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La santé mentale en prison

De la prison à l'asile spécialisé pour les aliénés-criminels entre 1850 et 1900

Maris-Hélène Bonnet, Réseau pour la Psychanalyse à l'Hôpital

« 20 ans ferme ». Couverture de la bande dessinée de Sylvain Ricard et Nicoby

Source : Editions Futuropolis, 2012

Uniforme de soignant

Source : Collection du Musée du Groupe Hospitalier Paul Guiraud

Pour tous les psychiatres du XIXe siècle, la psychose schizophrénique devient le modèle de la maladie mentale irresponsabilisante. Tous les cliniciens s’accordent sur la nécessité de séparer les aliénés ayant commis des crimes ou faisant preuve d’une violence incompatible avec la vie en collectivité,  des aliénés « ordinaires ». C’est dans cette optique que vont être créés le quartier de sureté de Bicêtre et l’infirmerie spéciale de la prison de Gaillon. Cependant, ces établissements spécialisés peinent encore à se distinguer du modèle carcéral.

Quartier de la sûreté dans l’enceinte de l’hôpital de Bicêtre. Photographie de Benoit Chain

Source : Musée du Domaine départemental de Sceaux

En 1845 s’est ouvert le quartier de la Sureté dans l’enceinte de l’hôpital de Bicêtre. Destiné à accueillir une trentaine d’aliénés criminels, il s’est avéré un lieu de relégation où cohabitaient pêle-mêle prévenus en attente de jugement, fous considérés comme dangereux et malades récalcitrants.

« Les asiles, la sûreté à Bicêtre »

Source : Bibliothèque nationale de France - extrait de l’article de presse « Les aliénés à Paris » rédigé par Maxime Du Camp pour « la Revue des Deux monde » de novembre 1872

Jugé inapproprié par les médecins eux-mêmes, le quartier de la sureté a été laissé en déshérence, jusqu’à ce qu’éclata, le 25 mai 1890, une révolte de six des quatorze internés. Bien que la rébellion fut rapidement matée et les meneurs séparés dans plusieurs hôpitaux, cet  évènement  renforça les critiques émises par les médecins sur l’intérêt de cette division spéciale. Toutefois, le quartier de sureté de Villejuif a continué à fonctionner quelques années jusqu’à la constitution d’une unité spéciale pour malades difficiles à l’hôpital de Villejuif.

La cour d’honneur du château de Gaillon. Photographie de France Poulain

Source : France Poulain.STAP27/DRACHN

Le château de Gaillon, situé dans le Département de l’Eure, est une forteresse du XIIe siècle, remaniée en château de style Renaissance. Le bâtiment est acquis par l’administration pénitentiaire en 1812 afin d’y construire une maison de détention pouvant accueillir jusqu’à 15 000 détenus. A l’arrière-plan de la cour d’honneur, l’on distingue les bâtiments à usage carcéral.

Plan du quartier des aliénés de la maison centrale de Gaillon. Reproduction

Source : Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine

Le 17 mai 1876, s’ouvre une annexe au sein de la prison de Gaillon, réservée aux « condamnés aliénés ». Elle accueille environ 90 hommes, répartis dans quatre divisions : une pour les « déments », une pour les « tranquilles », une troisième pour les « demi-tranquilles » et une quatrième pour les « agités ».

Vue plongeante d’une cellule de la prison de Gaillon. Photographie de France Poulain

Source : France Poulain. STAP27/DRACHN

Les internés suivent le même régime pénitentiaire que les autres détenus de la maison centrale. Considérée comme un début de solution au traitement spécifique des aliénés criminels, cette sorte d’infirmerie spéciale continuera à fonctionner jusqu’en 1906, alors même que la prison de Gaillon aura fermé ses portes en 1901, du fait de l’impossibilité d’adapter les locaux à la création de cellules individuelles.

Dr Henri Colin (1860-1930). Reproduction

Source : Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine

« Je suis né à Paris le 22 septembre 1860. J’ai réussi le concours de l’internat des asiles de la Seine en 1887. Durant ces années, j’ai été un élève proche de Charcot, au point que celui-ci m’a fait l’honneur de préfacer ma thèse de psychiatrie, publiée en 1890, que j’ai  intitulée « Essai sur l’état mental des hystériques ». En 1894, le Ministère de l’Intérieur m’a proposé la prise en charge du service médical de la Maison centrale de Gaillon dans l’Eure. C’est à ce poste que j’ai pu observer des erreurs de diagnostics patents. J’ai alors aussitôt dénoncé, avec l’aide de mon collègue Florentin Pactet, les conditions d’enfermement inadaptées des aliénés non reconnus comme tels en prison et injustement condamnés, dans un essai intitulé « Les aliénés dans les prisons », qui est paru en 1902. C’est fort de cette expérience que j’ai souhaité transformer l’infirmerie spéciale de Gaillon en un établissement spécialisé dans la prise en charge des aliénés des prisons, c’est-à-dire, non pas des aliénés devenus criminels, mais des criminels devenus aliénés dans le cours de leur détention. On m’a ensuite demandé d'organiser à Villejuif un service pour les aliénés difficiles et dangereux, dont j’ai assuré la direction jusqu'à ma nomination à la tête du service des admissions de Sainte-Anne en 1922. J’ai enfin été admis à la retraite en 1925.»  Henri Colin meurt le 19 octobre 1930.