La sorcière
« Satan les connaît toutes, parce qu’il sait que les femmes aiment le plaisir de la chair ». Au début du XVIIe siècle, le magistrat Henry Boguet en est convaincu : le diable est le mal absolu et la sorcellerie est surtout une affaire de femmes. C’est ce qu’il a constaté en Franche-Comté où il a alors jugé de très nombreuses affaires. Il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, tout le monde a cru à la sorcellerie et y a eu recours. Certes, dès le XIIIe siècle, les autorités ecclésiastiques en condamnaient les pratiques, mais l’hérésie était jugée beaucoup plus sévèrement. Le diable n’était pas la figure centrale des procès qui, par ailleurs, concernaient autant de sorciers que de sorcières. La lutte contre la sorcellerie a pris de l’ampleur au milieu du XVe siècle pour s’éteindre au milieu du XVIIe siècle. C’est surtout entre 1560 et 1630 que dans certaines régions de l’Europe, on assiste à de véritables chasses aux sorcières, souvent conclues par l’exemplarité expiatoire du bûcher. Entre-temps, la figure de la sorcière était née, victime émissaire et proie facile de sociétés en crise.
C’est ce qui transparaît à travers ces milliers de pièces de procédure qui nous sont parvenues. Selon les normes de la procédure inquisitoire, des femmes répondent à des questions, toujours les mêmes, que d’un bout à l’autre de l’Europe, leur posent les magistrats instructeurs. Quand et comment ont-elles pactisé avec le démon ? Qu’ont-elles fait au sabbat ? Comment ont-elles ensorcelé leurs voisins et parents ?