11. Punir ou pardonner

Plan du chapitre

Justice négociée, justice imposée

L’objectif de la justice médiévale est de rétablir la paix entre les familles et non de punir les coupables. Une rupture se crée à la fin du XVe siècle, quand le souverain cherche à monopoliser l’exercice de la justice et à devenir le seul garant de l’ordre public : d’où la création de nouvelles infractions (crimes de lèse-majesté divine et humaine : hérésie, sorcellerie, blasphème, vagabondage) et l’invention de l’« homme criminel » (l’homme étant doué du libre arbitre, s’achemine vers le bien ou le mal volontairement).
L’évolution de la procédure du Moyen Âge à l’Ancien Régime concourt à créer le crime, par le recours à la « question » sous l’influence de la procédure inquisitoire, qui met l’accusé au centre du procès, et non plus la victime. Elle fait également évoluer la peine, qui consiste de plus en plus en châtiments corporels infligés en public – les mutilations corporelles ne disparaissant qu’après le XVIe siècle. Ce « modèle » ne prévaut toutefois que pour les grands procès criminels ; les crimes ordinaires relèvent toujours de l’ancien modèle de la justice réparatrice – également capté par la puissance royale, qui s’arroge ainsi le pouvoir de punir et de pardonner.
La pratique de la justice négociée ou « réparatrice » s’est maintenue jusqu’à la fin du XVIIe siècle sous des formes diverses. La diminution de la violence de sang et le renforcement du pouvoir de l’État amène au XVIIIe siècle la prédominance de la justice « imposée » sur la justice négociée.

 

Entre indulgence, indifférence et sévérité
L’ancien droit pénal se caractérise par l’absence de sanction moyenne et le très large pouvoir d’appréciation laissé au juge (« arbitraire » du juge). Ce pouvoir du juge s’appuie néanmoins sur les règles prévues par les ordonnances ou coutumes – le lieu privilégié de l’ « arbitraire du juge » étant la fixation de la peine pécuniaire.
Les grandes orientations du droit pénal sont : la répression de la violence, la protection de la famille, le vol qualifié, le développement des droits de l’État par rapport aux libertés publiques. On peut noter une indulgence relative pour les violences non mortelles (sanctionnées par des amendes pécuniaires), et une indifférence pour les attentats aux mœurs (en dehors des viols). Le meurtre est en revanche passible de la peine capitale.
Pour le vol, l’arbitraire du juge a libre cours, et la peine de mort n’est pas rare (notamment pour les vols dans les églises, lieux de justice, lieux publics et autre vols portant atteinte à la nécessaire relation de confiance entre tiers – vol domestique – ou vols en bande et de grand chemin). Plutôt indulgent envers la majorité des prévenus, le système pénal est cependant particulièrement sévère envers « les irrécupérables » : bandits de grand chemin, traîtres, hérétiques et sorcières, marginaux dont il faut se débarrasser.
Amendes (pécuniaires ou honorables), châtiments corporels, galères, bannissement, peine de mort (pendaison, écartèlement, le feu) constituent les peines possibles.
La prison infligée comme peine est quasiment inexistante sous l’Ancien Régime, car la prison est un lieu pour garder avant le procès et non pour punir.
Le roi peut absoudre les fautes par lettre de grâce ou de rémission. Beaucoup de peines sont illusoires et jamais appliquées faute de preuves ou encore parce que jugées par contumace.