Landmarks / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De la Monarchie de Juillet à 1914 /

Circulaire du 10 mai 1839

Arrêté sur la discipline nouvelle à introduire dans les maisons centrales.

Nous, pair de France, ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur.
Après avoir pris l’avis du conseil des inspecteurs généraux des prisons.
Et sur le rapport du conseiller d’Etat, directeur de l’administration départementale et communale.
Arrêtons les dispositions suivantes, pour être exécutées dans les maisons centrales de force et de correction :

Art 1er. Silence.

Le silence est prescrit aux condamnés. en conséquence, il leur est défendu de s’entretenir entre eux, même à voix basse ou par signes, dans quelque partie que ce soit de la maison.
Sont exceptées de la règle du silence, les communications indispensables entre les ouvriers et leurs contremaîtres ou surveillants détenus, à l’occasion de leurs travaux, sous la condition que ces communications auront toujours lieu à voix basse.

2. Communication à voix basse.

Les condamnés ne pourront non plus adresser la parole, soit aux gardiens, soit aux contremaîtres libres, soit aux agents de l’entreprise générale du service, que dans les cas de nécessité absolue.
Ces communications auront lieu également à voix basse.

3. Argent de poche.

Il est défendu aux condamnés d’avoir de l’argent sur eux. Les fonds provenant du tiers du produit de leur travail mis à leur disposition par l’Ordonnance royale du 2 avril 1817 [celle-ci sera remplacée par l’ordonnance du 27 décembre 1843], pour leur procurer des adoucissements, s’ils les méritent, seront déposés au greffe, ils ne pourront en être retirés qu’en vertu de bons ou de mandats délivrés par le directeur.
La même disposition est applicable aux fonds déposés au greffe pour être distribués aux condamnés à titre de secours individuels.

4. Emploi de la quotité disponible du produit du travail.

Pour l’exécution des dispositions de l’article précédent, il sera ouvert au greffe, pour chaque ouvrier, un compte du tiers du produit de son travail (voir arrêté du 28 mars 1844. art. 4]. Ces fonds pourront être employés par les condamnés, sous la réserve de l’autorisation de l’administration, savoir :
En achats d’effets d’habillement dont l’usage, dans la maison, aura été permis par le directeur ;
En achats d’aliments à la cantine ;
En achats de papiers, plume et encre, affranchissements et port de lettres ;
En secours destiné par le condamné à sa famille ;
En restitutions ou réparations civiles.

Les autorisations pour les dépenses personnelles des condamnés seront données par le directeur, qui jugera s’ils le méritent. Le préfet statuera sur les demandes ayant pour objet l’envoi de secours à la famille, ou les réparations civiles.
Les dégâts commis par les condamnés au préjudice de l’administration ou de l’entreprise seront payés sur les mêmes fonds, en vertu de décisions du préfet.

5. Boissons prohibées.

L’usage du vin, de la bière, du cidre ou de toute autre boisson fermentée, est expressément interdit aux condamnés.

6. Aliments de cantine autorisés.

Les aliments suivants pourront seuls leur être vendus à la cantine, ou leur être remis par leurs parents ou amis :
Du pain de ration ;
Des pommes de terre cuites à l’eau ;
Du fromage ;
Du beurre.
La ration supplémentaire de pain n’excédera pas 75 décagrammes par jour (1 livre et demi). Les rations journalières de pommes de terre, de beurre et de fromage, seront réglées par le directeur, et aucun condamné ne pourra se procurer, le même jour, au-delà d’une de ces rations, indépendamment du pain.

7. Tabac.

L’usage du tabac est interdit aux condamnés.

8. Tâches de travail.

Tout condamné est tenu de faire le travail journalier ou hebdomadaire qui lui a été imposé par l’administration de la maison.

9. Peines disciplinaires.

Les infractions au présent règlement et aux autres règlements de la maison seront punies, suivant leur gravité et pendant tout le temps déterminé par le directeur :

  • de l’interdiction de la promenade dans le préau
  • de la privation de toute dépense à la cantine
  • de l’interdiction, au condamné de communiquer ou de correspondre avec ses parents ou amis
  • de la réclusion solitaire avec ou sans travail
  • de la mise aux fers dans les cas prévus par l’article 614 du code d’instruction criminelle (lire l’article).

10. Les préfets et les directeurs sont chargés de l’exécution du présent règlement, lequel sera lu aux condamnés, et affiché dans les maisons centrales de force et de correction.
Il sera exécutoire huit jours après sa publication dans la maison.

Paris le 10 mai 1839

GASPARIN.