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Chapitre 6. L'administration pénitentiaire à la Guyane. Sept mois au bagne (1931)

Sept mois au bagne. L'administration pénitentiaire
(p. 149) La hiérarchie de l’administration pénitentiaire à la Guyane est complexe. Elle comprend un élément civil, les fonctionnaires : directeur, sous-directeur, chef de bureau, sous-chefs et commis de classes diverses.

Un élément militaire la complète, les agents : surveillants principaux, surveillants-chefs, surveillant de première classe, deuxième classe et troisième classe. 1

Pour devenir directeur de l’administration pénitentiaire, il suffit simplement d’être citoyen français et nommé par le ministre des colonies. Le sous-directeur au contraire doit avoir fait sa carrière administrative et franchi les divers échelons.

Le grade de chef de bureau permet d’exercer les fonctions de commandant de pénitencier. A défaut, on délègue à ce poste un sous-chef de bureau. Les commis, aux titres divers : de la troisième à la première classe, commis principaux ordinaires, commis principaux rédacteurs.

Que font tous ces commis, ces sous-chefs, ces chefs ? Ils annotent, ils remplissent des feuilles imprimées multicolores dont chacune (p. 150)  d’elles est une fraction de la comptabilité administrative d’une complication extraordinaire rédigées en triples ou en quadruples exemplaires. Toutes ces diverses paperasses sont signées et contresignées maintes et maintes fois. Une seule petite feuille fait un long parcours à travers les innombrables bureaux. Cela s’appelle faire de l’administration. Toute cette comptabilité complexe, basée sur la suspicion à tous les échelons permet toutes les fantaisies, tous les cadrages sans moyens sérieux de contrôle direct de vérification précise.

Pour les condamnés, on classe au deuxième bureau leur dossier qui comprend deux parties : partie judiciaire, partie médicale. Il est établi pour chacun d’eux un livret qui ira au centre dont relève l’homme ou plutôt le transporté car à la colonie, il n’y a pas de forçats, les condamnés sont officiellement dénommés transportés. Leur noms et prénoms rangés d’après l’ordre alphabétique sont suivis d’un numéro d’ordre, le matricule de l’homme qui en est actuellement à 49.500, près de 50.000. Les populations pénales de la colonie, transportés en cours de peine, libérés et relégués oscillent entre 7.000 et 7.500 individus. Le professeur Le Dantee a écrit cette phrase typique dans son précis de pathologie exotique (Librairie Wain Paris 1924) : « à la transportation il a été ajouté la consommation ».

Un pénitencier groupe sous les ordres d’un commandant dit supérieur s’il a le grade de chef de bureau, tous les camps d’une zone. La Guyane renferme quatre pénitenciers, à savoir :

- 1. Saint-Laurent qui est le centre, avec camps annexes de Saint-Maurice, Malgache, Charvein, Nouveau Camp.

- 2. Saint-Jean, pénitencier spécial réservé aux relégués. Ces derniers forment deux catégories : relégués collectifs qui sont groupés à Saint-Jean, relégués individuels qui vivent isolément.

- 3. Les îles du Salut, pénitencier fermé dont l’accès n’est permis qu’avec l’autorisation du gouverneur ou bien du directeur de l’administration pénitentiaire.

- 4. Cayenne qui porte le nom de pénitencier dépôt en raison de l’effectif restreint de condamnés qu’il doit officiellement renfermer. En réalité avec le camp de Larivot et celui de Kourou le nombre des transportés de ces pénitenciers est important.

(p. 151) Chacun des centres où réside le commandant, a à la tête un surveillant principal, à défaut un surveillant-chef. Quant au nombre de surveillants des autres classes, il est variable. Telle est représentée la formidable organisation qu’un gouverneur récent s’étonnait d’entendre appeler administration pénitentiaire, « service pénitentiaire rectifiait-il, dépendant de l’administration de la Guyane française ».

En 1924 encore, l’administration pénitentiaire jouissait d’une certaine autonomie. Mais une crise polémique survenue entre le gouverneur de l’époque et le directeur titulaire eut son épilogue par un décret ministériel qui confiait au gouverneur de la colonie le contrôle financier des services pénitentiaires.

Peut-être serait-ce un bien si les chefs de la colonie étaient plus stables ? Mais quand on songera que depuis 1925, six gouverneurs titulaires ou intérimaires se sont succédés, on conçoit qu’aucune place n’est pu être établie pour une action colonisatrice efficace. D’autre part, le directeur de l’administration pénitentiaire est surchargé d’une besogne écrasante, fastidieuse. Signature des multiples pièces comptables où sur chacune d’elles son visa doit figurer, alors qu’il ne peut savoir de quoi il s’agit. Correspondances avec le chef de la colonie, avec le département, avec le ministre, ordres généraux, mutations, requêtes des fonctionnaires et agents, réclamations des condamnés, achats sur pécules. Comment peut-il diriger les multiples services, guider ses chefs de services, donner à toute la machine l’impulsion nécessaire à un bon fonctionnement ?

Une visite sur les pénitenciers, visite imposée par les règlements, est une fugue dominée par le souci constant des paperasses qui s’accumulent sur le bureau à Saint-Laurent. La présence obligatoire au conseil privé du gouverneur est un autre souci qui surmonte d’autres soucis sans nombre. C’est ce que le petit personnel ne voit pas car il est dans l’ignorance de la complexité des rouages qui constitue l’administration pénitentiaire.

Albert Londres a écrit qu’il n’aurait jamais cru qu’il fallait tant de bureaux pour immatriculer des forçats. S’il avait pu se rendre compte des détails de comptabilité, il n’eut certainement (p. 152) pas compris pourquoi il fallait tout ce papier inutile pour justifier de l’utilisation de 1.000 francs de matière reçue de la métropole. Si cela empêchait les détournements.

La valeur du matériel en service sur les pénitenciers, des immeubles, des vivres, des dépôts d’habillement et de denrées de toute nature est globalement fabuleuse. Mais le manque d’entretien, l’incurie et le gâchis qui ont leur origine dans les querelles de fonctionnaires d’où naissent les dualités d’attribution préjudiciables rendraient cette valeur bien illusoire en cas de liquidation. Un exemple tout récent et caractéristique : l’administration disposait d’un petit vapeur « Le Maroni » entretenu par le service des constructions, les réparations étaient régulièrement sabotées faute d’une surveillance technique. Le dernier voyage effectué par ce bateau fut un prodige car il put regagner Saint-Laurent bien que son gouvernail fût presque entièrement détaché. Le navire réformé, l’administration le fit mettre aux enchères. Plus d’un an après sa condamnation, une première mise à prix de 40.000 francs ne put trouver un seul acquéreur. Une nouvelle sollicitation avec baisse sérieuse de la mise à prix trouva la même indifférence. C’est maintenant une épave dans le port de Saint-Laurent.

Autre fait dû à l’incompétence technique : en 1924, un cargo anglais L’Edith Cauwell s’échouait à pleine charge et en vitesse sur un rocher entre les deux appontements de Saint-Laurent. Les secours ne pouvaient venir que de l’administration pénitentiaire. Les ordres furent immédiatement donnés et le technicien de Saint-Laurent, en l’espèce du chargé des travaux commis de première classe qui devait certainement avoir des connaissances spéciales pour ces genres d’accident. Il se mit à l’œuvre sur L’Edith Cauwell, il installa une pompe aspirante et foulante qu’il fit actionner par la vieille chaudière du vapeur Maroni. Une voie d’eau béait sous la ligne de flottaison : la pompe aspirait dans les cales l’eau du fleuve et la renvoyait dans le fleuve. Cette comédie hilarante dura plusieurs jours. A la fin, le navire anglais sous le poids de la (p. 153) cargaison se rompit net sur la roche où il était engagé par le travers et où on peut le voir encore. Le cargo était perdu. La cargaison fut en partie volée et perdue. Un surveillant qui faisait saisir au camp, à la rentrée des corvées des condamnés, les boîtes de lait concentré que ceux-ci prenaient à bord du navire en détresse, eut à revendre quelques centaines de boîtes à un certain commerçant chinois de la rue Mélinon. Les forçats prenaient et lui encaissait le bénéfice.

Le plus onéreux au point de vue administratif fut l’incarcération de deux officiers du navire anglais sinistré. L’Angleterre intervint énergiquement en faveur de ses nationaux et l’affaire se liquida par le paiement d’une indemnité d’un million, une bagatelle, aux officiers aussi indignement traités. La presse en France fit mention de cette lamentable affaire dont les finances de la colonie ont supporté les conséquences. Paye, paierons.

Il y a aussi le gâchis. En pratiquant des fouilles dans le sol des espaces libres de l’hôpital pénal de Saint-Laurent amenèrent des trouvailles étranges. On cherchait une canalisation d’eau. On trouva des rails Decauville empilés sous la terre, des outils de terrassement et des wagonnets. Et d’autres trafics illicites de la camelote dont je cite quelques uns entre mille autres.

Un certain surveillant de première classe, distributeur dans un magasin à vivres, recevait les caisses de denrées et chaque arrivage doit être réceptionné par une commission de fonctionnaires chargés de constater l’état des marchandises, leur poids, etc. Le surveillant ouvrait délicatement les caisses, prélevait avant la visite de la commission les quantités dont il avait besoin et reclouait les emballages. La commission constatait une différence en moins et dressait un procès verbal de perte. Les procès verbaux de perte devinrent si nombreux qu’une note de la direction s’en étonna. Le fonctionnaire chef de service intéressé n’aurait pas soupçonné son surveillant. Or un jour, celui-ci fut surpris en pleine opération par un transporté (p. 154) écrivain qui secondait le chef de service. Celui-ci qui trafiquait aussi, expose au surveillant les ennuis que déterminaient ces extractions illicites. Alors le surveillant braque froidement son revolver sous le nez du transporté en lui disant : « si tu dis un mot charogne, je t’envoies à la rade ». Ce fait officiellement connu du chef de la colonie, le surveillant jouit actuellement dans son île d’origine de sa retraite.

A Saint-Laurent, un surveillant arrêtait impitoyablement les condamnés porteurs de paquets ou d’objets quelconques pour en connaître la provenance. Il faisait son service mais il ne donnait pas l’exemple car il se faisait construire illicitement une superbe salle à manger à peu de frais et qui partit un jour en caisse pour la Corse. Il utilisera donc pour se retraite un mobilier peu onéreux !

Et c’est un légionnaire qui remplaçait dans son étui le revolver par toutes sortes de denrées prises à la cuisine du camp, l’arme officielle !

Et ce surveillant-chef qui utilisait une bicyclette offerte à lui par un transporté qui évita par ce don un camp redoutable. La bicyclette avait été volée sous un hangar.

Et puis ce haut fonctionnaire qui faisait découper dans des feuilles de zinc des baignoires qui étaient par ses soins expédiées à la Martinique où elles étaient montées et vendues. Le directeur fut un jour intrigué par ces multiples expéditions. Il fit ouvrir une des caisses et le pot aux roses fut découvert. Le chef de service indélicat rentra en France et… obtint un poste à Madagascar.

Et encore, ce chargé (p. 155) des travaux qui faisait construire dans un atelier une superbe volière. Et une belle nuit, quatre condamnés sous la conduite du surveillant des travaux portaient la volière au destinataire qui la payait.

Il est à consigner ici la réflexion d’un certain commandant de camp : « tous les surveillants veulent des postes qui rapportent. Leur mandat d’après leur raisonnement doit être mis de côté. Ils ne pensent qu’à vivre de rapine ». C’est la reconnaissance officielle de la « camelote » pénitentiaire, la confection illicite d’objets fabriqués avec les matériaux appartenant à l’Etat.

Les archives de la direction recèlent dans leurs papiers poudreux les traces de ces vilaines histoires dont certaines ont leurs échos au ministère. Une lettre ministérielle édictant certaines mesures se terminait ainsi : « on peut espérer que la camelote pénitentiaire aura enfin vécu et qu’il n’en restera plus qu’un mauvais souvenir. » Hélas, rien n’a changé, la came existe toujours sous toutes ses formes.

Au lieu de progresser la colonisation a marché à reculons dans ce pays. La brousse enserre les cités, pénètre les rues. Les outils, les machines se rouillent, se détériorent. La production est nulle et l’Etat paye toujours aussi cher pour cette administration pénitentiaire coloniale.

Il n’y a pas bien longtemps l’administration des PTT en France s’enquérit si l’administration à la Guyane pourrait lui fournir dans un délai de six mois soixante douze poteaux pour le télégraphe en bois imputrescible. Le bois ne manque pas à la colonie. Les essences imputrescibles par nature y sont multiples. Alors, l’administration pénitentiaire sur un rapport d’un certain commis certainement incompétent a répondu que cette fourniture n’était pas possible. Et l’administration des PTT s’est adressée ailleurs où elle a acheté des poteaux mais à prix fort.

Tous les établissements de la Guyane sont situés au bord de la mer et à l’embouchure (p. 156) des fleuves et des rivières. C’est la zone la plus basse du pays, la plus marécageuse et la plus malsaine. Immédiatement derrière cette zone côtière une bande de brousse inextricable dont l’épaisseur atteint plusieurs centaines de kilomètres et puis le terrain s’élève, on atteint la région des plateaux recouverts de la riche forêt guyanaise. On cherche de l’or dans notre Guyane, on y cherche actuellement du diamant et l’on délaisse la richesse tangible immédiate, la forêt.

Quel est l’administrateur qui a cherché le moyen de percer la brousse ? Aucun. Il y a plus ! La colonie n’a même pas un port franc praticable. Cayenne s’envase, Saint-Laurent aussi. Il existe des montagnes de papiers et de plans constituant de mirifiques projets d’aménagement du port de Cayenne mais il n’existe aucun essai de réalisation. Les routes à Cayenne, une automobile peut parcourir une trentaine de kilomètres à Saint-Laurent, elle n’en effectue à peine quatre. Il y a la célèbre route coloniale n°1, elle va de la pointe Macoudia à Sinnamary. La route coloniale n°1 est une succession de fondrières sans nombre, impraticable en automobile. Comme le dit si bien Albert Londres : « c’est une trouée dans la brousse…elle marque dans le paysage comme un vent à un mouchoir ». C’est très exact et la brousse reprend la route comme elle prend tout partout ailleurs. Cette fameuse route entreprise depuis trente ans n’a jamais été entretenue.

Un gouverneur est nommé en Guyane venu d’un poste des antipodes, il se documente au ministère des colonies … avec les mirifiques rapports de l’administration locale. Il s’embarque, arrive à Cayenne. Réception, cortège, etc. le voici dans son cabinet. « Qu’est-ce qu’on a fait ici ? Rien ! Bon, je vais faire quelque chose, moi. » Il consulte ses chefs de service, appelle à la rescousse les notabilités guyanaises, il arrête un projet, le soumet au département : critique, va et vient, refontes multiples avant la réalisation et soudain Mr le gouverneur est appelé à d’autres fonctions. Mystère de la politique guyanaise. Un autre gouverneur viendra le remplacer, il étudiera autre chose qui subira le même sort. Voilà pourquoi la brousse pousse dans les rues de Cayenne et que Saint-Laurent ne possède aucune route, (p. 157) aucun débouché et voilà aussi pourquoi la Guyane coûte si cher à la métropole quand elle devrait lui rapporter.

Quel est le gouverneur qui pourra réformer les monstrueuses erreurs administratives qui entravent les initiatives. Il y a quelques années une société américaine obtint une concession de terrains importants pour l’exploitation forestière dans le Haut Maroni. Cette société fit une installation modèle, l’argent ne manquait pas. Mais comme l’administration a trouvé très bien d’instaurer à la colonie la même réglementation forestière qu’en France, les difficultés surgirent innombrables. Ne pouvant vaincre l’inertie administrative, la société forestière américaine résilia son contrat et l’entreprise fut abandonnée.

L’administration centrale de la colonie traîne un autre boulet : les libérés du bagne. La cour d’assise a prononcé cinq ans de travaux forcés, le condamné sera astreint à cinq ans de résidence, dit le code. La cour ne prononce pas cette peine accessoire. Si la condamnation est égale ou supérieure à huit ans, la résidence à la colonie est perpétuelle. Libéré du pénitencier, que va faire le condamné ? S’il n’est pas frappé d’interdiction de séjour, il pourra aller à Cayenne. Mais quoi faire, puisqu’il n’y a rien ? Point de chantier puisqu’on ne construit pas. Point de culture puisqu’on ne cultive pas et les emplois chez les commerçants sont rares, il n’y a que quelques corvées aux arrivages de quelques cargos qui viennent là une fois par hasard. Si le libéré est frappé d’interdiction de séjour, il réside à Saint-Laurent, au village chinois qui est le refuge de ces malheureux où ils ne mangent pas tous les jours et quand ils le peuvent, ils s’abreuvent d’alcool pour oublier leur affreuse misère et ivres, ils s’entretuent 2 .

En un mot, l’administration pénitentiaire a besoin d’être refondue entièrement. Qu’elle (p. 158) conserve ses éléments civils et militaires, c’est entendu mais ces éléments doivent avoir distinctement chacun ses attributions propres. La première ne devrait être composée que de fonctionnaires à la hauteur de leur tâche, c’est-à-dire capables de donner un remaniement technique de colonisation et les seconds en contact constant avec les condamnés réhumaniser tous ces hommes déchus.

C’est pourquoi avant tout autre chose, on devrait procéder à la sélection de tous ces individus de races, de mœurs et d’instincts divers. La sélection s’impose donc et c’est logique, à seule fin d’éviter se mélange odieux de tout l’élément pénal, cela supprimerait d’abord tous ces crimes ignobles et la non moins ignoble réputation des cases où les hommes vivent comme des bêtes.

L’administration a tout sous la main pour mettre en œuvre tout ce que la colonie offre comme richesse de toute espèce. Ne devrait-il pas y avoir depuis longtemps des exploitations forestières sur les hauts plateaux où on emploierait tous ces libérés qui crèvent de faim à Saint-Laurent et à Cayenne. Tous ces hommes étant salariés d’une façon suffisante afin de leur permettre de vivre et à la longue tous ces chantiers disséminés un peu partout deviendraient des villages, puis des cités prospères que le déboisement toujours croissant rendrait industrieuses. Peu à peu des cultures riantes remplaceraient sur ces terrains l’inextricable forêt dont l’exploitation en cours rapporterait immensément à l’Etat. Et les exploitations minières d’or et d’autres métaux divers.

Quel est l’Etat, autre que la France qui n’aurait déjà remué tout ce trésor. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil chez nos voisins, les hollandais, les anglais. Leurs Guyanes qui étaient jadis tout comme la nôtre sont devenues des colonies riches. On y exploite les bois précieux, les cultures diverses, entre autre le café, le caoutchouc, le cacao, etc. Aussi quel surprenant contraste pour le voyageur qui après avoir visité les deux colonies étrangères, quand il débarque en Guyane française où tout pue la misère, où rien n’est mis en valeur. On sent qu’on vit là avec les malheureux deniers du contribuable métropolitain pendant que l’on foule au pied des trésors inépuisables.

C’est une grande œuvre que de (p. 159) relever cette colonie délaissée. On devrait faciliter les exploitations de toutes espèces et créer des sociétés qui avec du matériel neuf et moderne ensemenceraient, défricheraient ce sol vierge qui ne demande pas mieux d’être fouillé et employer tous ces condamnés qui par leurs travaux de colonisations s’élèveraient peu à peu au-dessus du niveau où ils sont tombés. Ce serait la perche tendue à ceux qui veulent expier en homme, à tous ces naufragés qui se noyent dans le cloaque immonde du bagne actuel.

Espérons qu’un jour viendra où un cataclysme bouleversera cette administration vermoulue. Alors le bagne aura vécu et la Guyane sauvée !

 

Nevers, janvier 1931

BERRYER

 Source : Collection Philippe Zoummeroff

Transcription : Philippe Poisson

Mise en ligne : Marc Renneville

Notes

1.

Voir chapitre V le surveillant page 97.

2.

Voir chapitre III, p.46.