Landmarks / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De 1945 à nos jours /

Circulaire du 9 mars 1949

Le régime des condamnés à mort


LE DIRECTEUR DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE,
à Messieurs les directeurs des circonscriptions pénitentiaires.
à Messieurs les directeurs des maisons centrales, centres pénitentiaires et établissements assimilés.



ARTICLE PREMIER.
Le présent règlement a pour objet d'établir un régime uniforme pour les détenus contre lesquels une condamnation à la peine capitale a été prononcée.
Il ne fait cependant pas obstacle à ce qu’il soit rendu compte, sous couvert du Directeur de la Circonscription, à l’Administration Centrale, sous le timbre du Bureau de l’Application des Peines, de toutes circonstances particulières qui paraîtraient de nature à justifier certaines dérogations aux dispositions qu’il édicté.

Art. 2.
S’il ne s’y trouve pas détenu au moment de son jugement, le condamné à mort est transféré dès que possible à l'établissement pénitentiaire désigné conformément aux prescriptions de l’article 26 du Code Pénal.
Aucune autre destination ne doit lui être donnée, sans instructions expresses du Ministre de la Justice 1 .

Art. 3.
Le condamné est soumis à l’emprisonnement individuel, à moins que le nombre des condamnés à mort détenus dans l'établissement oblige de façon absolue à les réunir.

Il est placé dans une cellule spéciale, particulièrement sûre, et dont on peut voir l’intérieur d’une pièce voisine par une ouverture grillagée.
Il est soumis à une surveillance de jour et de nuit afin d'être mis dans l’impossibilité de tenter, soit une évasion, soit un suicide ; un surveillant, relevé toutes les 6 ou 8 heures, prend place à cet effet dans la pièce voisine de sa cellule et, grâce au dispositif précédemment indiqué, peut l’observer constamment 2 .
Il reçoit quotidiennement la visite du surveillant-chef ou d’un gradé.
Le chef de l'établissement devra s’assurer fréquemment que les consignes sont bien observées et notamment que la fouille complète de la cellule et le sondage des barreaux sont effectués chaque jour.

Art. 4.

Le condamné est astreint, pendant le jour, au port des entraves, et pendant la nuit, au port des entraves et des menottes, mais on doit veiller à ce que les fers ne le blessent pas.
Il est revêtu du costume pénal fourni par l’Administration et porte des chaussons.
Il dispose dans sa cellule d’un lit, si possible métallique et scellé au mur, d’un matelas, d’un nombre suffisant de couvertures, et d’un tabouret retenu au sol.
Il n’est laissé en possession d’aucun effet personnel, sauf de son alliance et, sur sa demande, de quelques photographies de famille.

Art. 5.
Le condamné est exempt de tout travail et ne saurait en demander.
Il peut lire sans restrictions les ouvrages de la bibliothèque de l'établissement, qui, sur sa demande, lui sont fournis séparément par l’agent préposé à sa garde.
Il peut fumer sans limitation.

Art. 6.
Le condamné bénéficie d’une heure de promenade par jour, dans la cour de l'établissement ; il porte seulement les menottes, et est accompagné d’au moins deux agents qui l’encadrent, pour prévenir toute tentative désespérée de sa part ; il est alors chaussé de sabots.
Il est conduit aux douches une fois par semaine, et est rasé régulièrement par le coiffeur de la prison, en présence d’un surveillant.
Il reçoit deux fois par semaine la visite du médecin de l'établissement.

Art. 7.
Le condamné perçoit s’il le demande, outre les vivres réglementaires, une pitance supplémentaire.
Il a la faculté de se faire acheter en cantine, sur son pécule, les denrées qui y sont vendues ainsi que du tabac.
Il ne doit, par contre, recevoir aucun colis du dehors, ni de linge, ni de vivres ni de médicaments ni de livres.

Art. 8.
Le condamné peut écrire lorsqu’il le désire ; l’agent préposé à sa garde lui remet le papier et les fournitures nécessaires.
Les lettres qu’il adresse à son avocat, et celles qu’il en reçoit, parviennent à destination sans être lues ; les autres sont soumises aux formalités normales de contrôle et de visa, et leur nombre peut être limité.

Art. 9.
Sur autorisation délivrée par l’autorité administrative, et visée par un magistrat du parquet compétent, le condamné est susceptible d'être visité par ses plus proches parents.
Les visites ont lieu en présence d’un surveillant, et dans un parloir spécial comportant au moins une grille de séparation entre les interlocuteurs ; elles ne doivent pas s’effectuer aux heures prévues pour les visites des autres détenus.

Art. 10.
Le condamné reçoit dans sa cellule les visites de son avocat et de l’aumônier de son culte, ainsi que de l’assistante sociale contractuelle affectée à l'établissement.
Un gradé assiste aux entretiens, mais s'éloigne suffisamment pour ne pouvoir entendre une conversation échangée à voix basse.

Art. 11.
Le condamné est soumis au régime défini ci-dessus du jour de sa condamnation à mort au jour de la signification de la cassation de l’arrêt, de la notification de sa grâce, ou de son exécution.

Toutes précautions doivent être prises pour qu’aucune modification de ce régime ne vienne avertir l’intéressé du rejet éventuel de son pourvoi en cassation.

Art. 12.
Lorsqu’un détenu est placé au régime des condamnés à mort, ou cesse d'être soumis à ce régime conformément aux dispositions de l’alinéa I de l’article précédent, il en est immédiatement rendu compte à la Direction de l’Administration pénitentiaire (Bureau de l’Application des Peines), sous couvert du directeur de Circonscription.
Il est également rendu compte de tout incident concernant les condamnés de cette catégorie.


POUR LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE,
Par délégation.

Le Directeur de l’Administration Pénitentiaire, Signé :
Charles GERMAIN






Notes

1.

En cas de pluralité de condamnation» à mort prononcées contre un même individu, il y a lieu de demander des instructions à la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces du Ministère de la Justice, sur le lieu où doit rester détenu le condamné.

2.

Si les surveillants de la prison ne sont pas assez nombreux pour assurer ce service, il appartient au Directeur de la Circonscription de leur faire apporter le concours d’agents détaches d'établissements voisins.