3. Le commerce du crime

Plan du chapitre

L'iconographie du crime

L’iconographie du crime a été longtemps l’apanage de petits feuillets, les occasionnels, vendus à la criée ou par des colporteurs à une clientèle populaire. Dans les villes, ils prennent le nom de « canards » dès le début du XIXe siècle avant de décliner progressivement, concurrencés par les rotatives de la presse à un sou. L’image stéréotypée est produite par l’utilisation de bois gravés, lourdement encrés.

« On voit éclore par milliers des portraits de Bastide et de Jausion, on a dessiné la maison Bancal et le cortège nocturne ; les avocats et les trois cent quarante témoins se vendront bientôt sur les quais. Si cela continue, tout le département de l’Aveyron sera lithographié. » Journal des débats politiques et littéraires, 11 et 12 mai 1818. L’affaire Fualdès surgit au moment où l’on assiste aux premiers essais en France d’une nouvelle technique d’impression à plat : la lithographie. Par sa rapidité de mise en œuvre et son relatif faible coût, elle offre un espace original de liberté ; une réactivité nouvelle face à l’actualité. Le procédé ne nécessite pas de faire appel à un artisan spécialisé pour reproduire un dessin à la différence de la taille-douce (gravure en creux sur une plaque de métal).

L’affaire Fualdès marque une rupture dans l’iconographie du crime. L’abondance des images produites est sans équivalent. Face à l’immense effroi qui parcourt le pays, les gravures vont rassasier la curiosité du public en offrant dans un premier temps le visage des accusés, leur physionomie, leur caractère intime. Chacun cherche à voir le visage des multiples personnages. Le portrait est à la mode et se diffuse sur de multiples supports depuis la fin du XVIIIe siècle. L’idée d’associer un caractère à des traits physiques est alors très en vogue en ce début de XIXe siècle. Le regard porté sur ces visages dépasse la simple représentation galante. Le public curieux cherche à se confronter à de véritables portraits dessinés « d’après nature ». L’image offre cette rencontre, ce face-à-face avec le crime. Chacun peut ainsi décrypter ou rechercher les relations entre les traits des visages et l’atrocité des faits, voire questionner l’idée d’une éventuelle prédestination.

La peinture conserve toute son aura par sa capacité à retranscrire « la ressemblance du personnage, la vérité des traits, l’expression de la physionomie ». Certains artistes bénéficient même de libéralités de la part des autorités pour accéder aux prisons et peindre les prévenus. La large diffusion de ces portraits alimente l’effervescence générale et conforte le récit officiel sur l’assassinat.

Les complaintes

Le public populaire s’attache aux formes orales, aux récits des colporteurs, aux chansons illustrées par des images bon marché. L’affaire marquera durablement les esprits. La Complainte de Fualdès sera fredonnée jusqu’à la fin du XIXe siècle.

La médiatisation de l’affaire Fualdès sera assurée, tout au long des trois procès, par les « notices », comptes rendus au jour le jour des séances envoyés aux abonnés, auxquels pourront être joints des gravures, des plans des lieux, des portraits des inculpés et de nombreuses publications postérieures.