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7 août 1899. Loi sur le casier judiciaire et sur la réhabilitation de droit

Art. 1er. Le greffe de chaque tribunal de première instance reçoit, en ce qui concerne les personnes nées dans la circonscription du tribunal et après vérification de leur identité aux registres de l'état civil, des bulletins, dits bulletins n° 1, constatant : 1° les condamnations contradictoires ou par contumace et les condamnations par défaut non frappées d'opposition prononcées, pour crime ou délit, par toute juridiction répressive ; 2° les décisions prononcées par application de l'art. 66 du code pénal ; 3° les décisions disciplinaires prononcées par l'autorité judiciaire ou par une autorité administrative, lorsqu'elles entraînent ou édictent des incapacités ; 4° les jugements déclaratifs de faillite ou de liquidation judiciaire ; 5° les arrêtés d'expulsion pris contre les étrangers.

2. Il est fait mention, sur les bulletins n° 1, des grâces, commutations ou réductions de peines, des décisions qui suspendent l'exécution d'une première condamnation, des arrêtés de mise en libération conditionnelle et de révocation, des réhabilitations et des jugements relevant de la relégation, conformément à l'art. 16 de la loi du 27 mai 188S, et des décisions qui rapportent les arrêtés d'expulsion, ainsi que de la date de l'expiration de la peine et du paiement de l'amende. Sont retirés du casier judiciaire les bulletins n° 1 relatifs à des condamnations effacées par une amnistie ou réformées en conformité d'une décision de rectification du casier judiciaire.

3. Le casier judiciaire central, institué au ministère de la justice, reçoit les bulletins n° 1 concernant les personnes nées à l'étranger, dans les colonies, ou dont l'acte de naissance n'est pas retrouvé.

4. Le relevé intégral des bulletins n° 1 applicables à la même personne est porté sur un bulletin appelé bulletin n° 2.
Il est délivré aux magistrats du parquet et de l'instruction, aux autorités militaires et maritimes pour les appelés des classes et de l'inscription maritime, ainsi que pour les jeunes gens qui demandent à contracter un engagement. Il l'est également aux administrations publiques de l'État, saisies de demandes d'emplois publics, ou en vue de poursuites disciplinaires ou de l'ouverture d'une école privée, conformément à la loi du 30 octobre 1886. Les bulletins n° 2 réclamés par les administrations publiques de l'État, pour l'exercice des droits politiques, ne comprennent que les décisions entraînant des incapacités prévues par les lois relatives à l'exercice des droits politiques.
Lorsqu'il n'existe pas de bulletin n°1 au casier judiciaire, le bulletin n° 2 porte la mention : Néant.

5. En cas de condamnation, faillite, liquidation judiciaire ou destitution d'un office ministériel prononcée contre un individu soumis à l'obligation du service militaire ou maritime, il en est donné connaissance aux autorités militaire ou maritime par l'envoi d'un duplicata du bulletin n° 1. Un duplicata de chaque bulletin n° 1, constatant une décision entraînant la privation des droits électoraux, est adressé à l'autorité administrative du domicile de tout Français ou de tout étranger naturalisé.

6. Un bulletin n° 3 peut être réclamé par la personne qu'il concerne. Il ne doit, dans aucun cas, être délivré à un tiers.

7. Ne sont pas inscrites au bulletin n° 3 : 1° les décisions prononcées par application de l'art. 66 du code pénal ; 2° les condamnations effacées par la réhabilitation ou par l'application de l'art. 4 de la loi du 26 mars 1891 sur l'atténuation et l'aggravation des peines ; 3° les condamnations prononcées en pays étrangers pour des faits non prévus par les lois pénales françaises ; 4° les condamnations pour délits prévus par les lois sur la presse, à l'exception de celles qui ont été prononcées pour diffamation ou pour outrages aux bonnes mœurs, ou en vertu des art. 23, 24 et 23 de la loi du 29 juillet 1881 ; 3° Une première condamnation à un emprisonnement de trois mois ou de moins de trois mois prononcée par application des art. 67, 68 et 69 du code pénal ; 6° la condamnation avec sursis à un mois ou moins d'un mois d'emprisonnement, avec ou sans amende ; 7° les déclarations de faillite, si le failli a été déclaré excusable par le tribunal ou a obtenu un concordat homologué et les déclarations de liquidation judiciaire.

8. Cessent d'être inscrites au bulletin n° 3 délivré au simple particulier : 1° un an après l'expiration de la peine corporelle ou le payement de l'amende, la condamnation unique à moins de six jours de prison ou à une amende ne dépassant pas 23 fr., ou à ces deux peines réunies, sauf le cas où ces condamnations entraîneraient une incapacité civile ou politique ; 2° cinq ans après l'expiration de la
peine corporelle ou le payement de l'amende, la condamnation unique à six mois ou moins de six mois de prison ou à une amende, ainsi qu'à ces deux peines réunies; 3° dix ans après l'expiration de la peine, la condamnation unique à une peine de deux ans ou moins de deux ans ou les condamnations multiples dont l'ensemble ne dépasse pas un an ; 4° quinze ans après l'expiration de la peine, la condamnation unique supérieure à deux ans de prison. Le tout sans qu'il soit dérogé à l'art. 4 de la loi du 26 mars 1891 sur l'atténuation et l'aggravation des peines. Dans le cas où une peine corporelle et celle de l'amende auront été prononcées cumulativement, les différents délais prescrits par le présent article commenceront à courir à partir du jour ou ces deux peines auront été complètement exécutées. La remise totale ou partielle, par voie de grâce, de l'une ou de l'autre de ces peines équivaudra à leur exécution totale ou partielle. L'exécution de la contrainte par corps équivaudra au payement de l'amende.

9. En cas de condamnation ultérieure pour crime ou délit à une peine autre que l'amende, le bulletin n° 3 reproduit intégralement les bulletins n° 1 à l'exception des cas prévus par les § 1,2, 3, 4 de l'art. 7.

10. Lorsqu'il se sera écoulé dix ans, dans le cas prévu par l'art. 8, §§ 1° et 2°, sans que le condamné ait subi de nouvelles condamnations à une peine autre que l'amende, la réhabilitation lui sera acquise de plein droit. Le délai sera de quinze ans dans le cas prévu par l'art. 8, § 3°, et de vingt ans dans le cas prévu par l'art. 8, §4°.
En cas de contestation sur la réhabilitation, le demandeur pourra s'adresser au tribunal du lieu de son domicile dans les formes et suivant la procédure prescrites à l'article 14. Le jugement rendu sera susceptible d'appel et de pourvoi en cassation.

11. Quiconque, en prenant le nom d'un tiers, aura déterminé l'inscription au casier de ce tiers d'une condamnation, sera puni de six mois à cinq ans d'emprisonnement, sans préjudice des poursuites à exercer pour le crime de faux, s'il y échet.
Sera puni de la même peine celui qui, par de fausses déclarations relatives à l'état civil d'un inculpé, aura sciemment été la cause de l'inscription d'une condamnation sur le casier judiciaire d'un autre que cet inculpé. Quiconque, en prenant un faux nom ou une fausse qualité, se fera délivrer le bulletin n° 3 d'un tiers sera puni d'un mois à un an d'emprisonnement. L'art. 463 du code pénal sera dans tous les cas applicable.

12. L'étranger n'aura droit aux dispenses d'inscription sur le bulletin n° 2 que si, dans son pays d'origine, une loi ou un traité réserve aux condamnés français des avantages analogues.

13. Un règlement d'administration publique déterminera les mesures nécessaires à l'exécution de la présente loi et, notamment, les conditions dans lesquelles doivent être demandés, établi et délivrés les bulletins n° 2, 3, les droits alloués au greffier, ainsi que les conditions d'application de la présente loi aux colonies et aux pays de protectorat.

14. Celui qui voudra faire rectifier une mention portée à son casier judiciaire présentera requête au président du tribunal ou de la cour qui aura rendu la décision.
Le président communiquera la requête au ministère public et commettra un juge pour faire le rapport.
Le tribunal ou la cour statuera en audience publique, sur le rapport du juge et les conclusions du ministère public.
Le tribunal ou la cour pourra or-donner d'assigner la personne objet de la condamnation.
Dans le cas où la requête est rejetée, le requérant sera condamné aux frais.
Si la requête est admise, les frais seront supportés par celui qui aura été la cause de l'inscription reconnue erronée, s'il a été appelé dans l'instance.
Le ministère public aura le droit d'agir d'office dans la même forme en rectification de casier judiciaire.
Mention de la décision rendue sera faite en marge du jugement ou de l'arrêt visé par la demande en rectification.
Ces actes, jugements et arrêts seront dispensés du timbre et enregistrés gratis.