Il est nommé le 5 octobre aspirant première classe, puis enseigne de vaisseau le 5 octobre 1903. C’est sur Le Gueydon qu’il va partir en Chine jusqu’en 1904, avant de connaître la Cochinchine à bord de la canonnière L’Achéron.
L’Achéron, premier signe funeste du destin !
L’Achéron, fleuve maudit de la mythologie grecque et qui conduit aux enfers. C’est servant sur ce bateau qu’Ullmo va sombrer une première fois : alcool, fumerie d’opium, débauche à Saïgon, premier pas vers l’île du Diable … !!
Devenu majeur en février 1903, Charles Benjamin a touché l’héritage de ses parents, environ 75 000 francs (ce qui représenterait aujourd’hui approximativement 230 000 €).
Déjà, lors de ses premières escales à Toulon, son port d’attache, vers l’année 1903, Ullmo a fait la connaissance de Marcelle Joujou, dite « Bijou », opiomane invétérée, qui va l’entrainer au jeu (une première perte de 6 000 francs). Elle va avant son départ pour Saïgon l’initier également à la consommation d’opium.
De retour à Toulon après un rapide passage sur Le Gaulois il est affecté comme commandant en second du contre-torpilleur La Carabine, bateau sur lequel va se jouer une partie du drame qui va le conduire en prison.
Sur La Carabine, Ullmo est remarqué pour la qualité de son travail et le commandant du navire, le lieutenant de vaisseau Mandine, le propose en juillet 1907 au tableau d’avancement pour le grade de lieutenant de vaisseau : quatre mois avant son arrestation !
Il est assez instructif de passer en revue les appréciations de ses supérieurs.
Navale 1900 : « caractère sérieux, mais trop fermé. Esprit qui se laisse difficilement pénétrer, mais intelligent, capable ».
Sur Le Duguay-Trouin, juillet 1901 : « travailleur et intelligent. Manque un peu d’entrain. Beaucoup d’instruction et de conscience ».
Sur Le Gaulois, octobre 1902 : « intelligent, susceptible de bien faire, mais paraît plus occupé de ses droits que de ses devoirs ». Un peu plus tard : « très intelligent et travailleur. Caractère peu expansif et timide ».
Sur Le Pothuau, juillet 1903 : « intelligent et capable. Bonne volonté, zèle, digne de tous les éloges ».
Sur la canonnière Achéron, juin 1904 : « très bon officier, très actif, très sérieux, recherchant toutes les occasions de s’instruire. Qualités de premier ordre ».
Et puis pour un moment, c’est la chute. Cette période correspond à une vie de surmenage et d’agitation à Saïgon où Ullmo passe la plupart de ses nuits à jouer, à boire et à fumer de l’opium à fortes doses.
Toujours sur l’Achéron, février 1905 : « conduite médiocre : a des absences inexplicables. Manque de politesse et de tact. Ne connaît aucun des principes du commandement ; se fait obéir mollement, tout en étant arrogant avec ses inférieurs. Manière de servir mauvaise ». Un peu plus tard : « M. l’enseigne de vaisseau Ullmo est un officier intelligent qui aurait pu devenir très bon, avec un peu plus de volonté et de travail. Depuis la dernière inspection générale, il se désintéresse absolument de ses devoirs et de son métier de marin. Cet officier tend de plus en plus vers l’indiscipline. Depuis 8 mois, il est un mauvais exemple pour l’équipage ». En juin 1905 : « Ullmo est un officier très intelligent et très instruit. Est néanmoins un mauvais officier ».
Retour à Toulon, Ullmo s’installe, même si cela reste relatif, dans une vie plus régulière et plus sobre, les appréciations et les notes remontent progressivement.
Sur Le Gaulois, juillet 1906 : « officier intelligent, instruit, bon observateur. Ne s’occupe pas assez de son service en rade ».
Sur La Carabine, juillet 1907 : « s’occupe de tout le personnel, dont il prend le plus grand soin, tant au point de vue de la nourriture qu’au point de vue de l’existence à bord. Officier très consciencieux, s’occupant parfaitement de ses fonctions de second et des détails qui lui sont confiés. Manœuvre bien à la mer. Proposition pour le tableau d’avancement pour le grade de lieutenant de vaisseau ». (Rapport du commandant Mandine)
Appréciation du commandant de l’escadrille des contre-torpilleurs, sept 1907 (un mois avant son arrestation !) : « officier très froid, très strict, consciencieux et soigneux. Manœuvre bien ».