient en manquer dans quelques circonstances.

11. Les comités d'agriculture et de commerce proposeront les espèces de travaux publics qui pourront être entrepris, et occuper utilement les bras des indigents valides, en même temps qu'ils se dirigeront vers l'intérêt de l’agriculture et la prospérité du commerce.

12. En aucun cas, la dépense des travaux désignés dans l'article ci-dessus ne pourra être prise sur les fonds de secours.

13. Le prix du salaire des indigents employés aux travaux de secours, sera fixé aux trois quarts du prix moyen de la journée de travail déterminée pour le canton.

14. Les conseils d'administration de département feront, suivant les circonstances et les localités, les règlements nécessaires pour déterminer les époques où les travaux de secours seront ouverts, et pour y maintenir l'activité et la subordination : l'exécution en sera confiée aux agences, sous la surveillance des municipalités.

15. À chaque répartition de fonds, les agences, avant de percevoir leur part, seront tenues de rendre compte de ceux qu'elles auront reçus antérieurement.

16. En conformité de l'article, 15 du décret sur l'organisation générale des secours publics, toutes distributions de pain ou d'argent cesseront, dans les cantons, à l'époque du premier établissement des travaux de secours. Tout citoyen qui sera convaincu d'avoir donné à un mendiant aucune espèce d'aumône, sera condamné, par le juge de paix, à une amende de la valeur de deux journées de travail ; l'amende sera double en cas de récidive. Les sommes en seront versées dans la caisse destinée à fournir les secours à domicile.

TITRE II. — Des moyens de répression.

Art. 1er. Toute personne qui, huit jours après la publication de la loi y sera convaincue d'avoir demandé de l'argent ou du pain dans les rues, ou voies publiques, sera réputée mendiant, arrêtée par la gendarmerie ou les gardes nationales, et conduite au juge de paix du canton.

2. Le juge de paix sera tenu, dans le plus bref délai, d'interroger le mendiant, de constater le délit par un procès-verbal qui contiendra son signalement, d'en envoyer copie au directoire du district, qui en fera parvenir une expédition au directoire du département et au commandant de la gendarmerie nationale de son arrondissement.

3. Si, par l'interrogatoire, le mendiant est reconnu domicilié du canton ou du district, il sera renvoyé avec un passeport au lieu de son domicile, après avoir entendu lecture de la loi sur la mendicité.

4. Si le mendiant n'est point domicilié dans le ressort du district dans lequel il a été arrêté, et que néanmoins il accuse un domicile, il sera conduit provisoirement dans la maison d'arrêt. Le juge de paix écrira à la municipalité dont il se fera réclamer; et si celle-ci reconnaît que le détenu est son domicilié et non repris de justice, il sera renvoyé chez lui avec un passeport et aux frais de la nation, s'il n'a devers lui des moyens pour s'y rendre.

5. A défaut de réponse de la municipalité dans un délai convenable le mendiant sera conduit dans la maison de répression, d'où il pourra sortir toutes les fois qu'il sera réclamé par sa municipalité, et que sa détention ne sera pas liée à des causes aggravantes.

6. Tout mendiant, reconnu étranger, sera conduit sur la frontière de la république, aux frais de la nation ; il lui sera passé trois sous par lieue, jusqu'au premier village du territoire étranger.

7. Les mendiants arrêtés, et qui se trouveront accusés ou violemment soupçonnés de crime, seront conduits dans la maison d'arrêt pour être jugés.

8. Les enfants arrêtés avec les mendiants en seront séparés; il sera pris tous les renseignements nécessaires pour constater leur état civil. Si leur âge ne les soumet pas au travail, ils seront traités comme les enfants abandonnés. Ils ne pourront être remis à leurs pères avoués, s'ils sont vagabonds, que lorsque ceux-ci auront obtenu leur élargissement par une bonne conduite, et justifié, à la suite de leur liberté, d'un an de domicile fixe dans la même municipalité.

TITRE III. — Des maisons de répression.

Art. 1er. Les maisons de répression seront placées, autant qu'il sera possible, dans le chef-lieu du département, et hors l'enceinte de la ville. On choisira, de préférence, l'emplacement qui réunira le plus de facilités pour y établir des travaux.

2. Tout mendiant arrêté en, vertu de l'article 1er du titre II du présent décret, et renvoyé à son domicile, s'il est repris en mendicité, sera condamné, par le juge de paix, à un an de détention, conformément aux lois sur la police correctionnelle. La peine sera de deux années, dans le cas de seconde récidive. Les jugements seront rendus publics dans le ressort du canton.

3. Tout citoyen qui consignera, entre les mains du receveur du district, une somme de cent livres, pour répondre de la conduite ultérieure d'un mendiant détenu sans causes aggravantes, pourra obtenir son élargissement, en s'adressant au tribunal compétent, sur le rapport favorable des administrateurs de la maison de répression. Cette Somme sera versée dans la caisse de l'administration, sur la preuve que l'homme cautionné est arrêté pour récidive.

4. Les mendiants qui ne pourront justifier d'aucun domicile; ceux qui seront en troupes, porteurs d'armes offensives, munis de faux certificats ou de faux congés, à l'aide desquels ils désigneraient leur nom, le lieu de leur naissance ou domicile, qui contreferont des infirmités, qui seront flétris, demanderont avec menace ou insolence, seront arrêtés et condamnés à une détention d'un an. La peine sera double en cas de récidive.

5. Au moyen des établissements une fois formés des maisons de répression, les dépôts de mendicité demeurent supprimés. Les administrations de département feront connaître au conseil exécutif ceux qui, par leurs localités, pourront être conservés pour la nouvelle organisation. Les autres seront vendus dans la forme prescrite pour l'aliénation des domaines nationaux.

6. Les mendiants actuellement détenus dans les maisons de dépôt, sans causes aggravantes, et qui justifieront d'un domicile, seront renvoyés dans leur municipalité, avec trois sous par lieue ; les autres seront répartis dans les maisons de répression, d'après les ordres du conseil exécutif.

7. Ceux actuellement enfermés pour cause de démence, et qui sont aux frais de la nation, seront transférés dans les nouvelles maisons de répression, et continueront d'être à la charge publique. Il sera libre aux parents de réclamer ceux qui sont à leurs frais, ou de les laisser dans les maisons de répression, en continuant de payer leur pension, suivant le nouveau prix qui sera fixé par le directoire du département, d'après la valeur actuelle des denrées.

8. Les personnes détenues pour maladies vénériennes seront renvoyées, aux frais de la nation, dans les maisons de santé établies d'après les bases de l'organisation générale des secours publics.

9. Les administrations de département auront la surveillance générale des maisons de répression ; elles feront connaître au conseil exécutif les nouveaux emplacements qu'elles croiront les plus propres et les plus économiques, pour les différentes espèces de travaux que les localités permettront d'établir, pour employer utilement au dedans et au dehors les bras des mendiants détenus.

10. Les directoires de département nommeront un directeur responsable, tenu de résider dans la maison de répression. Il lui sera payé pour salaire et nourriture un traitement dont le maximum ne pourra excéder deux mille quatre cents livres. Il demeurera chargé de la conduite de la maison, de l'exécution du règlement, et rendra compte de ses opérations au comité qui sera établi à cet effet.

11. Il sera formé, auprès de chaque maison de répression, un comité de surveillance composé de trois membres, dont un sera pris dans l'administration supérieure du lieu de l'établissement, le second dans la municipalité, et le troisième dans l'agence de secours du canton. Ce comité sera renouvelé tous les trois mois : il tiendra deux séances par décade, dans la maison de répression; le membre du directoire en sera président de droit.

12. Sur l'avis du directoire du département, le comité déterminera le nombre des employés libres pour le service de la maison, fixera le prix de leurs salaire et nourriture, réglera le régime intérieur pour la nourriture et l'entretien des détenus, leur discipline et leurs travaux ; il s'assurera tous les jours de l'exécution du règlement.

13. Chaque détenu sera obligé au travail qui lui sera indiqué, et qui devra être relatif à ses forces, son âge et son sexe. Le directeur évitera tous les moyens de rigueur pour l'y contraindre, hors le cas de rébellion. Il rendra compte, dans les vingt-quatre heures, au comité de surveillance, de la peine infligée. Celui-ci pourra l'adoucir, ou en ordonner de plus graves, suivant la nature du délit, en observant de se conformer aux lois portées par la police correctionnelle, et d'en instruire le directoire du département.

14. Les détenus pourront adresser leurs réclamations au directoire du département, qui se fera rendre compte dans les vingt-quatre heures, par le comité de surveillance, ou enverra un commissaire sur les lieux pour y faire droit.

15. Les deux tiers du prix de la journée du travail du détenu serviront pour payer à la maison une portion de la nourriture et entretien qu'il lui coûte. Il lui sera fait compte, toutes les décades, de la moitié de son tiers, et le restant lui sera remis au moment de sa liberté ; en cas de mort, il rentrera dans la caisse de l'administration.

16. Les malades seront tenus dans des salles particulières, et soignés par l'officier de santé salarié pour secourir les indigents du canton.

17. Les employés libres pour le service de la maison en formeront la garde : ils seront armés d'un fusil et d'un sabre. Il y aura jour et nuit une sentinelle à la porte d'entrée de la maison; et lorsque les détenus se rendront à des travaux externes, les employés chargés de les surveiller seront armés.

18. Les maisons de répression pourront servir aux tribunaux de police correctionnelle pour y placer des condamnés à la réclusion ; ils seront soumis, pendant leur détention, au même règlement que les mendiants réprimés.

TITRE IV. — De la transportation.

Art. 1er. Le conseil exécutif fera connaître incessamment à la convention nationale quel lieu il juge le plus propre à la transportation, et quels moyens il faudra employer pour mettre cet établissement en activité.

2. Tout mendiant domicilié, repris en troisième récidive, sera condamné à la transportation.

3. Tout mendiant ou vagabond, arrêté une première fois, et mis dans la maison de répression pour causes aggravantes, s'il est repris une seconde fois, subira la peine de la transportation.

4. Le mendiant ou vagabond qui sera dans le cas de la transportation, sera conduit dans la prison du district, où son jugement sera prononcé par le tribunal, sur le vu des pièces qui constateront ou sa troisième récidive, ou les causes aggravantes de sa détention.

5. Les mendiants mis dans les maisons de répression, et qui ne pourront justifier d'aucun domicile après un an de détention, seront condamnés à la transportation.

6. Tout citoyen qui, avant un jugement de transportation, consignera entre les mains du receveur du district une somme de cinq cents livres, pour répondre de la conduite ultérieure du condamné, empêchera sa transportation, et obtiendra sa liberté ; mais si le mendiant est repris en récidive, la somme consignée demeurera à la disposition de l'agence de secours, et la caution sera en outre condamnée aux nouveaux frais d'arrestation,d'emprisonnement et de transportation.

7. La peine de transportation ne pourra être moindre de huit années ; elle n'aura lieu que pour les mendiants au dessus de dix-huit ans, et au dessous de soixante. Elle pourra être prolongée, si la mauvaise conduite du banni le mérite, comme elle pourra être abrégée, dans le cas seulement d'un service distingué rendu à la colonie.

8. Le mendiant au dessous de seize ans, qui aura encouru la peine de transportation, demeurera détenu jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge fixé pour subir son jugement. Celui qui aura passé l'âge de soixante ans sera condamné à rester toute sa vie dans la maison de répression, à moins que ses infirmités s'opposant au travail, n'exigent sa translation à l'hospice.

9. Il y aura dans la colonie une administration civile, sous la dénomination de conseil de surveillance, chargée de faire exécuter les ordonnances et règlements pour la discipline, l'ordre du travail, la culture, la recette, la vente des productions, et de rendre compte de ses opérations au conseil exécutif.

10. L'organisation du conseil de surveillance sera déterminée, d'après les connaissances locales que fournira le conseil exécutif sur la colonie et sur les ressources commerciales qu'elle pourra présenter.

11. Il sera établi dans la colonie une force militaire, qui n'aura aucune autorité civile, et ne pourra être employée contre les transportés, ou contre les naturels du pays, que sur la réquisition des administrateurs.

12. Tant que le transporté sera dans le terme de son jugement, il ne pourra travailler que pour le compte de la nation. Il recevra seulement le sixième du prix de la journée de travail fixée pour la colonie. La moitié de cette rétribution lui sera délivrée chaque semaine, et le restant lui sera conservé pour l'époque de sa liberté.

13. Le terme de la liberté étant arrivé, le transporté recevra une portion de terrain, telle qu'en travaillant, sa subsistance puisse être assurée. La portion du produit de son travail qui lui aura été conservée, aidera à lui fournir en outils ou denrées les moyens de mettre son fonds en activité.

14. L'administration se chargera du produit de ses travaux, vendra ses denrées, lui en remettra aussitôt la moitié du prix ; l'autre moitié servira au remboursement des dépenses et entretien de l'établissement.

15. Il sera libre au transporté, lorsque la colonie ou sa population sera assez étendue, de vendre lui même ses denrées aux marchands, en continuant de payer à la nation la moitié du produire ses ventes, à titre d'indemnité.

16. Nul transporté ne pourra revenir en France qu'il ne se soit écoulé un an entre le moment de sa liberté et celui de son retour, et qu'il n'en ait obtenu l'agrément du conseil de surveillance ; et, dans ce cas, les fonds qui lui auront été concédés rentreront à rétablissement, sans qu'il puisse en disposer autrement.

17. Si le transporté se marie dans la colonie, il sera affranchi du quart île son indemnité à la naissance d'un enfant, et de la moitié s'il en a plus de trois. Il leur transmettra, en toute propriété, le fonds qui lui aura été accordé.

18. Le transporté aura en tout temps la faculté de présenter des pétitions au conseil de surveillance, qui sera tenu d'y faire droit provisoirement, sauf la détermination ultérieure du conseil exécutif.

TITRE V. — Du domicile de secours.

Art. 1er. Le domicile de secours est le lieu où l'homme nécessiteux adroit aux secours publics.

2. Le lieu de la naissance est le lieu naturel du domicile de secours.

3. Le lieu de naissance pour les enfants est le domicile habituel de la mère au moment où ils sont nés.

4. Pour acquérir le domicile de secours, il faut un séjour d'un an dans une commune.

5. Le séjour ne comptera, pour l'avenir, que du jour de l'inscription au greffe de la municipalité.

6. La municipalité pourra refuser le domicile de secours, si le domicilié n'est pas pourvu d'un passeport et certificats qui constatent qu'il n'est point homme sans aveu.

7. Jusqu'à l'âge de vingt-un ans, tout citoyen pourra réclamer, sans formalité, le droit de domicile de secours, dans le lieu de sa naissance.

8. Après l'âge de vingt-un ans, il sera astreint à un séjour de six mois, avant d'obtenir le droit de domicile, et à se conformer aux formes prescrites aux articles 4, 5 et 6.

9. Celui qui quittera son domicile pour en acquérir un second, sera tenu, aux mêmes formalités que pour le premier.

10. Il en sera de même pour celui qui, après avoir quitté un domicile, voudra y revenir.

11. Nul ne pourra exercer en même temps, dans deux communes, le droit de domicile de secours.

12. On sera censé conserver son dernier domicile, tant que le délai exigé pour le nouveau ne sera pas échu, pourvu qu'on ait été exact à se faire inscrire au greffe de la nouvelle municipalité.

13. Ceux qui se marieront dans une commune, et qui l'habiteront pendant six mois, acquerront le droit de domicile de secours.

14. Ceux qui auront resté deux ans dans la même commune, en louant leurs services à un ou plusieurs particuliers, obtiendront le même droit.

15. Tout soldat qui aura combattu un temps quelconque pour la liberté, avec des certificats honorables, jouira de suite du droit de domicile de secours dans le lieu où il voudra se fixer.

16. Tout vieillard âgé de soixante-dix ans, sans avoir acquis de domicile, ou reconnu infirme avant cette époque, recevra les secours de stricte nécessité, dans l'hospice le plus voisin.

17. Celui qui, dans l'intervalle du délai prescrit pour acquérir le domicile de secours, se trouvera, par quelque infirmité, suite de sou travail, hors d'état de gagner sa vie, sera reçu à tout âge, dans l'hospice le plus voisin.

18. Tout malade domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru, ou à son domicile de fait, ou dans l'hospice le plus voisin.