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L’affaire Fualdès. Le sang et la rumeur

Les procès de l’affaire Fualdès

Illustration hors texte pour Procédure criminelle instruite devant la cour d’assises d’Albi contre les assassins de M. Fualdès et leurs complices, taille-douce sur papier vergé, 10x17cm, Paris, Tiger, 1818

Source : Collection particulière

L’affaire Fualdès a été l’objet de trois procès successifs. Le nombre d’accusés et de témoins, la longueur des cessions comme la publicité exceptionnelle produite par les multiples éditions ou gravures, n’a pas d’équivalent en son temps.
À Rodez, le premier procès se déroule du 18 août au 13 septembre 1817. Onze accusés sont à la barre et voient défiler 243 témoins à charge et 77 à décharge. De façon tout à fait inhabituelle, le compte rendu des débats fera l’objet d’une publication presque officielle, visée par le procureur du roi Maynier, indice de l’intérêt tout particulier que porte le pouvoir à cette affaire dès le début.

Germain Chambert, Procès Fualdès. Banc des accusés, taille-douce sur papier vergé azuré, 33,4x50,2 cm, Toulouse, Chambert, 1818

Source : Collection particulière

À la suite d’un vice de forme du greffier, le jugement est cassé avant d’être renvoyé à la cour d’assises d’Albi. Les accusés ne sont plus que huit mais on dénombre 350 témoins. Toute la France parle alors de l’affaire Fualdès et de son héroïne Mme Manzon dont on attend qu’elle dise enfin si les accusés étaient bien présents dans la cuisine des Bancal. Au terme de ce deuxième procès qui se déroulera du 25 mars au 5 mai 1818, cinq peines de mort sont prononcées, dont trois effectives. Bastide, Jausion et Collard sont guillotinés le 3 juin à Albi. Mais la justice n’en a pas fini.
Un dernier procès se tient à Albi du 21 décembre 1818 au 15 janvier 1819 à l’encontre de trois nouveaux accusés, l’ancien commissaire de police et deux parents de Bastide. Ils seront tous relaxés. Au total, plus de 730 témoins seront cités dans l’affaire Fualdès.

Sébastien Coeuré, La visite d’un ecclésiastique à Jausion, Bastide et Collard, lithographie, 20,7 x 40 cm, Paris, Ostervald et Martinet, juin 1818

Source : Collection particulière

La cour d’assises d’Albi confirme le verdict de celle de Rodez. Les « chefs », Bastide-Gramont et Jausion, qui d’après l’acte d’accusation ont tué leur ami Fualdès par intérêt sont condamnés à la peine capitale. Bousquier, à l’origine des premières révélations, purge sa peine de 2 ans de prison. Les comparses sont condamnés à mort mais seul Collard est exécuté. La veuve Bancal et Bach voient leur peine commuée en détention à perpétuité après leurs aveux confirmant la thèse de l’accusation. Anne Benoit est condamnée aux travaux forcés à perpétuité et malgré la grâce de Louis Philippe, elle ne sera jamais libérée de la prison de Montpellier où elle purge sa peine. Le coutelier Missonnier est condamné à 2 ans de prison et à 50 francs d’amende. Il meurt à la prison de Montpellier.

D’après Ludwig Rullmann, Supplice de Bastide, Jausion et Collard, Hinrichtung des Bastide Jausion et Collard, lithographie de Schonberg sur papier vélin, 27,6 x 34,5 cm, Vienne

Source : Collection particulière

Le 3 juin 1818, jour de leur exécution, Bastide et Jausion demandent à ce qu’un notaire vienne recueillir leurs dernières paroles comme la loi le prévoit, c’est le testament de mort. Le conseiller Pagan leur demande pour une ultime fois d’avouer. Les accusés persistent dans leurs dénégations : ils n’ont pas tué Fualdès. Jausion déclare même qu’il ne comprend pas pourquoi on a cherché les assassins de Fualdès parmi ses amis et non ses ennemis, notamment les royalistes. Pendant leur transfert et jusqu’au pied de l’échafaud, ils témoignent de leur innocence.
À quatre heures et demie, Jausion monte le premier sur l’échafaud, suivi de Collard ; Bastide, le meneur, sera le dernier à être exécuté.
« L’exécution a duré à peine quelques minutes ; une foule nombreuse de spectateurs s’était rendue sur le jardin public et dans tous les lieux voisins, pour être témoin des derniers moments des condamnés. L’ordre n’a pas été troublé un seul instant. Pas un cri n’est échappé, et l’on a respecté l’humanité, à la vue de ceux qui l’avaient le plus outragée par leurs crimes. »

Vue de Rodez depuis Layoule, tirage photographique annoté par l’historien Pierre Benoit, vers 1900

Source : Collection particulière

Le procès Fualdès marqua Rodez. Tout au long du XIXe siècle, l’affaire hante l’esprit des Ruthénois par le souvenir des témoins directs ou les récits de leurs descendants. Dans les années 1840, la découverte d’ossements d’animaux dans l’ancien jardin de Jausion est interprétée comme les restes des deux joueurs de vielle assassinés pour ne pas témoigner. En 1907, les membres de l’Automobile Club du Périgord visitent Rodez et se rendent compte que les Ruthénois ne sont pas volubiles pour leur indiquer la maison Bancal. Cent ans après, l’évocation de l’affaire Fualdès n’est pas chose aisée et pour Combes de Patris, « la cendre était encore chaude ».

Pendant la deuxième guerre mondiale, le docteur Ferdière, médecin de l’asile de Rodez, s’intéresse aux lettres anonymes envoyées à Mme Manzon, en fait écrites par elle-même. Il se heurte aux mêmes réticences des Ruthénois, toujours mécontents de ce retour incessant sur cette affaire. L’attitude des habitants de Rodez ne semble pas varier après-guerre. Un chroniqueur littéraire écrivant sur François Fabié consigne « qu’après avoir visité la cathédrale et les autres lieux touristiques, il avait vainement demandé à quelque indigène, aussitôt muet et revêche, le chemin de la rue des Hebdomadiers ».

En 1978, Pierre Bellemare pense avoir le fin mot de l’histoire. Le moment semble enfin venu pour faire éclater au grand jour la vérité dans le cadre de son émission télévisée De mémoire d’homme. Les témoins sont attendus à l’évêché mais la chaise qui leur est destinée reste désespérément vide. Qu’en serait-il de nos jours ?