5. Ordre public, ordre moral

Plan du chapitre

Ordre public, ordre moral

Dès ses débuts, Détective comptabilise de très nombreux détracteurs : il serait un journal amoral, voyeuriste, susceptible de créer des troubles à l’ordre public. La Croix, journal catholique de droite, reprend le traditionnel argument du fait divers pousse-au-crime en relatant avec délectation le cas d’un jeune assassin « précisément » trouvé porteur de Détective. Mais les critiques viennent de tous bords. L’Humanité dénonce les rapports privilégiés de Détective avec le préfet Chiappe tandis que Georges Sadoul, dans La Révolution surréaliste, membre du parti communiste le voit comme un « agent provocateur » au service des pouvoirs de police, préparant « une belle génération de salops. »

Le sensationnalisme

Effectivement Détective frôle parfois les limites de l’indécence. Les photographies d’exécutions capitales ne sont pas rares et les cadavres encore sanguinolents côtoient ceux fraîchement déterrés. Les enfants martyrisés au corps meurtri abondent, sans compter quelques images de sexualité ambiguë. La dernière page sert également à appâter le chaland par son illustration pleine page. Détective est parfois même désinvolte lorsqu’il publie les visages découverts des délinquants détenus à la colonie pénitentiaire de Mettray, au mépris de la loi de 1912 protégeant les mineurs. A plusieurs reprises le magazinefait donc l’objet d’une interdiction d’affichage dans les gares et même de vente en Belgique. Le 1er juillet 1935, Marius Larique est même condamné à trois mois de prison avec sursis.

L’idéologie de Détective

Il est commun de fustiger Détective pour le caractère nauséabond de certains de ses articles. À la fin des années trente notamment, Détective publie parfois des enquêtes comme « terre d’asile » en 1938 ouvertement xénophobes. La France y est qualifiée de « dépotoir de la fange internationale », le magazine relie directement criminalité et immigration et dresse un tableau statistique pour étayer ses propos : « sur 151 arrestations, 113 ont été commis par des étrangers ». Une typologie fantaisiste des criminels étrangers est esquissée : Les Espagnols et les Polonais sont « des voleurs à la tire », les Italiens sont « des perceurs de coffres forts », la pègre balkanique s’occupe du « trafic de stupéfiants et de faux passeports. » Détective tient ici des propos sécuritaires et prône des « mesures efficaces » pour préserver le pays de ce « flot d’intrus malfaisants ».

Cependant il serait aberrant de vouloir rapprocher Détective d’une presse d’extrême droite comme Gringoire. Lors de l’assassinat du président Paul Doumer en 1932 par Gorguloff, un Tchèque exalté, Détective publie un numéro spécial de huit pages qui réussit à caractériser le crime comme le fait d’un illuminé alors que d’autres journaux comme Le Matin ne résisteront pas, pour des raisons politiques, à vouloir en faire un complot communiste. De même au moment du suicide du ministre Roger Salengro, terrassé en 1936 par une ignominieuse campagne de calomnies venues de l’extrême droite, Détective immédiatement prend position et rétablit les faits. La réalité est donc plus complexe et les pages de l’hebdomadaire ne sont pas exemptes de propositions sociales libérales, notamment sur la peine de mort ou sur les « faiseuses d’anges ».

Les grandes causes de Détective

Ainsi à plusieurs reprises Détective conduit des campagnes pour faire réhabiliter des innocents comme Falcou en mars 1933, Ménard et Veyrac en février 1937. Ces combats partent de la conviction personnelle des journalistes qui, devant des « lacunes accumulées » décident d’alerter l’opinion publique. Dans ces affaires, Marius Larique ou Pierre Rocher, à l’initiative de la réouverture des dossiers, s’impliquent et font tenir à la presse un rôle salutaire.

Enfin Détective a milité fermement pour certaines causes : la fermeture du bagne, demandée à travers de nombreux reportages pendant plus de dix ans, fait la une en janvier 1937 à l’occasion de la réforme pénitentiaire : « le bagne est mort ! ». Un autre grand combat sera la protection de l’enfance. A partir de 1935 la place accordée dans les faits divers aux maltraitances sur mineurs est importante. Le rapt de la petite Nicole occupera 3 unes, le magazine offrant une récompense de 10000 francs, avant que l’on ne retrouve le petit cadavre en octobre 35 (N°365). La question est aussi traitée par des reportages sur les enfants abandonnés ou sur les « gangsters en culotte », Harry Grey essayant d’identifier les causes de la délinquance sans tomber dans les clichés et accusant en premier lieu l’environnement socio-familial.

Même s’il existe une part de mise en scène, les éditoriaux engagés comme la correspondance interne du journal montrent que Détective a l’impression, peut-être naïve mais en tout cas sincère, de jouer un rôle social. « Je n’ai pas honte de Détective », écrit Marius Larique à Gallimard en 1936. « Au contraire, je soutiens urbi et orbi qu’il est moral ».

10 grandes affaires couvertes par Détective qui ont marqué l’histoire

L’assassinat du président Paul Doumer (1932)

L’assassinat du président Paul Doumer (1932)

Le 6 mai 1932, le président Paul Doumer se trouve dans les salons de la Fondation Salomon de Rothschild pour inaugurer un salon littéraire des écrivains anciens combattants. Alors qu’il s’entretient avec des auteurs, il est très gravement blessé par balles. Il succombera à ses blessures le lendemain matin à l’hôpital Beaujon. Son assassin est un Russe émigré en France, Paul Gorgulov.  
L’assassinat du Président Doumer, alors âgé de 75 ans suscita beaucoup d’émotion en France mais aussi à l’étranger. Ce crime commis dans le contexte de l’entre-deux tours des élections législatives suscita bien des interprétations. Il donna lieu à un procès retentissant abondamment commenté dans la presse.

La question de l’éventuelle folie de Paul Gorgulov et de sa responsabilité pénale furent posées et feront débat lors du procès. Paul Gorgulov fut finalement reconnu coupable, condamné à la peine de mort et guillotiné par Anatole Deibler en public le 14 septembre 1932 à la prison de la Santé.

 

A lire aussi sur Criminocorpus :  
Un « régicide républicain » : Paul Doumer, le président assassiné (6 mai 1932), par Amaury Lorin

La France en deuil, assassinat de M. Paul Doumer, Président de la République, le 6 mai 1932

 

L'affaire du bébé Lindbergh (1932-1935)

L'affaire du bébé Lindbergh (1932-1935)

Le 1er mars 1932, le petit Charles Augustus Lindbergh Jr., âgé de 20 mois est enlevé du domicile de ses parents, Charles Lindbergh, héros de l’aviation pour avoir réalisé quelques années plus tôt la première traversée de l’Atlantique en avion, en solitaire et sans escales, et sa femme Anne Morrow Lindbergh.
Malgré le paiement d’une forte rançon, le bébé ne sera jamais rendu à ses parents et son corps sera retrouvé deux mois plus tard, le 12 mai 1932, non loin du domicile parental
L’enquête dura plus de deux ans aux termes desquels Bruno Hauptmann fut arrêté après avoir utilisé des billets de la rançon dans une station-service. Le procès du kidnappeur fut extrêmement médiatisé tant aux Etats-Unis que dans le monde. Hauptmann fut reconnu coupable du meurtre, condamné à mort et exécuté sur la chaise électrique à la prison d'État du New Jersey, le 3 avril 1936. Il aura cependant eu de cesse de clamer son innocence durant tout son procès…

L'affaire des soeurs Papin : les brebis enragées (1933)

Rien ne laissait soupçonner chez ces deux soeurs au service d'une famille bourgeoise du Mans une once de cruauté. Et pourtant en février 1933, on retrouve la maîtresse de maison et sa fille sauvagement assassinées, atrocement mutilées, sans motif réel. Christine allègue s'être défendue contre les assauts de sa patronne et raconte par le menu comment elle lui a arraché les yeux et défoncé le crâne avec toutes sortes d'ustensiles. Léa valide tout ce que dit sa soeur.

Le Procès

Tout l'enjeu du procès est de savoir si cet acte barbare a été commis dans un moment de démence ou en toute conscience. Les trois experts psychiatriques déclarent les deux soeurs saines d'esprit, ayant agi sous l'emprise de la colère, en conséquence de quoi, Christine est condamnée à mort, et Léa, la cadette, écope de dix ans de travaux forcés. Mais la presse s'interroge et dénonce un procès bâclé. Plusieurs circonstances atténuantes relevées par leur avocate sont en effet rapidement écratées, comme de lours antécédents familiaux ou encore les crises que Chritine connaît en prison. Après une grâce présidentielle, cette dernière est internée. Elle meurt à l'asile de Rennes trois ans plus tard. A sa sortie de prison, Léa mènera une vie paisible jusqu'en 2001.

Postérité

Le mélange de mystère, de folie, de misère autour de cette affaire, de même que la relation fusionnelle des deux soeurs que certains décrivent comme incestueuse, fascinent le public et les artistes. De nombreuses réécritures fictionnelles existent : dès 1947 Jean Genet écrit la pièce de théâtre Les Bonnes et on compte plusieurs adaptations sur divers supports, dont le film de Pierre Denis Les Blessures assassines ou la bande dessinée de Christopher et Moca, L'Affaire des soeurs Papin, sortie en 2010. Des historiens se sont aussi penchés sur cette affaire.

La parricide Violette Nozière (1933-1934)

Détective, n°255, 14 septembre 1933

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Source : Bilipo

Détective, n°254, 7 septembre 1932

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Source : Bilipo

Photo anthropométrique de Violette Nozière, portrait de profil

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Source : Collection Bibliothèque Marguerite Durand

Photo de Violette Nozière, condamnée à mort durant le procès, debout sur l'estrade

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Source : Photographie Henri Manuel, collection Bibliothèque Marguerite Durand

Madame Germaine Nozière et son avocat maître Boitel, 1934

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Source : Cliché Agence France Presse, Musée du Barreau/Droits réservés

Mme Nozière mère à la barre des témoins, 1934

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Source : Cliché Agence France Presse, Musée du Barreau/Droits réservés

Dessin d'audience : portrait de Vincey, avocat de Violette Nozière, 1934

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Violette Nozière dans le box des accusés, 1934

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Source : Cliché Graphopresse, Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Mme Germaine Nozière et son avocat maître Boitel à la barre des témoins, 1934

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Source : Cliché Graphopresse, Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

André Breton, René Char, Paul Eluard et al., Violette Nozières (sic), Nicolas Flamel, 1933

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Source : Collection Bibliothèque Marguerite Durand

Le Parisien, n°20636, 29 août 1933

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Source : Bilipo

L'empoisonneuse ou L'horrible crime de la rue de Madagascar, chanson petit format, texte de Léo

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Source : Bilipo

L'empoisonneuse Violette Nozière assassin de ses parents, chanson grand format

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Source : Bilipo

Née dans un milieu modeste, Violette, jeune femme aux moeurs libérées fréquentant le quartier latin, rêve de grandeur et méprise se sparents. Il lui faut d el'argent pour assouvir son désir d'évasion en compagnie de son amant l'étudiant Jean Dabin. Elle empoisonne alors son père et sa mère et dérobe leurs économies. La police enquête, la mère survit et raconte. Violette est arrêtée et condamnée à mort, puis graciée.

23 août 1933 : découverte du corps de M. Nozière.
28 août 1933 : arrestation de Violette Nozière.
10 octobre 1934 : ouverture du procès de Violette Nozière devant la Cour d'Assises de la Seine.
12 octobre 1934 : Violette Nozière est condamnée à mort pour parricide et empoisonnement.
24 décembre 1934 : grâce présidentielle.
Août 1945 : libération de Violette Nozière.
13 mars 1963 : Violette Nozière est réhabilitée par la Cour d'appel de Rouen.
Elle décèdera en 1966.

Détective n'échappe pas au mythe Violette Nozière qui s'empare de la presse à l'été 1933 et contribue à édifier le mythe autour de la jeune parricide d'à peine 18 ans. Loin du fait divers initial, l'affaire est récupérée à des fins politiques : ainsi pour les surréalistes, qui ont fait d ela jeune femme leur muse, elle devient le symbole de la lutte contre l'état bourgeois. Ils lui consacrent un ouvrage collectif.

Le scandale financier Stavisky (1933-1934) : l'affaire Stavisky

Détective, n°272, 11 janvier 1934

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Source : Bilipo

Détective, n°272, 18 janvier 1934

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Source : Bilipo

Palais de justice, 7 février 1934, affiche apposée sur les murs de la galerie marchande

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Reproduction de la fiche d'identité de Stavisky - avec empreintes digitales - du 27 juillet 1926, qualifiant l'homme du jour d'escroc écroué. Détective, n° 285, 12 avril 1934

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Reproduction du mandat d'arrêt de Stavisky du 4 janvier 1934. Détective, n°285, 12 avril 1934

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

La quatrième journée du procès Stavisky a abordé l'affaire de Bayonne. Tissier, Garat, Digoin et Cohn ont été interrogés. Cohen pendant son interrogatoire

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Le docteur Paul entouré de journalistes

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

L'inspecteur Bony au milieu des journalistes

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Baron de Lussats, L'énigme de la Combe-aux fées, édité par l'auteur, 1935

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Source : Bilipo

Paul Lenglois, Vie et mort de Stavisky, Denoël et Steele, 1934

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Source : Bilipo

La valse des 88 millions de Stavisky, chanson grand format, Editions Marcel-Robert Rousseaux, vers 1934

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Source : Bilipo

L'affaire Stavisky, chanson grand format

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Source : Bilipo

Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Le rire, n°792, 7 avril 1934. Numéro spécial intitulé Livre de compte de Stavisky par Sennep

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Source : Musée du Barreau de Paris/Droits réservés

C’est l’histoire d’un scandale politique et médiatique qui accompagne la France dans la crise, et qui lui donne l’impression d’une faillite de ces élites. C’est parce qu’elle intervient dans une série d’événements similaires, dans un contexte politiquement et économiquement dégradé qu’elle a ébranlé en 1934 les fondements mêmes de la république française.

De Sacha Stavisky à Serge Alexandre
Sacha Stavisky est né le 20 novembre 1886 à Slobodka. C’est d’abord un petit escroc, un homme à femmes aussi, qui se lance dans diverses entreprises sans envergure : il dirige un bar russe, Le Cadet-Roussel, puis une société de consommé qui vendait un bouillon de bœuf dont nul n’a vu ou bu la moindre goutte ; il trouve des couvertures pour des opérations mystérieuses, des combines douteuses. Grâce à son habileté, son charme et ses services d’indicateur pour la police, Stavisky réussit à éviter la prison jusqu’en 1926 alors même que ses affaires s’aggravent : vols de titres, contrefaçons de bons du trésor.  Son arrestation en 1926 lui vaut pour la première fois les gros titres de la presse nationale. En décembre 1927, il est libéré pour raisons de santé. Il se fait désormais appeler Serge Alexandre, il a épousé Arlette, un mannequin de chez Chanel et une nouvelle combine prend forme. Grâce à la complicité d’experts, il met en gage de faux bijoux auprès du crédit municipal d’Orléans. En avril 1929, Alexandre et ses amis qui ont créé les Etablissements « Alex » emménagent dans de splendides locaux dans le 9e arrondissement. Stavisky fonde grâce des hommes de paille plusieurs sociétés écrans pendant ces années dont la principale, la Foncière, une entreprise d’exploitation foncière et de travaux publics, a pour principal objectif d’émettre des bons qui paraissent crédibles grâce au conseil d’administration prestigieux de la société et à l’espace publicitaire que l’entreprise achète dans les journaux. Grâce à l’appui du maire de Bayonne, Joseph Garat, l’escroquerie s’étend au crédit municipal de Bayonne. Mais les malversations de Stavisky menacent de percer dans certains journaux. Qu’à cela ne tienne, la presse de l’époque est vénale et Stavisky va entreprendre d’acheter les journalistes et les journaux. Stavisky décide finalement de monter une affaire encore plus importante autour des obligations des propriétaires terriens hongrois expropriés par milliers après la guerre.

La fin de Stavisky
En décembre 1933, le receveur des finances de Bayonne découvre que 180 millions de faux bons ont été émis…Stavisky décide de fuir par peur de la prison. Réfugié dans un chalet dans les Alpes, Stavisky se suicide le 8 janvier 1934 au moment où il va être repris par la police. La suspicion est partout. Le Canard Enchaîné titre : «  Stavisky se suicide d’une balle qui lui a été tirée à bout portant ». Pendant ce temps, la rue s’enflamme. Le 27 janvier 1934, le ministère Chautemps démissionne et le préfet Chiappe est évincé.  Le 6 février 1934, c’est l’émeute. Luc Dornain dans Détective prend une position républicaine : « L’émeute, c’est la folie d’un peuple à qui on laisse perdre sa maîtrise. »

L’assassinat du roi de Yougoslavie Alexandre 1er à Marseille (1934)

L’assassinat du roi de Yougoslavie Alexandre 1er à Marseille (1934)

Le 9 octobre 1934, le paquebot qui amène le roi Alexandre 1er de Yougoslavie en visite en France, accoste à Marseille. Le roi est accueilli par le ministre des Affaires étrangères, Louis Barthou. Quelques instants après être montés dans la voiture officielle qui s’engage sur la Canebière, un homme surprend le service d’ordre et tire sur les passagers. Le roi Alexandre 1er touché à la poitrine par les tirs du terroriste meurt quelques instants après à la préfecture.  Louis Barthou accidentellement touché par les tirs des policiers décède également peu de temps après l’attentat. Quatre personnes  succomberont également à leurs blessures et 7 autres personnes seront blessées.
Le terroriste est un nationaliste bulgare Vlado Černozemski (alias Veličko Dimitrov Kerin). 

Il décèdera de ses blessures quelques heures après l’attaque.

Membre de l’ORIM (Organisation de résistance intérieure de la Macédoine) et déjà auteur de nombreux attentats, il aurait agi avec l’appui des Oustachis croates.

A lire aussi sur Criminocorpus : L'horrible assassinat (complainte)

Les attentats du CSAR (1938)

Les attentats du CSAR (1938)

Le 11 septembre 1937, Paris est secoué par deux attentats à la bombe contre la Confédération Générale du Patronat Français et l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie, situés toutes deux dans le quartier de l’Etoile. Deux gardiens de la paix sont tués. La presse s’empare de l’affaire : attaque contre le patronat ou sanglante provocation contre la classe ouvrière ?

L’enquête détermina qu’il s’agissait bien d’un attentat fasciste, notamment par la découverte en novembre 1937 d’une cache d’armes. De nombreuses arrestations furent alors prononcées en lien avec l’organisation d’extrême droite le Comité secret d’action révolutionnaire, surnommée « la Cagoule »

Marx Dormoy, responsable du démantèlement de la Cagoule, fut assassiné en représailles le 26 juillet 1941.

Eugène Weidmann entre juillet et novembre 1937 enlève et assassine sept personnes avec l'aide de complices. Arrêtés en décembre, leurs motifs restent inconnus et nourrissent plusieurs fantasmes, dont la piste nazie. Dans Détective, il bénéficie d'une médiatisation particulièrement dense.

Jugé en mars 1939, Weidmann est qualifié de "dégénéré confirmé" par les experts. Il est le dernier homme à être guillotiné en public et le photographe Jean-Gabriel Séruzier de Détective passera toute une nuit sur le toit d'un immeuble pour immortaliser la scène.

Peine capitale

La question de la peine de mort est certainement le point le plus discuté dans toutes les rubriques de Détective, sans qu’une ligne directrice très marquée ne se dessine. De façon unanime les châtiments les plus brutaux (comme le garrot) sont condamnés, mais la parole est laissée aussi bien aux abolitionnistes qu’aux partisans de la peine capitale.

L'affaire du conseiller Prince (1934-1935)

L'affaire du conseiller Prince (1934-1935)

Le 20 février 1934, le corps d'Albert Prince, conseiller à la cour d'appel de Paris est retrouvé déchiqueté, attaché aux rails de la voie ferrée Paris-Dijon.
Une mallette ouverte et... vide est retrouvée non loin de son corps. Albert Prince avait été responsable de la section financière de la Seine, un poste concerné par l'affaire Stavisky qui fit trembler la République. L'enquête retiendra pourtant la thèse du suicide.

L'attaque du train de l'or (1938)

L'attaque du train de l'or (1938)

Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1938, peu après son départ de Marseille, un train transportant, dans un wagon blindé 180 kilos d'or, des diamants et des rubis bruts est attaqué par une quinzaine d’individus masqués et armés. Cette spectaculaire attaque fera la une de la presse.  L’enquête démontrera que le braquage réalisé avec la complicité d’un cheminot fut l’œuvre de deux bandes de Marseille pourtant jusque-là rivales. Mais le butin attendu les avaient décidé de coopérer sur le territoire même de la commune.