1. Répertoire des crimes

Plan du chapitre

Allégorie de la Justice

« Je suis Justice… et rien ne peut durer sans moi »
Christine de Pizan, La Cité des Dames, § 6

La justice est « la fille élue de Dieu » et l’une des vertus cardinales. Elle siège parée d’hermine et habillée de rouge car la justice ne meurt jamais. Elle transmet son pouvoir aux rois pour leur permettre de rendre à chacun son droit selon ses mérites.
Quand, à partir du XIIIe siècle, la justice s’impose, les règlements privés reculent. Commettre un crime revient à léser la chose publique avant de léser la partie adverse.
Néanmoins la vengeance subsiste. Il n’y a pas une justice mais des justices concurrentes, celle du roi, des princes, des seigneurs, des villes et de l’église. Il n’y a pas de jugements constants selon le type de crime, même si en principe les sanctions sont codées : le voleur doit être pendu, le meurtrier traîné sur une claie puis pendu, le faux-monnayeur bouilli, le sorcier et l’hérétique brûlés, de même que le sodomite.
Au tribunal, les juges tiennent compte davantage de la réputation des personnes que de la gravité du cas. Cet avocat le dit clairement : « il est de raison que nul ne doit poursuivre un tel chevalier si noble et si bien renommé comme il est ».
Pourtant, le crime perturbe profondément la société. Rien n’est pire qu’un crime dont l’auteur reste inconnu.
La justice a pour mission de purifier en même temps que de juger. La société tout entière est concernée par le crime car, contrairement à ce qu’on a longtemps pensé, les criminels sont en majorité des gens ordinaires et non des professionnels ou des marginaux.

Repertoire des crimes

Les infractions les plus nombreuses sont les simples délits qui, tels les petits larcins, sont sanctionnés par des amendes fixes.
Le crime, lui, porte sur des atteintes graves à la personne, aux biens et à l’ordre moral. Il se définit comme un « excès », un « maléfice », voire un péché. Le coupable a « meurtri », « emblé », « eu compagnie charnelle »… Il est alors dit « larron » et parfois « très fort larron ». Cette transformation est cependant limitée aux « crimes énormes », ceux de la grande criminalité (vol aggravé, meurtre prémédité, rapt, trahison ou incendie de maison). Du blasphème au meurtre, de la trahison à la sorcellerie, leur liste s’allonge au fur et à mesure qu’ils sont censés léser le roi et la chose publique. De nombreux crimes échappent néanmoins à la justice, et le chiffre noir de la criminalité est impossible à évaluer.

Crimes de sang

« Beau fait »
Les crimes de sang sont les plus nombreux mais la violence n’est pas débridée.
L’homicide commis pour réparer un honneur blessé, le plus fréquent et commun à toutes les couches sociales, est très peu représenté parce que banal. Il est considéré comme un « beau fait », loué par la société et le pouvoir.
Certains juristes ne le considèrent d’ailleurs pas comme un crime avant la fin du XIIIe s. Il est souvent réglé en privé.
Il obéit à des règles tacites. Agressé publiquement par des injures, paroles ou gestes, le coupable doit riposter sous peine d’être déshonoré. Renverser le verre tendu, ignorer un salut, faire tomber un chaperon sont des insultes qui appellent la vengeance. La scène oppose en général des hommes de même condition sociale. Insérés dans de forts réseaux de solidarité, ils peuvent compter sur leurs « amis charnels » mus « d’amour naturel », parents par le sang ou l’alliance, voire de simples compagnons.

« Haro ! »

Vol excusé
Difficile à situer dans la hiérarchie des crimes, le vol n’est pas le plus fréquemment dénoncé : c’est qu’il peut être excusé en cas d’extrême nécessité, comme le prévoit le droit canonique. Cet homme acculé à la misère pense d’abord à se faire aider par son voisin. En son absence, il le vole. L’autre songe à le faire excommunier et finalement il lui pardonne : le vol se transforme en aumône. « L’affamé contraint de voler est innocent ».

Affaires de mœurs

Le suicide
Placée entre les mains de Dieu, la vie est sacrée et le suicide constitue l’un des crimes les plus sévèrement punis. Le corps du suicidé ne peut être enterré en terre chrétienne : il est enseveli « aux champs ». Ses biens sont confisqués par le justicier. Le suicide ne peut être excusable que s’il y a eu viol, comme dans le cas de Lucrèce dont l’histoire est répétée par les chroniqueurs comme un exemple de courage et de vertu.

Vengeance et crime politique : Le meurtre du duc d’Orléans

« A mort ! A mort ! Tuez tout ! »
C’est le cri de « guerre mortelle » que poussent les tueurs que le duc de Bourgogne Jean sans Peur a engagés pour tuer son cousin le duc Louis d’Orléans, le 23 novembre 1407.
À la nuit tombée, le cadavre gît sur le sol de la rue Barbette, la tête éclatée, la main gauche coupée pour punir le traître. L’acharnement des assaillants signe une vengeance recuite.
Depuis le début du XVe s., les deux hommes sont rivaux. Louis exerce le pouvoir à la place de son frère, le roi Charles VI, qui a sombré dans la folie. Il a évincé le duc de Bourgogne du Conseil royal, où sont distribués les dons, les offices et même les bénéfices ecclésiastiques. Jean est aux abois ; ses caisses sont vides ; il fomente sa vengeance et passe à l’acte.

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