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19 décembre 1915. Décret portant règlement d'administration publique pour l'application en Indo-Chine en ce qui concerne les indigènes et asiatiques assimilés de la loi du 27 mai 1885 sur la relégation

TITRE Ier. - DE LA RELÉGATION COLLECTIVE ET DE LA RELÉGATION INDIVIDUELLE.

Art. 1er. Les indigènes et asiatiques assimilés condamnés par les diverses juridictions de l'Indo-Chine, en vertu de la loi du 27 mai 1885, à la peine de la relégation, sont soumis soit à la relégation collective, soit à la relégation individuelle dans les conditions suivantes :

2. La relégation collective s'exécute dans les territoires des provinces de Cao-Bang et de Hagiang (Tonkin) et des îles de Poulo-Condore en Cochinchine, qui sont déterminés et délimités par arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine sans préjudice de l'envoi, par décision spéciale du gouverneur général, de relégués collectifs dans les lieux de relégation établis hors de l'Indo-Chine.
Les provinces de Hagiang et de Cao-Bang sont affectées à la relégation collective des indigènes et des asiatiques assimilés originaires de la Cochinchine, du Cambodge, du Bas-Laos et du territoire du Batlambang. Les îles de Poulo-Condore sont affectées à la relégation collective des indigènes et des asiatiques assimilés, originaires de l'Annam, du Tonkin, du Haut-Laos et du territoire de Kouangfchéou-Wan.

3. La relégation collective consiste dans l'internement, sur les territoires déterminés dans les conditions prévues à l'article précédent, des relégués qui n'ont pas été soit avant, soit après leur envoi au lieu de relégation, reconnus aptes à bénéficier de la relégation individuelle. Ces relégués sont réunis dans des établissements où l'Administration pourvoit à leur subsistance et où ils sont astreints au travail.

4. La relégation individuelle consiste dans l'internement, en telle partie du territoire de l'Indo-Chine,
déterminée par le gouverneur général, des relégués admis à y résider en état de liberté. Toutefois, dans ce cas l'internement doit toujours avoir lieu dans un pays autre que celui d'origine du condamné ou que celui où a été commis soit le crime, soit le défit ayant entraîné la relégation. Les relégués sont soumis aux mesures d'ordre et de surveillance suivantes :
Il est délivré à chaque relégué individuel un livret contenant : 1° ses nom, prénoms et surnoms ; 2° son signalement ; 3° son état civil ; 4° sa situation au point de vue judiciaire ; 5° un extrait de la décision du gouverneur général l'admettant au bénéfice de la relégation individuelle et fixant le lieu d'internement ; 6° l'indication de l'autorité à laquelle il doit périodiquement présenter son livret et des périodes où cette présentation doit être effectuée.
Ce livret doit aussi être présenté par l'intéressé à toutes réquisitions des autorités administratives ou judiciaires de la colonie.

5. Sont admis à la relégation individuelle après examen de leur conduite, les relégables qui justifient de moyens honorables d'existence, notamment par l'exercice de professions ou de métiers, ceux qui sont reconnus aptes à recevoir des concessions de terre et ceux qui sont autorisés à contracter des engagements de travail pour le compte de l'État, de la colonie, des protectorats ou des particuliers.

6. Il est procédé, pour l'admission au bénéfice de la relégation individuelle, de la manière suivante :
Le parquet près la Cour ou le tribunal qui a prononcé la relégation, le chef de l'administration locale du pays où résidait le relégable avant sa dernière condamnation, le directeur de l'établissement pénitentiaire où le relégable se trouvait en dernier lieu, sont appelés à donner leur avis. Le médecin de l'établissement pénitentiaire où se trouve le relégable examine son état de santé et ses aptitudes physiques et consigne ses observations et avis dans un rapport.
Le dossier est transmis au procureur général, chef du service judiciaire, sur la proposition duquel le
gouverneur général statue définitivement.

7. Lorsqu'un relégué subissant la relégation collective se trouve dans les conditions énoncées à l'art. 5 du présent décret, il peut demander à être admis au bénéfice de la relégation individuelle. Cette demande est soumise à la procédure réglée par l'art. 6. Tout relégué collectif qui a demandé à être admis au bénéfice de la relégation individuelle et dont la demande n'a pas été accueillie ne peut la renouveler pendant un délai de six mois à dater de la notification du rejet.

8. Le bénéfice de la relégation individuelle peut être retiré au relégué : 1° en cas de nouvelle condamnation pour crime ou délit ; 2° pour inconduite notoire ; 3° pour violation des mesures d'ordre et de surveillance auxquelles le relégué était soumis ; 4° pour rupture volontaire et non justifiée de son engagement ; 5e pour abandon de sa concession.
Le retrait est prononcé définitivement par le gouverneur général sur la proposition du chef du service judiciaire.

9. Avant le départ des relégués, le gouverneur général peut, à titre provisoire, les dispenser de la relégation pour cause de maladie ou d'infirmité, sur le rapport du directeur et du médecin de l'établissement pénitentiaire et l'avis du chef de l'administration locale du lieu où se trouve le relégable et sur la proposition du chef du service judiciaire. La dispense conférée à titre provisoire ne peut durer plus d'une année. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes formes et conditions.

10. Les relégables, ayant accompli la durée des peines à subir avant la relégation, peuvent être maintenus en dépôt dans les établissements pénitentiaires ordinaires ou dans des pénitenciers spéciaux jusqu'à leur départ pour les lieux de relégation, notamment pendant l'instruction des demandes de dispense et pendant la durée des dispenses accordées à titre provisoire.

11. Les relégables maintenus en dépôt sont astreints aux conditions de discipline et de travail arrêtées pour chaque établissement, mais avec les différences de régime que comporte leur situation comparée à celle des condamnés relégables en cours de peine.

12. Le transfèrement des relégables avant l'expiration des peines qu'ils ont à subir est autorisé par le gouverneur général après avis du gouverneur ou du résident supérieur du lieu de détention et sur la proposition du procureur général, chef du service judiciaire.

13. Au cours de leur transfèrement et jusqu'à leur arrivée aux lieux de relégation, les relégués sont maintenus en état de dépôt. Ils sont, en outre, soumis aux conditions d'ordre et aux règles disciplinaires déterminées par le gouverneur général. Lorsque le transfèrement précède l'expiration des peines, la durée du transfèrement est comptée pour l'accomplissement de ces peines.

14. Sur autorisation du gouverneur général et sous les conditions fixées par lui, après avis du gouverneur ou du résident supérieur du pays, lieu de la relégation, et du chef du service judiciaire, des établissements, exploitations et domaines particuliers peuvent être assimilés aux établissements publics mentionnés à l'art. 3 pour fournir du travail et des moyens de subsistance aux condamnés soumis à la relégation collective. Il peut, en conséquence, être envoyé et maintenu dans ces établissements privés des groupes ou détachements de relégués qui demeurent placés sous la surveillance des agents de la colonie et qui sont soumis aux mêmes règles disciplinaires et au même régime que dans les établissements publics de travail.

15. Les relégués qui, sans avoir perdu le bénéfice de la relégation individuelle en vertu de l'art. 8 du
présent décret, se trouvent dans l'impossibilité de pourvoir à leur subsistance, peuvent, sur leur demande, être temporairement employés par les soins de l'Administration dans les établissements, ateliers ou chantiers publics ou privés où ils sont soumis aux règlements disciplinaires intérieurs de ces établissements. .

16. Les relégués qui sont employés tas les établissements affectés à la relégation collective sont, dans des conditions indiquées par arrêtés du gouverneur général, pris sur la proposition du chef du service judiciaire, après avis des chefs des administrations locales des lieux affectés à la relégation, rémunérés en raison de leur travail, sous réserve d'une retenue à opérer pour la dépense occasionnée par chacun d'eux, notamment pour ses frais d'entretien.
Tout relégué individuel doit constituer, soit immédiatement, soit progressivement, par lui ou par un tiers, un fonds de réserve destiné à faire face aux dépenses qu'occasionnerait son traitement dans les hôpitaux de la colonie.
Cette réserve reste la propriété du relégué. Le chiffre auquel elle doit être portée ou maintenue, ainsi que les conditions dans lesquelles elle est constituée, sont déterminées par un arrêté du gouverneur général pris sur la proposition du chef du service judiciaire.
Le gouverneur général peut, après avis du service judiciaire, dispenser les relégués du versement du fonds de réserve.

17. Les relégués placés dans des établissements affectés à la relégation collective peuvent recevoir du dehors des offres d'occupation et d'emploi et justifier d'engagements de travail ou de service pour être autorisés à quitter l'établissement. Ils peuvent de même être admis à bénéficier de concessions de terre, à raison de leur conduite et de leurs aptitudes. Ces concessions, de même que les autorisations d'engagement, n'entraînent pas de plein droit l'admission au bénéfice de la relégation individuelle qui doit être demandée et obtenue conformément aux art. 5, 6 et 7 ci-dessus.

18. Les peines de la réclusion et de l'emprisonnement prononcées contre des relégués pour crimes ou délits, par quelque juridiction que ce soit, doivent être subies sans délai, à défaut de prisons proprement dites, dans des locaux fermés spécialement destinés à cet effet, sans réunion ou contact des condamnés ni avec la population libre, ni avec les relégués non condamnés.

19. Les relégués ont toujours le droit d'adresser leurs demandes et réclamations, par plis fermés, soit
aux autorités administratives ou judiciaires du pays où ils sont internés, soit au gouverneur général. Ces demandes et réclamations doivent être transmises indistinctement et sans retard à destination par les soins des fonctionnaires et agents chargés des services de la relégation.

TITRE II. - RÉGIME DISCIPLINAIRE ET PÉNAL.

20. Les relégués collectifs, dans les établissements de travail publics ou privés, sont soumis aux règles de discipline suivantes :
1° Sont punis disciplinairement les faits et actes ci-après : détention de toutes sommes d'argent ou valeurs quelconques, inconvenances, insolences, insultes ou menaces envers un agent ou un fonctionnaire, mutinerie ou rébellion, larcins, paresse ou mauvaise volonté au travail, refus d'obéir ou de travailler, ivresse, rixe, coups et violences entre relégués,lacération volontaire d'effets réglementaires, actes d'immoralité, jeu d'argent et généralement toutes infractions aux règlements ;
2° Les punitions disciplinaires infligées aux relégués sont les suivantes : 1° interdiction des suppléments de nourriture à la cantine ; 2° privation d'une partie du salaire n'excédant pas le fiers du produit total du travail ; 3° prison de nuit ; 4° cellule ; 5° cachot.
Les punitions prononcées pour une même faute ne peuvent dépasser un mois pour l'interdiction de la cantine, un mois pour la réduction de salaire, un mois pour la prison de nuit, un mois pour la cellule, quinze jours pour le cachot. En cas de nouvelle infraction dans les trois mois, ces punitions peuvent être doublées.

21. L'interdiction de supplément de nourriture à la cantine est infligée par les chefs de dépôt ou d'établissement de travail.
Sans préjudice des mesures nécessaires pour le bon ordre ou la sûreté, la privation de salaire, la prison, la cellule ou le cachot sont infligés par une commission disciplinaire instituée dans chaque établissement ou dépôt de relégués.
Cette commission est présidée par le fonctionnaire chef de la province ou du pénitencier désigné par le gouverneur ou par le résident supérieur. Le président est assisté de deux employés ou agents du pénitencier désignés par la même autorité.
Un agent de la province ou du pénitencier remplit les fonctions de greffier.
Le président interroge le relégué sur les faits qui lui sont reprochés et entend les personnes qui pourraient fournir des renseignements utiles. Le relégué est admis à présenter en dernier lieu ses explications. La décision est prise à la majorité des voix. Copie de la décision disciplinaire est adressée au chef de l'administration locale du lieu de la relégation et au procureur général, chef du service judiciaire.

22. Les lieux dans lesquels les relégués collectifs subissent la relégation sont les dépôts où ils sont
détenus au cours de leur transfèrement, les établissements de travail publics ou privés dans lesquels ils sont placés, les concessions qu'ils ont obtenues et sur lesquelles ils ont été autorisés à résider, et les domaines auxquels ils ont été autorisés à s'engager. Tout relégué qui s'est éloigné sans autorisation du lieu où il a été placé est réputé en état d'évasion douze heures après la constatation de sa disparition.

23. En Indo-Chine, quiconque fabriquera un faux livret, un faux certificat, un faux sauf-conduit, une
fausse autorisation ou toute autre fausse pièce d'identité de relégués ou falsifiera des livrets, certificats, sauf-conduits ou pièces d'identité originairement véritables, ou fera usage desdits livrets, certificats, sauf-conduits et pièces d'identité fabriqués ou falsifiés, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de trois ans au plus.

24. Les relégués collectifs sont justiciables du tribunal correctionnel pour les contraventions et délits qu'ils commettent. Les jugements sont rendus dans la forme ordinaire. L'appel des jugements correctionnels est jugé sur pièces, après que le condamné a été invité à fournir ses moyens de défense par écrit ou à se faire représenter ; l'arrêt est réputé contradictoire. La Cour peut, toutefois, lorsqu'elle le juge utile, ordonner la comparution personnelle des prévenus.
Les crimes commis par les relégués collectifs sont déférés à la cour criminelle jugeant sans le concours d'assesseurs. Lorsque la poursuite d'un crime comprend des individus non soumis à la relégation collective, tous les accusés indistinctement sont traduits devant la cour criminelle constituée conformément aux règles du droit commun.

TITRE III. - FORMES ET CONDUITS DES DEMANDES DES RELÉGUÉS TENDANT A SE FAIRE RELEVER DE LA RELÉGATION.

25. Le relégué qui sollicite son relèvement de la relégation adresse sa demande au procureur de la République près le tribunal de première instance ou au juge de paix à compétence étendue de sa résidence. Cette demande fait connaître le lieu où le relégué a l'intention de se fixer et les moyens d'existence dont il peut disposer. Elle est accompagnée de la justification du paiement des frais de justice dont il n'est pas libéré et qui sont relatifs à la condamnation à la suite de laquelle la relégation a été prononcée. Dans le cas où le demandeur est hors d'état de se libérer en tout ou en partie de ces frais, il doit en justifier par un avis du directeur de l'établissement où il subit la relégation. Si le relégué doit quitter le pays où il subit la relégation, au cas d'admission de sa demande, il justifie, en outre, de ses moyens de faire face aux dépenses de voyage, nuls frais de passage, de route ou autres ne pouvant être supportés par le budget général ou le budget local d'un pays quelconque de l'Indo-Chine.

26. La demande est immédiatement transmise par le procureur de la République ou le juge de paix à
compétence étendue au gouverneur ou au résident supérieur du lieu de la relégation, qui la renvoie dans le plus bref délai possible au magistrat qui la lui a communiquée, avec son avis et après y avoir annexé : 1° le dossier du relégué ainsi que l'extrait d'arrêt ou de jugement qui a prononcé la relégation ; 2° un extrait certifié exact du folio de punition et un relevé des condamnations que le
relégué aurait pu encourir depuis sa relégation ; 3° une attestation que le relégué ne se trouve pas soumis à l'interdiction de séjour ou, dans le cas contraire, qu'il a reçu notification des lieux où il lui est fait défense de paraître ; 4° un certificat du directeur de l'établissement justifiant de la bonne conduite du relégué, de ses moyens d'existence et des services rendus par lui à la colonisation.

27. Le tribunal, en chambre du conseil, après avoir vérifié si toutes les conditions prévues par les deux articles précédents ont été remplies, décide sur la demande. Le procureur général, chef du service judiciaire, agissant d'office ou à la requête du gouverneur ou du résident supérieur, peut former opposition à la décision du tribunal, soit qu'il accueille la demande, soit qu'il la rejette. L'opposition doit être formée dans le délai d'un mois à dater de la communication qui a été faite au procureur général et au gouverneur ou au résident supérieur du dossier de la demande et d'une expédition de la décision du tribunal. Elle est portée devant la chambre des mises en accusation de la section de la cour d'appel du lieu de la relégation qui décide dans le mois. La procédure a lieu sans frais.
En cas de rejet, une nouvelle demande en relèvement de la relégation ne peut être formée avant l'expiration d'un délai de trois années.

TITRE IV. - RÉGIME DES CONCESSIONS DE TERRAINS.

28. Conformément aux dispositions de l'art. 17 ci-dessus, des concessions de terrains peuvent être accordées en Indo-Chine aux relégués indigènes et asiatiques assimilés. Ces concessions sont soumises aux formes et conditions déterminées par la réglementation en vigueur relative aux concessions de terrains à la population indigène libre et aux conditions particulières suivantes :

29. La propriété de la concession ne peut jamais devenir définitive avant l'expiration d'un délai de sept années à compter du jour de la décision d'envoi en concession provisoire et avant que le relégué ait obtenu le bénéfice de la relégation individuelle. Le relégué concessionnaire provisoire est tenu de résider sur le terrain concédé.

30. Sans préjudice des causes de retrait des concessions provisoires édictées par la réglementation en vigueur sur les concessions de terrains dont peut bénéficier la population indigène libre, les concessions provisoires sont retirées de plein droit aux relégués : 1° pour tout fait ayant entraîné des peines criminelles ; 2° pour évasion ou tentative d'évasion.
Elles peuvent être retirées aux relégués : 1° pour tout fait ayant entraîné des peines correctionnelles;

2° pour inconduite ; 3° pour indiscipline.

31. Les décisions prononçant le retrait des concessions provisoires pour les causes énumérées à l'article précédent sont prises par le gouverneur ou résident supérieur sur la proposition du chef de la province où réside le relégué.

32. En cas de dépossession ou de décès d'un relégué concessionnaire provisoire, les biens concédés font purement et simplement retour au domaine, à moins qu'ils ne soient attribués à son conjoint ou à ses enfants.

33. Les créances antérieures aux concessions autres que les frais de justice n'ouvrent pas d'action sur les terrains concédés aux relégués ou sur leurs fruits.

34. La femme reléguée qui est mariée et à laquelle une concession provisoire ou définitive est accordée, et dont le mari ne réside pas dans la colonie, est dispensée de toute autorisation maritale et de celle de justice pour tous les actes relatifs à l'administration, à l'exploitation et à la jouissance de la concession. Elle peut, dans les mêmes conditions, aliéner ou hypothéquer la concession devenue définitive.
Il en est de même de la femme du relégué lorsqu'elle réclame et obtient la concession dans les conditions de l'art. 32.

TITRE V. - CONDITIONS D'ENGAGEMENT DE TRAVAIL.

35. Le bénéfice de l'engagement de travail pour le compte des particuliers est réservé aux relégués collectifs qui s'en sont rendus dignes par leur bonne conduite et leur assiduité au travail pendant six mois au minimum.
Les offres d'emploi sont adressées au directeur du pénitencier ou à l'administrateur de la province où est situé le territoire de relégation qui les transmet avec son avis au gouverneur ou au résident supérieur chargé d'approuver les contrats dont l'exécution est soumise à la surveillance de l'administrateur de la province où ils sont exécutés.

36. Les engagements sont contractés moyennant un salaire dont le minimum est fixé par arrêté du gouverneur général pris sur la proposition du gouverneur ou du résident supérieur et l'avis du procureur général, chef du service judiciaire. Ce salaire est ainsi réparti : deux dixièmes pour la part revenant à la colonie ; quatre dixièmes au pécule réservé de l'engagé et quatre dixièmes au pécule disponible et que l'engagé reçoit directement de son engagiste. Mention de ces versements est faite au livret de l'engagé.

37. L'engagiste doit à l'engagé, sous peine de retrait : un logement salubre; une ration délivrée en nature et au moins égale à la ration réglementaire ; les soins médicaux jusqu'à l'hospitalisation, s'il y a lieu.
Dans le cas où le nombre des engagés dépasse vingt-cinq, un surveillant désigné par le directeur du pénitencier ou par l'administrateur de la province est affecté à la garde du contingent mis à la disposition de l'engagiste. Celui-ci doit à l'agent : le logement, la ration de vivres en nature ou, à défaut, l'indemnité représentative. En outre, il rembourse à l'Administration qui a fait les avances toutes les allocations résultant du fait du déplacement du surveillant.

38. Tout engagiste ayant obtenu engagement d'un ou de plusieurs relégués collectifs, doit, avant l'exécution de l'engagement, et en garantie des obligations contractées par lui, verser à la caisse du trésorier-payeur un cautionnement de 10 piastres par engagé.
Une caution solvable peut être admise.
Le gouverneur ou le résident supérieur n'autorise le remboursement du cautionnement qu'après constatation de l'accomplissement par l'engagiste de toutes les obligations inscrites dans l'acte d'engagement.

39. L'engagement est consenti pour une durée qui ne peut excéder un an. Il peut être renouvelé pour une même période.
L'engagement et le renouvellement sont constatés par écrit.

40. Les frais de transport au domicile de l'engagiste sont à la charge de ce dernier.
Ceux du voyage de retour au dépôt sont supportés, suivant la cause de la réintégration, par l'engagiste ou par le pécule de l'engagé.

41. Si l'engagiste se soustrait à l'exécution de l'une des conditions de l'engagement, l'Administration
peut lui retirer, après l'avoir entendu, le ou les relégués mis à sa disposition.
Les frais du voyage de retour des relégués au dépôt sont, en ce cas, à la charge de l'engagiste.

42. Toute demande de réintégration formulée par l'engagiste doit être motivée ; il ne peut y être donné suite qu'après décision de l'Administration. L'engagiste est tenu, dans ce cas, de conduire ou de faire conduire le relégué au dépôt. La résiliation de l'engagement, à moins d'évasion caractérisée, ne compte que du jour de la rentrée au dépôt.

43. Tout relégué engagé qui abandonne son chantier de travail sans pouvoir invoquer soit une maladie dûment constatée, soit un motif accepté par l'Administration, est exclu pour un an du bénéfice d'un nouvel engagement, sans préjudice des peines disciplinaires, s'il y a lieu.

44. Toute cession d'engagement, tout engagement fictif sont formellement interdits et entraînent, de plein droit, l'annulation de l'engagement, la saisie du cautionnement et l'exclusion absolue pour l'engagiste de tout nouvel engagement. Est réputé fictif tout engagement qui, par suite d'un accord frauduleux entre les parties contractantes, permet à un ou plusieurs relégués d'être employés ailleurs que chez l'engagiste.
La nullité de l'engagement est prononcée d'office par le directeur du pénitencier ou l'administrateur chef de la province où est situé le chantier de travail, sauf recours au gouverneur ou résident supérieur, qui décide, en dernier ressort. Elle entraîne la réintégration immédiate des engagés.

45. L'engagiste est tenu de se conformer à toutes les mesures d'ordre et de surveillance inscrites dans la consigne générale qui lui est remise au moment de l'engagement.
Le logement particulier de l'engagé est soumis en tout temps aux visites et aux recherches des agents de l'Administration, dûment autorisés, des gendarmes et de la police.

46. L'Administration reste toujours libre de réintégrer l'engagé par mesure d'ordre public ou par mesure générale, sans qu'il en résulte aucun droit en faveur de l'engagiste, soit vis-à-vis de l'Administration, soit vis-à-vis de l'engagé.
Les réintégrations sont prononcées, l'engagiste entendu ou dûment appelé, par le gouverneur ou résident supérieur, sur la proposition du directeur du pénitencier ou du chef de la province du dépôt de relégation ou du lieu où est situé le chantier de travail.

47. Le changement de résidence ou d'emploi d'un engagé opéré sans l'autorisation écrite et préalable de l'Administration, entraîne la résiliation du contrat et le retrait de l'engagé.

48. L'engagiste doit veiller sur la conduite de l'engagé. Chaque mois, il adresse à l'Administration un avis constatant la présence de l'engagé et les fautes commises. Il doit prévenir sans retard l'Administration du décès, de l'évasion ou de toute autre circonstance grave intéressant la position de l'engagé.

49. L'engagé doit porter les effets d'habillement qui lui sont fournis par l'Administration. Toutefois, le relégué de bonne conduite, qui est pourvu d'un emploi en dehors des établissements pénitentiaires de la colonie, peut être dispensé du port du costume pénal, pendant la durée de son engagement.
Cette mesure fait, l'objet d'une décision individuelle prise par le directeur du pénitencier ou le chef de la province où est situé le chantier de travail et est toujours révocable.

TITRE VI. - DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

50. Des arrêtés du gouverneur général pris sur la proposition du procureur général, chef du service judiciaire, après avis des chefs des administrations locales des lieux affectés à la relégation, déterminent les dispositions de détail non prévues par le présent décret et, notamment, celles qui sont relatives à l'organisation, au régime et à la discipline des établissements de travail affectés à
la relégation collective. Copie de ces arrêtés est transmise sans retard au ministre des Colonies.

51. Un rapport sur l'exécution de la loi du 27 mai 1885 et du présent décret sera adressé chaque année par le gouverneur général au ministre des Colonies.

52. Le ministre des Colonies et le garde des Sceaux, ministre de la Justice, sont chargés, etc.