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Loi du 4 février 1893. Réforme des prisons de courtes peines

Réforme des prisons de courtes peines.

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté ;
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier.
Les départements peuvent être exonérés d’une partie des charges qui leur sont imposées par la loi du 5 juin 1875 (accès au texte), s’ils rétrocèdent de gré à gré à l’Etat la propriété de leurs maisons d’arrêt, de justice et de correction.
Les conventions doivent fixer la quotité des dépenses et charges incombant aux départements.

Art. 2.
Toute maison d’arrêt, de justice et de correction qui ne satisfait par aux conditions indispensables d’hygiène, de moralité, de bon ordre ou de sécurité peut être déclassée comme établissement pénitentiaire.
Le déclassement est prononcé sur avis du conseil supérieur des prisons, par décret rendu dans la forme des règlements d’administration publique.

Art. 3.
Le déclassement a pour effet de mettre le département en demeure de faire procéder aux travaux d’appropriation ou de reconstruction prévus par l’article 6 de la loi du 5 juin 1875.
Le département qui, sur cette mise en demeure, exécute volontairement les travaux, a droit au maximum de la subvention de l’Etat dans les conditions fixées par l’article 7 de la dite loi.

Art. 4.
Deux ou plusieurs conseils généraux peuvent se concerter, conformément aux dispositions de du titre VII de la loi du 10 août 1871 et de l’article 6 de la loi du 5 juin 1875, pour construire ou transformer à frais communs des établissements pénitentiaires en vue de la mise en pratique du régime de l’emprisonnement individuel.
La part contributive de chaque département dans le paiement de la dépense est, sauf convention contraire, proportionnelle au nombre de cellules à établir pour la circonscription. Il participe dans la même mesure aux droits et charges de la propriété.

Art. 5.
En cas de création d’une prison interdépartementale, la subvention que l’Etat peut accorder est déterminée séparément à l'égard de chacun des départements intéressés, et dans les conditions prévues par l’article 7 de la loi du 5 juin 1875.

Art. 6.
Dans le cas où l’Etat a traité avec un département de la rétrocession d’une ou de plusieurs prisons, et dans celui où il doit, après déclassement, pourvoir d’office à l’appropriation ou à la reconstruction d’une prison départementale, il peut traiter avec d’autres départements dans les conditions de l’article 4 de la présente loi.
Il peut, en outre, s’entendre avec ces départements pour construire ou transformer en leur lieu et place l'établissement interdépartemental.

Art. 7.
Les charges résultant pour les départements des articles 1, 3, 4 et 6 de la présente loi ont le caractère de dépenses obligatoires. Il en est de même des dépenses ordinaires d’entretien et de réparation des immeubles départementaux affectés à usage de maisons d’arrêt, de justice et de correction. L’article 61 de la loi du 10 août 1871 leur est applicable.
En conséquence, à défaut par les conseils généraux de prendre les mesures nécessaires pour l’exécution des travaux ou de voter les ressources dans un délai d’un an à partir de la mise en demeure qui leur est adressée, il y est pourvu d’office en vertu d’un décret rendu en conseil d’Etat, aux frais du département et dans les limites de la dépense prévue.
Le décret fixe, en cas de déclassement, la subvention à la charge de l’Etat, dans les limites de l’article 7 de la loi du 5 juin 1875.

Art. 8.
Le nombre de cellules de détention à établir pour toute maison affectée au régime de l’emprisonnement individuel est fixé d’après le chiffre moyen de la population pendant les cinq dernières années, en tenant compte des modifications intervenues dans les lois pénales. Il ne peut dépasser les trois quarts de l’effectif actuel calculé sur la même base.
Un quartier commun, exclusivement réservé, en cas d’insuffisance temporaire du nombre des cellules, aux condamnés aux peines les plus courtes ou aux détenus d’une même catégorie, est établi dans les maisons où l’administration le juge nécessaire.

Art. 9.
Il peut être créé par le Ministre de l’intérieur des chantiers pénitentiaires pour utiliser la main-d'œuvre pénale à la construction ou transformation des prisons, sans toutefois porter atteinte à la distinction des peines et aux conditions essentielles de leur exécution.
Ne pourront être employés dans ces chantiers les détenus qui, d’après la nature de leur peine et le lieu de leur condamnation, devraient subir leur peine dans un établissement où fonctionne le régime de l’emprisonnement individuel.

Art. 10.
Sont abrogées toutes les dispositions de lois antérieures contraires à la présente loi

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi d’Etat ;

Fait à Paris, le 4 février 1893.

CARNOT

Par le président de la République,
Le Président du Conseil
Ministre de l’intérieur
RIBOT.