Défrichage de la végétation du pénitencier (1993)
Source : Eastern State Penitentiary
Eastern State : des ruines jusqu'au site historique
Aujourd'hui, le pénitencier d'Eastern State se présente comme un complexe certes abîmé mais préservé, qui fait l'objet de plusieurs projets de restauration dûment choisis. Cette approche de conservation historique est régulièrement saluée pour son caractère innovant et ambitieux mais elle s'est révélée extrêmement coûteuse dans la mesure où il fallait rouvrir au public un site abandonné sans chercher à en tirer de quelconques bénéfices.
Malgré cette impression qu'une prison en pierre aussi imposante est indestructible, il s'avère que les forces de la nature n'ont pas épargné Eastern State, au point de la réduire à l'état de ruine. Alors que le site n'était plus occupé, des vandales y ont saccagé plus de 1100 puits de lumière, aggravant le délabrement de l'ensemble du fait de toits qui fuyaient, de gouttières bouchées, de tuyaux en mauvais état et d'une végétation envahissante. En 1998, un rapport sur l'état des bâtiments avait conclu à leur insalubrité.
Dix ans plus tôt, quand la ville était revenue sur son projet de vendre les lieux, suivant en cela le Comité de pilotage du pénitencier, elle avait alors indiqué sa préférence pour un temps de réflexion plus long qui lui permettrait d'étudier le meilleur usage possible du site.1 La municipalité avait également donné son accord pour que soient prises les premières mesures de conservation du bâti, de même qu'elle avait accordé à la Société de la prison de Pennsylvanie de mettre sur pied un programme test de visites. C'est donc un double effort qui se concrétisait là : préserver le site et l'ouvrir au public.
Alors que cette démarche était déjà en cours, le Fonds mondial des monuments inclut Eastern State à deux reprises dans sa « Liste des endroits les plus menacés » (en 1996, puis encore en 2000), soulignant la difficulté à ses yeux de vouloir protéger le site tout en permettant au public d'y accéder. Il est à noter que seul six autres lieux situés aux États-Unis étaient mentionnés dans la liste publiée en 2000.
La stabilisation du site fut prise en main quand la municipalité le débarrassa de toute végétation en 1993. Des visites saisonnières furent organisées dès 1994 mis les visiteurs devaient porter des casques de chantier et un certain nombre de panneaux indiquaient les endroits dangereux à éviter. Entre 1995 et 1997, la municipalité participa également à la reconstruction de trois toitures, en commençant par les premiers bâtiments conçus par Haviland – le bâtiment de l'administration, le bloc 1 et le passage 1 qui le reliait à l'observatoire, que l'on appelle désormais le Centre.
1 Le processus fut subventionné par le Pew Charitable Trust, la Getty Foundation et le Commonwealth of Pennsylvania’s Museum Project Grant.
Restauration de la toiture du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Le projet de toiture du passage 1 permit de mettre en route l'opération de conservation des bâtiment d'origine, qui a été reprise ensuite par chaque projet – où il s'agissait donc de conserver ou de réparer des structures historiques et de tout faire pour retrouver leur état premier. Le toit du passage 1 avait perdu certains morceaux de la charpente métallique située au-dessus du couloir si bien que des éléments de sa structure avaient été abîmés et que le plâtre de cette zone là était en très mauvais état. Tout fut mis en oeuvre pour respecter l'intégrité de chaque élément restauré, la nature des matériaux remplacés et les bâtiments d'origine. Une nouvelle structure en métal prévue pour durer 75 ans fut installée pour remplacer la toiture défectueuse tandis qu'on décidait de laisser à nu la charpente en bois afin de permettre aux visiteurs de voir la nature du travail de restauration effectué. Quant au plâtre, soit on avait pu le réutiliser sur les pierres d'origine, soit on l'avait posé sous forme de plaques vissées dans la structure d'origine.
Restauration de la toiture du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Dans les quelques années qui suivirent, le Département des autorisations et inspections de la ville travailla avec Eastern State à la réalisation d'un Certificat d'occupation qui permettait de décréter que les espaces ouverts au public étaient conformes aux normes de sécurité.
Au printemps de l'année 2000, un projet de toiture chiffré à 1 million de dollars permit de restaurer les toits en métal galvanisé peint qui couvraient le Centre et les divers passages menant aux autres bâtiments cellulaires conçus par Haviland.1 Cela permit d'assurer un accès en toute sécurité aux autres bâtiments de la structure radiale, dans la perspective d'étendre les visites au reste du pénitencier.
1 Le projet “Terreur derrières les murs” (Terror Behind the Wall, TBTW) bénéficia des subventions suivantes : en 2000, un versement de 500 000 dollars de la part de la société des services des parcs nationaux pour la défense des grand trésors américains, un autre de 355 000 dollars de la municipalité et un dernier de 55 000 dollars du leveur de fonds d'Eastern State.
Restauration de la toiture du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Sous les toits malgré tout, le délabrement de certains puits de lumière qui éclairaient les couloirs ainsi que le plâtre qui se décrochait des murs empêchaient d'accéder à plusieurs des bâtiments Cassidy. Une fois ce plâtre retiré, et afin de stabiliser l'ensemble, il fallut imaginer des structures innovantes pour consolider les puits de lumière et poser tout un système de filets suspendus aux plafonds pour empêcher le plâtre de tomber par terre. Cela permit d'ouvrir une nouvelle saison en 2003, sans casques de chantier, avec un accès à de nouveaux lieux et la possibilité d'une visite en audio-guide proposée par l'acteur Steve Buscemi.
Restauration de la toiture du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Le nombre de visites annuelles commença à progresser, passant de 11 000 visiteurs la première année d'ouverture à près de 100 000 en 2008. À l'automne de cette même année, le projet « Terreur derrière les murs » (Terror Behind the Wall, TBTW) imaginé pour lever des fonds connut un énorme succès populaire et financier. Il fallait de nouveau songer à des améliorations importantes du site et, dès 2008, plusieurs énormes chantiers furent démarrés. Le personnel vint s'installer sur le site dans une zone qui venait d'être réhabilitée car les deux bureaux qu'ils occupaient jusque là sur le trottoir d'en face étaient devenus trop petits.1 On lança également les travaux de réfection des toitures des blocs 2 à 4, 7 à 11, et 15, lesquels furent achevés en 2013.2
1 Ce projet d'un montant de 1 million de dollars fut intégralement financé par TBTW.
2 Les subventions pour ce projet qui s'élevait à 6 millions de dollards provinrent essentiellement du Programme d'aide à la réhabilitation du Commonwealth (Commonwealth’s Redevelopment Capital Assistance Program, RACP) de la bourse Keystone, ainsi que de la bourse des Couloirs culturels de la ville (City’s Cultural Corridors), de la société de mécénat Pew (Pew Charitable Trust) et de TBTW.
Toiture restaurée du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
De 2015 à 2016, un dernier projet de réfection de toitures viendra parachever les travaux de conservation des toits. Jusque là, ce genre de travaux avait concerné l'installation de toits d'une durée de vie de 25 ans pour le bâtiment de l'administration et les blocs 1, 9, 10 et 11. Des toits en métal galvanisé peint et garantis 75 ans furent donc installés pour le Centre, les passages d'un bâtiment à l'autre, le bâtiment cellulaire 9 et le bureau de l'aumônier catholique. Après avoir été conçus avec une toiture d'ardoise de Pennsylvanie d'assez mauvaise qualité, les bâtiments Haviland sont désormais couverts en ardoise DeVinci, un matériau de bardeau composite qui a une durée de vie de 50 ans et qui ressemble au toit d'ardoise grise posé au moment de la construction d'Eastern State. S'agissant des bâtiments qui ne peuvent encore recevoir du public, des efforts de conservation ont été faits pour les toits et les fenêtres. En 2005, la technique d'emballage sous vide de matériaux industriels Tuff-Wrap a été utilisée pour les toitures des blocs 5 et 6 et, deux ans plus tard, c'est le bâtiment industriel et les cuisines qui en ont bénéficié.1 Procédé peu conventionnel pour ce type d'intervention, il a largement contribué à sauver ces bâtiments d'une perte irréparable.
1 Les soutiens financiers pour ce projet ont été apportés par Annual Appeals, la municipalité, the Conseil du Commonwealth et TBTW.
Cellule d'Al Capone restaurée
Source : Eastern State Penitentiary
Eastern State : un bâtiment abîmé faisant l'objet de restaurations ciblées
Au fur et à mesure que le nombre de visiteurs augmentait, le personnel du site se mit en quête de groupe de visiteurs et de membres de la Société auprès desquels fut lancé chaque année un appel aux dons. Le temps passant, une base solide de donateurs s'est ainsi constituée, permettant la restauration de lieux qui venaient compléter la présentation de la vie quotidienne à Eastern State du temps où c'était une prison. Ces projets comprenaient la restauration de la cellule d'isolement de 1830, d'une cour d'exercice des années 1830, de la serre de 1926 et de la salle d'opération du bâtiment 3, dit « bâtiment hôpital ». Les deux projets phares concernaient toutefois la synagogue et l'aumônerie catholique.1
1 Ces projets furent d'abord financés grâce à des donations privées, le Pew Charitable Trusts et TBTW.
Synagogue du pénitencier avant sa restauration
Source : Eastern State Penitentiary
Restauration de la synagogue
Construite sur l'ancienne rangée des cours de promenade du bloc 7, la synagogue fut fréquentée par les détenus juifs d'Eastern State du début du XXème siècle jusqu'à la fermeture de la prison en 1970.
Des recherches ont permis de révéler l'histoire passionnante de cette synagogue.1 Bien qu'il n'y ait jamais eu plus de 80 détenus juifs en même temps à Eastern State, ceux-ci ont toujours été pris en charge par des bénévoles issus de la communauté juive. On a retrouvé la trace, dans des dossiers datant de 1845, de visites de rabbins locaux qui venaient prodiguer conseils et ouvrages religieux aux prisonniers. Puis, dans les années 1920, quand le système d'isolement a été abandonné, la synagogue fut construite pour permettre aux détenus juifs de se rassembler, d'observer le Sabbat et diverses autres fêtes. Des organisations telles que B’nai B’rith ont contribué à subventionner plusieurs phases de cette construction mais elles ont aussi fait en sorte de veiller à ce que toutes les fêtes soient respectées. On peut constater les bienfaits de ces œuvres de charité sur les prisonniers dans leurs lettres, où ils évoquent combien ils appréciaient ces démarches et à quel point ils étaient prêts à consacrer leur temps et leurs économies pour entretenir et remettre en état la synagogue.
1 Laura A. Mass, The Synagogue at Eastern State Penitentiary: History and Interpretation, Mémoire de Master, Université de Pennsylvanie, 2004.
Fouilles archéologiques de la synagogue du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Cependant, après de nombreuses années sans entretien aucun, la synagogue était en piteux état : les murs étaient très délabrés et d'énormes morceaux du décor du plafond s'étaient détachés. Mais il demeurait des signes manifestes de ce que cet édifice avait été une synagogue : on voyait encore des étoiles de David au niveau de l'entrée, il y avait une table de lecture au centre de la salle et une arche sainte en bois très bien conservée venait décorer le mur est du bâtiment.
Synagogue du pénitencier restaurée
Source : Eastern State Penitentiary
Les travaux préliminaires de restauration ont débuté avec la récupération et le tri des diverses couches de débris qui jonchaient le sol : on fit ainsi plusieurs découvertes intéressantes, dont plusieurs partitions de chants d'Hannouca enfouies sous 15 cm de gravats. Des échantillons de plâtre, de mortier et de peinture retrouvés là permirent aussi de savoir à quoi ressemblait la synagogue à différents moments de son utilisation. Enfin, on réalisa aussi des analyses et divers traitements furent pratiqués sur les bancs en bois et l'arche sainte.
Synagogue du pénitencier restaurée
Source : Eastern State Penitentiary
La question de savoir quelle serait la meilleure méthode de restauration à adopter fut soumise à un groupe d'experts et la synagogue a ainsi pu être totalement remise en état.1 En 2008 et 2009, on restaura les murs extérieurs, qui en avaient un besoin urgent, ainsi que le toit et les puits de lumière, et on choisit de restaurer certaines parties de la maçonnerie, certains décors et certains meubles. Cela permit, au printemps 2009, de rouvrir les portes de ce lieu, qui reçut un prix de la meilleure restauration historique, et d'y installer une exposition sur la vie de la communauté juive.
1 Ce groupe était constitué de membres du conseil du pénitencier, de donateurs, de conservateurs travaillant en architecture, de spécialistes des monuments historiques, d'interprètes et d'historiens ; ils aboutirent à un consensus à la suite de recherches historiques fiables croisées avec les analyses effctuées sur l'ensemble du bâtiment.
Synagogue du pénitencier restaurée
Source : Eastern State Penitentiary
Aumônerie catholique du pénitencier avant restauration
Source : Eastern State Penitentiary
L'aumônerie catholique
Quand ce petit bâtiment fut construit dans les années 1880, il était destiné à l'aumônier de l'époque, Michael Cassidy. À sa mort, il fut transformé pour accueillir les autres aumôniers de la prison.
Travaux de restauration de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Cette aumônerie de deux pièces recèle le témoignage unique de la foi d'un prisonnier qui y avait réalisé 23 peintures murales. C'est assez tard, en 1955, que Lester Smith avait peint ses fresques en y apposant la signature « Paul Martin » en l'honneur de ses deux saints préférés, St. Martin DePorres et St. Paul. Lester Smith était un artiste autodidacte qui s'était converti au catholicisme en prison, avant son transfert à Eastern State. Quand le Père Edwin Gallagher, qui fut aumônier catholique au pénitencier de 1952 à 1958, découvrit que Smith peignait, il lui proposa de décorer les salles où il recevait les détenus pour converser avec eux. Smith peignit presque tous les jours pendant ses sept années d'incarcération, laissant derrière lui des images magnifiques et émouvantes destinées à inspirer ceux qui les regardaient. La fresque la plus frappante, qui est aussi la plus personnelle, représente un prisonnier à genoux alors qu'il attend de recevoir l'absolution au moment de la confession.
Fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Dans les années 1990, quand démarra le programme des visites, les fresques étaient dans un état de délabrement avancé du fait qu'elles avaient été réalisées sur un enduit qui se détachait du plâtre qui se trouvait en dessous. En 1995, des fonds permirent d'embaucher un restaurateur de tableaux afin qu'il stoppe la détérioration des fresques à l'aide d'un revêtement à base de cire et de papiers de soie en attendant que la restauration proprement dite puisse démarrer.
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Au vu de la réussite de la restauration de la synagogue, le projet de réhabilitation de l'aumônerie fut mis en route. Un rapport fut commandité afin de lancer une étude historique et une analyse détaillée des fresques et du bâtiment abîmé, et de proposer divers traitements de préservation de la structure, ainsi que des éléments de finition des fresques et de l'intérieur.
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Les travaux commencèrent en 2012, avec la restauration de la structure extérieure, qui comprenait la pose d'un nouveau toit en métal peint, d'une nouvelle installation électrique et d'une climatisation automatique. Concernant l'intérieur, c'est l'état des fresques qui fit trancher en faveur du choix de la préservation et de la stabilisation du bâtiment tel qu'il était. On fit en sorte de pouvoir conserver la conception intérieure au stade où elle en était. En juin 2013, un travail d'un an s'engagea, mobilisant toute une équipe de restaurateurs de tableaux qui s'employèrent à préserver la peinture qui s'écaillait, à retirer le revêtement de protection, à éliminer les traces de colle et de crasse ainsi qu'à reprendre certaines surfaces où il n'y avait plus du tout de peinture.
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
L'aumônerie ouvrit de nouveau ses portes à la fin de l'été 2014. Ces impressionnantes fresques constituent le témoignage de la vie d'un détenu qui fit l'expérience d'une transformation profonde lors de son séjour en prison ; elles viennent aussi compléter le projet de restauration de la synagogue et étayer les débats sur la vie spirituelle dans l'enceinte d'Eastern State – sujet crucial pour les hommes et les femmes qui ont vécu entre ces murs et sujet déroutant pour les visiteurs contemporains.
Fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Restauration des fresques de l'aumônerie catholique du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary
Cellule du pénitencier restaurée et reconstituée
Source : Eastern State Penitentiary
Galerie cellulaire du pénitencier
Source : Eastern State Penitentiary