Loi n° 683 relative à l’enfance délinquante.
RAPPORT au Maréchal de France, chef de l’Etat français.
Vichy, le 27 juillet 1942.
Monsieur le Maréchal,
Faire de la jeunesse française « une jeunesse forte, saine de corps et d’esprit, préparée aux tâches qui élèveront les âmes » est, suivant vos paroles, un des buts principaux de la révolution nationale.
C’est parce que la France a mis dans la jeunesse ses espoirs de redressement que la protection et l'éducation des jeunes est au premier plan de vos préoccupations. Mais il est des enfants et des adolescents, parmi les plus malheureux, qui doivent, à leur tour, éprouver votre sollicitude : ce sont les mineurs délinquants.
Le problème de la criminalité juvénile ne s’est posé en France que dans la second moitié du dix-neuvième siècle. Si les rédacteurs du code pénal l’ont à peine entrevu, c’est qu’en 1810, le nombre des enfants délinquants était négligeable. Mais, au cours du dix-neuvième siècle, es transformations sociales, nées du développement de l’industrie et de la grande entreprise, ont eu pour conséquence, spécialement dans les centres urbains, une augmentation constante du nombre des mineurs délinquants.
Le sort des jeunes détenus auxquels l’administration pénitentiaire appliquait un régime essentiellement répressif a fini par émouvoir l’opinion. En même temps, les progrès de la médecine et de la criminologie ont tendu à faire substituer progressivement à la notion de correction celles de protection, d’amendement, d'éducation. Cette évolution des idées et des mœurs s’est traduite, dans la législation, par trois textes principaux. Une première loi, du 5 août 1850, créé des établissements spéciaux et prévoit des méthodes éducative pour le redressement des mineurs délinquants ; la loi du 12 avril 1906 élève l'âge de la majorité pénale de seize à dix-huit ans ; enfin la loi du 22 juillet 1912 institue les tribunaux pour enfants et adolescents et fixe les dispositions qui régissent actuellement l’enfance délinquante : irresponsabilité du mineur, présumée et absolue jusqu'à l'âge de treize ans, établie par le non discernement, depuis treize ans jusqu'à dix-huit ans ; révisibilité des décisions prises à l'égard de l’enfant ; organisation d’une procédure spéciale.
Le législateur de 1912 a tenté, par la construction d’un système compliqué, nuancé, subtil, d'établir un compromis entre les principes traditionnels du droit pénal et les nouvelles conceptions visant le relèvement des mineurs. L’expérience a montré qu’il n’a pas réussi dans son entreprise. En fait, les magistrats on t dû corriger les effets de la loi par une application extensive de la notion de discernement. D’autre part, la spécialisation des juges n’a été réalisé que dans de très grandes villes. Enfin, l’organisation des établissements et des méthodes de redressement, malgré les efforts de ces dernières années, est encore imparfaite.
Aussi bien, tous ceux qui se sont penchés sur le douloureux problème de la délinquance juvénile s’accordent-ils pour souhaiter une refonte de la loi de 1912. Mais, tandis que plusieurs pays étrangers ont été dotés de législation qui tiennent compte des données les plus récentes de la médecine et de la pédagogie, en France, aucun projet n’avait pu aboutir.
C’est donc une réforme attendue que nous vous soumettons ; c’est une réforme complète qui porte à la fois sur la législation pénale, la procédure et l’administration.
Le projet de loi modifie profondément la législation pénale de l’enfance : il accentue son autonomie ; il lui apporte des simplifications notables.
Abandonnant résolument la conception corrective du code pénal, il déclare que les mineurs de dix-huit ans ne sont, en principe, l’objet que d’une mesure de protection et de redressement. Toutefois, les mineurs âgés de seize à dix-huit ans, auteurs d’un crime ou d’un délit, et les mineurs de seize ans, en cas de crime seulement, peuvent être l’objet d’une mesure répressive. Mais il faut observer que la peine prononcée contre un mineur de seize ans sera subie, au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans, dans une colonie corrective.
Ces dispositions concilient la protection des mineurs et la sauvegarde de l’ordre public.
Les tribunaux ont fait de la notion de discernement un usage prétorien : pour appliquer au plus grand nombre de mineurs délinquants des mesures éducatives, ils les ont déclarés irresponsables. C’est ainsi que, pendant la période de 1930 à 1935, 70 p. 100 d’entre eux ont été acquittés comme ayant agi sans discernement. La question du discernement paraît donc inutile : la loi sera en harmonie avec les réalités.
La procédure de la loi de 1912 est lente et incomplète. Le projet institue une procédure plus souple qui, tout en hâtant le jugement de la plupart des affaires, doit permettre d'étudier sérieusement le jeune délinquant avant de statuer. Elle comprend deux phases distinctes. La première aboutit à la comparution du mineur devant la chambre du conseil du tribunal civil. Celle-ci peut décider, soit la remise de l’enfant à ses parent sou à la personne qui en avait la garde, soit son renvoi devant un tribunal spécialisé. Une fois ce tribunal saisi, commence la deuxième phase de procédure, au cours de laquelle le mineur est placé en observation dans un établissement approprié.
La création de tribunaux spécialisés et de centres d’observation est une des innovations capitales du projet.
Les tribunaux pour enfants et adolescents connaîtront les affaires qui leur seront renvoyés par les chambres du conseil et statueront sur les sentences définitives de celles-ci, à eux déférées par voie d’appel. Ils se composeront de trois magistrats qui pourront faire carrière dans les juridictions de mineurs. Au cas de crime, deux personnes de l’une ou l’autre sexe, compétentes dans les questions de l’enfance, seront adjointes aux magistrats de carrière.
Le rôle du tribunal pour enfants et adolescents sera étroitement lié au fonctionnement d’un organisme nouveau : le centre d’observation.
En Italie, dans chaque cour d’appel, est institué un centre d’observation. Il est y procédé à l’examen du mineur, en vue d'établir sa véritable personnalité et de rechercher les moyens propres à assurer sa réadaptation à la vie sociale.
L’expérience a démontré en France la nécessité d’une institution analogue. Seule, la recherche exacte des causes particulières de la criminalité de chaque enfant peut permettre au juge de prendre une sentence appropriée.
L’examen médical est susceptible de révéler chez l’enfant des anomalies mentales ou physiques : maladies spécifiques et tuberculose, notamment. Dans chaque cas, une décision différente doit être prise. L’examen psychologique, effectué par des spécialistes éprouvés, peut mettre en relief tel trait dominant du caractère de l’enfant, dont l'éducateur devra tenir compte par la suite. De même, l’examen d’orientation professionnelle permettra de guider utilement l’activité de l’adolescent.
Mais l’institution d’un centre d’observation, dans chaque cour d’appel, peut paraître excessive, car il est certains ressorts où le nombre des affaires de mineurs est de très faible importance. Il est donc apparu indispensable de laisser à un décret le soin de déterminer, en tenant compte des données de l’organisation régionale de la France, de la situation géographique des cours d’appel et de leur importance respective, le nombre et le siège des tribunaux spécialisés et des centres d’observation.
La liaison étroite du juge et de l’administration sera marquée par le fait matériel que les tribunaux spécialisés fonctionneront dans les locaux mêmes ou à proximité des centres d’observation. Cette liaison matérielle est le reflet d’un ordre juridique nouveau. Dans la procédure instituée, un magistrat commis suivra, jour par jour, le déroulement de l’observation du mineur et le tribunal ne statuera qu’après en avoir connu les résultats.
Nous donnons au juge, ainsi éclairé par le centre d’observation, le moyen de choisir, en connaissance de cause, la mesure, propre à assurer le mieux la protection et le redressement du mineur. Mais notre œuvre serait incomplète si cette mesure devait être mal appliquée. La réforme de la législation de l’enfance délinquante serait illusoire si elle n'était accompagnée d’une réforme de l’organisation et des méthodes de la rééducation.
Cette réforme qui sera réalisée par décret portera sur les établissements d'éducation surveillée publics et privés.
Il appartient à l’Etat de redresser les mineurs les plus difficiles, de gérer quelques établissements modèles afin de conserver une doctrine de l'éducation surveillée et, enfin, de contrôler et de guider les œuvres privées.
L’abandon du système répressif dans le droit pénal de l’enfance exigeait la création d'établissements spéciaux destinés à recevoir les mineurs que leur perversité ne permet pas d’amender par les méthodes ordinaires de redressement. Ceux-ci seront soumis, dans les colonies correctives, à la ferme discipline dont ils ont besoin. Au surplus, des quartiers spéciaux de ces établissements renfermeront les mineurs de seize ans condamnés pour crime à une peine d’emprisonnement.
La réforme des institutions publiques d'éducation surveillée, déjà amorcée à Saint-Maurice et à Saint-Hilaire, doit être poursuivie et étendue à tous les établissements.
Ceux-ci seront modernisés et organisés, autant que possible, selon le système pavillonnaire, base matérielle indispensable d’une réforme dominée par l’idée de progressivité. La réforme ne vaudra, en définitive, que par la façon dont elle sera exécutée. Or, la rééducation des mineurs délinquants ne peut être assurée que par un personnel spécialisé. On ne saurait maintenir l’interpénétration qui existe entre le personnel des prisons et celui des établissements pour mineurs. Il faudra établir une cloison étanche entre les deux cadres.
Nous voulons développer la collaboration des institutions privées à l'œuvre de relèvement de l’enfance délinquante. Aussi avons-nous étendu la gamme des placements provisoires que peut ordonner le magistrat instructeur et des placements définitifs qui sont offerts au choix du tribunal.
La possibilité de confier les mineurs délinquants à des institutions relevant du secrétariat d’Etat à l'éducation nationale ou du commissariat général à la famille ouvre la voie à une coopération plus étroite entre les diverses administrations.
Par la création de nouveaux placements, par un nouvel essor donné à la liberté surveillée, nous étendrons le rôle des institutions charitables dans la rééducation des enfants et des adolescents délinquants. Mais les efforts des œuvres privés devront être coordonnés, selon un plan d’ensemble de répartition des mineurs, entre elles, et plus efficacement contrôlés.
Ainsi, les méthodes de redressement seront transformées : elles se sépareront complètement des méthodes pénitentiaires traditionnelles ; elles s’inspireront des enseignements de la médecine et de la pédagogie, ainsi que de l’expérience acquise dans les nouvelles transformations de la jeunesse française.
Telle est, monsieur le Maréchal, l'économie du statut de l’enfance délinquante que nous avons l’honneur de soumettre à votre haute sanction.
La présente loi élèvera la législation française au rang des meilleures législations des pays étrangers. Elle permettra de mieux lutter contre la criminalité juvénile et donnera à l’enfance malheureuse une protection plus efficace. Elle s’inscrira heureusement dans le cadre général de votre politique de jeunesse.
Nous, Maréchal de France, chef de l’Etat français,
Après avis du conseil d’Etat,
Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Art. 1er.
Les mineurs de dix-huit ans qui commettent une infraction pénale sont soumis au régime spécial établi par la présente loi.
TITRE 1er. Procédure
Art. 2.
En matière de crimes ou de délits commis par des mineurs de dix-huit ans, le parquet et le juge d’instruction compétents sont ceux soit du lieu de l’infraction, soit du lieu de la résidence des parents ou tuteur, soit du lieu où le mineur a été trouvé.
Art. 3.
Aucune poursuite ne peut être exercée en matière de crimes ou délits contre des mineurs de dix-huit ans sans information préalable.
Si ces mineurs sont impliqués dans la poursuite de crimes ou de délits en même temps que des majeurs, le procureur de la République, lorsqu’il use vis-à-vis de ces derniers dans les cas prévus par la loi des procédures de flagrant délit ou de citation directe, constitue un dossier spéciale concernant le prévenu mineur et en saisit le juge d’instruction.
S’il s’agit de faits dont la poursuite est réservée, d’après les lois en vigueur, à certaines administrations publiques, le procureur de la République a seul qualité pour exercer l’action publique dans les conditions prévues à l’alinéa précédent à l'égard du mineur de dix-huit ans, mais il ne peut agir que sur la plainte préalable de l’administration.
Art. 4.
Le juge d’instruction peut d’office, ou sur réquisition du procureur de la République, ou à la requête du défenseur, confier la garde du mineur pendant la durée de l’information :
1° A ses parents ;
2° A une personne digne de confiance ;
3° A une œuvre privée habilitée ;
4° A un établissement hospitalier ;
5° A une institution relevant du commissariat d’Etat à l'éducation nationale.
Le juge peut, s’il l’estime utile, faire procéder à une enquête sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents de l’enfant, sur les conditions dans lesquelles celui-ci a vécu et a été élevé et sur les mesures propres à assurer son amendement. Cette enquête sera complétée, s’il y a lieu, par un examen médical et psychologique.
Le mineur ne peut être placé provisoirement en maison d’arrêt qu’en cas de nécessité ou d’impossibilité de prescrire une des mesures ci-dessus.
Appel de l’ordonnance du juge d’instruction peut être porté soit par les parents, tuteur ou personne chargée de la garde du mineur, soit par le ministère public, dans les trois jours de la notification qui leur en est faite, devant la chambre du conseil, qui statue dans les quarante-huit heures.
Art. 5.
Le juge d’instruction recherche, en se conformant aux règles générales du code d’instruction criminelle et la loi du 8 décembre 1897, si le mineur est l’auteur de l’infraction.
Si le juge rend une ordonnance de non-lieu, le parquet apprécie s’il convient de signaler la situation du mineur aux services chargées de la protection de l’enfance et de la jeunesse.
S’il paraît au contraire que le mineur est l’auteur d’un fait qualifier crime ou délit, le juge d’instruction réunit les éléments d’information propres à permettre d’apprécier s’il y a possibilité de rendre le mineur à sa famille.
Art. 6.
L’instruction des crimes ou des délits dans lesquels sont impliqués un mineur de dix-huit ans et des co-auteurs ou complices plus âgés est faite par le même juge d’instruction.
Les co-inculpés ou complices majeurs sont, en cas de poursuites, renvoyés devant la juridiction compétente suivant le droit commun.
Pour le mineur, l’instruction est suivie conformément aux règles posées par les articles précédents.
Art. 7.
L’instruction achevée, le mineur comparaît, à la diligence du procureur de la République, devant la chambre du conseil du tribunal civil.
La chambre du conseil statue à huit clos après avoir entendu le mineur, les témoins, les parents, le tuteur ou la personne chargée de la garde dudit mineur, le ministère public, le défenseur et, s’il y a lieu, le juge d’instruction.
Art. 8.
La chambre du conseil examine si la prévention est établie.
Dans la négative, elle prononce relaxe. En ce cas, le parquet apprécie s’il convient de signaler la situation du mineur aux services chargés de la protection de l’enfance et de la jeunesse.
Dans l’affirmative, la chambre du conseil fait procéder, si elle l’estime nécessaire, à l’enquête prévue au paragraphe 4 ci-dessus et décide soit la remise du mineur à ses parents ou à la personne qui en avait la garde, soit le renvoi de l’affaire au tribunal pour enfants et adolescents.
Lorsque le mineur est remis à ses parents ou à la personne qui en avait la garde, la chambre du conseil peut décider qu’il sera placé, jusqu'à un âge qui ne peut excéder vingt et un ans, sous le régime de la liberté surveillée, dans les conditions prévues par les articles 20 et suivants de la présente loi.
Lorsque l’affaire est renvoyée au tribunal pour enfants et adolescents, la chambre du conseil ordonne le placement et la conduite immédiate du mineur au centre d’observation institution auprès de ce tribunal.
Cette décision est exécutoire par provision.
Art. 9.
Le ministère peut interjeter appel de la décision de la chambre du conseil, sauf en cas de renvoi de l’affaire au tribunal pour enfants et adolescents.
Cet appel est porté devant le tribunal pour enfants et adolescents.
Les délais et conditions de signification de cet appel sont régis par les dispositions du code d’instruction criminelle.
Art. 10.
Lorsque le tribunal pour enfants et adolescents est saisi sur appel du ministère public, le président ordonne le placement et la conduite du mineur au centre d’observation.
Dans tous les cas il désigne un juge d’instruction rapporteur.
Celui-ci fait procéder à l’enquête définie au paragraphe 2 de l’article 4 ci-dessus, si celle-ci n’a pas été précédemment ordonnée, ou à un complément d’enquête, si la première lui paraît insuffisante, ainsi qu'à un examen médical et psychologique du mineur.
Lorsque la procédure est terminée, le juge rapporteur la communique au ministère public, qui porte l’affaire devant le tribunal pour enfants et adolescents. Celui-ci statue après avoir entendu le défenseur, les parents, tuteur ou la personne chargée de la garde du mineur ainsi que toutes les personnes dont l’audition lui paraît nécessaire.
Chaque affaire est jugée séparément.
Les audiences du tribunal ne sont pas publiques. Ne peuvent y assister que les membres agréés par le tribunal des comités de défense des enfants traduits en justice, des sociétés de patronage et autres institutions charitables s’occupant des enfants ainsi que les délégués à la liberté surveillée prévus à l’article 22 ci-après.
Art. 11.
L’action civile, en ce qui concerne les mineurs de dix-huit ans, ne peut être exercée que devant les tribunaux civils.
Toutefois, lorsque la décision est intervenue sur les faits reprochés au mineur, la partie civile peut porter son action devant la juridiction appelée à juger les co-auteurs ou complices majeurs. Dans ce cas, le mineur ne comparaît pas en personne devant ladite juridiction.
Art. 12.
La décision du tribunal pour enfants et adolescents peut être attaquée par voie de recours en cassation selon le droit commun du code d’instruction criminelle.
Elle n’est susceptible d’aucune autre voie de recours.
Elle est exécutoire par provision.
Art. 13.
La publication du compte-rendu des débats des tribunaux pour enfants et adolescents ainsi que de tous articles sur les mineurs poursuivis est interdite.
Il en est de même de la reproduction de tout portrait de ces mineurs et de toute illustration les concernant.
Les infractions à ces dispositions seront déférées aux tribunaux correctionnels et seront punies d’une amende de cinq cents à cinq mille francs (500 à 5 00 fr).
Ces dispositions sont également applicables aux débats devant la chambre du conseil prévus aux articles 7 et 9 de la présente loi.
TITRE II. Tribunal pour enfants et adolescents.
Art. 14.
Le tribunal pour enfants et adolescents est composé de magistrats spécialisés et présidé par un magistrat de cour d’appel.
Celui-ci est assisté :
S’il s’agit de juger un mineur auteur d’un délit, de deux magistrats de première instance ;
S’il s’agit de juger un mineur auteur d’un crime, de deux magistrats de première instance et de deux assesseurs choisis parmi les personnes âgés de plus de trente ans remplissant les conditions générales d’accès à la fonction publique et qui se sont déjà signalées par l’intérêt qu’elles portent aux questions concernant l’enfance.
Les assesseurs sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, pour une année.
Art. 15.
Les assesseurs nouvellement nommés prêtent serment devant la cour d’appel. Ils jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de garder le secret des délibérations.
S’ils sont maintenus en fonction sans interruption, ils n’ont pas, les années suivants, à renouveler leur serment.
Ils perçoivent une indemnité dont le montant est fixé par décret.
Art. 16.
Le parquet du tribunal pour enfants et adolescents est tenu par un avocat général ou substitut du procureur général de cour d’appel assisté d’un ou plusieurs substituts.
TITRE III. Des mesures qui peuvent être prises par le tribunal vis-à-vis des mineurs.
Art. 17.
Tous les mineurs de dix-huit ans reconnus auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit ne sont, en principe l’objet que d’une mesure de protection et de redressement.
Toutefois, peuvent être l’objet d’une mesure répressive dans les conditions prévues par l’article 23 de la présente loi les mineurs âgés de seize à dix-huit ans auteurs d’un crime ou d’un délit et les mineurs de seize ans en cas de crime seulement, si le tribunal pour enfants et adolescents l’estime nécessaire.
Art. 18.
Les mesures de protection et de redressement que le tribunal pour enfants et adolescents peut prendre à l'égard d’un mineur auteur d’un crime ou d’un délit sont les suivantes :
1° Remise à ses père, mère ou tuteur ou à la personne qui en avait la garde ;
2° Placement chez une personne digne de confiance ou dans une œuvre habilitée ;
3° Placement dans une institution relevant du secrétariat d’Etat à la santé, du secrétariat d’Etat à l'éducation nationale ou du commissariat général à la famille ;
4° Placement dans un institut médico-pédagogique d’enfants anormaux ou arriérés ;
5° Placement dans une institution publique d'éducation surveillée du ministère de la justice ;
6° Placement dans une colonie corrective du ministère de la justice.
La durée de ces placements ne peut dépasser l'époque où le mineur aura atteint l'âge de vingt et un ans.
Lorsque le tribunal pour enfants et adolescents ordonne la remise de l’enfant soit à ses parents ou tuteur, soit à une personne ou à une institution charitable, il peut décider, en outre, que le mineur sera placé jusqu'à vingt et un ans au plus sous le régime de la liberté surveillée.
Art. 19.
Dans tous les autres cas autre que celui où le mineur est remis à ses père, mère, tuteur ou à la personne qui en avait la garde, le jugement détermine la part des frais d’entretien et de placement qui est mise à la charge de la famille.
Ces frais sont recouvrés comme frais de justice criminelle.
Art. 20.
La surveillance du mineur placé sous le régime de la liberté surveillée par application des articles 8, 18 et 24 de la présente loi, est exercée par des délégués à la liberté surveillée choisis parmi les personnes de l’un ou de l’autre sexe, âgées de plus de trente ans, de nationalité française, présentées à l’agrément du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, par les présidents de tribunaux pour enfants et adolescents.
Dans chaque affaire, le délégué est désigné soit immédiatement par le jugement, soit ultérieurement par une ordonnance du président.
Les frais de transports des délégués à la liberté surveillée sont payés comme frais de justice criminelle.
Les représentants qualifiés des œuvres privées habilités auxquelles ont été confiés des mineurs peuvent être nommés, à l'égard de ces mineurs, délégués à la liberté surveillée, sans qu’ils puissent prétendre de ce chef au remboursement par l’Etat de leurs frais de transport.
Le président du tribunal pour enfants et adolescents désigne parmi les délégués à la surveillée du ressort ceux qui, sous son autorité, seront chargés de diriger, coordonner et contrôler l’activité des délégués.
Art. 21.
Si le mineur s’enfuit du lieu où il est placé par décision judiciaire, le président de la juridiction qui a statué ordonne la recherche du mineur, son arrestation et sa conduite dans un centre d’observation.
Dans les vingt-quatre heures, le président du tribunal pour enfants et adolescents, après avoir interrogé l’enfant, confirme le placement antérieur si celui-ci a été ordonné par le tribunal pour enfants et adolescents et s’il estime qu’il n’y a pas lieu de le modifier. Dans le cas contraire, il saisit le tribunal pour enfants et adolescents.
Art. 22.
En cas de mauvaise conduite, de péril moral ou d’entrave apportée à la surveillance d’un mineur placé sous le régime de la liberté surveillée ou confié à une œuvre privée habilitée, le président de la juridiction qui a statué peut soit d’office, soit à la demande du parquet ou du délégué, ordonner le renvoi de l’affaire au tribunal pour enfants et adolescents et prendre, par provision, l’une des mesures énumérées à l’article 4 de la présente loi.
Le tribunal peut, à tout moment, modifier le placement de l’enfant.
Art. 23.
Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans auteurs d’un crime ou d’un délit peuvent être condamnés aux mêmes peines que les majeurs. Dans ce cas, ces peines sont accomplies dans les établissements pénitentiaires.
Les mineurs de seize ans convaincus d’un crime peuvent être condamnés dans les conditions ci-après :
S’ils ont encouru la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la réclusion, ils seront condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée égale au tiers au moins et à la moitié au plus de la durée des peines applicables aux majeurs.
Cet emprisonnement est subi dans un quartier spécial d’une colonie corrective jusqu'à l'âge de dix-huit ans, dans un établissement pénitentiaire à partir de dix-huit ans. Le condamné pourra cependant, s’il donne des gages sérieux d’amendement, être maintenu par décision du garde des sceaux dans une colonie corrective, sans qu’il puisse y demeurer au delà de l'âge de vingt et un ans.
Dans tous les cas, il peut leur être fait défense de paraître pendant cinq ans au moins et dix ans au plus dans les lieux dont l’interdiction leur est signifiée par l’autorité publique.
Art. 24.
Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans sont soumis au droit commun en matière de contraventions.
Les contraventions commises par les mineurs de seize ans sont déférées au tribunal de simple police siégeant hors la présence du public, le mineur, les parents, le tuteur ou la personne chargée de la garde du mineur appelés ou entendus.
Si la contravention est établie, le juge ne peut prononcer contre le mineur d’autre peine que celle de l’amende prévue par la loi. Il adresse, en outre, une réprimande au mineur et des observations aux parents, au tuteur ou à la personne chargée de la garde et les avertit des conséquences de la récidive. Il en fait mention sur un registre spécial.
En cas de récidive, aux termes de l’article 483 du code pénal, le mineur est traduit devant la chambre du conseil du tribunal civil qui prononce l’amende et apprécie tout en remettant le mineur à sa famille, s’il y a lieu de le placer sous le régime de la liberté surveillée.
Art. 25.
Toute mesure prise à l'égard d’un mineur par application des articles 8, 18, 23 et 24 de la présente loi fait l’objet d’un bulletin qui est classé au casier judiciaire.
Toutefois, il n’en peut être fait mention que sur les bulletins délivrés aux magistrats et au préfet de police à Paris.
TITRE IV. Etablissements d'éducation surveillée.
Art. 26.
Les établissements d'éducation surveillée administrés par le secrétariat d’Etat à la justice sont :
1° Les centres d’observations ;
2° Les institutions publiques d'éducation surveillée ;
3° Les colonies correctives.
Centres d’observation.
Art. 27.
Il est créé auprès de chaque tribunal pour enfants et adolescents un centre d’observation.
Les centres d’observation reçoivent et gardent jusqu'à ce qu’il soit statué définitivement à leur égard les mineurs qui leur sont confiés dans les conditions fixées aux articles 8, 10 et 21 de la présente loi.
Les mineurs y sont soumis, par toutes les méthodes appropriées, à un examen portant notamment sur leur état physique, intellectuel et moral et sur leurs aptitudes professionnelles. Les observations ainsi recueillies sont transmises au tribunal pour enfants et adolescents.
Les centres d’observation dont la création est prévue par le présent article pourront être utilisés par le commissariat général à la famille.
Les centres d’observation contrôlés par le commissariat général à la famille pourront être utilisés par le secrétariat d’Etat à la justice.
Institutions publiques d'éducation surveillée.
Art. 28.
Les institutions publiques d'éducation surveillée se proposent d’assurer le relèvement moral des mineurs qui leurs sont confiés par un régime comportant notamment l'éducation morale et physique, un complément d’instruction général et l’apprentissage d’un métier. L'éducation religieuse est assurée selon le culte d’origine.
Avant la date prévue pour leur libération, les pupilles dont l’amendement et la formation professionnelle sont reconnus suffisants peuvent être, sur décision du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice :
Placés à gages chez des cultivateurs, artisans ruraux ou autres particuliers ;
Envoyés dans une institution relevant du secrétariat d’Etat à la santé, du secrétariat d’Etat à l'éducation nationale ou du commissariat général à la famille ;
Mis en libération d'épreuve,
Ou autorisés à contracter un engagement dans l’armée.
Toutes ces mesures, sauf la dernière, sont révocables en cas de mauvaise conduite de l’ancien pupille avant qu’il ait atteint sa majorité civile.
Colonies correctives.
Art. 29.
Il existe une colonie corrective pour les pupilles de chaque sexe.
Les colonies correctives reçoivent :
1° Des mineurs délinquants qui leur sont confiés par jugement du tribunal pour enfants et adolescents ;
2° Les pupilles des institutions publiques d'éducation surveillée exclus de ces établissements par décision du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, en raison de leur mauvaise conduite ou de leur perversité.
Les pupilles y sont soumis à une ferme discipline et reçoivent une formation morale et professionnelle.
Art. 30.
Les pupilles affectés à une colonie corrective y restent jusqu'à leur majorité. Toutefois, ceux qui, après un séjour d’un an au moins présentent des signes sérieux d’amendement peuvent, sur décision du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, être renvoyés dans une institution publique d'éducation surveillée.
Œuvres privées.
Art. 31.
Toute personne et toute œuvre, même reconnue d’utilité publique, s’offrant à recueillir d’une façon habituelle des mineurs en application de la présente loi doivent, indépendamment des obligations qui leur sont imposées par la loi du 14 juillet 1933, obtenir du garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice, une habilitation spéciale dans des conditions qui seront fixées par un arrêté du ministre.
Cette disposition est également applicable aux personnes et aux œuvres exerçant, dès à présent, leur activité au titre de la loi du 22 juillet 1912.
Art. 32.
Les dispositions du paragraphe 2 de l’article 28 de la présente loi sont applicables aux mineurs confiés aux œuvres privées.
Art. 33.
Les institutions publiques et privées de redressement de l’enfance délinquante relevant du secrétariat d’Etat à la justice sont soumises à la surveillance des président et procureur près les tribunaux pour enfants et adolescents ou des magistrats par eux délégués et des directeurs des centres d’observation.
TITRE V. Dispositions diverses.
Art. 34.
Un règlement d’administration publique déterminera le siège, le ressort et l’organisation des tribunaux pour enfants et adolescents, le tarif applicable au remboursement des frais de transports des délégués à la liberté surveillée, les conditions dans lesquelles sera supportée la charge des frais de séjour dans les hôpitaux des mineurs ayant fait l’objet d’une des mesures de placement prévues par les articles précédents et toutes autres modalités d’application de la présente loi.
Un décret fixera la date à laquelle la présente loi entrera en vigueur.
Art. 35.
Sont abrogés les articles 66, 67, 68, 69 du code pénal, la loi du 5 août 1850, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et la liberté surveillée, complétés par les lois des 22 février 1921, 26 mars 1927 et 30 mars 1928 et, d’une manière générale, toutes les dispositions contraires à la présente loi.
Art. 36.
Le présent décret sera publié au Journal officiel de l’Etat français et exécuté comme loi de l’Etat.
Fait à Vichy, le 27 juillet 1942.
Philippe PÉTAIN
Par le Maréchal de France, chef de l’Etat français :
Le garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice,
JOSEPH BARTHÉLEMY
Le ministre secrétaire d’Etat aux finances,
PIERRE CATHALA
Le secrétaire d’Etat à la santé,
RAYMOND GRASSET
Le ministre secrétaire d’Etat à l'éducation nationale,
ABEL BONNARD
Le vice-amiral, secrétaire d’Etat auprès du chef du Gouvernement, délégué à la famille
CHARLES PLATON