Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De l'Ancien Régime à la Restauration /

Règlement du 30 avril 1822 (suite)


CHAPITRE III. Service, attributions et discipline.


Art. 12.
Le gardien-chef pourra avoir son ménage dans l’intérieur de la maison.
Sa femme et ses enfants, s’il y en a, ne doivent jamais entrer dans les cours, préaux, ateliers, infirmeries, dortoirs et autres lieux occupés par les détenus.
Dans aucun cas et sous aucun prétexte, il ne peut recevoir les détenus dans son logement.
Toute infraction aux dispositions énoncées dans les deux paragraphes précédents suffira pour motiver la destitution du gardien-chef.

Art. 13.
Les premiers gardiens et les gardiens ordinaires ne pourront avoir leur ménage dans l’intérieur de la maison.
Ils demeureront ensemble ou isolément, et coucheront dans des loges ou corps de garde à portée des dortoirs.
Il leur est expressément défendu de recevoir les détenus dans leurs loges ou corps de garde, sous peine de destitution.
Ils sont consignés à la porte principale, et ne peuvent sortir pendant le jour que pour aller dîner, et au moyen de cartes ou de cachets qui leur sont remis par le gardien-chef, de manière qu’un premier gardien et les trois quarts au moins des gardiens ordinaires soient toujours à leur poste.
Il leur est accordé trois quarts d’heure au plus pour aller dîner. Ils se font apporter leur déjeuner et leur souper à la maison. Les aliments sont visités par le portier principal et par le gardien-chef, qui veillent à ce qu’on n’introduise dans la prison aucun aliment ou boisson que les gardiens pourraient vendre aux détenus.
Le gardien-chef est responsable des permissions qu’il délivre contrairement à l’ordre établi, de même que le portier principal répond des sorties qui ont lieu sans permission.

Art. 14.
Le directeur, et, en son absence, l’inspecteur, peuvent donner aux gardiens des congés pour un jour entier, depuis huit heures du matin jusqu'à huit heures du soir. Il n’y aura jamais en congé qu’un seul gardien à la fois, et le même gardien ne pourra être ainsi autorisé à s’absenter que deux fois par mois au plus.
Aucun gardien ne peut découcher que dans les cas de nécessité constatée, et qu’avec la permission du directeur.
Les congés ou permissions sont toujours donnés par écrit. Ils sont remis par le directeur au gardien-chef, qui les délivre aux gardiens.
Art. 15.
Afin de s’assurer de la présence des premiers gardiens et des gardiens ordinaires, le gardien-chef fera trois appels par jour : le premier avant la distribution des vivres du matin, le second avant la distribution du dîner, et le troisième après la retraite, au moment où il donnera le mot d’ordre qu’il aura reçu lui-même du directeur ou de l’inspecteur.
Les gardiens qui manquent à l’appel, lorsqu’ils ne sont pas absents par congé ou permission, sont mis aux arrêts par le gardien-chef. En cas de récidive, et sur le rapport de ce dernier, ils sont mis à la salle de discipline par l’ordre du directeur.
Tout gardien qui, sans excuse valable, a manqué trois fois à l’appel dans la même année, est suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant quinze jours au moins. A la quatrième fois, il est destitué.

Art. 16.
Pour toutes les parties du service, tant dans la prison que dans les infirmeries, le gardien-chef reçoit les ordres du directeur, et, en cas d’absence de celui-ci, ceux de l’inspecteur. Ces ordres sont transmis par le gardien-chef aux premiers gardiens, et par ceux-ci aux gardiens ordinaires.
Tous les gardiens obéissent aux ordres qui leur sont donnés directement par l’inspecteur, lequel informe le directeur des mesures qu’il a ainsi ordonnées.
Au besoin et en cas d’urgence, le gardien-chef peut donner aux autres gardiens tous les ordres qu’il juge convenables au bien du service et à la sûreté de l'établissement. Il rend compte sur-le-champ de ces ordres au directeur, qui les confirme, les révoque ou les modifie.
Le gardien-chef donne aussi aux portiers les consignes qu’il reçoit lui-même du directeur.
Il fait son rapport au directeur le matin et le soir.

Art. 17.
Pendant la nuit, le gardien-chef est dépositaire des clefs de tous les dortoirs occupés par les détenus. Ces clefs lui sont remises par le premier gardien de chaque quartier.
Le gardien-chef reçoit, dans un parloir qui lui est spécialement affecté (si les localités le permettent, les personnes du dehors qui demandent à communiquer avec les détenus. Il examine les paquets apportés par les visiteurs, et il s’assure que les lettres dont ils sont porteurs ont été vues par le directeur (qui y appose un visa). Il remet au directeur les lettres écrites par les détenus. Il est responsable des abus qui pourraient résulter des communications des visiteurs avec les détenus.
Dans aucun cas, ces communications n’auront lieu sans la permission du directeur ou de l’inspecteur. Les permis de communiquer ne seront donnés, les jours ouvrables, que pour les heures de récréation, et les jours fériés, que pour les heures non consacrées aux offices divins et aux repas.

Art. 18.
Le gardien-chef fait, chaque nuit, une ronde dans l’intérieur de la prison. Il peut se faire accompagner par un ou plusieurs gardiens de service.
Les premiers gardiens font, chacun dans son quartier, une ronde toutes les nuits.
Les gardiens ordinaires font plusieurs rondes pendant la nuit dans les quartiers auxquels ils sont attachés.
Toutes ces rondes ont lieu à des heures différentes.
En cas d’urgence, les premiers gardiens et les gardiens ordinaires rendent compte sur-le-champ au gardien-chef des choses qu’ils auraient remarquées dans les rondes de nuit, et qu’ils auraient jugées susceptibles de compromettre la sûreté de la maison.
Le gardien-chef peut requérir le secours de la force armée, qui doit déférer à sa réquisition.
Le directeur fixe le nombre de gardiens qui doivent faire le service pendant les nuits.

Art. 19.
Tout ordre donné par le directeur ou par l’inspecteur doit être exactement et strictement exécuté. Les gardiens supérieurs répondent pour les gardiens inférieurs des retards apportés à l’exécution de ces ordres, ainsi que des infractions ou contraventions aux règlements dont ils n’auraient pas donné connaissance au directeur ou à l’inspecteur.

Art. 20.
En cas d’absence ou d’empêchement, le gardien-chef sera remplacé par l’un des premiers gardiens, lesquels seront eux-mêmes suppléés par des gardiens ordinaires choisis par le directeur.

Art. 21.
Les premiers gardiens exercent respectivement dans leurs quartiers la même surveillance que le gardien-chef exerce dans tout l'établissement. Ils surveillent le service des gardiens ordinaires, qui doivent obéir à leurs ordres.

Art. 22.
Tous les gardiens, quel que soit leur grade, sont responsables des contraventions aux règlements commises par les détenus, ainsi que des dégâts qu’ils font à leurs vêtements, au linge et aux effets de literie, lorsque ces contraventions ou dégâts résultent du défaut de surveillance des gardiens, ou lorsque, les connaissant, ils ne les ont pas signalés sur-le-champ.

Art. 23.
Les gardiens qui n’auront pas satisfait aux dispositions des deux articles précédents seront suspendus de leurs fonctions et privés de leur traitement pendant quinze jours au moins. En cas de récidive, ils pourront être destitués ; le tout sans préjudice du remboursement des dommages causés à l'établissement ou à l’entrepreneur.

Art. 24.
Les gardiens étant préposés à la surveillance et à la garde immédiate des détenus, ils doivent veiller sur eux avec une attention constante.
En cas d'évasion facilitée, soit par négligence, soit par connivence des gardiens, ils seront traduits devant les tribunaux.
Il leur est expressément défendu d’injurier les détenus, de les tutoyer et d’exercer envers eux la moindre violence. Ils doivent aussi s’abstenir d’avoir avec la moindre conversation : ils ne peuvent leur adresser la parole et répondre que relativement au service ; le tout sous peine d'être mis à la salle de discipline, ou suspendus de leurs fonctions et privés de leur traitement pendant huit jours, selon la gravité des cas.
Ils ne peuvent infliger aux détenus aucun punition, ni se servir de leurs armes contre eux, qu’au cas de révolte ou pour leur légitime défense, sous peine de destitution, et sans préjudice des poursuites judiciaires, s’il y a lieu.

Art. 25.
Les gardiens, quel que soit leur grade, ainsi que le portier, ne doivent avoir aucune relation d’intérêt avec les détenus, soit en leur préparant, vendant ou procurant des vivres, boissons ou autres objets du dehors ; soit en rachetant les vivres qu’ils n’auraient pas consommés ; soit en achetant ou vendant pour leur compte des effets leur appartenant ; soit enfin en acceptant ou empruntant de l’argent, ou en se chargeant de leurs lettres, commissions, etc. L’infraction la plus légère à ces dispositions suffira pour motiver la destitution des gardiens qui s’en seront rendus coupables.
Seront destitués et traduits devant les tribunaux les gardiens ou portiers qui auront acheté des détenus ou qui leur auront facilité la vente des effets d’habillement, du linge et des matières premières ou confectionnées appartenant à la maison, à l’entrepreneur du service ou aux fabricants qui ont établi des ateliers dans la maison.

Art. 26.
Il est expressément interdit aux gardiens d’introduire dans l’intérieur de la maison leurs femmes, enfants, parents ou amis. Il leur est également défendu de recevoir dans leurs loges ou corps de garde les personnes qui viennent visiter les détenus ; le tout sous peine de suspension avec privation du traitement pendant quinze jours au moins, et de destitution en cas de récidive.

Art. 27.
Tout gardien qui aura bu ou mangé dans l’intérieur de la maison avec les détenus ou avec les personnes qui viennent les visiter, sera destitué.
Tout gardien qui aura bu ou mangé au dehors de la maison, soit avec des détenus libérés qui y auront subi leur peine, quelle que soit l'époque de leur libération, soit avec des personnes qui sont venues visiter des condamnés encore détenus, sera suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant un mois. En cas de récidive, il sera destitué.
Les gardiens, qui auront reçu de l’argent à titre de pourboire des personnes qui viennent visiter l'établissement ou les détenus, seront suspendus de leurs fonctions et privés de leur traitement pendant quinze jours au moins. Le directeur se fera remettre les sommes qu’ils auront reçues et les versera dans la caisse des charités.

Art. 28.
Il y a toujours un gardien présent à la distribution des comestibles et des boissons à la cantine. Il se tient en dehors, à côté du guichet ; il veille à ce que les détenus ne se fassent pas délivrer du vin et des boissons au-delà des quantités prescrites ; il provoque la punition de ceux qui, soit par eux-mêmes, soit en employant l’intermédiaire de leurs camarades, cherchent à tromper sa surveillance ; il veille enfin à ce que les détenus n’insultent pas le cantinier ou ses agents, et à ce qu’ils ne soient pas trompés par lui.
Il est responsable de l'état d’ivresse où se mettraient les détenus. Il désigne à ses supérieurs ceux qui ont pris du vin ou d’autres liqueurs pour leurs camarades.
Les gardiens de service à la cantine, et qui, ayant eu connaissance de contraventions aux dispositions qui précèdent, seront eux-mêmes punis de la salle de discipline ou de la suspension pendant huit jours au moins. En cas de récidive, le directeur pourra proposer leur destitution.

Art. 29.
Il y a toujours deux gardiens au moins présents aux réfectoires pendant les repas. Ils veillent à ce que les détenus y entrent et en sortent avec ordre et tranquillité, à ce qu’ils s’y tiennent en silence, à ce qu’ils ne trafiquent pas de leurs vivres entre eux. Ils provoquent la punition des détenus qui contreviennent à ces dispositions et à celles que l’administration prescrit dans l’intérêt de l’ordre.
Les gardiens qui, ayant eu connaissance d’une infraction aux règlements sur la police des réfectoires, n’en auront pas dénoncé sur-le-champ les auteurs, seront punis de la salle de discipline ou de la suspension, selon la gravité des cas.

Art. 30.
Les gardiens de service aux infirmeries veillent à ce que les détenus employés comme infirmiers traitent les malades avec soin, complaisance et bonté ; à ce qu’ils ne détournent point à leur profit les aliments ou boissons destinés aux malades ; à ce que ceux-ci ne trafiquent pas entre eux de leurs vivres, et à ce que les malades ou les convalescents n’achètent ou ne fassent acheter ni aliments ni boissons sans la permission des officiers de santé.
Tout gardien de service aux infirmeries qui, ayant eu connaissance d’une infidélité, d’une négligence ou défaut de soin de la part des infirmiers, n’en aura pas fait sur-le-champ le rapport, sera suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant huit jours au moins en cas de récidive, il sera suspendu plus longtemps, ou destitué même s’il y a lieu.
Tout gardien qui aura procuré des aliments ou des boissons aux malades ou aux convalescents, lors même qu’il les aurait achetés à la cantine, sera suspendu et privé de son traitement pendant un mois. En cas de récidive, il sera destitué.
Tout gardien qui aura détourné à s on profit des aliments ou boissons destinés aux malades sera destitué.

Art. 31.
Les gardiens attachés au quartier des hommes ne pourront entrer dans le quartier des femmes sans l’ordre du directeur ou de l’inspecteur. Ceux qui auront obtenu cette permission observeront la plus grande décence, et ne se permettront avec les détenus aucune relation étrangère au service.
Les contraventions aux dispositions ci-dessus seront punies, selon la gravité des cas, de la salle de discipline, de la suspension ou de la destitution.
Tout gardien, quel que soit son grade, qui aura eu des relations coupables avec les détenues, sera destitué.
Il sera suspendu et privé de son traitement pendant un mois au moins, lorsqu’ayant eu connaissance d’une correspondance pareille, il ne l’aura pas arrêtée ou dénoncée sur-le-champ.

Art. 32.
Tout premier gardien qui aura refusé d’obéir au gardien-chef ou qui n’aura pas exécuté ponctuellement les ordres qu’il en aura reçus, sera suspendu de ses fonctions et privé de son traitement pendant quinze jours. En cas de récidive, ou lorsqu’il aura injurié le gardien-chef, il sera destitué.
Les gardiens ordinaires qui auront refusé d’obéir aux premiers gardiens ou qui n’auront pas exécuté les ordres avec exactitude, seront mis aux arrêts ou à la salle de discipline. En cas de récidive, ils seront suspendus et privés de leur traitement pendant huit jours. A la troisième fois, ou lorsqu’ils auront injurié les premiers gardiens, ils pourront être destitués.