La colonisation pénale de la Guyane débute en 1852. Promulguée sous le Second Empire, la loi du 30 mai 1854 sur l'exécution de la peine des travaux forcés, dite loi sur la transportation, organise la peine des travaux forcés aux colonies. La Guyane est désignée pour accueillir les transportés qui doivent y être employés "aux travaux les plus pénibles de la colonisation". L'objectif de cette loi est triple : elle permet de débarrasser les bagnes portuaires métropolitains de leurs forçats; du fait de l'abolition de l'esclavage en 1848, elle fournit à la colonie une main-d’œuvre abondante et bon marché; elle autorise enfin les transportés les plus méritants à s'installer sur place au terme de leur peine. En 1857, Saint-Laurent du Maroni, bientôt le principal point d'accueil des transportés en Guyane, est créée. Cette ville, construite par et pour les bagnards, devient commune pénitentiaire en 1880. Ses limites s'étendent au territoire pénitentiaire du Maroni créé par décret en 1860. Ce territoire est orienté exclusivement vers les objectifs fixés par la loi du 30 mai 1854 : l'administration pénitentiaire doit développer ce territoire au moyen de la main-d’œuvre des forçats et ces derniers, s'ils s'en montrent dignes, peuvent ensuite obtenir des concessions de terre ou des engagements de travail pour y devenir colons. Le but étant d'y créer une colonie de peuplement, à l'image de l'expérience menée par la Grande-Bretagne en Australie.
Le 27 mai 1885 est votée la loi sur la relégation des récidivistes. Cette mesure entraîne l'internement à perpétuité de condamnés récidivistes sur le sol d'une colonie. Plus de 17 000 récidivistes, condamnés essentiellement pour des délits de vol simple et de vagabondage, vont être envoyés en Guyane de 1887 à 1938. Le décret d'application de cette loi organise son régime en deux volets. Les relégués qui bénéficient de moyens financiers pour se prendre en charge sur place et qui ont de bons antécédents en détention bénéficient du régime de la relégation individuelle. Ils sont libres de contracter des engagements de travail ou peuvent bénéficier d'une concession à la condition de ne pas quitter la colonie. Tous les autres, c'est-à-dire l'immense majorité d'entre eux, sont placés au régime de la relégation collective. Puisque l’État doit subvenir à leur entretien, ils doivent en contrepartie travailler pour son compte. Ils sont donc internés au sein d'un dépôt, encadrés par des agents de l'administration pénitentiaire et astreints à des travaux forcés. L'objectif de ce régime est de leur permettre de se familiariser au labeur colonial et d'amasser un pécule suffisant pour pouvoir, à terme, bénéficier du régime de la relégation individuelle. La relégation, tout comme la transportation, cherche donc également à favoriser leur installation dans la colonie.
Mais la décision d'envoyer les relégués en Guyane va être lourde de conséquences. À la suite de la première tentative lancée par le Second Empire, l'expérience de la transportation fut stoppée : l'insalubrité de la colonie entraîna un taux de mortalité effroyable et la décision fut prise en 1867 d'envoyer tous les transportés européens en Nouvelle-Calédonie (seuls les coloniaux continuaient de purger leur peine en Guyane). Malgré ce précédent, la IIIe République décide d'envoyer les relégués en Guyane. Sur place, ils sont installés sur le territoire pénitentiaire du Maroni. Mais les peines de la transportation et de la relégation étant différentes, les relégués et les transportés ne peuvent pas être réunis sur une même circonscription territoriale. La décision est donc prise de les installer à Saint-Jean, situé à 15 km de Saint-Laurent. Ce camp, ouvert en 1859 pour les besoins de la transportation, accueillit à partir de 1865 des transportés libérés. Mais le site est si malsain qu'il est abandonné trois ans plus tard. Le ministre de la Marine et des Colonies fait parvenir en 1885 des instructions pour y édifier à nouveau un village de colons où les relégués devraient disposer d'une concession agricole et y vendre leur production sur une place de marché qui formerait le centre du village. Respectant ces instructions, l'administration pénitentiaire installe les relégués au sein de quatre camps situés à l'intérieur ou aux alentours immédiats de Saint-Jean. Cette configuration répond en effet à l'esprit de la loi sur la relégation, les relégués n'étant pas internés en Guyane pour y être soumis à une peine de travaux forcés comme leurs homologues transportés.
Le premier convoi de relégués débarque à Saint-Jean avec son personnel d'encadrement le 20 juin 1887. Mais rien n'est prêt pour les accueillir : les relégués vont donc devoir bâtir les bâtiments destinés à les abriter. Saint-Jean est édifié dans l'urgence et la plupart des bâtiments, dont les cases des relégués, sont des paillotes qui protègent particulièrement des intempéries. Seul le personnel administratif bénéficie de cases en bois à double parois de système Pillet et Schmidt. Mais ces cases se détériorent très vite sous l'action du climat et de l'humidité. Le taux de mortalité est ainsi très important dans les premiers temps d'installation du camp et les relégués s'évadent en nombre plutôt que de subir une mort quasi-certaine. Afin de l'assainir et de le rendre plus salubre, mais afin également de mieux contrôler les relégués, les autorités pénitentiaires décident de reconstruire intégralement Saint-Jean en matériaux durables. D'un village de colons, le camp se transforme rapidement en un pénitencier. Des cases en briques et à armature en fer remplacent peu à peu les paillotes et les cases en bois de système Pillet et Schmidt. Mais ces importants travaux, couplés à ceux d'assainissement tout aussi importants, entraînent une modification de taille du régime de la relégation. Tous les relégués sont réquisitionnés par l'administration pénitentiaire pour les accomplir et très peu bénéficient du régime de la relégation individuelle. Ils sont maintenus au régime de la relégation collective qui devient un régime de travaux forcés à perpétuité. Les relégués subissent ainsi un régime qui s'apparente à celui de leurs homologues transportés internés au pénitencier de Saint-Laurent.
Le pénitencier de Saint-Jean est désaffecté en 1943. Mais loin de rester vide, il accueille à partir de 1949 des réfugiés en provenance d'Europe de l'Est dans le cadre de la politique migratoire menée par le Bureau d'Installation des Personnes Immigrées en Guyane (BIPIG). Puis, à partir de 1961, l'armée s'y installe : le Régiment du service militaire adapté de la Guyane (RSMA-G) et le 9e Régiment d'infanterie de Marine (9e RIMA) occupent toujours les lieux.
Edition en ligne : Jean-Lucien Sanchez
L'exposition
Cette exposition a connu trois versions :
- La première version a été réalisée en septembre 2007 par Daniel Gimenez et Marc Renneville dans le cadre des journées européennes du patrimoine.
- La seconde version a été proposée à partir de novembre 2013 dans le cadre du programme ANR Sciencepeine (Projet n° ANR-09-SSOC-029). Elle bénéficiait notamment des résultats d'une étude originale sur l'architecture du pénitencier de Saint-Jean réalisée par Jean-Lucien Sanchez et commanditée par le Service patrimoine de la mairie de Saint-Laurent du Maroni et la Direction des Affaires Culturelles Guyane (DAC).
- La troisième version est proposée depuis juin 2017. Tout en s'appuyant sur les deux précédentes versions, elle s'est enrichie de nouveaux clichés suite à un séjour de Jean-Lucien Sanchez à Saint-Jean-du-Maroni en novembre 2014 grâce à un financement du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP UMR CNRS 8183).
Daniel Gimenez est secrétaire de l'association Meki Wi Libi Na Wan. Cette association œuvre pour faire connaître l'histoire de la relégation en Guyane et pour la sauvegarde du patrimoine pénitentiaire de Saint-Jean. Elle organise également des visites guidées du camp.