Béret et paire de chaussons fabriqués dans les ateliers de l’asile

Source : Collection du musée de l’Hôpital Paul Guiraud à Villejuif

La prise en charge psychique des aliénés méconnus en prison ou ne supportant pas l’asile classique s’affine. La discipline carcérale des asiles spéciaux laisse la place à des méthodes thérapeutiques innovantes, telles que le recours au travail dans des ateliers comme levier thérapeutique. L’occupation par le travail vise ainsi à détourner les malades de leurs pensées morbides et à les aider à reprendre pied dans la vie sociale. Cependant les moyens psychothérapiques individuels restent très limités.

Les pavillons du quartier de sûreté de l’asile de Villejuif à leur ouverture en 1910. Reproduction

Source : Rapport annuel de 1910 du service des aliénés de la Seine adressé à la Préfecture

En janvier 1910, le psychiatre Henri Colin se voit confier l’organisation et la direction d’un « quartier de sureté » réservé aux « aliénés criminels, vicieux, difficiles, habitués des asiles », au sein de l’asile de Villejuif. L’objectif de cette division spécifique vise tout autant à protéger et soigner l’aliéné, qu’à permettre à la société de se protéger du dément. Elle est l’ancêtre de l’actuelle Unité pour Malades Difficiles (UMD) de Villejuif.

Dessin de protestation réalisé par un patient du quartier de sûreté de l’asile de Villejuif. Reproduction

Source : D.R.

Les rébellions sont fréquentes car, si tous les patients du quartier de sûreté ont été reconnus pénalement irresponsables, relevant de l’asile et non de la sanction pénale, ils conservent une part de lucidité. Insupportables dans les services ordinaires, ils se rebellent également contre leur internement à Villejuif, menaçant de se suicider, fomentant des plans d’évasion et organisant des mutineries violentes. Le dessin ci-dessous a été réalisé parHenri F., jeune interné de 19 ans particulièrement turbulent qui avait "monté" entre 1911 et 1914 un petit syndicat à la section afin de s'opposer au travail. Le Dr Colin est représenté à gauche et le surveillant général à droite.

La buanderie de l’asile de Villejuif. Reproduction

Source : Archives de l’hôpital Paul Guiraud

Dans la pure tradition aliéniste, Henri Colin mise sur le travail comme gage thérapeutique à même de « changer la chaine vicieuse des idées » et outil efficace pour discipliner les individus. Plus qu’une distraction, le travail doit amortir les frais engagés par l’Etat pour l’assistance des malades grâce à la vente d’objets. L'entretien technique de l’asile de Villejuif revient ainsi en grande partie aux internés du quartier de sûreté et permet à l'établissement de faire des économies en employant moins de personnel.

Travaux de jardinage à l’asile de Villejuif. Reproduction

Source : Archives de l’hôpital Paul Guiraud

Obligés de travailler à partir des années 1930, les internés de la section perçoivent une rémunération, censée les encourager à travailler et à rester docile. De plus, le travail s’avère comme un préalable indispensable au retour à la vie civile, en les réintégrant dans une dynamique sociale et en leur évitant de tomber dans la pauvreté. L’aptitude au travail devient un critère objectif de sortie, tandis que le refus de travail peut être puni de 15 jours d’emprisonnement en 1940.

La salle de bains, côté hommes de l’asile de Villejuif. Photographie

Source : Archives de l’hôpital Paul Guiraud

Une fois abandonnés les moyens traditionnels de contention, les médecins appliquent des techniques rudimentaires pour calmer les aliénés agités. Parmi les méthodes employées depuis l‘époque des aliénistes jusqu’au début du siècle, figurent les « bains de surprise », très utilisés pour apaiser les maniaques et sortir les mélancoliques de leur torpeur morbide.  Bains chauds et froids pouvant se combiner avec la « douche de répression », dont l’eau glacée servait à ramener à l’ordre, soumettre à la loi ou briser un refus obstiné de s’alimenter de la part du malade.

Pavillon d’isolement des femmes à l’asile de Villejuif. Reproduction

Source : Archives de l’hôpital Paul Guiraud

Afin d’éviter que les malades les plus atteints n’influencent les autres patients, les médecins isolent les individus dans des groupes restreints, selon leur degré d’agitation, le type de trouble ou la gravité de leur dégénérescence. Le seul traitement psychique individuel proposé est le traitement moral mis en place par Pinel, ancêtre des psychothérapies actuelles.