5. Cascades Female Factory Historic Site (Hobart, Tasmanie)

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Cascades Female Factory Historic Site (Hobart, Tasmanie)

Inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO (World Heritage) depuis 2010, le site de Cascades Female Factory constitue un des onze sites du Australian Convict Sites World Heritage Property. Entre 1788 et 1853, 25 000 femmes condamnées furent transportées en Australie. Approximativement la moitié fut envoyée à Van Diemen's Land (Tasmanie), où la plupart échouaient dans un des cinq pénitenciers pour femmes de la colonie (« Female Factory » était le nom donné aux prisons pour femmes à cette époque). Situé dans les faubourgs de la ville de Hobart, l'emplacement choisi accueillait initialement une distillerie de rhum, construite en 1824. Elle fut rachetée en 1828 par le gouvernement de la colonie et reconvertie en pénitencier pour femmes. Plus de 5 000 condamnées y séjournèrent de 1828 à 1856.

Les textes de cette exposition sont traduits de Lucy Frost, Foot steps and voices. A historical look into the Cascades Female Factory, 2004, the Female Factory Historic Site et Cascades Female Factory Historic Site. Visitor Guide, 2012.

Le pénitencier a constitué, dès son ouverture, un important complexe. Ses différents bâtiments étaient séparés par des murs, créant un véritable dédale fortifié, et l'ensemble était entouré par un mur d'enceinte. Quand le dernier convoi de femmes y fut envoyé, en 1853, le pénitencier comprenait en tout cinq cours intérieures, appelées yards. La situation géographique du pénitencier le rendait particulièrement inhospitalier : enfoncé dans une vallée entourée de montagnes, l'endroit était froid et très peu ensoleillé.

La cour n°1 (Yard 1) a été ouverte en 1828 et a toujours constitué le centre de commandement du pénitencier. Les 100 premières femmes qui y arrivèrent à son ouverture provenaient de la Female Factory attachée à la prison de la ville de Hobart, qui était alors très délabrée. Par la suite, les condamnées tout juste débarquées de leur navire traversaient la ville à pied pour rejoindre, souvent accompagnées de leurs enfants, le pénitencier.

La cour n°1 contenait également un hôpital, une nurserie et une cuisine. L'hôpital était régulièrement en sureffectif car les maîtres n'étaient pas tenus de soigner leurs assignées. À la moindre maladie, elles étaient immédiatement renvoyées au pénitencier pour y être soignées. Celles qui tombaient enceintes étaient également fréquemment reconduites : mais leur « maladie » était alors considérée comme un crime et puni comme tel. Les femmes accouchaient à l'hôpital puis elles étaient envoyées à la nurserie avec leur enfant. Une fois celui-ci sevré, elles étaient immédiatement envoyées à la troisième classe (crime class) pour y purger leur peine. Certaines, avec un peu de chance, parvenaient à revoir leurs enfants de temps en temps. Mais elles ne le pouvaient plus une fois renvoyées à l'extérieur du pénitencier, au service d'un nouveau maître. À l'âge de trois ans, les enfants étaient eux envoyés dans un orphelinat (Queen's Orphan School) situé à l'opposé du pénitencier, à New Town (Hobart).

Certaines condamnées ne retournaient jamais au pénitencier après leur première mise en assignation. Elles demeuraient alors au service du même maître jusqu'à ce qu'elles fussent éligibles au ticket of leave. Cette mesure leur permettait de pouvoir rechercher un emploi dans un lieu désigné par le gouverneur (et, si elles disposaient de revenus, de recueillir leurs enfants). Il s'agissait d'un système d'indulgences (indulgences) : l'étape suivante leur permettait d'obtenir un conditionnal pardon, qui leur permettait de se rendre où elles le souhaitaient (excepté en Grande-Bretagne). Enfin la dernière étape, le free pardon, leur permettait d'être totalement libres et de pouvoir rentrer en Grande-Bretagne si elles le souhaitaient.

Le système de classe organisait l'intégralité de la vie quotidienne des condamnées. Celles intégrées à la première classe étaient cuisinières, surveillantes auxiliaires ou assistantes à l'hôpital. Celles intégrées à la deuxième classe confectionnaient des habits pour le pénitencier ou reprisaient du linge. Celles intégrées à la troisième classe étaient employées aux travaux les plus durs comme le filage du crin ou de la laine, le lessivage ou le blanchissage du linge et l'entretien de la nurserie et du pénitencier. L'attribution des tâches restait à la discrétion du surveillant principal et la journée de travail durait en moyenne 12 heures.

Le centre de la cour n°1 était occupé par les dortoirs des détenues et par une chapelle. Les femmes, réparties selon leurs classes, dormaient dans de vastes dortoirs verrouillés durant la nuit. Le silence devait alors être absolu.

Le pénitencier connaissant une forte surpopulation et des conditions d'hygiène dramatiques, la décision fut prise par le lieutenant-gouverneur Georges Arthur d'y faire construire une extension. La cour n°2 (Yard 2) ouvrit donc ses portes en 1832, après deux ans et demi de travaux. Cette cour, plus petite que la cour n°1, était surnommée la cour de lavage (washing yard). Cet ensemble comprenait des cellules d'isolement (leurs portes contenaient une petite lucarne qui offrait un faible éclairage et permettait aux femmes d'y travailler), des lavoirs et des lignes pour y faire sécher le linge. Le travail dans cette partie du pénitencier était particulièrement dur et éprouvant.

Une nouvelle cour, le cour n°3 (yard 3), fut édifiée en 1842. À partir de 1841, le nombre de femmes internées connut effectivement un pic préoccupant : prévu pour accueillir 200 pensionnaires, le pénitencier en accueillait près de 500. Une enquête lancée par le nouveau gouverneur John Franklin (qui remplaça le gouverneur Arthur en 1837) fut sans appel : les dortoirs étaient totalement saturés, obligeant les condamnées à partager leurs hamacs, et le personnel rencontrait de nombreuses difficultés pour calmer les révoltes.

En 1850, une quatrième cour (yard 4) fut édifiée au pénitencier pour accueillir une nurserie.

Durant les années 1840, Hobart comptait plusieurs établissements destinés à accueillir les mères condamnées et leurs enfants. Ces sites permettaient de désengorger le pénitencier de Cascades qui était totalement saturé et où les enfants connaissaient un taux de mortalité très important. Afin de parer à ce problème de surpopulation et pour concentrer la population des condamnées en un lieu unique, l'administration décida en 1849 d'édifier une nurserie à Cascades Female Factory.

La nurserie comprenait un grand bâtiment dont les vérandas et les fenêtres étaient situés à l'est, afin de capter au maximum le soleil. Il pouvait abriter 88 femmes et 150 enfants. Les enfants restaient avec leurs mères jusqu'à ce qu'ils soient sevrés et confiés à d'autres femmes. À l'âge de trois ans, tous les enfants quittaient le pénitencier pour rejoindre le Queen's Orphan School. Au centre de la cour se situait un préau pour abriter les mères et leurs enfants durant leur promenade.

Dans la cour n°4 se situait en contrebas, près de l'entrée, la maison de la surveillante principale de la nurserie (The Matron's Quarters).

L'intérieur était composé de quatre pièces : trois étaient réservées à la surveillante générale (salon, chambre et cuisine) et la dernière hébergeait les agents du pénitencier chargés du courrier.

La cour n°5 (Yard 5) fut achevée en 1852, soit un an avant la fin de la transportation en Tasmanie. Collée à la cour n°2, elle comprenait un bâtiment à deux étages hébergeant des femmes titulaires d'un ticket of leave ou probationnaires en attente d'être employées à l'extérieur. Le rez-de-chaussée servait de réfectoire en journée ou d'école en soirée et le premier étage accueillait un dortoir de 212 places. De tous les bâtiments du pénitencier, c'était certainement le plus moderne et le plus confortable. L'emplacement de la cour n°5 a aujourd'hui totalement disparu.

 

Lorsque la transportation cessa en Tasmanie en 1853, de nouvelles institutions occupèrent les bâtiments du pénitencier. L'ensemble du site devint une prison pour femmes en 1856 et sa direction fut transférée aux autorités locales. En 1869, l'ancien pénitencier accueillit un dépôt pour hommes invalides et un autre pour femmes invalides ainsi qu'une maison de redressement pour jeunes garçons. À la suite de quoi, le site abrita tour à tour un hôpital de quarantaine, une maternité et un asile pour aliénés. La prison pour femmes ferma définitivement ses portes en 1877 et les autres institutions quittèrent peu à peu les lieux. Une fois vide en 1904, le site fut divisé et vendu par le gouvernement à des particuliers. La plupart des bâtiments furent alors détruits. Ce ne fut qu'à partir des années 1970, sous l'impulsion du Women's Electoral Lobby, que le gouvernement racheta la cour n°1. Puis, de 1999 à 2004, le Female Factory Historic Site Ltd racheta la cour n°3 et la maison de la surveillante générale. Enfin, en 2008, le gouvernement de Tasmanie racheta la cour n°4 et l'ensemble forme aujourd'hui le Cascades Female Historic Site.

Vous pouvez poursuivre votre visite sur le site du Cascades Female Factory Historic Site.