Circulaire relative à la construction et à l’appropriation des prisons départementales. Questions et programme à soumettre aux conseils généraux à ce sujet.
Monsieur le préfet, d’après les rapports annuels de l’inspection générale et les derniers renseignements qui m’ont été transmis en réponse à ma circulaire du 4 mai dernier, la plupart des prisons départementales sont loin d’offrir les dispositions locales nécessaires pour l’exécution des prescriptions légales et règlementaires concernant la séparation des diverses catégories de détenus.
Sur 396 maisons d’arrêt, de justice et de correction, il en est seulement soixante, outre les prisons cellulaires, qui réalisent, à cet égard, le vœu de la loi ; dans cent soixante-six, la séparation par quartier est incomplète, et, dans le reste, elle n’existe pas.
Cependant vous n’ignorez pas, Monsieur le préfet, que la morale et la discipline commandent d'éviter la promiscuité des détenus, et que l'état de choses actuel constitue une dérogation permanente aux articles 603 et 604 du code d’instruction criminelle, relatifs aux prévenus, accusés et condamnés, à l’article 2 de la loi du 5 août 1850, sur les jeunes détenus, et aux articles 89 et 115 du règlement général du 30 octobre 1841.
Les retards apportés par les administrations locales dans l’exécution des mesures nécessaires pour approprier les prisons à ces diverses prescriptions doivent être imputés aux circulaires du 2 octobre 1836, du 9 août 1841 et du 20 août 1849, qui repoussaient tout projet de réparation ou de reconstruction non conforme aux règles du système cellulaire. Les conditions dispendieuses qu’entraîne l’application de ce système, l’impossibilité absolue pour le plus grand nombre des départements d’y pourvoir avec leurs seules ressources ont fait ajourner des améliorations indispensables.
Aujourd’hui, le gouvernement renonce à l’application de ce régime d’emprisonnement, pour s’en tenir à celui de la séparation par quartiers ; mais en donnant ainsi aux départements toute facilité de pourvoir, par des sacrifices limités, aux besoins de ce service. l’administration est fondée à exiger que, partout, il soit immédiatement procédé aux travaux nécessaires pour faire cesser une situation qui viole les lois et compromet les intérêts les plus graves.
Je vous invite, en conséquence, à provoquer à ce sujet une délibération du conseil général de votre département ; il serait désirable que, dès cette année, des fonds puissent être votés pour mettre à exécution des plans de restauration, qui seront désormais admis sous la simple condition de réaliser la séparation des diverses classes de détenus. Il y aura lieu d’examiner si, dans un intérêt moral et disciplinaire, ces plans ne devront pas comprendre un certain nombre de chambres destinées à isoler quelques détenus à l'égard desquels des circonstances particulières peuvent nécessiter des mesures exceptionnelles.
Je terminerai cette instruction en vous signalant ne lacune regrettable dans la plupart des maisons d’arrêt et de justice, concernant l’exercice du culte. Je tiens, autant que possible, à ce qu’il existe dans toutes une chapelle où les détenus puissent assister à l’office, conformément aux dispositions de l’article 117 du règlement du 30 octobre 1841. Les administrations locales comprendront, j’en suis sûr, qu’un de leurs premiers devoirs est de mettre à portée de la population prisonnière la consolation et le frein des pratiques religieuses.
J’ai l’espérance, Monsieur le préfet, que votre initiative amènera le conseil général de votre département à s’associer à cette réforme, que le gouvernement de l’empereur tient à honneur d’accomplir.
Recevez, etc.
Le ministre de l’intérieur
F. de PERSIGNY