Etablissement d’un service social pénitentiaire.
L’Administration pénitentiaire a élaboré un plan de réforme basé notamment sur le principe suivant : « la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement ou le reclassement social du condamné ».
Ceci exige que le condamné ne se sente pas un réprouvé que la société ignore et rejette de son sein, mais un « puni » qui reste cependant un objet de préoccupation pour la société et doit se préparer à y reprendre sa place.
D’autre part, il importe que la famille du condamné ne soit pas injustement abandonnée au sort qui lui est fait par la faute d’un de ses membres.
Pour atteindre ce but un certain nombre de mesure sont en voie de réalisation, parmi lesquelles figure l’organisation d’un service social dans chaque établissement pénitentiaire.
Ce service social doit être le lien fraternel entre le condamné et la société, le condamné et sa famille, en même temps qu’un instrument actif du relèvement du détenu et de son reclassement à la libération.
Il sera confié à des assistantes sociales en majeure partie fonctionnaires de l’Etat.
Je précise que ces assistantes ne sont pas destinées à remplacer les délégués des œuvres privées qui s’occupent des détenus (visiteurs des prisons notamment), mais à travailler en liaison avec eux. En ce domaine, l’initiative privée doit subsister. Elle sera seulement renforcée et coordonnée par l’action de l’Etat qui suscitera au contraire les dévouements bénévoles.
L’organisation du service social est prévue de la façon suivante :
- Une assistante sociale, inspectrice générale à l’administration centrale
- Une assistante sociale, inspectrice régionale à chaque direction régionale
- Une assistante sociale dans chaque établissement.
Le service social ne pourra cependnat être assuré suivant cette organisation tant que les crédits demandés à cet effet ne m’auront pas été accordés, mais j’ai toutes raisons de croire que ce sera dans un avenir très proche.
D’ores et déjà, grâce au précieux concours que m’ont apporté l’Entr’Aide française et la Croix-Rouge, je suis en mesure de faire fonctionner à l'échelon local un service social qui conservera sa place dans l’organisation générale prévue et je vous communique ci-après les termes de l’accord intervenu à cet effet avec ces organismes :
- 1° Pour les prisons dont la population est au moins égale à cinq cents détenus, l’administration pénitentiaire recrutera elle-même ses assistantes sociales. L’Entr’Aide française grâce à ses assistantes spécialisées, en assurera la formation, soit sur place, soit à Paris à la maison d’arrêt de la Santé. En cas de difficultés de recrutement et à titre transitoire, l’Entr’Aide française et la Croix-Rouge pourront mettre à la disposition de l’administration pénitentiaire une assistante sociale dans les conditions prévues ci-dessous pour les prisons de moindre importance.
- 2° Pour toutes les autres prisons, le service social sera du ressort de l’Entr’Aide française et à cet effet ses assistantes seront accréditées. Toutefois, dans les villes où l’assistante de l’Entr’Aide française ne pourra assumer cette tâche, elle pourra être remplacée, soit par une assistante sociale de la Croix-Rouge, soit par l’infirmière de la Croix-Rouge en fonction dans la prison.
- 3° Les services compétentes de l’Entr’Aide française (Direction des camps d’internés, prisons, aide aux familles d’internés civils) et de la Croix-Rouge (Direction des camps d’internement et des prisons) après accord, présenteront à l’agrément de l’administration pénitentiaire, les soins des assistantes sociales qui seront toutes diplômées d’Etat (diplôme hospitalier, diplôme social).
- 4° Ces assistantes recevront une carte de service d’un modèle analogue à celui des cartes des visiteurs de prisons. Cette pièce leur permettra d’avoir libre accès dans les établissements pénitentiaires.
- 5° Le rôle des assistantes sociales est ainsi défini :
* Surveillance de l’hygiène de la prison (cellules, dortoirs, ateliers...) en liaison avec l’infirmière de la Croix-Rouge
* Création et simplification du service de la bibliothèque en liaison avec le service compétent de la Croix-Rouge
* Travail social auprès des détenus comportant :
a) de fréquentes prises de contact avec les prisonniers,
b) la mise au jour des fiches biographiques,
c) l’aide aux familles nécessiteuses
d) la liaison avec l’aumônier, les visiteurs des prisons et les œuvres diverses s’occupant du détenu, en vue du placement des libérés
e) l’aide matérielle à l'époque de la libération et le patronage post-pénal,
f) la recherche des renseignements devant figurer dans les dossiers de libération conditionnelle.
- 6° La fréquence des visites et leur durée seront fixées d’un commun accord avec le directeur ou le surveillant-chef. Cependant les assistantes sociales ne seront responsables que devant le directeur régional de l’administration pénitentiaire à qui elles devront périodiquement rendre compte de leur mission.
- 7° Les dispositions du présent accord feront l’objet d’une circulaire que l’administration pénitentiaire fera parvenir à ses directeurs régionaux, aux préfets et à tous les directeurs et surveillants-chefs des prisons. De leur côté, les services de l’Entr’Aide française et de la Croix-Rouge, en assureront la diffusion dans leurs délégations départementales.
Vous remarquerez que les assistantes sociales ne sont subordonnées qu'à vous. Ceci a pour but de leur assurer une certaine indépendance locale, mais dans la limite très stricte de leurs attributions. En cas d’incident entre elles et notre personnel, il vous appartiendra d’intervenir.
Vous voudrez bien porter les termes de la présente circulaire à la connaissance des directeurs et surveillants-chefs placés sous votre autorité.
Je compte fermement sur tout le personnel pénitentiaire pour faciliter la lourde tâche incombant aux assistantes sociales. Je suis certain que celles-ci apporteront elles-mêmes à notre administration un concours tout dévoué. Je ne veux pour preuve de leur excellent esprit de collaboration à l'œuvre entreprise, que l’empressement avec lequel elles ont accepté de créer un service social en faveur du personnel pénitentiaire dont le sort, vous le savez, ne cesse de me préoccuper.
Le Directeur de l’Administration pénitentiaire et des Services de l’Education surveillée.
Paul AMOR