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Plan du chapitre

Façade sur la place Vendôme

La place Vendôme compte parmi les plus célèbres places parisiennes. Après un premier projet avorté en 1699, les façades de la place actuelle sont édifiées d’après les dessins de Jules Hardouin‑Mansart, au début du XVIIIe siècle. Entièrement dédiée à la gloire du roi Louis XIV, l’architecture de cette place est représentative du Grand Siècle. Posés sur un rez-de-chaussée à bossage continu, les deux étages carrés sont décorés de colonnes et de pilastres colossaux corinthiens. Le no 13 occupe un des deux avant-corps de la place, lequel est surmonté d’un grand fronton triangulaire sculpté.
En 1699, la statue équestre de Louis XIV, réalisée par le sculpteur Girardon, est inaugurée sur la place. Détruite en 1792, elle est remplacée en 1808 par la célèbre colonne Vendôme, au sommet de laquelle est installée une statue de l’empereur Napoléon Ier en César. D’une hauteur de 44 mètres, le fût de la colonne est orné de bas-reliefs illustrant les victoires napoléoniennes. Renversée sous la Commune, elle est reconstruite en 1873 et demeure, aujourd’hui encore, le symbole de la place.

Le vestibule et l’escalier d’honneur

Le vestibule est le « lieu ouvert au bas d’un grand escalier, pour servir à divers issues ». Les murs sont en pierre et le sol est recouvert d’un dallage en pierre à cabochons de marbre noir. Conçu par Robert de Cotte au début du XVIIIe siècle il donne accès à l’escalier d’honneur de l’hôtel qui conduit aux appartements de réception du premier étage. La typologie de l’escalier « à vide central » est caractéristique de l’architecture française et est très largement répandue depuis le règne de Louis XIII. La rampe en fer forgé est probablement d’origine.

« En entrant au ministère de la Justice, le premier acte de Justice – et de goût – est de s’arrêter devant les tapisseries éclatantes qui encadrent la montée du grand escalier ». Aujourd’hui encore, une grande pièce de tapisserie représentant le Parnasse orne la montée d’escalier. On y voit Apollon – protecteur des Arts – jouant de la lira da braccio (violon à neuf cordes) au sommet du mont Parnasse, entouré des muses et des plus grands poètes de l’Antiquité et de la Renaissance. Cette pièce fait partie de la tenture des « Chambres du Vatican », réalisée d’après les fresques de Raphaël, par la manufacture des Gobelins. Parmi les autres pièces tissées, se trouvent Héliodore chassé du temple (3e pièce) ou encore la célèbre École d’Athènes (5e pièce). Datant du XVIIIe siècle, la tenture du ministère de la Justice, prêtée exceptionnellement par le Mobilier national, est un retissage d’une première tenture des « Chambres du Vatican », exécutée dans les années 1680 par l’atelier de Jean Lefebvre aux Gobelins, et dont la pièce du Parnasse est conservée au musée du Louvre.

Le bureau du ministre, au rez‑de‑chaussée sur le jardin

Ancien grand cabinet du chancelier, grande bibliothèque, puis salon bibliothèque

Les murs de cette pièce donnant sur le jardin sont occupés par des bibliothèques vitrées faisant corps avec les lambris. Si quelques éléments de ce décor peuvent dater du XVIIIe siècle, comme le suggère Bruno Pons, l’ensemble des boiseries est largement remanié en 1840‑1841 par l’entrepreneur Petit. Le bureau du ministre comporte actuellement un ensemble mobilier de neufs fauteuils et d’un canapé, recouverts de tapisserie d’Aubusson représentant les fables de La Fontaine (le « Loup et l’agneau », le « Lion et le moucheron », le « Renard et le bouc), ainsi que le bureau dit « de Cambacérès ». Deux presses à sceller, réalisée sous l’Empire, y sont exposées. Les meubles d’appui, commandés par Cambacérès et livrés en 1810 et classés au titre des Monuments historiques, sont ornés d’un des symboles de la Justice : le serpent enroulé autour d’un miroir comme allégorie de la Prudence. « Le miroir pour désigner que l'homme prudent ne peut régler sa conduite que par la connaissance de ses défauts ; le serpent, parce que ce reptile a toujours été regardé comme le plus prudent des animaux ».

La presse à sceller est utilisée pour apposer le sceau de la République sur les textes importants. Sous l’Ancien Régime, l’apposition du sceau royal était obligatoire et permettait d’authentifier les textes officiels. Depuis la Révolution, son usage en a été considérablement limité et le scellement semble se restreindre aux Constitutions et leurs modifications ainsi qu’aux lois les plus importantes. L’arrêté du 8 septembre 1848, prescrivant le scellement des lois et fixant la forme du Sceau de la République, dont la matrice est toujours utilisée de nos jours, n’a pas été abrogé. Excepté l’abandon quasiment complet du scellement sous la IIIe République et total sous le régime de Vichy, plusieurs textes majeurs de l’histoire de France du XXe siècle ont été scellés, tels que le Traité de Versailles (1919), les Constitutions de 1946 et de 1958, la loi abolissant la peine de mort (1981), l'acte de révision du Traité de Maastricht (1992), et plus récemment, les lois constitutionnelles modifiant la Constitution de 1958 et la loi sur la parité (2002).

La salle du Sceau, au rez-de-chaussée sur le jardin

Salle d’audience du chancelier, grand salon, actuel bureau du directeur de cabinet

Le chancelier et les officiers de la Chancellerie se réunissaient dans cette salle lors des « audiences du sceau » pour apposer le sceau royal sur les documents officiels. Les murs étaient ornés de cinq grandes pièces de tapisserie, appelées les « chancelleries », parsemées de fleurs de lys et présentant les armes du roi et les attributs du garde des Sceaux.
Le décor de ce salon date très certainement du XIXe siècle. Conçu par l’architecte Destailleur, qui portait un grand intérêt à l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles, les grands lambris blancs et dorés sont directement inspirés de l’art de Robert de Cotte. La corniche est très proche de celle du « salon des Portraits », avec les putti et les divers animaux qui peuplent les rinceaux. De même, les angles sont occupés par des cartouches ailés presqu’identiques à ceux du salon du premier étage, dans lesquels prennent aussi place des allégories de la Justice. Les portraits de Michel de l’Hospital (1505‑1573), de Mathieu Molé (1582‑1656) et de François d’Aguesseau (1668‑1751), grandes figures de la Chancellerie sous l’Ancien Régime, complètent le décor de ce grand salon.

Le petit salon dit le « bureau Danton », au rez-de-chaussée sur le jardin

Seconde antichambre

Ce petit salon présente un riche décor dans le style rocaille, datant du Second Empire. Les lambris en bois foncé sont sculptés de divers ornements se référant à la Justice : code civil, feuilles de chêne, glaive et flambeau. Au sommet du trumeau de glace, un petit enfant assis tient entre ses mains une balance et une épée, tandis que deux dragons posés sur des petites volutes le regardent. Les deux peintures en grisaille qui occupent les dessus‑de‑porte représentent le buste de la Sagesse et celui de la Force. Le symbole de la balance se retrouve également sur la corniche et des « N » surmontés de la couronne impériale, entourés de feuilles de lauriers et de chênes, en référence à l’empereur Napoléon III, prennent place dans les angles. Ce même motif orne la rosace du plafond.

Le salon Empire, au premier étage sur la place Vendôme

Également appelé le grand salon ou salon rouge

Le décor de ce salon est très certainement réalisé autour de 1811, en vue du réaménagement des appartements du duc de Massa, ministre de la Justice et Grand Juge de Napoléon Ier. Les lambris à hauteur d’appui, peints en blanc et or, sont caractéristiques du style Empire. Des bas-reliefs, avec des corbeilles de fleurs et des arabesques, sont placés au‑dessus des quatre portes. Ce salon est meublé de canapés et de sièges en acajou sculpté, avec des bronzes dorés, et couverts d’une étoffe rouge depuis le milieu du XIXe siècle. Cet ensemble mobilier, probablement réalisé par les ébénistes Pierre-Antoine (1757‑1828) et Louis-Alexandre Bellangé (1796‑1861) dans les années 1810‑1820, comprend deux grands canapés, deux autres petits canapés, dix grands fauteuils, deux bergères, six petits fauteuils et onze chaises. Il est classé parmi les Monuments Historiques depuis 1988.

Le boudoir de l’Impératrice, au premier étage sur la place Vendôme

Cette petite pièce donnant sur la place Vendôme est redécorée au XIXe siècle afin d’accueillir l’impératrice Eugénie. Cette dernière, avec sa suite, se rendait dans l’hôtel de la Chancellerie afin d’assister aux défilés militaires. Ce fut le cas le 29 décembre 1855, pour le défilé des premières troupes de l’Armée d’Orient de retour de Crimée, ainsi que le 14 août 1859, pour le défilé triomphal de l’armée d’Italie, conduite par Napoléon III au pied de la colonne Vendôme. Pour l’occasion, la place est entourée d’estrades et une « tribune décorée avec beaucoup de goût et de richesse » est adossée à la façade de l’hôtel du ministère de la Justice. Elle est réservée à l’impératrice ainsi qu’aux membres de la famille impériale. Le petit boudoir de l’hôtel, dit « le boudoir de l’Impératrice » présente un décor simple, encore en place aujourd’hui, avec des lambris bas, des murs tendus de toile bleue et une impressionnante archivolte aux ornements végétaux qui encadre la porte d’entrée.

La galerie Peyronnet, au premier étage

Salle à manger d’apparat

Le décor de cette salle à manger, construite en 1827 à la demande du comte de Peyronnet, est particulièrement somptueux. Les murs sont recouverts de colonnes et de marbres polychromes rappelant le Versailles des années 1670. La corniche est richement ornée de feuilles et de fruits, de denticules et de rais-de-cœur. Les six baies sont surmontées d’un médaillon dans lequel Napoléon III a fait placer un « N » surmonté d’une couronne impériale. Le plafond à voussure est décoré de fresques et de stucs. Si les sources d’archives manquent pour connaître précisément la réalisation de ce décor, il a très certainement été réalisé en partie par l’entreprise Wallet et Hubert, spécialiste des décors en carton‑pierre. La salle à manger est meublée de consoles noires et dorées du milieu du XIXe siècle, récemment restaurées. Elle est éclairée par trois grands lustres de trente-six lumières chacun.
Réalisée au mépris des lois de la comptabilité publique, cette salle à manger est à l’origine de la vindicte socio-politique menée contre le comte de Peyronnet, accusé d’avoir outrepassé les crédits ministériels qui lui avaient été accordés.

Le salon des Oiseaux, au premier étage sur le jardin

Grande chambre, puis salon vert

Conçu par l’architecte Destailleur au XIXe siècle, le décor du salon des Oiseaux présente une riche ornementation caractéristique du style Second Empire. Les boiseries, peintes en blanc et or, sont ornées d’arabesques et de guirlandes et les dessus-de-porte sont décorés de corbeilles de fruits et d’oiseaux. La corniche est enrichie de petites consoles alternant avec des motifs symboliques se référant à la Justice, dont le bouclier des Amazones, le « pelta », symbole de protection. De même, le grand panneau faisant face à la place Vendôme est orné d’une composition dans le style du XVIIIe siècle représentant tous les symboles de la justice : la table de la Loi, le glaive, la main de justice, la balance, les feuilles de chêne, le faisceau des licteurs et la torche. Une belle console, récemment restaurée, porte une glace sans tain.

Le salon des Portraits, au premier étage sur le jardin

Salon doré

Le décor de ce salon date très certainement de 1718, lorsque l’hôtel de Bourvallais est réaménagé et redécoré par Robert de Cotte pour le chancelier de France. Bruno Pons attribue la réalisation de ce décor à l’atelier de Degoullons et à ses associés, qui travaillaient au service des Bâtiments du roi. Appelé dans les sources « sallon doré », le décor est caractéristique du style des Bâtiments du roi sous la Régence, avec les lambris blancs et or, les grandes roses au milieu des panneaux et les grands trumeaux de glace. La glace posée sur la cheminée est encadrée par deux pilastres d’ordre composite. Les entrelacs de la rosace sont habités par plusieurs petits dragons et la corniche est ornée de rinceaux peuplés de putti et d’animaux. Les médaillons ailés placés dans les angles évoquent la nouvelle destination de l’hôtel, avec une allégorie de la Justice armée du glaive et de la balance ou encore la Force, représentée solidement appuyée sur le fût d’une colonne.

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