Art. 1er. La peine des travaux forcés sera subie, à l’avenir, dans des établissements créés par décrets de l’empereur, sur le territoire d’une ou de plusieurs possessions françaises autres que l’Algérie. Néanmoins, en cas d’empêchement à la translation des condamnés, et jusqu’à ce que cet empêchement ait cessé, la peine sera subie provisoirement en France.
Art. 2. Les condamnés seront employés aux travaux les plus pénibles de la colonisation et à tous autres travaux d’utilité publique.
Art. 3. Ils pourront être enchaînés deux à deux et assujettis à traîner le boulet à titre de punition disciplinaire ou par mesure de sûreté.
Art. 4. Les femmes condamnées aux travaux forcés pourront être conduites dans un des établissements créés aux colonies ; elles seront séparées des hommes et employées à des travaux en rapport avec leur âge et avec leur sexe.
Art. 5. Les peines des travaux forcés à perpétuité et des travaux forcés à temps ne seront prononcées contre aucun individu âgé de soixante ans accomplis au moment du jugement ; elles seront remplacées par celle de la réclusion, soit à perpétuité, soit à temps, selon la durée de la peine qu’elle remplacera. L’art. 72 du Code pénal est abrogé.
Art. 6. Tout individu condamné à moins de huit années de travaux forcés sera tenu, à l’expiration de sa peine, de résider dans la colonie pendant un temps égal à la durée de sa condamnation. Si la peine est de huit années, il sera tenu d’y résider pendant toute sa vie. Toutefois, le libéré pourra quitter momentanément la colonie en vertu d’une autorisation expresse du gouverneur. Il ne pourra, en aucun cas, être autorisé à se rendre en France. En cas de grâce, le libéré ne pourra être dispensé de l’obligation de la résidence que par une disposition spéciale des lettres de grâce.
Art. 7. Tout condamné à temps qui, à dater de son embarquement, se sera rendu coupable d’évasion, sera puni de deux ans à cinq ans de travaux forcés. Cette peine ne se confondra pas avec celle antérieurement prononcée. La peine pour les condamnés à perpétuité sera l’application à la double chaîne pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.
Art. 8. Tout libéré coupable d’avoir, contrairement à l’art. 6 de la présente loi, quitté la colonie sans autorisation, ou d’avoir dépassé le délai fixé par l’autorisation, sera puni de la peine d’un an à trois ans de travaux forcés.
Art. 9. La reconnaissance de l’identité de l’individu évadé, ou en état d’infraction aux dispositions de l’art. 6, sera faite soit par le tribunal désigné dans l’article suivant, soit par la cour qui aura prononcé la condamnation.
Art. 10. Les infractions prévues par les art. 7 et 8, et tous crimes ou délits commis par les condamnés, seront jugés par un tribunal maritime spécial établi dans la colonie. Jusqu’à l’établissement de ce tribunal, le jugement appartiendra au premier conseil de guerre de la colonie, auquel seront adjoints deux officiers du commissariat de la marine. Les lois concernant les crimes et délits commis par les forçats, et les peines qui leur sont applicables, continueront à être exécutées.
Art. 11. Les condamnés des deux sexes qui se seront rendus dignes d’indulgence par leur bonne conduite, leur travail et leur repentir, pourront obtenir, 1° L’autorisation de travailler aux conditions déterminées par l’administration, soit pour les habitants de la colonie, soit pour les administrations locales ; 2° une concession de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte. Cette concession ne pourra devenir définitive qu’après la libération du condamné.
Art. 12. Le gouvernement pourra accorder aux condamnés aux travaux forcés à temps l’exercice, dans la colonie, des droits civils, ou de quelques uns de ces droits, dont ils sont privés par leur état d’interdiction légale. Il pourra autoriser ces condamnés à jouir ou disposer de tout ou partie de leurs biens. Les actes faits par les condamnés dans la colonie, jusqu’à leur libération, ne pourront engager les biens qu’ils possédaient au jour de leur condamnation, ou ceux qui leur seront échus par succession, donation ou testament, à l’exception des biens dont la remise aura été autorisée. Le gouvernement pourra accorder aux libérés l’exercice, dans la colonie, des droits dont ils sont privés par les troisième et quatrième paragraphes de l’art. 34 du Code pénal.
Art. 13. Des concessions provisoires ou définitives de terrains pourront être faites aux individus qui ont subi leur peine et qui restent dans la colonie.
Art. 14. Un règlement d’administration publique déterminera ce qui concerne l’exécution de la présente loi, et notamment, 1° le régime disciplinaire des établissements des travaux forcés ; 2° les conditions sous lesquelles des concessions de terrains, provisoires ou définitives, pourront être faites aux condamnés ou libérés, eu égard à la durée de la peine prononcée contre eux, à leur bonne conduite, à leur travail et à leur repentir ; 3° l’étendue du droit des tiers, de l’époux survivant et des héritiers du concessionnaire sur les terrains concédés.
Art. 15. Les dispositions de la présente loi, à l’exception de celles prescrites par les art. 6 et 8, sont applicables aux condamnations antérieurement prononcées et aux crimes antérieurement commis.