Désormais « ministre » au même titre que tous les autres, le ministre de la Justice conserve toutefois quelques prééminences honorifiques. En août 1792, l’Assemblée nationale propose d’affecter l’ancien hôtel de la Chancellerie à la résidence du roi Louis XVI et de sa famille qui n’ont pas pu se réinstaller aux Tuileries. Tous les meubles et les effets nécessaires doivent y être transportés mais la décision de l’Assemblée n’est pas suivie par la Commune de Paris qui décide de loger la famille royale à la prison du Temple. Georges Jacques Danton (1754‑1793), nommé ministre de la Justice le 10 août 1792, s’installe alors place Vendôme, nouvellement rebaptisée « place des Piques ». Entré au ministère de la Justice par « la brèche du château des Tuileries, et lorsque le canon est devenu la dernière raison du Peuple », Danton est remplacé quelques mois plus tard par Dominique Joseph Garat (1749-1833). À cette date, le ministère de la Justice est divisé en plusieurs bureaux : le bureau du secrétariat général, le bureau de rédaction, le bureau d’enregistrement et de distribution de dépêches, le bureau du sceau, de dépôt et d’expédition, le bureau d’envoi des lois, et le bureau de sanction et des archives du Sceau. De nombreux mémoires d’ouvrages de maçonnerie, menuiserie, serrurerie, vitrerie, marbrerie, de peintures et de fournitures en papier peint, effectués entre 1791 et 1792, témoignent des travaux de réparations effectués dans l’hôtel.
Dans la nuit du vendredi 26 avril 1793, un incendie détruit entièrement les combles de l’hôtel du ministère de la Justice. Plusieurs commis qui logent sous les toits sont indemnisés pour la perte de leurs affaires personnelles et Louis Lemit, architecte du ministère, est chargé de réparer et de reconstruire les combles pour la somme de 75 000 livres. Par sécurité, un corps de garde pour trois pompiers est également aménagé au rez-de-chaussée de l’hôtel.
Les six ministères sont maintenus jusqu’en 1794 mais la Convention vient bousculer cette nouvelle administration. Le 12 germinal an II [1er avril 1794], elle supprime les ministères et les remplace par douze commissions directement placées sous ses ordres. Le ministère de la Justice et une partie des attributions du ministère de l’Intérieur sont dévolus à la commission des Administrations civiles, Police et Tribunaux qui s’installe alors dans l’ancien hôtel de la Chancellerie. Cette commission est « chargée du sceau de la République et des archives du sceau, de l’impression des lois, de leur publication et de leur envoi à toutes les autorités civiles et militaires, du maintien général de la police, de la surveillance des tribunaux, et de celle des corps administratifs et municipaux ». Elle est dirigée par un commissaire et deux adjoints.
La Commission demeure dans l’hôtel jusqu’au 20 octobre 1795, date à laquelle les ministères sont rétablis lorsque le Directoire met en place ses institutions. Le ministère de la Justice reprend naturellement possession de l’hôtel de la place Vendôme. Ses attributions n’évoluent guère sous le Directoire et le Consulat et, pendant cette période, sept ministres de la Justice s’y sont succédé, parmi lesquels Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753‑1823). Élu président du Conseil des Cinq-Cents en 1796, il devient ministre de la Justice le 20 juillet 1799 et s’installe place Vendôme pendant quelques mois, avant d’être nommé second Consul en 1800, puis archichancelier en 1804.
Au cours des années 1790, l’hôtel ne subit pas d’importantes transformations mais le transfert des bureaux de Versailles à Paris en 1789 en modifie toutefois la distribution. Ainsi, le premier étage sur la place est désormais occupé par un appartement de six pièces meublées et par « cinq pièces à la suitte servant de bureaux », dont celui des Archives. Le reste des services – comprenant les bureaux de consultation et de révision, de comptabilité, ceux de l’organisation judicaire, de la division criminelle, de la division civile, ainsi que le bureau de cassation – est réparti au second étage et dans une partie des combles de l’hôtel. La salle d’audience se trouve au même emplacement, dans l’appartement du rez-de-chaussée sur le jardin, et précède les bureaux du secrétariat général. Quant au ministre, il occupe, comme ses prédécesseurs, l’appartement au premier étage du corps de logis sur le jardin, composé d’une antichambre, d’une salle à manger, d’un salon rouge, d’un salon jaune, d’une chapelle, d’une chambre à coucher et d’une garde-robe.
Le mobilier est également renouvelé. En 1794, une grande partie des tapisseries, des glaces et des feux de cheminées, est renvoyée au Garde-Meuble National mais, au retour du ministre avec le Directoire, les grands appartements sont remeublés avec des pièces d’une grande richesse, comme des chaises en bois sculpté et doré, des bureaux, des consoles, des tables, ou encore des cabinets en bois précieux ornés de bronzes dorés. Ainsi, dans la salle d’audience, se trouve « un grand bureau en bois vernis façon de lacq […] avec carderon de cuivre et agraffe à chaque coin, le dit richement orné de bronze cizelé, baguette, cadre, agraffe, les pieds couverts en bronze, poignée fixe, le tout doré or moulu ». Une vingtaine de fauteuils, dont « six […] en tapisserie de Beauvais représentant des fables entourées de fleurs, fond blanc, bois à moulure forme ovale, pieds à gaine peints en blanc », complètent ce mobilier. Le cabinet du ministre est tout aussi richement meublé avec notamment quatre grands fauteuils couverts de maroquin cramoisi en bois doré et surtout un bureau plaqué de bois d’ébène à trois tiroirs, ornés de chutes à figures en bronze doré.
À cette date, les personnes qui logent gratuitement dans l’hôtel du ministère sont nombreuses : s’ajoute à la famille du ministre un certain nombre de domestiques et d’employés de l’administration. Parmi eux se trouvent l’adjoint du secrétaire général, un membre du bureau de consultation, le chef du bureau des expéditions, un employé spécialement attaché au secrétariat pour le travail du soir, un expéditionnaire, un sténographe, un frotteur, le portier, les cochers, un employé chargé de l’inspection et de la conservation du mobilier, un jardinier et le concierge. L’hôtel devient rapidement trop étroit pour abriter tous les services du ministère. Ainsi, le 29 floréal an XII [19 mai 1804], une partie des bureaux est installée dans l’hôtel Crozat, au no 17 de la place Vendôme, qui est loué à la veuve Deville. Quant aux bureaux de l’envoi des lois et l’imprimerie de la République, ils sont installés dans la maison Penthièvre – ancien hôtel de Toulouse – place des Victoires. L’agence temporaire des titres occupe, quant à elle, trois salles du Louvre ainsi que l’hôpital du Saint‑Esprit, place de Grèves, et le dépôt des archives judiciaires est placé au palais de Justice.