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7. Témoignages sur la formation initiale des éducateurs (1993)

7. Témoignages sur la formation initiale des éducateurs
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Témoignages sur la formation initiale des éducateurs
Source
AH-PJM

Journées d'études « En 1968 à Bourges, du Bon Pasteur au complexe éducatif » (21 et 22 octobre 1993)

Cette séquence porte sur les souvenirs de quelques participants concernant leur propre formation initiale d’éducateur de l’Éducation surveillée. D’âges différents, ils montrent la diversité de ce qui a été proposé aux élèves éducateurs au fil des époques témoignant ainsi des difficultés de l’administration à proposer un schéma cohérent et pérenne pour la formation initiale des éducateurs.

Ainsi, Madeleine Souchet, entrée en formation en 1957 à Vaucresson, a connu la première version du CFRES[1], mise en place peu après la création du statut d’éducateur, selon le projet d’Henri Michard, directeur du centre de Vaucresson (à partir de 1952).

Pierre Pegeon, entré à l’école de Vaucresson en 1962, a fait partie de la dernière promotion sur ce site. L’école a déménagé ensuite en 1963 pour s’installer à Savigny-sur-Orge (Essonne). Sous le sigle ENFPES[2], l’école a été construite en préfabriqué à côté du centre d’observation de garçons, d’abord avec un public mixte comme à Vaucresson, avant que deux ans plus tard (novembre 1965), les élèves éducatrices intègrent la nouvelle école ouverte pour elles au nord de Paris à Saint-Brice-sous-Forêt (Seine-et-Oise).

Christiane Clermont (promotion 1967-69) témoigne de son vécu dans cette école entièrement féminine. Elle fait partie de la douzaine de jeunes femmes arrivées stagiaires à l’ouverture de l’IPES de Bourges en septembre 1968, alors que la dernière promotion de Saint-Brice (30 femmes) et de Savigny (120 hommes) venait de renverser le schéma cloisonné, non mixte, de la formation à l’occasion du mouvement général de contestation de mai 1968. La formation est redevenue mixte ensuite, installée pour tous à Savigny-sur-Orge.

Gisèle Fiche, de la promotion qui vécut le retour à Savigny en janvier 1969, évoque le schéma de la nouvelle formation ainsi que le contenu des enseignements : droit du travail, psychologie, pédagogie de l’enfant, etc.

Jacques Bourquin, qui fut alors formateur (ré-ouverture de Savigny, 1969), souligne combien la formation à Savigny de 1963 à 1968 a représenté une régression par rapport à celle des années 1950 à Vaucresson. Le projet Michard préparait les élèves à travailler aussi en milieu ouvert alors que, par la suite, on a préparé les futurs éducateurs à travailler dans les gros internats traditionnels. À l’ouverture de l’IPES de Bourges, Renée Prétot dit avoir perçu cette différence dans les acquis de la formation, entre celle vécue par Madeleine Souchet et celle des nouvelles jeunes promotions. Pour Pierre Pegeon, à Bourges le contexte de 1968 a favorisé le projet pédagogique, permettant de « mettre les idées au pouvoir ». Sur les contenus de la formation, un échange a lieu avec la psychiatre Laetitia Chartier, en particulier sur l’absence de formation à la psychanalyse, quel que soit le schéma de formation.

D’une façon générale on déplore que les références théoriques aient été peu précises et que, si beaucoup ont fait des clubs de lecture, du sport, de la musique, du droit, personne ne semble avoir appris à « être en face des jeunes ». Les éducateurs(trices) ont été formé(e)s sur le terrain par leurs aînés, « piliers d’internat », pour travailler dans des internats traditionnels. Quand il faut faire évoluer ces institutions, comme à Bourges, « s’ils y font quelque chose ce n’est pas grâce à la formation, mais à eux-mêmes », estime Pierre Pegeon.

 Claire Dumas et Gisèle Fiche

 

Additif sur la formation initiale d’éducateur

Après la création de l'Éducation surveillée en 1945, les premiers stages ont eu lieu en 1947 sur le site de Savigny-sur-Orge (Essonne) où existait aussi un centre d'observation pour garçons. L’entrée de personnes se destinant à devenir éducateurs, avec le nouveau statut, a constitué un premier signe important de la rupture avec l'Administration pénitentiaire, le personnel concerné étant auparavant « gardien », « surveillant » ou au mieux « moniteur éducateur ».

Le premier concours date de 1951 ; la formation a eu lieu sur le site de Vaucresson au départ et jusqu'en 1963. Puis, l'école a quitté Vaucresson pour s'installer à Savigny-sur-Orge, d'abord avec un public mixte, avant que deux ans plus tard, en 1965, une nouvelle école voie le jour au Nord de Paris (Saint-Brice-sous-Forêt) destinée à la formation des élèves éducatrices. Cette séparation entre les hommes et les femmes, lors de la formation, a suscité des réactions critiques. Ceci d'autant plus que, parmi les éducatrices stagiaires arrivées à l'IPES de Bourges (septembre 1968), douze étaient issues de la dernière promotion de Saint-Brice, qui avait renversé le schéma existant à l'occasion du mouvement général de contestation de mai 1968. La formation est alors redevenue mixte et a été réinstallée pour tous à Savigny-sur-Orge.

 

Pour compléter, consulter :

- Jacques Bourquin, "Histoires de formation", Ancres, n°1, 4e trimestre 1984, p. 42-46 ; "Histoires de formation, le projet 1968-1972", Ancres, n° 2, janvier-février-mars 1985, p.106-114 ; Histoires de formation (conclusion), Ancres, n° 3, Avril-mai-juin 1985, p.108-109.

- Gisèle Fiche, « Les coulisses de l’École » et Jacques Bourquin, « La primauté du "savoir-être” », in brochure CFEES Vaucresson, éd. Du Site, 1991 : 20 ans déjà, promo 68-88, p. 7-14 [Accéder au document]

- Michel Basdevant, interviews de professionnels sur leur formation initiale, collection en ligne sur Criminocorpus : https://criminocorpus.org/fr/ref/118/16/

- Claire Dumas, "L'enfermement vu de l'intérieur (XXe siècle)", Criminocorpus, "Mauvaises filles", Déviantes et délinquantes XIXe-XXe siècles, mis en ligne le 27 mars 2018.

- Gisèle Fiche, "Une rencontre festive ET sérieuse, les retrouvailles de la promo 68, vingt ans après", Dany Berton, "Quand la promo fêtait ses 20 ans", Pour l’histoire, Lettre de l'AHPJM, n°74, printemps 2017, p.3-6.

- Dominique Youf et Jean-Jacques Yvorel (dir), 60 ans de formation, de Vaucresson à l’ENPJJ, Les Cahiers dynamiques, hors série, Éres, 2012, Toulouse.

 

Pour en savoir plus, voir la présentation de la journée d'étude et de ses 9 séquences vidéos.



[1] CFRES : Centre de formation et de recherche de l’Éducation surveillée

[2] ENFPES : École nationale de formation des personnels de l’Éducation surveillée

 

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Éducation surveillée Bon Pasteur