Collin (Léon) — Un vieux prussien fabricant de panier et Bérezowsky
portrait collectif (Nouvelle-Calédonie, bagne, captif, le travail) Dans une salle commune sont réunis quelques doux maniaques, idiots aux faces hébétées ou gâteux d'allures inoffensives. C'est là, dans cet asile, que par pitié on conserve Berezowsky, qui est bien certainement la figure la plus curieuse du bagne actuel. La faute qui l'a conduit au bagne, ne date pas d'hier. C'est en 1867, le 6 juin, vers 4 heures du soir, que Berezowsky, au Bois de Boulogne, tira deux coups de pistolet sur l'empereur de Russie, sans l'atteindre. La voiture, ou avaient pris place Alexandre II, Napoléon III, le grand duc héritier et le grand duc Vladimir, passait en bas de la cascade de Longchamps. La police avait été avertie, que l'on pouvait redouter un attentat. Aussi, Monsieur de Bourgoing, qui était à la droite du tzar à la portière de la voiture fit-il signe brusquement, à la cascade, de prendre la route de droite au lieu de l'allée des Acacias, désignée dans l'itinéraire de retour. Berezowsky, qui attendait dans l'allée des Acacias se serait trouvé à droitede la voiture du tzar. Voyant le changement de direction, il courut à travers les massifs et ne rejoignit la voiture qu'en haut de la cascade. Il était alors placé à gauche de la calèche et sa course précipité l'empêcha de voir avec sureté. Il pressa même les deux gachettes à la fois. Pour ce coup de pistolet d'ailleurs inoffensif, Berezowsky est au bagne depuis près d'un demi siècle ; personne n'aura eu l'idée de demander à notre ami le tzar, la grâce de ce régicide, qui fut toujours ici le condamné le plus calme et le plus correct qui se soit rencontré. Berezowsky vécut de nombreuses années dans une petite concession, que l'Administration pénitentiaire bienveillante lui avait allouée. Fort soumis au règlement, très poli avec les visiteurs, il resta là isolé, vivant de peu, sans mériter jamais une observation. Un petit cheval lui servait pour aller vendre ses légumes une fois par semaine, sur le marché de Bourail, et tous ses loisirs, il les passait dans la lecture des nombreuses publications, que chaque courrier lui apportait. Maintenant Berezowsky ne lit plus. Trop vieux pour travailler, il s'occupe au jardinage, à faire les courses dans l'hôpital... (note de l'auteur)
numéro d'inventaire : 2013.24.1.96
Support : H. 8,5 cm ; l. 10 cm
Créat. Entre 1906 et 1910