Eysses - Colonie correctionnelle
L’histoire pénitentiaire d’Eysses débute le 3 septembre 1803 avec l’arrêté du 16 fructidor an XI (3 septembre 1803) qui affecte l’abbaye bénédictine Saint-Potain-Saint-Gervais - fondée au Ve siècle - à une maison « de force et de réclusion » pour les dix départements de la région aquitaine et toulousaine. Les locaux de l’abbaye sont rachetés par l’État par adjudication le 17 décembre 1804. La maison centrale d’Eysses, prévue pour accueillir des hommes et des femmes condamnés à des peines d’emprisonnement supérieures à une année, ouvre en 1809 après quatre années de travaux de transformation. Eysses devient une maison centrale pour hommes en 1822, année de l’ouverture de la maison centrale pour femmes de Cadillac.
Le 2 juin 1895, la maison centrale d’Eysses est transformée en colonie correctionnelle pour les mineurs délinquants. Conformément à la loi « Corne » du 5 août 1850, y sont admis des mineurs acquittés en vertu de l’article 66 du Code pénal, des mineurs condamnés à des peines de plus de six mois d’emprisonnement et des mineurs en correction paternelle. La colonie correctionnelle d’Eysses se distingue des autres colonies publiques par son régime particulièrement répressif. En effet, elle est organisée en deux sections : une section pénitentiaire pour les mineurs de seize ans condamnés à des peines supérieures à deux ans et pour les relégables bénéficiant d’un régime de faveur, et une section correctionnelle pour les incorrigibles, mineurs de moins de vingt et un ans en « correction paternelle » renvoyés des colonies publiques et privées pour indiscipline. Il existe également à Eysses une section isolée pour les syphilitiques. Suite au décret du 27 décembre 1927, la colonie correctionnelle d’Eysses devient la Maison d’éducation surveillée d’Eysses - quartier correctionnel. Elle conserve donc sa mission répressive dans le paysage des « nouvelles » maisons d’Éducation spécialisée. De la même manière, Eysses restera une colonie disciplinaire pour garçons après loi du 27 juillet 1942 qui supprime la notion de discernement, et par là même, le placement systématique du mineur déclaré non discernant dans une MES.
Le 10 avril 1937, le ministre de la Justice Marc Rucart se déplace pour une inspection complète de la colonie suite à la mort de Roger Abel, l’un des « article 66 » détenus à Eysses. Arrivé à Eysses le 12 mai 1936 à l’âge de 18 ans après avoir été renvoyé successivement de Mettray et de Belle-Île, Roger Abel meurt le 6 février 1937 à l’hôpital d’Agen des suites d’une tuberculose pulmonaire non traitée pendant sa détention marquée par des mesures disciplinaires répétées. Avec la fermeture de Mettray en novembre 1937, cet événement préfigure la réforme de la justice des mineurs d’après-guerre. Entre septembre 1940 et avril 1943, la maison d’éducation surveillée - qui détient encore une centaine de mineurs environ - et un quartier « maison centrale » pour adultes condamnés de droit commun coexistent sur le même site. À partir du mois d’octobre 1943, Eysses reçoit majoritairement des détenus de la zone Sud condamnés pour faits de résistance. Les derniers mineurs sont alors transférés à la MES d’Aniane, qui devient la colonie disciplinaire pour les indisciplinés des autres institutions.