Législation / Textes relatifs aux peines et aux prisons en France / De la Monarchie de Juillet à 1914 /

Instruction du 30 octobre 1841 (6/7)

Instruction sur le Règlement général pour les Prisons départementales.

CHAPITRE V. RÉGIME MORAL ET RELIGIEUX.

J’ai dit, Monsieur le préfet, dans mon Instruction du 9 août dernier, qui accompagne le Programme pour la construction des prisons départementales, suivant le système de l’emprisonnement individuel, quelle importance le gouvernement du roi a toujours mise à l’exercice du culte dans les maisons d’arrêt et de justice. Un aumônier delà religion catholique devra être attaché à chaque prison, et j’ai réglé ses attributions au paragraphe 8 du chapitre 1er, dont les dispositions sont communes aux ministres des autres cultes (art. 54). La messe sera célébrée tous les dimanches, ainsi que les jours de fêles religieuses consacrées, et une instruction sera faite aux détenus, une fois par semaine au moins (art. 50).

Je ne me suis pas laissé arrêter, Monsieur le préfet, par cette objection faite avec une certaine insistance, que l’exercice du culte et l’instruction religieuse étaient sans utilité et sans objet, dans des prisons principalement occupées par des prévenus, puisque l’administration n’a point à s’occuper de leur amendement, et qu’ils échappent, sous ce rapport, à toute action de sa part. L’absence de tout culte dans des établissements publics où tant de consolations sont à donner, où tant de courages, peuvent être affermis par la parole évangélique, n'était pas possible. Ceux qui voudraient exclure de nos maisons d’arrêt les signes du catholicisme et ses cérémonies oublient surtout que c’est le droit de tout prévenu de demander, d’exiger, en quelque sorte, qu’on le mette à même de remplir les devoirs de sa religion. Ce qu’il ferait sous ce rapport dans l'état de liberté, il doit pouvoir le faire dans la prison, si telle est sa volonté. Si cette satisfaction lui est refusée, il est fait violence à ses croyances religieuses dans ce qu’elles ont de plus libre et de plus respectable. C’est bien assez qu’il faille mettre de nombreuses restrictions à l’exercice de sa volonté et à sa manière de vivre ; n’allons pas au delà, et laissons-lui la faculté d’observer les préceptes les plus impérieux de sa religion.

Le Règlement garde le silence sur ce point. Il veut que les condamnés catholiques y soient tous conduits et qu’ils assistent à l’instruction religieuse (art. 117) ; c'était le droit de l’administration, Il n'était pas besoin de déclarer que les prévenus et les accusés sont libres d’assister à la messe ou de ne pas l’entendre ; c’est leur droit.
Comme mesure d’ordre, et aussi comme moyen de moralisation, le règlement prescrit l'établissement, dans chaque prison, d’un dépôt de livres dont vous aurez à faire le choix. Aucun autre ouvrage ou imprimé quelconque ne pourra être introduit dans la prison, soit pour les condamnés, soit pour les prévenus, sans votre autorisation (art. 120). C’est là, Monsieur le préfet, une chose essentielle que vous aurez à régler. Ne permettez jamais l’introduction d’aucun livre où la religion et les mœurs ne seraient pas respectées ; le mal, vous ne pouvez l’ignorer, se propage plus rapidement encore dans les prisons que dans la société.