Le délibéré
Après les plaidoiries, le réquisitoire, Il est d'usage que le président pose la question suivante : « Accusé, avez-vous quelque chose à ajouter à votre défense ? » Le président déclare ensuite les débats terminés, et donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury ont à répondre. Les questions sont posées de la manière suivante : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?" pour chaque fait spécifié. Chaque circonstance aggravante ou cause légale d’exemption ou de diminution de peine fait l'objet d'une question distincte. Lorsqu’est invoquée l'existence d’une cause d'irresponsabilité pénale, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions : "1º L'accusé a-t-il commis tel fait ? ; "2º L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par… ?".
Avant que la cour d'assises se retire pour délibérer, le président donne lecture de l'instruction suivante :
"La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : "Avez-vous une intime conviction ?".
Le président fait retirer l'accusé de la salle d'audience et déclare l'audience suspendue.
La délibération de la cour d’assises
La cour et le jury délibèrent en commun et ils ne peuvent sortir de la chambre des délibérations qu'après avoir pris leur décision. Ils votent par bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d'abord, et s'il y a lieu, sur les causes d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.
Le président dépouille chaque scrutin en présence des membres de la cour et du jury. Il constate sur-le-champ le résultat du vote. Les bulletins blancs ou nuls, sont comptés comme favorables à l'accusé.
Réforme de la cour d’assises (loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs et décision du Conseil constitutionnel du 4 août 2011)
Modification des règles relatives à la délibération : tirant les conséquences de l’abaissement du nombre de jurés, le législateur du 10 août 2011 modifie les quantums nécessaires à la prise d’une décision défavorable à l’intéressé. Ainsi, l’art. 359 CPP prévoit désormais que toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de six voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort (8 voix selon la législation antérieure) et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel (10 voix auparavant).
En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du code pénal. La cour d'assises délibère alors sur la peine. La décision se forme à la majorité absolue des votants. Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité qualifiée de six voix au moins en premier ressort et de huit voix au moins en appel.
Le secret du délibéré
L’article 304 CPP impose à tout juré de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de ses fonctions. Dans un arrêt rendu le 25 mai 2016, la Cour de cassation s’est penchée sur la portée d’une telle obligation. Dans les faits soumis à la chambre criminelle, un quotidien national avait publié, sous l’intitulé “La présidente essayait d’orienter notre vote”, le compte-rendu d’un entretien entre un journaliste et un juré de cour d’assises. Le membre du jury y faisait des révélations sur le déroulement du délibéré et mettait en cause le comportement de la présidente. En particulier, il accusait celle-ci d’avoir dissuadé les jurés de voter “blanc”, d’avoir organisé un premier tour de scrutin à main-levée au cours duquel plusieurs jurés avaient exprimé leur indécision, d’avoir qualifié ce scrutin de “moment d’égarement”, et d’avoir ensuite, dans la perspective du vote à bulletin secret, incité les jurés indécis à se prononcer en faveur de la culpabilité de l’accusé. Il ajoutait qu’au moment de la fixation de la peine, après que l’accusé eut été déclaré coupable, les magistrats professionnels avaient insisté pour que soit prononcée une peine ferme. À la suite de cette publication, le juré interviewé a été poursuivi pour violation du secret du délibéré sur le terrain de l’incrimination de violation du secret professionnel de l’article 226-13 CP, et condamné de ce chef par les juges du fond. À l’appui de son pourvoi devant la Cour de cassation, il fait valoir que, que la cour d’appel a refusé de faire droit à sa demande d’ordonner un supplément d’information qui aurait eu pour objet d’entendre toutes les personnes ayant participé au délibéré, et de vérifier ainsi l’exactitude des révélations du prévenu. Pour confirmer le rejet par la cour d’appel d’une telle demande, la chambre criminelle énonce dans l’arrêt commenté qu’une telle mesure d’instruction serait illégale dans la mesure où elle conduirait les magistrats et les jurés à rompre leur serment. En effet, « une dérogation à l’obligation de conserver le secret des délibérations, édictée par l’article 304 CPP, ne saurait être admise, même à l’occasion de poursuites pour violation du secret du délibéré, sans qu’il soit porté atteinte tant à l’indépendance des juges, professionnels comme non-professionnels, qu’à l’autorité de leurs décisions ». Ce faisant, la chambre criminelle proclame le caractère absolu du secret du délibéré en matière criminelle, considérant explicitement qu’aucune mesure d’investigation ne saurait avoir pour objet de recueillir auprès des jurés des informations sur le cours des délibérations. Cette décision illustre l’attachement de la Cour de cassation au principe du secret du délibéré, lequel a été expressément reconnu comme une composante du principe de l’indépendance des magistrats dans une décision du Conseil constitutionnel relative aux mesures de perquisition (Cons. const., QPC, 4 déc. 2015).