Circulaire contenant l’envoi d’un Programme et d’un Atlas de plans pour la construction de Maisons d’arrêt cellulaires.
Monsieur le préfet, votre attention et celle des conseils généraux a déjà été plusieurs fois appelée sur la nécessité de préparer les moyens d’introduire le régime de l’emprisonnement individuel dans les maisons d’arrêt et de justice. Ce régime, en effet, est le seul que la raison et la justice conseillent d’accorder au prévenu.
L’emprisonnement individuel n’a été longtemps considéré que comme un châtiment rigoureux ; c'était là une erreur. Il constitue, au contraire, une mesure de protection, et c’est le seul moyen d’assurer la liberté morale du prévenu. N’est-ce pas souvent porter atteinte à sa liberté, n’est-ce pas souvent faire violence à sa volonté, que de le forcer à vivre avec des hommes qu’il ne connaît pas ?
Mais si le prévenu a le droit de demander, d’exiger en quelque sorte qu’on le renferme séparément, le gouvernement, de son côté, doit être investi du pouvoir de refuser la vie commune aux prévenus qui la réclameraient ; car son devoir est d’empêcher la corruption mutuelle des prisonniers, même de ceux qui attendent encore leur jugement. La société a un intérêt direct à ce qu’il en soit ainsi, et la volonté elle-même du prévenu doit fléchir devant cet intérêt.
Des faits nombreux ont prouvé que les conseils généraux, pénétrés, comme le gouvernement du roi, de l’urgente nécessité de la réforme des maisons d’arrêt et de justice, ne se laisseront pas arrêter par l’importance des sacrifices qu’elle exige. Malgré l’ajournement de la discussion du projet de loi sur l’administration générale des prisons, des impositions extraordinaires ont été votées, l’année dernière, dans un certain nombre de départements, pour la construction de prisons cellulaires. Si deux de ces impositions ont seulement été soumises par mon administration à la sanction législative, cela a tenu, ou à ce que la situation financière des autres départements ne permettait pas d’accroître immédiatement leurs charges, ou à ce que les plans et devis n’avaient pas fait l’objet d'études suffisantes, ou bien encore à ce que les voies et moyens créés ou proposés par les conseils généraux n'étaient pas proportionnés aux travaux, et supposaient l’allocation sur la deuxième partie du fonds commun, d’un secours qu’il m'était alors impossible d’accorder.
Mais les Instructions qui vous ont été données à diverses époques sur cette matière renferment une lacune importante. Si mon administration a pris, depuis cinq ans déjà, la résolution de n’autoriser que la construction de maisons d’arrêt cellulaires, elle n’a pas encore fait connaître à l’administration départementale les conditions de salubrité, d’ordre et de police auxquelles il doit être satisfait. Ces points essentiels avaient besoin d'être réglés d’une manière claire et précise. Après avoir pris l’avis des inspecteurs généraux des prisons du royaume, réunis en conseil, j’ai déterminé dans le programme, sous forme d’Arrêté, que vous trouverez à la suite de la présente Instruction, les conditions principales que doivent réunir les nouvelles maisons d’arrêts et de justice. Les plans qui l’accompagnent, rédigés par des architectes habiles qui ont fait une longue étude de l’administration des prisons, vous fourniront la preuve qu’il est aujourd’hui possible, facile même, de résoudre de plusieurs manières toutes les grandes difficultés inhérentes au système de l’emprisonnement individuel, difficultés qu’on a longtemps présentées comme étant insurmontables.
Toutefois, j’entrerai ici dans quelques explications sur les dispositions les plus essentielles des nouvelles prisons, afin de ne vous laisser aucun doute sur la pensée de mon administration. Je suivrai pour cela l’ordre des articles du programme.
Art. 1er.— Murs d’enceinte.—Toute prison doit être défendue contre les tentatives d'évasion des prisonniers, et contre l’accès des personnes du dehors, au moyen d’un chemin de ronde, ou au moins par un mur d’enceinte assez élevé pour en rendre l’escalade difficile : j’ai réglé cette élévation à 5 mètres.
2.— Bâtiment d’administration. — Dans cet article sont désignées les pièces ou chambres qui devront être réservées pour divers services administratifs ou judiciaires, indépendamment du logement du préposé en chef, des gardiens ou des surveillantes. Mais, ainsi que je l’ai expliqué dans l’article final des dispositions générales, cette prescription du programme n’est pas strictement obligatoire, dans toutes ses dispositions, pour les prisons peu importantes.
3. — Cellules. — La cellule est la partie la plus importante de tout projet, quelle qu’en soit la forme architecturale. Il ne faut pas perdre de vue, Monsieur le préfet, que chaque cellule n’est autre chose qu’une prison particulière ; que le détenu doit y passer tout le temps de sa captivité, soit préventive, soit pénale, sans en sortir, sauf pour se promener dans un préau où il sera seul encore. Il est dès lors indispensable que toutes les cellules soient suffisamment éclairées, chauffées, ventilées, et, de plus, assez vastes pour que le prisonnier puisse y rester sans que sa santé ait à en souffrir.
Les dimensions de la cellule ont aussi leur importance à un autre point de vue. S’il s’agit d’un prévenu, il faut qu’il puisse y travailler, s’il le désire, et si l’exercice de sa profession n’est pas contraire à l’ordre et à la sûreté de la maison. S’il s’agit d’un condamné, il faut qu’il puisse y être appliqué aux travaux manuels ordonnés par l’administration, J’ai jugé que, pour satisfaire à la double condition de la salubrité et du travail, il était nécessaire d’avoir des cellules d’au moins quatre mètres de longueur, deux mètres vingt-cinq centimètres de largeur, et trois mètres de hauteur.
Pour le prévenu, la cellule doit être considérée, avant tout, comme un moyen de vivre seul et dans un état de liberté morale. A ce point de vue, l’emprisonnement individuel est une mesure de protection et non un moyen de contrainte : c’est la discipline seule qui donne à l’emprisonnement cellulaire un caractère de répression et de pénalité. J’insiste sur cette distinction, parce qu’elle n’est pas encore généralement sentie et appréciée, parce qu’on a longtemps supposé que l’intention du gouvernement était de soumettre les prévenus et les accusés au régime de l’isolement absolu du pénitencier de Philadelphie, pensée qu’il n’a jamais eue, même relativement aux condamnés. Mais pour que chaque prévenu puisse vivre seul et sans communication aucune avec d’autres prisonniers, il faut qu’ils ne puissent pas se voir d’une cellule à l’autre : la disposition des portes et fenêtres doit donc mettre obstacle aux communications visuelles. Il faut encore qu’ils ne puissent pas communiquer verbalement ; les murs ou cloisons de séparation des cellules peuvent rendre les relations verbales plus ou moins difficiles, suivant leur mode de construction. Mais l’administration doit principalement compter sur une surveillance attentive et continue pour les empêcher.
Je viens de dire que, pour le prévenu, la cellule est un moyen de vivre seul et dans un état de liberté morale ; et cependant le programme veut qu’il puisse être vu et surveillé sans qu’il lui soit possible de s’en apercevoir. Ceci, Monsieur le préfet, exige quelques explications.
L’emprisonnement préventif ou avant jugement est une nécessité sociale. Les législations de tous les pays l’ordonnent ou l’autorisent dans des limites plus ou moins restreintes; mais, comme tout prévenu peut être déclaré innocent, c’est un devoir pour la société de ne le soumettre qu’aux seules conditions d’ordre et de police indispensables pour le tenir à la disposition du juge. 11 doit conserver dans l'état de captivité préventive la liberté de ses actions, en tant qu’elles ne compromettent pas la sûreté de la prison, ou qu’elles ne portent pas atteinte aux droits et à la liberté de ses coprévenus.
Cette théorie, Monsieur le préfet, est vraie ; elle s’appuie sur la raison, sur la justice, et sur la loi elle-même. Mais, dans la pratique, de puissantes, d’impérieuses considérations exigent souvent que des limites soient mises à la liberté d’action dont le prévenu doit jouir dans sa cellule. C’est sa demeure, sans doute ; elle remplace pour lui sa maison d’habitation, et il doit s’y trouver à l’abri de toute rigueur inutile et sans objet ; mais la justice et l’administration ont aussi leurs droits et leurs devoirs. C’est le droit du juge de soumettre à une surveillance, même incessante, tout prévenu auquel il suppose le projet d’accomplir, dans la solitude, quelque acte qu’il importe d’empêcher ; c’est le devoir de l’administration de veiller à ce que des hommes dangereux ne préparent pas en secret des moyens d'évasion ; ici, il y va de sa responsabilité. Qui ne sait enfin que les prévenus et les accusés en état de récidive sont en trop grand nombre, pour qu’il ne soit pas besoin que l’administration exerce à cet égard une surveillance rigoureuse ? Mais l’abus consisterait à exercer une sorte d’inquisition sur tous les prévenus indistinctement, à épier tous leurs mouvements dans leurs cellules, à ne leur laisser aucun instant de liberté; et ce n’est pas là non plus, Monsieur le préfet, ce que j’ai voulu, en prescrivant un moyen de surveillance occulte. Il doit être bien entendu qu’il ne sera fait usage de ce moyen que de l’ordre exprès du juge ou de celui de l’autorité administrative, suivant les circonstances. Cette restriction implique la nécessité d’une disposition matérielle . qui permette d’en interdire l’usage au gardien de service.
Les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 9, qui traitent des cellules d’infirmerie, de punition, de secret et d’attente, du parloir cellulaire, de l'éclairage et de la distribution de l’eau, ne m’ont semblé exiger aucune explication.
10. — Promenoirs individuels. — Ainsi que je l’ai déjà dit, les prisons départementales sont exclusivement destinées, d’abord aux prévenus et aux accusés, ensuite aux condamnés à transférer et aux condamnés correctionnels dont l’emprisonnement ne doit pas excéder un an. Il est dès lors probable, avec les dispositions qui seront prises pour la salubrité de la cellule d’habitation, que les détenus seront rarement obligés d’en sortir pour prendre de l’exercice. Cependant il était utile de prévoir, ce besoin, et le programme y a pourvu. Les plans des trois architectes indiquent les moyens d'établir des promenoirs découverts et même des promenoirs couverts, et d’y soumettre les prisonniers à une surveillance constante et simultanée, quoiqu ils soient entièrement séparés les uns des autres. Dans la prévision des difficultés inséparables de la nécessité de les conduire à des promenoirs extérieurs, surtout dans une prison populeuse, l’un de ces architectes, dans une formule qui lui est propre, a même proposé l’adjonction, à chaque cellule et à tous les étages, d’un petit promenoir à l’air libre. Cette combinaison n’aurait pour inconvénient que d’augmenter la dépense.
11. — Point central d’inspection.— J’arrive, Monsieur le préfet, à l’examen de l’une des dispositions les plus importantes du programme ; je veux parler de la salle centrale d’inspection. Cette salle est le pivot du système. Sans point central d’inspection, la surveillance cesse d'être assurée, continue et générale ; car il est impossible d’avoir une entière confiance dans l’activité, le zèle et l’intelligence du préposé qui surveille immédiatement les cellules. Il se pourrait même que le gardien, abandonné à lui-même et à peu près sûr que sa conduite échapperait à l’œil du préposé en chef, abusât de sa position pour violer les règles de la maison, pour favoriser certains détenus, et pour en tourmenter d’autres; il ne faut pas que ce danger soit possible. L’architecte doit donc porter toute son attention sur cet objet; il y a là à la fois une question de discipline intérieure cl d'économie. Plus la surveillance sera exacte et facile, moins il sera besoin de chercher dans la force des bâtiments des garanties contre les tentatives d'évasion et contre les communications des détenus entre eux. Or, la surveillance sera parfaite si, d’une salle centrale, le directeur ou le préposé en chef, sans changer de place, voit, sans être vu, non-seulement l’entrée de toutes les cellules, et même l’intérieur du plus grand nombre des cellules, quand la porte pleine est ouverte, mais encore les surveillants préposés à la garde des prisonniers et à tous les étages.
Cette condition d’un point central d’où puisse s’exercer une surveillance réelle est d’une exécution possible. Il vous suffira, Monsieur le préfet, de jeter les yeux sur l’atlas de plans que je vous transmets pour vous en convaincre. Ce n'était pas l’une des moindres difficultés du régime de l’emprisonnement individuel. D’ingénieuses combinaisons semblent l’avoir résolue à tel point, qu’avec la formule des prisons circulaires ou semi-circulaires, il paraîtrait même possible de voir, d’un centre unique, tous les prisonniers dans leurs cellules, et les gardiens dans les galeries de surveillance. Le régime de la vie commune ne présente encore aucun moyen d’obtenir une surveillance aussi exacte, aussi réelle.
12. — Exercice du culte. — Une autre difficulté surtout avait paru insurmontable. On objectait que le système de l’emprisonnement individuel était exclusif de l’exercice du culte, et cette objection était grave dans un pays où la religion catholique est professée par une immense majorité. Il fallait donc trouver un moyen de faire assister les prévenus à la messe et aux exercices des autres cultes, sans les faire sortir de leurs cellules. Vous verrez également, Monsieur le préfet, par l’examen des plans de l’atlas, que ce moyen a été trouvé, et qu’il est même possible de mettre l’officiant sous les yeux de tous les détenus, condition qui ne laisse place à aucune objection sous ce rapport. De plus, il ne serait pas vrai de dire que les pays catholiques ont tous et toujours repoussé le régime de la séparation continue : les faits prouvent le contraire. Il y a plus de cent ans, et à Rome même, une prison fut construite d’après ce système ; j’en donne le plan dans l’atlas. Il présente cette particularité, que les prisonniers, de leurs cellules , ne peuvent pas voir le prêtre à l’autel ; peut-être faut-il attribuer l’absence de cette disposition à ce que l’auteur du projet ne trouva pas le moyen de la remplir.
À Madrid, dans un autre pays essentiellement, exclusivement catholique, pour ainsi dire, il est construit, en ce moment même, une prison cellulaire de jour et de nuit. J’ai pensé que la publication du plan de cette prison ne serait pas non plus sans intérêt; mais, dans ce projet, que mon administration est loin de proposer comme une étude à consulter utilement pour la réforme de nos prisons départementales, s’il a été satisfait à la condition de faire rayonner les portes de toutes les cellules sur l’autel, c’est aux dépens de plusieurs dispositions essentielles sans lesquelles l’ordre et la discipline sont impossibles. L’exemple de la prison cellulaire de Rome prouve, au surplus, qu’il suffit, pour l’accomplissement des prescriptions du culte catholique, que les prisonniers puissent assister mentalement à l’office divin, et le programme n’exige pas davantage, quoique mon administration reconnaisse que la possibilité de voir le prêtre compléterait d’une manière heureuse les combinaisons relatives à l’exercice du culte dans les prisons.
Il ne vous échappera pas, Monsieur le préfet, que les dispositions architecturales qui rendent possible l’assistance des détenus aux offices divins se prêtent, avec la même facilité, aux instructions orales, et, de cette manière, se trouve encore résolue la difficulté de leur donner l’instruction religieuse et l’instruction élémentaire.
Telles sont, Monsieur le préfet, les explications dont il m’a paru utile d’accompagner l’envoi du programme et des plans de MM. A. Blouet, Harou-Romain et Horeau. Ces plans vous sont transmis non pas comme des modèles à suivre ou à adopter nécessairement, mais comme des documents de nature à prouver qu’il n’est aucun des avantages du régime de la vie commune, sous le rapport de la salubrité, de la surveillance et de l’exercice du culte, qui ne puisse être obtenu, quelquefois même d’une manière plus sûre et plus parfaite, dans le système de l’emprisonnement individuel. J’ai la confiance que cette publication marquera l'époque d’un nouveau progrès dans l'étude du régime des prisons ; car, si les faits accomplis dans les pays étrangers me sont bien connus, nulle part les difficultés que soulevait l’application du régime cellulaire continu aux prévenus et aux accusés, n’ont été surmontées d’une manière aussi complète que dans les plans dont j’ai ordonné la publication. Et, pour ne parler ici que de l’exercice du culte, aujourd’hui encore on se préoccupe vivement, en Angleterre, de la difficulté de faire assister les détenus au service divin, et on semble n’avoir trouvé d’autre moyen que celui de les réunir dans une chapelle à compartiments cellulaires. Cette difficulté à été résolue en France d’une manière plus heureuse et plus simple.
J’apprendrais avec plaisir, Monsieur le préfet, que les plans que je vous envoie vous eussent été de quelque utilité pour hâter la rédaction définitive des projets de reconstruction ou d’appropriation de vos prisons. Il vous appartient d’ailleurs, d’accord avec le conseil général, d’indiquer à l’architecte du département le système de construction qui vous aura semblé le plus propre à satisfaire aux conditions du programme. Je n’entends nullement donner la préférence à aucune des formules présentées par les auteurs de l’atlas, ni vous en recommander aucune, je le répète, d’une manière particulière. D’ailleurs, mon jugement sur chacune de ces formules pourrait être prématuré, tant qu’il n’aura pas été éclairé par l'étude qui en aura été faite dans les départements.
Il vous sera adressé deux exemplaires de la collection des plans, précédée du programme et de cette Instruction. L’un décès exemplaires devra être remis au conseil général de votre département.
Recevez, Monsieur le préfet, etc.
Le ministre secrétaire d'État au département de l’intérieur,
Signé, T. DUCHATEL.
PROGRAMME pour la construction des Prisons départementales cellulaires.
Nous, ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur,
Arrêtons le présent programme pour la construction des prisons départementales.
Art. 1er. — Murs d’enceinte et chemin de ronde. — La prison sera entourée d’un chemin de ronde formé, autant que possible, par deux murs d’enceinte entièrement isolés l’un de l’autre et du bâtiment principal de la prison. Les angles intérieurs décès murs devront toujours être arrondis.
Le mur extérieur sera le plus élevé ; il aura au moins cinq mètres d'élévation.
2. — Bâtiment d’administration. — Le bâtiment d’administration contiendra nécessairement le greffe et le logement du préposé en chef. Il contiendra en outre :
- Une cuisine avec les dépendances nécessaires;
- Un magasin ou pièce de décharge ;
- Une chambre de bains servant aussi de cabinet de désinfection des vêtements ;
- Une salle du conseil pour la commission de surveillance ;
- Un cabinet pour les affaires que le juge croirait devoir instruire à la prison
- Une chambre pour les avocats.
3. — Cellules. — Chaque cellule ordinaire doit satisfaire aux conditions suivantes :
- Dimension : Au moins quatre mètres de longueur, deux mètres vingt-cinq centimètres de largeur, trois mètres de hauteur;
- Cloisons empêchant de s’entendre de l’une à l’autre, si ce n’est en parlant à voix haute ;
- Fenêtre à une certaine hauteur du sol, avec une disposition qui, sans intercepter le jour ni l’air, empêche le prisonnier de regarder par cette fenêtre, soit dans l’intérieur, soit au dehors de la prison ;
- Moyen de renouveler incessamment l’air de la cellule, sans ouvrir la porte ni la fenêtre, et sans faciliter les communications d’une cellule à l’autre;
- Moyen, pour le prisonnier d’avertir le gardien, la nuit comme le jour, qu’il a besoin que l’on vienne à sa cellule ;
- Moyen, pour le prisonnier, de satisfaire à ses besoins naturels, sans sortir de la cellule, et sans qu’il en résulte de mauvaise odeur ;
- Moyen de communiquer avec le prisonnier, et de lui remettre ses vivres et autres objets de petit volume, sans être obligé d’ouvrir la porte ;
- Moyen, pour le gardien, de voir dans la cellule, sans que le prisonnier s’en aperçoive;
- Moyen de faire assister les prisonniers, de leurs cellules mêmes, à la célébration du service religieux, étant expliquée» ce qui concerne le culte catholique, qu’il n’est pas indispensable que les prisonniers voient le prêtre, et qu’il suffit qu’ils soient mis à même de suivre la messe;
- Chauffage des cellules à un degré suffisant pour que le prisonnier ne souffre pas du froid.
4. — Cellules d’infirmerie et autres. — II y aura quelques cellules un peu plus spacieuses pour les besoins de l’infirmerie et autres besoins.
On établira une tisanerie, s’il y a lieu.
Il y aura un certain nombre de cellules de punition. Ces cellules, qui doivent être plus fortes que les autres et que l’on doit pouvoir rendre obscures à volonté, seront, autant que possible, placées et disposées de manière que les détenus n’y puissent se faire entendre des autres prisonniers.
Les cellules établies dans les diverses conditions ci-dessus indiquées suffiront pour la mise au secret ordonnée par le juge d’instruction.
5. — Cellules d’attente. —Dans les prisons où les arrivées simultanées des prisonniers sont fréquentes, il sera nécessaire d'établir, suivant les besoins et à la proximité du greffe, un certain nombre de cellules d’attente, de moindre dimension que les cellules d’habitation, et où les arrivants pourront être déposés jusqu'à ce qu’ils aient été écroués.
Il n’y aura dans ces cellules qu’un simple blanc.
6. — Cellules de passage. — Dans les prisons où il y a fréquemment des prisonniers de passage en assez grand nombre pour nécessiter des cellules spéciales, il sera pourvu à ce besoin. Ces cellules pourront être d’une plus petite dimension que les cellules ordinaires.
7. — Parloir cellulaire. — Dans les prisons où un parloir serait nécessaire, parce que le greffe ne pourrait en tenir lieu, pour les communications non autorisées en cellules, ce parloir devra être approprié au principe de l’emprisonnement individuel, et disposé de telle sorte que l’administration puisse, au besoin, séparer les visiteurs des détenus visités.
8. — Éclairage. —La prison devra être éclairée, à l’intérieur et à l’extérieur, suivant les besoins du service de la surveillance,
9. — Distribution de l’eau. — II sera pourvu aux moyens d’approvisionner la prison de la quantité d’eau nécessaire pour les divers services.
10. — Promenoirs individuels. — La disposition générale de la prison devra permettre défaire promener, à l’air libre, individuellement et sous l'œil d’une surveillance, autant que possible constante et simultanée, les détenus qui en auront obtenu exceptionnellement la permission, conformément aux règlements.
11. — Salle d’inspection. — La disposition des bâtiments doit être telle qu’elle permette au préposé en chef de surveiller, d’un point unique, et sans être aperçu des gardiens, les différentes parties de la prison.
12. — Culte. — Le projet pourvoira aux moyens de célébrer le service religieux d’après les conditions indiquées en l’article 3, relatif aux cellules.
13. — Séparation des sexes. — Les cellules affectées aux hommes seront séparées de celles qui seront destinées aux femmes, de telle sorte qu’il ne puisse y avoir aucune espèce de communication entre les deux sexes.
Autant que possible, on évitera que les cellules des hommes et celles des femmes soient superposées.
14. — Dispositions générales. — Les dispositions du présent programme ne sont applicables, d’une manière absolue, qu’aux prisons départementales de quelque importance. Mais, dans toutes, il devra être rigoureusement satisfait aux conditions de ce programme qui concernent la séparation individuelle de jour et de nuit, le service religieux, la sûreté, la salubrité et la surveillance.
Les projets d’appropriation des prisons départementales actuelles au régime de l’emprisonnement individuel devront également satisfaire, autant que possible, aux conditions du présent programme.
L’architecte doit s’abstenir entièrement de tout ce qui n’est qu’ornement architectural. Il doit pareillement songer que ce n’est pas un monument d’art qu’il édifie. Il doit encore ne pas perdre de vue que la bonne disposition des bâtiments et le point central de surveillance permettent de ne plus étaler ce luxe de grilles, de verrous, de portes, de murs énormes qui constituaient les anciennes prisons. Il doit enfin bâtir, non-seulement pour le présent, mais aussi pour l’avenir, et établir, en conséquence, ses fondations et sa maçonnerie de manière à pouvoir, au besoin , surexhausser la prison d’un étage, sans nuire à sa solidité.
En tout cas, l’architecte devra disposer tout ou partie des combles de la prison de telle sorte qu’en cas d’urgence ou d’excédant accidentel de la population, on puisse immédiatement y trouver des dortoirs ou salles communes, suivant les besoins.
Paris, le 9 août 1841.
Signé T. DUCHATEL.