Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De l'Ancien Régime à la Restauration /

Règlement du 30 avril 1822 (fin)


CHAPITRE IV. Surveillance des ateliers.




Art. 33.
La prospérité d’un établissement dépendant essentiellement de celle des ateliers, leur surveillance est un des devoirs les plus importants des gardiens, qui doivent veiller avec la plus sévère attention à ce que les détenus emploient exactement leur temps pendant les heures de travail ; à ce qu’ils ne perdent, gaspillent ou volent les matières premières qui leur sont confiées ; à ce qu’ils ne détériorent point les métiers, les outils et les ustensiles, et à ce qu’ils donnent tous leurs soins, toute leur attention, à la confection des ouvrages dont ils sont chargés.

Art. 34.
Il y a toujours dans chaque atelier, ou du moins pour plusieurs ateliers rapprochés les uns des autres, un gardien de planton pour y maintenir l’ordre et veiller à ce qu’il ne s’y passe rien de contraire aux mœurs et aux intérêts de l'établissement, de l’entrepreneur ou de fabricants qui font travailler. Ce gardien ne peut quitter son poste avant d’avoir été relevé par un autre, sous peine, pour la première fois, d'être suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant huit jours au moins et quinze jours au plus. En cas de récidive, il sera destitué.

Art. 35.
Les gardiens de planton dans les ateliers sont responsables des contraventions aux règlements de police commises par les détenus. Ils répondent également des pertes et vols de matières, des bris de métiers, dégradations d’ouvrages, etc., toutes les fois qu’ils ont eu connaissance de ces faits et qu’ils ne les ont pas signalés sur-le-champ au gardien-chef, à l’inspecteur ou au directeur.

Art. 36.
Sera puni de la suspension et de la privation de son traitement, pendant quinze jours au moins, tout gardien qui, ayant eu connaissance d’une contravention aux règlements sur la police des ateliers, n’aura pas dénoncé sur-le-champ les détenus coupables.
Le directeur pourra, selon la gravité des cas provoquer la suspension pendant un mois ou la destitution des gardiens qui, en ayant eu connaissance, n’auront pas dénoncé les bris de métiers ou d’ustensiles, les pertes ou gaspillage de matières premières et les dégradations d’ouvrages, lorsque ces délits auront été commis par la haine, méchanceté ou vengeance.
Les gardiens qui ne dénonceront pas les vols faits par les détenus, lorsqu’ils en auront connaissance, et quelle que soit l’importance de ces vols, seront destitués. Ils seront traduits devant les tribunaux s’il est constaté qu’ils ont favorisé les fols, en achetant, recélant ou facilitant la vente des objets volés.

Art. 37.
Les détenus ne devant travailler que pour le compte de l’entrepreneur ou de ses sous-traitants, ou pour celui de l'établissement lorsque le service est en régie, les gardiens veillent à ce qu’il ne soit pas contrevenu à cet ordre.
Les gardiens qui, ayant eu connaissance de travaux clandestins (lors même que ces travaux seraient pour le compte des employés), ne les auront pas dénoncés au gardien-chef et à l’entrepreneur lui-même, seront suspendus de leurs fonctions et privés de leur traitement pendant quinze jours au moins.

Art. 38.
Il est expressément interdit aux gardiens de faire travailler les détenus pour leur compte, même en les payant, sans le consentement de l’entrepreneur du service, ou sans celui du directeur lorsque la maison est en régie.
Les gardiens qui auront obtenu la permission de faire travailler les détenus, ne pourront leur remettre directement l’ouvrage ni leur en payer le prix. Cet ouvrage et les prix de main d'œuvre seront remis soit à l’entrepreneur ou à ses agents, soit à l’inspecteur ou au chef d’ateliers, lorsque le service est en régie.
Tout gardien qui aura contrevenu aux dispositions de cet article sera suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant un mois. Dans tous le cas, les ouvrages donnés en contravention seront saisis et vendus au profit de la caisse des charités.

Art. 39.
Les gardiens sont présents à l’ouverture et à la fermeture des ateliers aux heures qui sont indiquées, et ils veillent à ce que les détenus ne s’y introduisent pas pendant les heures non consacrées au travail.
Les ateliers sont fermés par l’entrepreneur du service qui en garde les clefs jusqu’au moment de l’ouverture.

Art. 40.
Les gardiens d’un même quartier ou section doivent se réunir et se concerter pour escorter les détenus circulant dans l’intérieur de la maison pour le service de l’entreprise, l’entrepreneur et ses agents n'étant pas obligés de surveiller ces circulations.
Ils veillent à ce que les détenus chargés du service de propreté le fassent avec soin.

Art. 41.
Les employés supérieurs doivent s’abstenir d’occuper les gardiens pour leur service particulier, même les jours de congé.



CHAPITRE V. Devoirs et attributions des portiers.




Art. 42.
Les portiers visitent tous les paquets qui entrent et qui sortent de la maison, même ceux dont les premiers gardiens et les gardiens ordinaires sont porteurs.
Ils ne peuvent quitter leur loge sans la permission du directeur.
Les portiers principaux doivent être mariés. Leur femme et leurs enfants logent avec eux ; mais, dans aucun cas et sous aucun prétexte, ces femmes et ces enfants ne peuvent entrer dans l’intérieur de la prison.
Ils ne peuvent se faire remplacer momentanément par leur femme. Ils sont responsables des événements qui arrivent en leur absence.
Ils accompagnent au greffe ou chez le directeur toutes les personnes qui demandent à entrer dans la maison.
Il leur est défendu de recevoir chez eux les gardiens, à moins que ceux-ci n’y soient envoyés par le directeur ou l’inspecteur, pour les besoins du service, à peine d'être privés de leur traitement pendant quinze jours au plus et huit jours au moins. En cas de récidive, ils pourront être destitués.
Il leur est également défendu de vendre et débiter des denrées, aliments ou boissons, sous peine de destitution.
Ils veillent à ce que les gardiens ne sortent pas de la maison sans une permission du directeur ou du gardien chef. En cas de contravention à cet ordre, ils seront privés de leur traitement pendant huit jours pour la première fois, et pendant quinze jours en cas de récidive. A la troisième fois, le directeur peut provoquer leur destitution.
Les dispositions relatives à l’uniforme et à l’armement de gardiens sont applicables aux portiers principaux.

Art. 43.
Les directeurs font des règlements qui déterminent les fonctions et les attributions des portiers ordinaires. Ces règlements sont approuvés par les préfets, qui en adressent copie au ministre de l’intérieur.
Les portiers ordinaires portent le même uniforme que les gardiens : leur armement ne consiste qu’en un sabre-briquet suspendu à un baudrier de cuir noir.





CHAPITRE VI. Dispositions générales.


Art. 44.
A l’avenir, il ne sera admis aux emplois de gardiens ou de portiers, que d’anciens militaires âgés de vingt ans au moins et de quarante-deux au plus, porteurs de congés en bonne forme et de certificats délivrés par le maire de leur commune et constatant leur conduite. La préférence sera donnée aux anciens sous-officiers jouissant d’une pension de retraite.
Les gardiens ou portiers ne seront définitivement nommés qu’après avoir fait dans la maison un surnumérariat de deux mois, pendant lesquels ils jouiront du traitement attaché à l’emploi, sauf les retenues. Les candidats sont présentés par le directeur au préfet, qui ordonne leur admission comme surnuméraires.
Les anciens services militaires, les certificats de bonne conduite, et l’attestation du directeur, constatant que le candidat a fait avec zèle, exactitude et intelligence, le surnumérariat exigé par le paragraphe précédent, seront mentionnés dans l’arrêté de nomination rendu par le préfet, et qui sera sous à l’approbation du ministre de l’intérieur.
Les gardiens-chefs sont nommés par le ministre de l’intérieur, qui le choisit entre les premiers gardiens et les gardiens ordinaires de toutes les maisons centrales.
Les premiers gardiens sont nommés par le préfet sur la proposition du directeur, qui présente pour candidats les gardiens ordinaires les plus capables. A mérite égal, la préférence est donnée à l’ancienneté de service dans l'établissement auquel ils ont appartenu, à moins d’une décision spéciale du ministre de l’intérieur.
Aucun condamné gracié ou libéré ne peut exercer l’emploi de gardien ou de portier.

Art. 45.
A la fin de chaque période de cinq années, les gardiens qui, pendant ce temps, auront fait dans la même maison un service exact, et sans avoir encouru de punition grave, auront droit à une augmentation de traitement de vingt-cinq francs. Cette augmentation sera accordée par le ministre de l’intérieur sur le rapport du préfet, et d’après les certificats délivrés par le directeur et l’inspecteur de la maison.
L’augmentation dont il s’agit pourra être retirée aux gardiens qui, après l’avoir obtenue, se rendront coupables d’insubordination ou de toute autre faute grave.
Le premier jour de chaque trimestre, les directeurs des maisons centrales enverront au ministre de l’intérieur l'état nominatif des gardiens et portiers, en faisant connaître par une observation particulière la manière dont chacun aura fait son service pendant le trimestre écoulé, ainsi que les punitions qu’il aura encourues et les motifs de ces punitions.
A cet effet, il sera tenu dans chaque maison un registre où seront exactement inscrites les punitions infligées aux gardiens.

Art. 46.
A la fin de chaque année, le ministre de l’intérieur mettra à la disposition des préfets une somme de cent francs au moins et e six cents francs au plus (selon l’importance des maisons et le nombre de gardiens), pour être distribuée comme supplément de traitement à ceux des gardiens ou portiers qui, par leur bonne conduite, leur zèle et leur intelligence, auront rendu les meilleurs services à l'établissement.
Ces suppléments seront répartis par le préfet sur les propositions séparées du directeur et de l’inspecteur.

Paris, le 30 avril 1822.

Le ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur.

CORBIERE