Landmarks / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De 1945 à nos jours /

15 janvier 1948. Note sur le rôle des assistantes sociales

NOTE à Messieurs les directeurs régionaux des services pénitentiaires relative à l’activité des assistantes sociales des établissements pénitentiaires.

Le rôle des assistantes sociales des établissements pénitentiaires, en ce qui concerne leur action auprès des détenus, implique trois sortes d’activités différentes quant à leur objet et également quant à la période de la détention où elles doivent se manifester :

1° Il appartient aux assistantes de résoudre, dès l’arrestation, les divers problèmes d’ordre purement social que peut poser la brusque incarcération d’un individu (placement d’enfants, assistance à l'épouse, démarches pour le paiement des allocations diverses, etc...) ;

2° Elles ont au cours de la détention à soutenir parfois le détenu qui, malgré sa faute, n’est pas entièrement perverti, et dont le fléchissement moral peut compromettre le reclassement ultérieur ;

3° Elles doivent enfin, quelque temps avant l’expiration de la peine, préparer le retour du libéré dans la société dont il avait été provisoirement exclu.

Pour mener à bien cette triple tâche, l’assistante doit être en mesure d’intervenir d'ès l’accès du détenu dans l'établissement. Auprès des prévenus, cette intervention, bien entendu ne devra se produire qu’en observant les prescriptions formulées, à cet égard, dans la circulaire n° 271 du 14 janvier 1948.
Cette réserve étant rappelée, je souhaiterais que, partout où la chose est possible, cette auxiliaire sociale se mette en rapport avec les détenus entrants, sans attendre que ceux-ci aient manifesté le désir d’avoir recours à elle. En effet, il vous a été certainement permis de constater que ce n’est pas toujours le plus malheureux qui l’appelle, ni le plus digne d’intérêt qui la sollicite. Un dépistage général des arrivants lui permettrait de déceler les cas sociaux intéressants et d’intervenir immédiatement avec plus d’efficacité qu’elle ne peut le faire lorsque le détenu fait, plus tard, appel à son secours.

Je désire de même que l’intervention des assistantes dans la recherche d’un emploi pour les libérés ne soit pas laissée au hasard ou au sentiment plus ou moins exact que peut avoir le détenu de son intérêt réel.

C’est pourquoi, je vous prie de bien vouloir attirer l’attention des directeurs et des surveillants-chefs des établissements de votre région sur l’intérêt que j’attacherais à ce que dans la mesure du possible, et sauf ordre contraire du Juge d’instruction ou du Parquet fussent communiqués aux assistantes recrutées contractuellement par l’administration, les noms des entrants de la veille ou des détenus écroués depuis le jour de leur dernière visite.
D’autre part, il me paraît de plus en plus indispensable d'étendre le procédé déjà utilisé dans un grand nombre d'établissements (et notamment dans les maisons centrales), en ce qui concerne la communication à l’assistante du nom des détenus libérables au cours du mois suivant. Cette manière de faire est de nature à permettre à l’assistante, ainsi informée à l’avance, de rechercher avec succès un emploi et un gîte, c’est-à-dire de placer le libéré dans les conditions les plus favorables pour éviter la récidive.

Je ne me dissimule pas les difficultés que ces directives sont susceptibles d’entraîner dans quelques établissements très importants ; vous aurez soin de me faire connaître, éventuellement, les obstacles qui vous apparaîtraient lors de leur application.

Quant aux assistantes, si elles ne peuvent pas toujours, dans les établissements surpeuplés, remplir entièrement le programme ainsi tracé, je leur demande de tenter de se rapprocher le plus possible d’une organisation rationnelle du service social dont la présente circulaire trace les grandes lignes.
Cette instruction sera portée par vos soins à la connaissance des directeurs des maisons centrales et établissements assimilés, des surveillants-chefs des maisons d’arrêt et de correction, et des assistantes sociales aussi bien recrutées contractuellement par l’Administration que simplement agréées.

Le Directeur de l’Administration pénitentiaire,
TURQUEY