Lespès (Julien) — Tortures
Seul et trainant partout l’implacable anathème
J’invoque mais en vain la justice suprême
Et plus je viens prouver que je suis innocent,
Plus on me fait souffrir, plus on me boit le sang.
Dans ma voix, dans mon corps, la torsion se dessine
Juin mil et neuf cent huit, me hante, m’assassine
Etre au bagne innocent, c’est l’ambulant trépas,
Ce tourment est si noir qu’il ne se dépeint pas.
Le cachot qui sans fin, m’écrase la poitrine,
Me tord et me retord, de douleurs, de famine.
Et si par ce cachot Dupré ne m’a tué,
Il n’en est pas moins bourreau prostitué
De la férule immonde.
J’ai contre des argousins, le monde,
J’écris la vérité, je suis contre l’erreur.
Et c’est là tout mon crime au comble de l’horreur !
Soleilland ou Prado, la bête la plus vile,
Me seraient préférés à ma plume virile.
Et quiconque aujourd’hui ne sait lécher le dos
Se voit moralement déchiré par lambeaux.
Donc malheur à celui qui se plaint au ministre
Il sera supplicié dans un cachot sinistre
Et voué pour jamais à l’exécration
Du système odieux de l’administration.
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