Art. 1er. Les condamnés aux travaux forcés, actuellement détenus dans les bagnes, et qui seront envoyés à la Guiane française pour y subir leur peine, y seront employés aux travaux de la colonisation, de la culture, de l’exploitation des forêts et à tous les autres travaux d’utilité publique.
Art. 2. Ils ne pourront être enchaînés deux par deux ou assujettis à traîner le boulet, qu’à titre de punition disciplinaire ou par mesure de sûreté.
Art. 3. Les femmes condamnées aux travaux forcés pourront être conduites à la Guiane française et placées sur un établissement créé dans la colonie. Elles seront employées à des travaux en rapport avec leur âge et avec leur sexe.
Art. 4. Les condamnés des deux sexes qui auront subi deux années au moins de leur peine, tant en France que dans la colonie, et qui se seront rendus dignes d’indulgence par leur bonne conduite et par leur repentir, pourront obtenir : 1° l’autorisation de travailler, aux conditions déterminées par l’administration, soit pour les habitants de la colonie, soit pour les administrations locales ; 2° l’autorisation de contracter mariage ; 3° la concession d’un terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte. Cette concession ne pourra devenir définitive qu’après dix années de possession. Un règlement déterminera : 1° les conditions sous lesquelles ces concessions pourront être faites, soit à titre provisoire, soit à titre définitif ; 2° l’étendue des droits des tiers, de l’époux survivant ou des héritiers du concessionnaire sur les terrains concédés.
Art. 5. La famille du condamné pourra être autorisée à le rejoindre dans la colonie et vivre avec lui, lorsqu’il aura été placé dans la condition prévue par l’art. 4.
Art. 6. Tout condamné dont la peine sera inférieure à huit années de travaux forcés sera tenu, à l’expiration de ce terme, de résider dans la colonie pendant un temps égal à la durée de sa condamnation. Si la peine est de huit années et au-delà, il sera tenu de résider à la Guiane française pendant toute sa vie. En cas de grâce, le libéré ne pourra être dispensé de l’obligation de la résidence que par une disposition spéciale des lettres de grâce. Toutefois, le libéré pourra quitter momentanément la colonie, en vertu d’une autorisation expresse du gouverneur, mais sans pouvoir être autorisé à se rendre en France.
Art. 7. Des concessions provisoires ou définitives de terrains pourront être faites aux individus qui, ayant subi leur peine, resteront dans la colonie, conformément à ce qui est prévu par l’art. 6.
Art. 8. Les condamnés libérés en France pourront obtenir d’être transportés à la Guiane, à la condition d’y être soumis au régime établi par les art. 3, 4, 5, 6 et 7 du présent décret, sans préjudice de l’application de l’art. 44 du Code pénal, relatif à la surveillance de la haute police.
Art. 9. Les condamnés pourront obtenir partiellement et intégralement l’exercice des droits civils dans la colonie. Ils pourront être autorisés à jouir ou à disposer de tout ou partie de leurs biens. Les actes faits par les condamnés dans la colonie jusqu’à leur libération ne pourront engager les biens qu’ils possédaient au jour de leur condamnation, ou ceux qui leur seront échus par succession, donation ou testament, à l’exception des biens dont la remise est autorisée.
Art. 10. Tout condamné à temps qui se sera rendu coupable d’évasion sera puni de deux à cinq ans de travaux forcés. Cette peine ne se confondra pas avec celle antérieurement prononcée. La peine, pour le condamné à perpétuité, sera l’application à la double chaîne pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.
Art. 11. Tout libéré, astreint à résider à la Guiane, conformément à l’art. 6, et qui aura quitté la colonie sans autorisation sera renvoyé aux travaux forcés pendant une durée de un an à trois ans.
Art. 12. Les infractions prévues par les art. 10 et 11, et tous crimes et délits commis par des condamnés, seront jugés par le premier conseil de guerre de la colonie, faisant fonction de tribunal maritime spécial, et auquel seront adjoints deux officiers du commissariat de la marine.
Art. 13. Un arrêté du gouverneur déterminera, jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par un décret, le régime disciplinaire des établissements qui seront créés à la Guiane, et en exécution des dispositions qui précèdent.
Art. 14. Le ministre de la marine et des colonies (M. Ducos) est chargé, etc.