La sorcière
Source : La sorcière. Albrecht Dürer (XVIe siècle). BNF
« Satan les connaît toutes, parce qu’il sait que les femmes aiment le plaisir de la chair ». Au début du XVIIe siècle, le magistrat Henry Boguet en est convaincu : le diable est le mal absolu et la sorcellerie est surtout une affaire de femmes. C’est ce qu’il a constaté en Franche-Comté où il a alors jugé de très nombreuses affaires. Il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, tout le monde a cru à la sorcellerie et y a eu recours. Certes, dès le XIIIe siècle, les autorités ecclésiastiques en condamnaient les pratiques, mais l’hérésie était jugée beaucoup plus sévèrement. Le diable n’était pas la figure centrale des procès qui, par ailleurs, concernaient autant de sorciers que de sorcières. La lutte contre la sorcellerie a pris de l’ampleur au milieu du XVe siècle pour s’éteindre au milieu du XVIIe siècle. C’est surtout entre 1560 et 1630 que dans certaines régions de l’Europe, on assiste à de véritables chasses aux sorcières, souvent conclues par l’exemplarité expiatoire du bûcher. Entre-temps, la figure de la sorcière était née, victime émissaire et proie facile de sociétés en crise.
C’est ce qui transparaît à travers ces milliers de pièces de procédure qui nous sont parvenues. Selon les normes de la procédure inquisitoire, des femmes répondent à des questions, toujours les mêmes, que d’un bout à l’autre de l’Europe, leur posent les magistrats instructeurs. Quand et comment ont-elles pactisé avec le démon ? Qu’ont-elles fait au sabbat ? Comment ont-elles ensorcelé leurs voisins et parents ?
Le Moyen Âge. Les racines du mal
Source : Sainte à l'épée combattant le diable (détail). Vers 1276. Arch. nat., S/1626/1
Contrairement à une idée reçue, le monde médiéval a été plutôt clément avec la sorcière. Elle seule connaît les philtres qui rendent amoureux, les plantes qui guérissent, les herbes contraceptives ou abortives. On a donc besoin d’elle et il est assez rare que les juges la condamnent à mort. Il n’empêche, le qualificatif de sorcière devient une insulte grave.
Ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge, au milieu du XVe siècle, qu’apparaît le sabbat où les sorcières se transportent sur un balai pour rejoindre le diable. Aux yeux des inquisiteurs qui rédigent les premiers manuels de démonologie, le sabbat est l’église du mal et la sorcière dont le démon a fait sa servante doit être impitoyablement châtiée. Très rares vestiges d’une procédure pas encore normalisée, les interrogatoires montrent que la relation entre le démon et la femme est déjà au cœur des procès.
Le procès de Jeanne d'Arc
Source : Jeanne d'Arc sur le bûcher (Alphonse Amédée Cordonnier, vers 1885) Arch. nat. (AF/II/4234)
Le procès de Jeanne d’Arc s’ouvre à Rouen le 21 février 1431. Longuement interrogée, la Pucelle doit bien sûr répondre au premier chef d’accusation : l’hérésie. Elle se défend, plutôt bien. À ce premier soupçon d’hérésie, on en ajoute un autre : s’être adonnée à la sorcellerie. Les juges la questionnent donc sur l’arbre des fées, autour duquel elle dansait quand elle était petite, ou sur la mandragore, cette plante aux vertus magiques. Sur ces points, elle n’a aucune peine à contrer les faibles arguments de l’accusation. Mais le soupçon demeure, propagé par les Anglais qui entendent ruiner la légitimité de Charles VII, sacré roi de France grâce à une sorcière… Reconnue coupable d’être, entre autres, schismatique, apostate et suspecte d’hérésie, Jeanne d’Arc abjure ses erreurs, puis se rétracte. Déclarée relapse, elle est brûlée vive à Rouen, le 30 mai 1431.
La procédure inquisitoire
Source : Constitutio criminalis Theresiana (1769). Coll. Philippe Zoummeroff
Conçue au Moyen Âge par les juges laïcs et par les inquisiteurs pour leur permettre d’agir par voie d’autorité, la procédure inquisitoire se durcit à l’époque moderne. Elle gagne progressivement toute l’Europe, sauf l’Angleterre restée fidèle au régime accusatoire. Renforçant le monopole pénal de l’État justicier, elle prend le visage de l’extraordinaire qui implique le recours à la torture : elle est secrète ; elle est écrite ; elle n’est pas contradictoire, l’accusé ne disposant pas de voies légales pour se défendre. Les étapes de l’instruction sont rigoureusement codifiées : plainte, témoignage, torture, arrestation, interrogatoire, confrontations, condamnation. Elle est appliquée au crime de sorcellerie, même si certains tribunaux, tel le parlement de Paris, restent modérés. D’innombrables actes de procédure évoquent la torture et les recherches médico-légales de la marque satanique (le punctum diabolicum) sur le corps des femmes accusées de sorcellerie.
Au début du XVIIe siècle, plusieurs affaires de femmes possédées défraient la chronique, dont la plus célèbre demeure l’affaire de Loudun (1634-1637). Dès lors, les femmes ont beau avouer des relations avec le démon, elles ne sont ni torturées, ni exécutées. Dans les couvents, des prêtres exorcistes les prennent en charge, les soignent, libèrent leur parole. Beaucoup préconisent que c’est ainsi qu’il faut agir avec les présumées sorcières. En 1652, à Genève, Michée Chauderon est la dernière sorcière brûlée en Europe, après avoir été pendue. Après 1650, plusieurs dispositifs légaux et judiciaires entraînent un reflux des procès. Un peu partout, et notamment dans le ressort du parlement de Paris, les juges prennent des décisions de modération, limitent l’usage de la torture. À la fin du siècle, le crime de sorcellerie est pratiquement décriminalisé.
Certes, on va continuer à exécuter des sorcières aux marges de l’Europe ou en Amérique du Nord (affaire de Salem, 1692) mais le désenchantement de l’univers, visible et invisible, bannit désormais Satan des cours de justice. Au siècle des Lumières, il est de bon temps de se moquer du diable et de son amoureuse, désormais méprisée et caricaturée sous les traits d’une vieille femme qui incarne toutes les superstitions et les obscurantismes des siècles passés. À la fin du XIXe siècle, avec « l’invention » de l’hystérie, cette maladie si féminine, la sorcière retrouve une certaine actualité. Les aliénistes en sont persuadés : les sorcières du XVIIe siècle présentaient tous les symptômes des patientes de la Salpêtrière… Tout le reste relève désormais du folklore.
La possibilité de torturer un suspect a été maintenue dans la procédure légale de nombreux pays, bien après la fin de la chasse aux sorcières. Ainsi, le code autrichien de 1769 décriminalise la sorcellerie et décrit les procédures légales d’aveu par la torture.
L’Europe des échafauds (1560-1630)
Source : Goujet, Histoire des inquisitions (1759). Coll. Philippe Zoummeroff
On a parlé d’une « Europe des bûchers » pour qualifier cette époque. C’est sans doute exagéré. Seules certaines régions ont été concernées et, dans bien des cas, les juges ont condamné les femmes jugées pour sorcellerie au bannissement ou à la pendaison. On évalue à près de 100 000 les procès capitaux pour crimes de sorcellerie, au cours desquels sept femmes sur dix sont condamnés. Beaucoup d’hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène répressif : surenchère entre catholiques et protestants pour extirper le mal ; impacts des guerres de religion, des famines, des épidémies et des crises sociales qui exigent des boucs-émissaires au sein de communautés urbaines ou villageoises isolées, etc. Alors que l’édition de traités de démonologie connaît un véritable âge d’or, se multiplient les images de la sorcière et, plus généralement, des représentations figurées associant la femme, au sexe, au démon et à la mort.
Satan
Source : J. Ziarnko (1613). Coll. Philippe Zoummeroff
Ce n’est qu’au bout de plusieurs interrogatoires et le plus souvent sous la torture, que les femmes avouent leur commerce avec le diable, l’ennemi du genre humain aux yeux des démonologues et des juges. La date et les circonstances de la rencontre avec le démon, ses vêtements et sa forme (homme, bête, mi-homme, mi-bête, etc.), les termes du pacte, l’endroit du corps où il a marqué sa fiancée d’une morsure ou une griffure qui sacralisent l’alliance du mal, sont autant de questions qui exigent des réponses. Mais plus que tout, c’est sur l’intimité de la relation charnelle qu’elles doivent fournir des explications détaillées. Leurs réponses, formulées en termes tantôt pudiques, tantôt très crus, sont souvent suggérées. On peut, pour certaines, les imaginer spontanées, mais toutes sont le fruit des délires que provoque la torture.
Le sabbat
Source : J. Ziarnko (1613). Coll. Philippe Zoummeroff
Montagne élevée, clairière ténébreuse et isolée, landes désertiques, loin de la communauté, le sabbat rassemble la secte du mal. L’image la plus familière de la sorcière est celle d’une femme chevauchant un balai pour rejoindre cette assemblée nocturne où se joue la subversion de l’Église et de la société. Souvent métamorphosé en grand bouc noir, Satan y est adoré en maître de la contre-eucharistie, recevant de chacune l’offrande du baiser sur le cul. Dans des évocations parfois surprenantes de détails, les femmes interrogées confessent avoir participé à toutes les transgressions de la morale religieuse et sociale : adoration blasphématoire, danses lascives, orgies incestueuses, infanticide, cannibalisme et dévoration d’enfants, incantations pour détruire récoltes et troupeaux ou pour s’enrichir.
La danse
Source : J. Ziarnko (1613). Coll. Philippe Zoummeroff
La plupart des confessions des présumées sorcières sont inspirées par le juge qui les interrogent. Elles savent ce qu’il faut répondre pour qu’on les laisse tranquilles, pour que cesse la torture... De toutes les actions perpétrées au cours du sabbat sur lesquelles elles sont interrogées, il en est cependant une qui semble recueillir des aveux un peu plus « authentiques », un peu moins uniformes : la danse. D’un interrogatoire l’autre, les propos varient. Pour évoquer ces danses nocturnes qui ont tant fasciné les artistes, les femmes emploient des termes familiers : la façon dont on danse « à l’envers », les instruments de musique, les musiciens (les ménestriers, les ménestrels), les paroles des chansons, le rôle du diable en maître de ballet.
Qu’entre la fin du Moyen Âge et l’aube des Lumières, une partie de l’Europe ait pu sombrer dans la chasse aux sorcières, condamnant au bûcher des dizaines de milliers d’entre elles peut nous sembler une « énigme historique » (Lucien Febvre). Il existe pourtant des sources – très rarement conservées - qui attestent cette réalité de manière très matérielle : les factures, quittances et états des frais qui témoignent de l’activité des bourreaux, des gens d’armes, des gardiens, de tous ceux qui ont gardé la présumée sorcière pendant des mois, l’ont nourrie, examinée, torturée, exécutée. Au-delà des facteurs sociaux, politiques, juridiques et intellectuels qui ont entraîné le déclin des procès, il en existe un auquel on pense peu : ces interminables procès coûtaient très cher... et rapportaient si peu…
Emprisonnement d’Alips par la justice de Saint-Martin-des-Champs, 9 novembre 1337
Source : Arch. nat., S/1336, Registre des exploits de la justice de Saint-Martin-des-Champs, fol. 25 r°
“ tez-toy, orde garce putain, je ne scé faire les orde yaues, les sorceries et poisons ”
“ Tais-toi, sale garce de putain, je ne sais pas faire les sales eaux, les sorceries [maléfices] et les poisons [toi tu sais…] ”
Lettre de rémission pour Guillemette La Tubée, avril 1382
Source : Arch. nat., JJ/82, n° 303, fol. 204 r°
Pour regagner l’amour de son mari, cette femme a recours à des recettes. Elle essaye d’abord des ossements humains dérobés au charnier des Innocents mais reconnaît que ce premier essai n’a eu aucun résultat : son mari est demeuré toujours aussi distant. Elle essaye ensuite le sel mêlé à la salive et jeté au feu. Guillemette affirme que cette seconde conjuration a eu le succès qu’elle espérait. Accusée de maléfices et emprisonnée, elle est libérée suite à une intervention royale par lettre de rémission.
ut amor quo ipsa et Reginaldus dictus de Gharronne se ad invicem diligebant cresceret et caleret inter eos …
pour faire croître l’amour que Réginald, dit de Gharonne, et elle éprouvaient l’un pour l’autre …
… sal ceperat et in palma posuerat et seputo seu salive sue commiscuerat et commista insimul in ignem
… elle prenait du sel et le posait dans sa main ; y mettait de la salive et le mélangeait ; jetait tout dans le feu.
Interrogatoire au Châtelet de Paris, de Marion la Droiturière, dite L’Estallée, 4 août 1390
Source : Arch. nat., Y/10531 – AE/II/414, Registre criminel du Châtelet de Paris, fol. 100 v° et 101 r°
Dans cette longue procédure, deux femmes sont concernées : Marion la Droiturière, dite L’Estallée, et Margot de la Barre, toutes deux accusées de maléfices.
Marion, interrogée une première fois, nie avoir usé de maléfices. Elle est soumise à la question et dénonce alors son amie Margot. Grâce à l’aide de celle-ci, elle aurait jeté un sort à l’homme qu’elle aime en usant de philtres, de plantes, et en recourant à l’aide du démon. Le prévôt la condamne à être menée au pilori puis aux marché aux cochons où elle est brûlée vive.
[pour envoûter son ami, il fallait] que elle prenist un coq blanc, icellui estaignist ou evanuyst à tourner entour soy, ou estaignist soubz ses fesses …
[pour envoûter son ami, il fallait] qu’elle prît un coq blanc, qu’elle l’étouffât ou le fît évanouir en le faisant tourner autour d’elle, ou l’étouffât sous ses fesses …
… auquel coq ainsi estaint elle prenist les deux couillons, les brulast et en feist de la poudre, les meist dedens un oreillier de plume
… qu’au coq ainsi étouffé, elle prît les deux couillons, les brûlât et en fît de la poudre, et les mît dans un oreiller de plume
[…] que depuis ladite poudre bailliée et beue par sondit ami, elle s’est bien perceue que il l’a amée aussi parfaittement et de grant ardeur d’amour comme il faisoit paravant
[…] que depuis qu’elle a donné et fait boire la poudre à son ami, elle s’est bien apperçue qu’il l’a aimée aussi parfaitement et de grande ardeur d’amour, comme il le faisait auparavant
Procès-verbal de séance du parlement criminel concernant l’accusation de sorcellerie portée contre Coline La Louve, Paris, 24 juillet 1404
Source : Arch. nat., X/2a/14, fol. 197 v°
renommé estoit qu’elle avoit esté et estoit sorcière et que Damp Jehan de Filieres, qui estoit gras, fut en amours de Coline …
Qu’elle avait la réputation d’avoir été et d’être sorcière ; que Damp Jehan de Filieres, qui était gras, tomba amoureux de Coline …
… mais, par certain breuvage et sort qu’elle lui administra, il devint si maigre et si scec qu’il mourut
… mais, par certains breuvage et sort qu’elle lui administra, il devint si maigre et sec qu’il mourut
Lettre de rémission de 1457 pour l’exécution faite à Marmande de plusieurs femmes accusées de sorcellerie (1453)
Source : Arch. nat., JJ/187, fol. 22 v° et 23 r°
Au XVe siècle, certaines localités connaissent de véritables « épidémies » de sorcellerie. C’est le cas d’Arras où a lieu l’effroyable « vaudoiserie » de 1460. C’est aussi le cas de Marmande où en 1453, le peuple s’en prend à des femmes qui en dénoncent d’autres ; les autorités judiciaires sont débordées. Les consuls de Marmande, ci-dessous dénommés « les suppliants », se plaindront au roi de France de l’attitude des habitants de la ville (« les populaires ») qui ont, sans aucun respect des procédures et de l’institution judiciaire, capturé, torturé et brûlé plusieurs femmes soupçonnées d’être sorcières. Il faudra une intervention de Charles VII pour terminer cette affaire.
en l’an mil CCCC LIII, eut grant mortalité et épidimie en ladite ville de Marmende, et tellement que plusieurs personnes y mouroient de l’épidimie…
en l’an 1453, il y eut une grande mortalité et épidémie en la ville de Marmande, au point que plusieurs personnes en mouraient…
Lettre de rémission de 1457 pour l’exécution faite à Marmande de plusieurs femmes accusées de sorcellerie (1453)
Source : Arch. nat., JJ/187, fol. 22 v° et 23 r°
… à laquelle occasion, se meut grant murmure entre le peuple de ladite ville, disant que ladite mortalité venoit à cause de femmes sorcières
… à cette occasion, il y eut un débat dans le peuple de cette ville qui disait que cette mortalité était causée par des femmes sorcières
Iceulx populaires prindent lesd. Péronne et Jehanne […] et les menèrent au feu, et elles furent brûlées comme les autres […]. Une nommée de Beulaigne et une autre […] furent tant géhennées […]. Elles moururent un jour ou deux après.
Ces gens du peuple prirent Péronne et Jehanne [… ] et les menèrent au feu. Et elles furent brûlées comme les autres […]. Une nommée de Beulaigne et une autre […] furent tant torturées […]. Elles moururent un jour ou deux après.
Interrogatoire d’Andrée Garaude, 56 ans, Noirlieu (près de Bressuire), 28 août 1475
Source : Archives départementales des Deux-Sèvres, Chartrier de Saint-Loup, Grandes assises de la Châtellenie de Bressuire, E 1702
Condamnée comme sorcière par les juges de la châtellenie de Bressuire, Andrée Garaude est brûlée vive à Noirlieu, son village, le 21 septembre 1475. C’est une simple bergère. Après la mort de son mari, elle a été dix-huit années domestique, tantôt à Noirlieu, tantôt à Poitiers. Au cours de ses interrogatoires, elle prétend avoir assisté seize fois au sabbat.
Dit que depuys qu’elle a commencé à aller au sabbat, elle a pissé troys foizen benistier et fait deux fois sa grosse matière en la nef de l’église
Dit que depuis qu’elle a commencé à aller au sabbat, elle a pissé trois fois au bénitier et fait deux fois sa grosse matière en la nef de l’église
Interrogatoire de Martiale Espaze, Boucoirant (Gard), 1491
Source : Archives départementales du Gard, 2 E 1 795 (ancienne cote : E 1175), registre du notaire Bernard Odilon de Vézénobres, 1491-1494
Dénoncée comme sorcière par des femmes condamnées à mort pour sorcellerie, Martiale Espaze s’est enfuie avec son mari. Elle est arrêtée et interrogée par le viguier [juge] de la baronnie de Boucoiran. Elle a mauvaise réputation (une mère sorcière) et mène une vie jugée scandaleuse. Elle avoue ses maléfices : avoir empoisonné, avec la poudre que lui a donné le démon, une petite fille et deux petits garçons ; avoir fait mourir plusieurs cochons ; avoir rendu boiteuse une petite fille. Les sources, très lacunaires, ne disent rien du sort qui lui a été réservé.
Ipsamque Marcialam, in habendo cohitum, stare faciebat, videlicet de quatre pantas, tenendo faciem erga terram, et sub illa forma, habebant cohitum, ad modum brutorum.
Quand [le diable] la connaissait, il faisait mettre Martiale à quatre pattes, lui tenant la tête contre la terre. Et dans cette position, ils s’accouplaient comme les bêtes.
Interrogatoire de Jeanne d’Arc à propos de l’arbre des fées de Domrémy, dixième séance du procès, Rouen, 24 février 1431
Source : Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Z892
Item dicebat quod ipsa ibat aliquando spatiatum cum aliis filiabus, et faciebat apud arborem serta pro imagine Beatae Mariae de Dompremi et pluries audivit ab antiquis (non ab illis de sua progenie), quod dominae fatales illuc conversabantur
Elle a dit qu’elle y allait parfois s’y promener avec d’autres filles pour la Notre Dame de Domrémy, que souvent elle a entendu dire aux anciens, pas ceux de son lignage, que les dames fées le hantaient
Jeanne Cauzion (parlement de Paris), 19 février 1607
Source : Arch. nat., X/2b/1330
Jeanne Cauzion, veuve depuis dix-huit ans, est soupçonnée de sorcellerie par plus trente personnes qui ont témoigné contre elle. Ils l’accusent d’avoir empoisonné des membres de sa famille (son gendre), ses voisins et leurs animaux, de les ensorceler, de les menacer, de connaître les sortilèges et les incantations du diable, de capturer des crapauds qu’elle fait enfler, de faire tourner des roues de charrette, etc. Elle nie tout et s’emporte contre les faux témoignages. Elle est condamnée à la question.
A esté dépouillée.
A dit qu’elle avoit requis qu’on la fist revisiter ; “ pour l’honneur de Dieu, ne me rompez point les membres ; faut-il que j’aye du mal par de faulx tesmoings. ”
A été déshabillée.
A dit qu’elle avait demandé à être visitée ; “ Pour l’honneur de Dieu, ne me rompez point les membres ; faut-il que j’aie du mal à cause de faux témoins. ”
A dit “ Mrs savez-vous pas bien qu’il y a tant de faulx tesmoignages ; je vous crie mercy par la sainte passion de Dieu ”.
A dit “ Messieurs ! Savez-vous pas bien qu’il y a tant de faux témoignages ; je vous crie pitié par la sainte passion de Dieu ! ”.
Procès verbal de question de la femme de Jehan Gaultier (parlement de Paris), 4 octobre 1587
Source : Arch. nat., X/2b/1330
R. qu’elle est une sorcière et que sa sœur luy a soustenu.
A dit que sa sœur est une putain publique
Remontré qu’elle est une sorcière et que sa sœur le lui a soutenu.
A dit que sa sœur est une putain publique
Interrogatoire de Marguerite Maurcourt (plumitif d’audience du parlement de Paris), 12 septembre 1596
Source : Arch. nat., X/2a/958
Jugée en appel au parlement de Paris après un premier procès dans une cour de justice subalterne, Marguerite Maurcourt est accusée par le « bruit commun » d’être sorcière. Elle nie tout ce qu’on lui reproche et accuse les témoins d’agir par malveillance. Elle est condamnée au bannissement.
A dict que que sont meschants gens qui la hayent sans pouvoir dire la cause sinon que sont femmes ribaudes des gendarmes.
A dit que que ce sont de méchantes gens qui la haïssent sans pouvoir dire la cause, sinon que ce sont des femmes qui se débauchent avec les gendarmes.
Interrogatoire de Jeanne Agonty (plumitif d’audience du parlement de Paris), 16 juin 1600
Source : Arch. nat., X/2a/962
R. qu’il y a 4 témoins.
A dit que sont putains et macquerelles.
Remontré qu’il y a quatre témoins.
A dit que ce sont des putains et des maquerelles.
Interrogatoire de Marie Thionne (plumitif d’audience du parlement de Paris), 12 décembre 1600
Source : Arch. nat., X/2a/963
R. que quand Boitier luy fut confronté, elle luy bailla deux souffletz.
A dit qu’elle le poussa seulement et luy dict “ tu as menty ! méchant que tu es ! ”
Remontré que quand Boitier [un voisin] lui fut confronté, elle lui donna deux coups.
A dit qu’elle le poussa seulement et lui dit “ tu as menti ! méchant que tu es ! ”
Déposition de témoins dans l’enquête sur Magritte, femme de Gille de Creppe, de Chevron (Liège, Belgique), 1607
Source : Archives de l’État de Liège, fonds de la Cour de Justice de Chevron, n°22
“ Jehenne, voilà qu’il te faut aller mourir. Je te prie de me dire si tu connais encore d’autres femmes du ban de Chevron réputées sorcières ”. Sur quoy luy respondit la dite Jehenne : “ oui, il y a encore une belle jeune femme qui demeure par derrière l’église ”.
“ Jehenne, voilà qu’il te faut mourir. Je te prie de me dire si tu connais encore d’autres femmes du territoire de Chevron réputées sorcières ”. Sur quoi, la dite Jehenne lui répondit : “ oui, il y a encore une belle jeune femme qui demeure derrière l’église ”.
Procès verbal de question de Pomelette Delomet (parlement de Paris), 31 mai 1588
Source : Arch. nat., X/2b/1330
R. que quand on la jeta dans l’eau, si elle enfonça.
A dit qu’elle print de l’eau dans la bouche et ne scayt ce qu’elle fit lors et si elle descendit au fonds.
Remontré que quand on la jeta dans l’eau, elle s’enfonça au fonds.
A dit qu’elle prit de l’eau dans la bouche et ne sait ce qu’elle fit alors et si elle descendit au fonds.
Procès-verbal de question de Jeanne Chevalut (parlement de Paris), 15 juillet 1598
Source : Arch. nat., X/2b/1330
Int. si elle n’a eu qu’un cas avec le diable et esté au sabat.
A dit qu’elle a requis estre visitée, esté jectée dans l’eau et que l’on luy a fait injustice
Interrogée si elle n’a eu qu’une fois affaire avec le diable et si elle a été au sabbat.
A dit qu’elle a demandé à être visitée, qu’elle a été jetée dans l’eau et que l’on lui a fait injustice
Interrogatoire de Caterine Jaugey (plumitif d’audience du parlement de Paris), 12 février 1599
Source : Arch. nat., X/2a/960
[…] qu’elle a eu la question et sept sepmaines dans les cachotz ; son enfant est mort entre ses mains
Elle a dit qu’elle a eu la question [la torture] et a été sept semaines dans les cachots ; que son enfant est mort entre ses mains
Interrogatoires sous la question de Suzanne Gaudry, Mons (Belgique), 28 juin 165
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312
Le 9 juillet 1652, à Valencienne, Suzanne Gaudry est condamnée à être étranglée, puis brûlée, son corps étant enterré dans les bois. Niant tout ce dont on l’accusait, elle a été torturée à plusieurs reprises, notamment le 27 juin. Le lendemain, 28 juin, les juges lui rappellent les aveux obtenus la veille. Elle revient sur ses confessions et affirme qu’elle n’est pas sorcière. Quelques jours plus tard, le jour de son exécution, les juges l’interrogent alors qu’elle est malade dans sa prison.
Elle confirme ses aveux et revient sur sa rencontre avec son amoureux (le diable), comment celui-ci l’a marquée à l’épaule, comment il l’a menée aux danses du sabbat, comment ils ont copulé ensemble neuf ou dix fois, comment elle a utilisé ses poudres contre les gens et les bêtes.
Interrogié pourquoy elle at confessé hier qu’il y avoit vingt ans qu’elle estoit sorcière.
A dit que c’estoit à cause qu’elle avoit trop de mal.
Interrogée pourquoi elle a confessé hier qu’il y avait vingt ans qu’elle était sorcière.
A dit que c’était parce qu’elle avait trop mal.
Interrogatoire sous la torture d’Elise Guion, Montbéliard, 13 et 15 mars 1660
Source : Arch. nat., K/2031/2, pièce n° 69
Accusée de maléfice, Élise Guion est soumise à la question et longuement interrogée sur le démon, qu’elle nomme le « méchant ». La simple vue du bourreau semble l’impressionner mais celui-ci ne parvient pourtant pas à lui arracher le moindre aveu. Les magistrats non plus, malgré leurs nombreuses remontrances et admonestations vis-à-vis d’une vieille femme dont ils notent « l’opiniâtreté ». Elle est condamnée au bannissement perpétuel le 9 mai 1660.
“ donnez moi la mort et non point de tourments ! ”,
suyvant quoy ledit maistre exécuteur a présenté ses instruments de torture
et après, l’ayant saisi et empoigné, elle s’est escriée et a dit “ Mon Dieu, je n’ay point veu le meschant ! ”
“ donnez-moi la mort et pas de tourments ! ”,
après quoi ledit maître exécuteur [le bourreau] a présenté ses instruments de torture
et après qu’il l’eut saisie et empoignée, elle s’est écriée et a dit “ Mon Dieu, je n’ai point vu le méchant [le démon] ! ”
Interrogatoire sous la torture d’Elise Guion, Montbéliard, 13 et 15 mars 1660
Source : Arch. nat., K/2031/2, pièce n° 69, fol. 46 v°
[le bourreau] l’ayant prins et saisy, despouillé de ses habist et couppé les cheveux de la teste, après l’avoir picqué
[le bourreau] l’ayant prise et saisie, dépouillée de ses habits et coupé les cheveux de la tête, après l’avoir piquée
en quelques endroicts des espaulles et du dos où elle s’est monstrée sensible, il luy a mis et enfoncé
en quelques endroits des épaules et du dos où elle s’est montrée sensible, il lui a mis et enfoncé
une grande espingle ou espenette en certain endroict au-dessoubs du dos où paroissoit une marque
une grande épingle ou espenette en certain endroit au-dessous du dos où paraissait une marque
Interrogatoire de Marie Thibaut (plumitif d’audience du parlement de Paris), 20 novembre 1601
Source : Arch. nat., X/2a/964
Int. si elle n’a esté visitée.
A dit que ouy et offrit de se mettre toute nue.
Interrogée si elle n’a pas été visitée.
A dit que oui et proposa de se mettre toute nue.
A dit qu’elle a esté picquée.
R. que, à l’espaule gauche, elle a cinq pointz.
A dit qu’elle n’a marque que celle que Dieu luy a envoyé.
A dit qu’elle a été piquée.
Remontrée que, à l’épaule gauche, elle a cinq points.
A dit qu’elle n’a de marques que celle que Dieu lui a envoyé.
Recherche de la marque du diable sur le corps d’Aldegonde de Rue, 70 ans, Basuel (Nord), 1601
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312
Veuve de soixante-dix ans, Aldegonde de Rue vit à Bazuel, dans le Cambrésis. Elle est jugée pour avoir causé la mort de plusieurs chevaux et d’une vache. Elle demande à être examinée, croyant se faire innocenter, mais on juge suspectes les marques qu’elle a sur le corps.
[le bourreau] a icelle veu et visitée par tout les lieux et places de son corps, mesme en des lieux intérieur comme dedans la bouche et parties honteuses, et dedans les poilz et lyeneux de son corps […]
Le bourreau l’a vue et visitée par tous les lieux et places de son corps, même en des lieux intérieurs comme la bouche et les parties honteuses [le sexe], et les poils et les toisons de son corps […]
Interrogatoire de Babon, femme de Jean Le Borgne, Vaudémont, 1 er avril 1613
Source : Arch. nat., J/986, pièce n° 99
N’a non plus voullu confessé d’où la petite tache blanche qu’elle a au front, à la largeur d’un petit blanc d’Allemaigne, un peu plus longuette, luy est venue ; […] elle dit que se pourra estre de quelque cheutte lorsqu’elle estoit enfant.
N’a pas voulu non plus confessé d’où lui est venue la petite tache blanche qu’elle a au front, de la largeur d’un petit blanc d’Allemagne [pièce de monnaie], un peu plus longuette ; […] elle dit que c’est peut-être à cause d’une chute lorsqu’elle était enfant.
Interrogatoires sous la question d’Adriaine d’Heur, 60 ans, Montbéliard, 31 août – 2 septembre 1646
Source : Arch. nat., K/2031/1
Adrienne D’Heur est la femme d’un orfèvre. Ses voisins la craignent, la soupçonnent de tromper son mari et de vouloir l’empoisonner ; les enfants la fuient. Plusieurs membres de sa famille passent pour sorciers. Toute une série de maladies et de morts lui sont attribuées. En 1646, au cours de son procès, elle est visitée par le bourreau (le maître exécuteur) pour la recherche de la marque du diable. Elle persiste à nier les maléfices qui lui sont reprochés. Elle finit par avouer, sous la torture, et raconte dans les détails sa liaison avec le diable et les scènes d’anthropophagie. Elle est condamnée de crime de sortilège et d’hérésie puisqu’elle affirme avoir renoncé à Dieu pour s’unir au malin. Elle meurt sur le bûcher.
[…] ladite marque n’avoit jecté aulcung sang et que l’ouverture estoit demeurée toute visible et aparente, et allentour de laquelle il y avoit comme une petite griffe du diable
[…] la marque n’avait jeté aucun sang et l’ouverture était demeurée toute visible et apparente, et autour d’elle, il y avait comme une petite griffe du diable
Interrogatoires sous la question d’Adriaine d’Heur, 60 ans, Montbéliard, 31 août – 2 septembre 164
Source : Arch. nat., K/2031/1
le commencement de son malheur procédait d’un méchant et malheureux frère
seulement d’age d’environ douze ans, il la tirra dans ung creux au hault des champs dud. Morvillars où il la força et viola, et depuis encore il l’auroit derechef forcée.
étant seulement âgée d’environ douze ans, il la tira dans un creux, en haut des champs de Morvillars, où il la força et la viola, et depuis encore il l’aurait de nouveau forcée.
la seconde cause de son malheur proceddoit de ce que l’on l’avoit marié malgré elle ; elle sur ce a dit : “ mon Dieu, qu’on ne marie jamais personne malgré soy ”
la seconde cause de son malheur procédait de ce que l’on l’avait mariée malgré elle. Sur ce, elle a dit “ Mon Dieu, qu’on ne marie jamais personne malgré soi ! ”,
Interrogatoires sous la question d’Adriaine d’Heur, 60 ans, Montbéliard, 31 août – 2 septembre 1646
Source : Arch. nat., K/2031/1
[le diable] heust compaignie avec elle contre une couschette estant aud. poisle et recogneust que sa nature estoit fort petite et froide et ne sentit point qu’il fit aulcugne éjection de semence
le diable eut compagnie avec elle sur une couchette, près de son poêle ; et elle reconnut que sa nature était fort petite et froide et elle ne sentit point qu’il fit aucune éjection de semence
Interrogatoires sous la question d’Adriaine d’Heur, 60 ans, Montbéliard, 31 août – 2 septembre 1646
Source : Arch. nat., K/2031/1
elles découpoyent des petits enffants qu’elles mettoyent cuire par après dans ung pot
elles découpaient des petits enfants qu’elles mettaient après à cuire dans un pot
Audition des témoins contre Henriette Pillard, 60 ans, Montbéliard, 1653
Source : Arch. nat., K/2031/1
Plusieurs témoins entendus lors de l’information évoquent la mauvaise réputation d’Henriette, qualifiée de « sorcière et genauche », et de la famille de celle-ci : son père, mais aussi son mari. Ils évoquent les querelles, les menaces qu’elle a prononcées, les maladies de petits enfants qu’elle avait touchés et, surtout, la folie ou la mort suspecte des chevaux. Ceux qui n’ont rien à lui reprocher admettent qu’ils ont toujours entendu dire qu’Henriette était sorcière.
[…] elle suivoit les traces de son père qui estoit un Jean Pillard […] que l’on réputoit communément pour sorcier ; et quand on parloit de luy, on avoit coustume de le qualeffier de loup-garou
[…] elle suivait les traces de son père […] réputé communément pour être un sorcier ; et quand on parlait de lui, on avait coutume de le qualifier de loup-garou.
Interrogatoire d’Henriette Borne, 60 ans, Montbéliard, 26 août 1617
Source : Arch. nat., K/2030/2
Il est fréquent de lire, dans les procès-verbaux, des mentions sur l’incapacité des présumées sorcières de pleurer. Aux yeux des démonologues, cette incapacité, qui se manifeste même pendant la torture, est un des nombreux indices de leur culpabilité. Henriette Borne, veuve de 60 ans, est la fille d’un chirurgien. Il s’agit de l’une des rares femmes issues d’un milieu aisé à avoir été jugée pour sorcellerie en Franche-Comté. Accusée par son voisinage, elle est longuement interrogée sur sa foi et sur ses liens avec le diable qu’elle affirme d’abord n’avoir jamais vu. Elle est ensuite questionnée sur la mort de plusieurs animaux et de personnes de son entourage. On lui rappelle que deux de ses tantes ont été condamnées pour sorcellerie. Épuisée par sa captivité, elle avoue finalement comment, après la mort de son mari, la misère et le désespoir l’ont poussée à pactiser avec le diable pour jeter des sorts aux hommes et aux bêtes. On ne sait quelle a été la sentence prononcée contre elle.
[…] se complaignant fort, disant qu’elle avoit perdu toutes ses forces et feignant de voulloir pleurer, sans touteffois jecter aulcunes larmes […]
[…] se plaignant beaucoup, disant qu’elle avait perdu toutes ses forces et feignant de vouloir pleurer, sans toutefois verser la moindre larme […]
Interrogatoire de Magdeleine Desmas, Bouchain (Nord), 7 septembre 1650
Source : Archives départementales du Nord, B 1216, 17615-3
Demandé si ung jour, estante seulle en sa maison, faisant la bué, jettant de l’eau avecque sa main, elle ne rioit aultant quy luy estoit possible […]
Demandé si un jour, étant seule en sa maison, faisant la buée [la lessive], jetant de l’eau avec sa main, elle ne riait pas autant qu’il lui était possible […]
At dénié, disant “ et bien ! quand j’auroy ry, quand j’auroy pleuré, je ne faisoy tort à personne ”.
A dénié, disant “ et bien ! quand j’aurais ri, quand j’aurais pleuré, je ne faisais de tort à personne ”.
Interrogatoire de Marie de Boubay, 28 ans, Bouchain (Nord), 10 mai 1652
Source : Archives départementales du Nord, B 1216, 17615-16
Originaire de Rieux-en-Cambrésis, Marie de Boubay est accusée de pratiquer la sorcellerie pour son propre compte. Elle s’est éprise d’un certain Jean Goudry, qui l’ignore, et elle aurait utilisé ses pouvoirs pour qu’il l’aime en retour. Le jeune homme meurt subitement et Marie est soupçonnée d’avoir provoqué sa mort. Réputée sorcière, elle vit misérablement depuis la mort de son père, non mariée, à la marge de la communauté. Soumise à la torture, elle y résiste, ce qui lui permet peut-être d’échapper à la peine de mort. Elle est condamnée au bannissement. Lors de ses interrogatoires, malgré les menaces, elle nie avoir « maléficié » Jean Goudry et tient des propos considérés par les juges comme peu cohérents.
Après plusieurs exclamations et mimes, se jettant tantost d’un costé et d’aultre, at dénié, réclamant tousjours Notre-Dame de Grâce, simulant de plorer […]
Après plusieurs exclamations et mimes, se jetant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, a dénié, réclamant toujours Notre-Dame de Grâce, simulant de pleurer […]
Interrogatoire de Jeanne Fortini (plumitif d’audience du parlement de Paris), 13 septembre 1608
Source : Arch. nat., X/2a/970
[A dit] dist-on à Justice qu’il y avoit de la fraude dans son foin. Puis on dict qu’elle avoit fait mourir des mouches ; puis ont dict qu’elle avoit touché une femme qui fut à veppres et en sortit guarie […]
A dit qu’on a dit à la Justice qu’il y avait de la fraude dans son foin. Puis on a dit qu’elle avait fait mourir des mouches ; puis on a dit qu’elle avait touché une femme [malade] qui fut à vêpres et en sortit guérie
Audition de bouche de Babon, femme de Jean Le Borgne, 44 ans, Vaudémont, 26-28 mars 1613
Source : Arch. nat., J/986, pièce n° 98
bien a elle pleuré souventeffois lorsque ledit Marsal luy disoit qu’elle estoit en estime de sorcière
elle a bien pleuré souvent lorsque ledit Marsal [un voisin] lui disait qu’elle était réputée sorcière
Interrogatoire de Babon (femme de Jean Le Borgne) pendant la question, Vaudémont, 2 avril 1613
Source : Arch. nat., J/986, pièce n° 104
après le bruict qu’elle eust apprins qu’on luy donnoit, et y panssant, frappoit du pied contre terre et disoit en lamantant “ diable, diable, faut-il que je soye regardée pour toy. Je ne suis pas des tiens, ny n’en seray pas ”
après qu’elle eut appris le bruit qu’on lui donnait [= la rumeur], en y pensant, elle frappait du pied contre terre et disait en se lamentant “ diable, diable, faut-il que je soie regardée pour toi. Je ne suis pas des tiens et je n’en serai pas ”
Interrogatoire de Magdeleine Desmas, 77 ans, Bouchain, 27 août 1650
Source : Archives départementales du Nord, B 1216, 17615-11
Magdeleine Desmas, habitante pauvre de Rieux-en-Cambrésis, a déjà été emprisonnée pour une affaire de sorcellerie. Elle est de nouveau interrogée en 1650 suite à la mort de plusieurs chevaux. Les magistrats la questionnent sur les précédents familiaux : sa mère, sa fille et sa tante, condamnée à être brûlée. Magdeleine nie tous ces faits et affirme que toutes ces femmes ont été forcées à avouer des crimes qu’elles n’avaient pas commis. Elle finit par avouer ceux dont on l’accuse. Elle est étranglée et brûlée après deux mois de procès.
A dict qu’ouy mais que sa fille est mort sans avoir fait de tort à personne.
Demandé si sa fille n’est pas morte pour ce sujet, ainsi que sa tante.
A dit que oui mais que sa fille est morte sans avoir fait de tort à personne.
[…] At dict que sa fille estoit jeusne et que l’on luy at fait dire tout ce que l’on vouloit voire, mesme ce qu’elle ne scavoit à cause qu’elle n’avoit que treize ans.
A dit que sa fille était jeune et que l’on lui a fait dire tout ce que l’on vouloit savoir, même ce qu’elle ne savait pas, parce qu’elle n’avait que treize ans.
Procès de Jehennon, veuve de Hidouff le Regnard, de Robache (3 juillet 1602)
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, Ms SAL 135, fol. 5
Elle a dit que sont dix sept ou dix huict ans, ou environ, comme elle estoit au lieu de Chapan, couppant bois en grande cholère, par les querelles qu’elle avoit contre ses voisins, il s’apparut à elle ung homme habillé de rouge
Elle a dit qu’il y a environ 17 ou 18 ans, comme elle était au lieu de Chapan, coupant du bois en grande colère, à cause des querelles qu’elle avait contre ses voisins, il lui apparut un homme habillé de rouge
Synthèse des confessions de Claude Vernier, 44 ans (pièces du procès criminel intenté par le procureur fiscal de la seigneurie de Granges), 1571-1572
Source : Arch. nat., K/2030/1. Pacquet 11, fol. 114 v° et 115 r°
Claude Vernier, dite la Montagne, épouse de Pierrot Andrey, habite la seigneurie de Granges. Jugée une première fois en 1571, elle est condamnée à mort mais fait appel. Interrogée sur sa foi chrétienne, ses parents et ses demeures, elle nie avoir commis les maléfices (n° 96) sur les gens et les animaux : avoir rendu malade une jeune voisine qui accoucha d’un enfant mort-né, avoir fait tarir le lait des vaches, etc. Elle finit par avouer s’être donnée à un diable qui l’a marquée à la cuisse et lui a donné de l’argent, transformé le lendemain en feuilles de chêne. Suivent ses confessions sur différents maléfices, donnés grâce à une poudre du diable. Interrogée sur les autres sorcières, vaudoises ou « genauches » qu’elle a fréquentées au sabbat, elle nomme plusieurs de ses voisins et voisines. En 1572, l’officialité (cour de justice) de Besançon la condamne au bannissement perpétuel.
s’apparu à elle le dyable son maître, appellé Venant selon qu’il luy déclara pour lors, estant en forme de homme noir […]
lui apparut le diable son maître, appellé Venant, comme il lui déclara alors, sous la forme d’un homme noir […]
l’exhortant derechef de se donner à luy et que luy bailleroit or, argent et tout ce qu’elle vouldroit ; à quoy acquiescant, ladite respondante se donna à luy […]
l’exhortant de nouveau de se donner à lui, disant qu’il lui donnerait de l’or, de l’argent et tout ce qu’elle voudrait ; consentante, elle se donna à lui […]
Synthèse des confessions de Claude Vernier, 44 ans,(pièces du procès criminel intenté par le procureur fiscal de la seigneurie de Granges), 1571-1572.
Source : Arch. nat., K/2030/1
Il la marqua en la cuisse gauche ung peu plus hault que le jarret
il la marqua à la cuisse gauche, un peu plus haut que le jarret
Interrogatoire d’Isabelle Margillon, 8 février 1587, Montbéliard
Source : Arch. nat., K/2030/1, cahier n° 33
Isabelle Margillon est veuve. Elle a une fille, nommée Henriette. Par deux fois, en décembre 1586 et en février 1587, elle subit de longs interrogatoires. Dans un premier temps, elle se défend énergiquement contre les accusations de maléfices et de fréquentation du démon, notamment quand elle est confrontée à ses voisins qui ont déposé contre elle. Elle est interrogée sur le meurtre d’un enfant qu’elle aurait découpé et fait cuire. Sa fille l’accuse aussi de ce crime. Torturée, elle persiste à nier avoir tué l’enfant. Le greffier note qu’elle ne sent pas la douleur, baisse la voix et le regard, crie soudainement. Elle finit pourtant par passer aux aveux : ses relations avec le diable, un homme noir, de grande taille, armé d’un bâton, qui lui promit de l’aider à tuer ceux qui la traitaient de « genauche » (sorcière), qui la marqua à la cuisse gauche et lui donna de l’argent. Elle confesse s’être rendue au sabbat, avoir dansé avec le diable et s’être donnée à lui. Toujours sous la question, elle confesse tout ce dont elle est soupçonnée et, notamment, les maladies et morts provoquées à l’aide de la « graisse » donnée par le diable. On ne connaît pas la sentence.
[elle] se donna à luy ; et renonça à Dieu de manière que à l’instant, ledit homme heust compagnie à elle et la marqua aux cuisses de la main qu’il mit par desoubz ses habitz
elle se donna à lui et renonça à Dieu de manière que, à cet instant, l’homme eut sa compagnie et la marqua aux cuisses, de la main qu’il mit dessous ses habits
Acte de la question, confession et répétition de Mougeotte Hocquart par le prévôt d’Arches, 2 décembre 1617
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B2574, n° 7
Prévenue de sortilège et vénéfice (empoisonnement), Mougeotte Hocquart est mise à la question : l’exécuteur de justice la fait asseoir sur un banc, la déshabille et la rase entièrement. Il lui applique les grésillons (sortes de pinces) aux doigts de la main. En vain. Il passe alors au supplice de l’estrapade et la prévenue passe immédiatement aux aveux : la rencontre avec le diable, les danses et le banquet du sabbat. On ne connaît pas la sentence.
Dit qu’il estoit vray qu’estant en un champ delà la rivière cerchant des bestes, ledict son mre vint auprès d’elle en forme d’un homme habillé de noir […]
elle dit qu’il était vrai qu’étant dans un champ au-delà de la rivière, cherchant des bêtes, son maître vint auprès d’elle en forme d’un homme habillé de noir […]
[il] jouit d’elle et la pinça entre les deux mamelles, nous ayant faict veoir la marque estant de la rondeur d’un deux denier
il jouit d’elle et la pinça entre les deux mamelles ; et elle nous a fait voir la marque, étant de la rondeur d’une pièce de deux deniers
Procédure contre Catherine Thomas, 60 ans, Montbéliard, 1621
Source : Arch. nat., K/2030/2
Puis [il] la frappa sur la hanche droite, que luy fist grande douleur l’espace d’environ huict jours et en la frappant, luy dit “ tu es mienne ”
Puis il la frappa sur la hanche droite, ce qui lui fit une grande douleur pendant environ huit jours ; et en la frappant, il lui dit “ tu es mienne ”
Interrogatoire de Marie Lanecin, 52 ans, Basuel (Nord), 4 mars 1621
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312, procédure contre Marie Lanecin, 2ème cahier
Marie Lanecin est interrogée plusieurs fois par les maire et échevin de Basuel, puis par les procureurs et greffiers de Saint-André. Elle est veuve, âgée de 52 ans. Plusieurs fois soumise à la torture, elle est condamnée à être étranglée et brûlée.
que la pe fois que le diable luy est apparu, c’at esté en la court, sur le soir, estant en forme d’homme, de moyen d’aige, mais dict n’avoir mémoire comment il estoit accoustré […]
que la première fois que le diable lui est apparu, cela a été dans la cour, sur le soir ; il avait la forme d’un homme, d’âge moyen ; mais elle dit ne pas avoir mémoire de comment il était accoutré […]
qu’il ne luy demanda rien aultre choses qu’une espingle, puis un jartier qu’elle luy refusa […] ; qu’elle luy permis de prendre ung bout de cordon de son cottin
qu’il ne lui demanda rien d’autre qu’une épingle, puis un jartier [jarretière] qu’elle lui refusa […] ; qu’elle lui permit de prendre un bout de cordon de son cottin [sorte de jupe]
Interrogatoire de Deslotte Dondenot, 40 ans, Montbéliard, 1640
Source : Arch. nat., K/2031/2
L’interrogatoire a lieu au château de Granges où Deslotte Dondenot, servante, est alors emprisonnée.
Lequel luy dit en ces termes “ te veult-tu donner à moy, je te tireray d’ici ” ; à quoy elle respondit que non et qu’elle ne scavoit quel il estoit ; et au mesme instant, ledit personnage l’embrassa
Lequel lui dit en ces termes “ veux-tu te donner à moi, je te tirerai d’ici ” ; à quoi elle répondit non et qu’elle ne savait qui il était ; et au même instant, le personnage l’embrassa
Interrogatoire d’Henriette Pillard, 60 ans, Montbéliard, 8 juillet 1654
Source : Arch. nat., K/2031/1, pièce n° 26
Mariée à Abraham Berger, elle a eu 3 enfants. Elle et son mari sont soupçonnés d’être sorciers. Son père avait la réputation d’être loup-garou. Sans subir la question, manifestement épuisée, tantôt assoupie, tantôt très nerveuse et exaltée, Henriette Pillard évoque sa rencontre avec le démon et le pacte qui s’en est suivi. S’agissant des maléfices, elle avoue que les pouvoirs reçus du diable lui permettaient de faire mourir les bêtes, mais pas les hommes. On ne connaît pas la sentence.
[…] que le diable son maistre lorsqu’il lui apparut la première fois, estoit habillé de bleu, estoit en forme d’homme, de courte stature, qui avoit les pieds tout ronds
que le diable son maître, lorsqu’il lui apparut la première fois, était habillé de bleu ; il était en forme d’homme, de courte stature, qui avait les pieds tout ronds,
parloit avec une voix enrouée et ung langage aproschant le Suisse ; avoit une face fort laide et hideuse et toute velue et ressemblant au groing d’un pourceau.
parlait avec une voix enrouée et un langage approchant le Suisse ; avait une face fort laide et hideuse et toute velue et ressemblant au groin d’un pourceau.
Confessions de Claudine Burgeard, Clerval (Franche-Comté), mars 1656
Source : Arch. nat., K/2031/2, fol. 3 v°
Claudine Burgeard, veuve, comparaît pour crimes de « sortilège, genaucherie et vaudoiserie » devant le procureur de la châtellenie de Clerval. Elle est visitée et trouvée « marquée » par le diable. Elle avoue ses relations avec le démon qui lui apparaît tantôt comme une ombre, tantôt comme un berger. Quant aux danses nocturnes du sabbat, elle déclare qu’il y avait « quantité de personnes » qu’elle ne connaissait pas, sinon un voisin et une grande femme vêtue de noir. Elle est soumise à la question pour livrer le nom de ses complices. Elle est exécutée le 7 avril 1656.
[son] mary luy apporta la vérole, de quoy estant indignée et retirée en une chambre haulte de sa maison, il luy apparut le diable en forme d’un ombre nuictamment
son mari lui apporta la vérole ; indignée, elle se retira dans une chambre haute de sa maison ; le diable lui apparut sous la forme d’une ombre, pendant la nuit
Procès d’Arnoulette Defrasnes, dite la Royne des Sorcières, 70 ans, Valencienne, 1663
Source : Archives municipales de Valenciennes, FF 1 33, registre criminel (1662-1667)
Respond qu’il lui apparut de nuict, en forme de jeusne homme, vestu d’un habit brun, luy demandant si elle vouloit estre son amoureuse ; à quoy elle repartit qu’ouy ; sur ce, qu’il luy monstra plein son chapeau d’argent […]
Répond qu’il lui apparut de nuit, en forme de jeune homme, vêtu d’un habit brun, lui demandant si elle voulait être son amoureuse ; à quoi elle répondit que oui ; sur ce, qu’il lui montra son chapeau plein d’argent […]
Procès d’Arnoulette Defrasnes, dite la Royne des Sorcières, 70 ans, Valencienne, 1663
Source : Archives municipales de Valenciennes, FF 1 33, registre criminel (1662-1667)
qu’il coucha avec elle et la cogneu cette fois charnellement par deux fois, qu’il avoit la semence froide, qu’elle n’avoit cependant tant de plaisir qu’avec son mari lorsqu’il estoit dans la mesme action.
qu’il coucha avec elle et la connut cette fois charnellement deux fois ; qu’il avait la semence froide ; qu’elle n’avait cependant pas autant de plaisir qu’avec son mari.
Synthèse des confessions de Claude Vernier (pièces du procès criminel intenté par le procureur fiscal de la seigneurie de Granges), 1571-1572
Source : Arch. nat., K/2030/1. Pacquet 11, fol. 152 v°
[elle sentit] que la matière et semance dud. Satan Venant son mre estoit plus froide que celle de son mary
Elle sentit que la matière et semence de ce Satan Venant, son maître, était plus froide que celle de son mari.
Confessions de Claudette, 40 ans, Baudrecourt, 1574
Source : Arch. nat., J/986, Procès instruit et jugé, sous l’autorité du comte de Salm, par la justice de Morville et Baudrecourt. 11 novembre – 2 décembre 1574, pièce 24
Claudette, âgée de 40 ans, a été mariée deux fois, a eu sept enfants. Soupçonnée d’être sorcière et dénoncée notamment par deux femmes condamnées à être brûlées, elle est confrontée aux témoins mais continue de nier. Elle subit la question (supplice de l’estrapade) et avoue qu’elle est sorcière depuis trois ans, que son mari l’était aussi. Qu’elle a rencontré le diable, nommé Joliar, semblable à un homme, vêtu de noir, qui lui a promis la richesse si elle se donnait à lui. Elle avoue aussi qu’elle l’a connu charnellement deux fois, qu’il l’a conduite au sabbat en la portant sur son cou, le jeudi soir vers minuit. Elle demande qu’on lui ôte la question et précise ses aveux : son mari la battait souvent parce qu’elle ne voulait pas être sorcière ; qu’elle a fait mourir des bêtes, des enfants, etc., à l’aide d’une poudre contenue dans une boîte de bois qu’elle cachait en son sein.
Dict en outre que alors led. son mre Joliar heust habitation avec elle et luy faisoyt grand bien comme ung autre homme.
Dit en outre qu’alors son maître Joliar eut habitation avec elle et qu’il lui faisait grand bien, comme un autre homme.
Interrogatoire d’Annette (plumitif d’audience du parlement de Paris), 15 juillet 1572
Source : Arch. nat., X/2a/938
Dit qu’elle ne scait si ledit esprit la baisa
Dit qu’elle ne sait si l’esprit la baisa
Interrogatoire de Magdeleine des Aymards, 13 ans, Riom, 2 juin 1606
Source : BnF, Mss 500 Colbert, 218, fol. 79 v°
il prist avec sa main son membre viril et le mist dans la nature de lad. dépposante et luy occasionna une grande douleur
il prit avec sa main son membre viril et le mit dans la nature de ladite déposante [Magdeleine] ; il lui occasionna une grande douleur
[…] que led. diable spermontisa dans sa nature une semence qui estoit froide comme de la glasse
[…] que le dit diable spermontisa [éjacula] dans sa nature une semence qui était froide comme de la glace
Interrogatoire de Silvine de la Plume (plumitif d’audience du parlement de Paris), 5 mai 1616
Source : Arch. nat., X/2a/978
Int. si le diable ne la venoit voir au lict près son mary.
A dit qu’il n’est jamais venu coucher près d’elle qu’une foys ; ne scait sa forme.
Interrogée si le diable ne venait pas la voir, au lit, près son mari.
A dit qu’il n’est jamais venu coucher près d’elle, sauf une fois ; qu’elle ne sait sa forme.
Interrogatoire de Jehanne Capitan (plumitif d’audience du parlement de Paris), 13 octobre 1615
Source : Arch. nat., X/2a/977
R. qu’elle a confessé que le diable a eu son pucelage et qu’il luy feit mal la première fois.
A dit qu’elle n’a eu sa compagnie.
Remontré qu’elle a confessé que le diable a eu son pucelage et qu’il lui fit mal la première fois.
A dit qu’elle n’a pas eu sa compagnie.
Procédure contre Henriette Borne, 60 ans, Montbéliard, 1617
Source : Arch. nat., K/2030/2
puis heust copule avec elle, la nature duquel elle sentist froid comme ung glasson
puis il copula avec elle et elle sentit que sa nature était froide comme un glaçon
Procédure contre Henriette Borne, 60 ans, Montbéliard, 1617
Source : Arch. nat., K/2030/2
[le diable] en forme de bouc leur commandoit de prendre chascung son baston et de frapper dans la fontaine qui estoit là ; […] se levoit de lad. fontaines, une bruine espesse, blanchenesse, qui montoit en hault et se convertissoit en gresle
[le diable] en forme de bouc leur commandait de prendre chacun son bâton et de frapper dans la fontaine qui était là ; […] il se levait de la fontaine, une bruine épaisse, blanchâtre, qui montait haut et se convertissait en grêle
Interrogatoire d’Anna Lang, Bergheim (Alsace), 1618
Source : Archives départementales du Haut-Rhin, Bergheim, FF3
Als der Buol sie beschlaffen, wol empfunden dass er nit natürlich, sondern kalter Natur undt ein Holz gewessen.
Lorsque son amant la posséda, elle sentit qu’il n’était pas un homme normal ; il était de constitution froide et sec comme du bois.
Procédure contre Catherine Thomas, 60 ans, Montbéliard, 1621
Source : Arch. nat., K/2030/2
[…] laquelle copule, il a heust réitéré avec elle à diverses fois jusques à sept ou huict fois, en divers lieux et contre son gré, parce qu’elle n’y prenoit point de plaisir
[…] laquelle copulation, il l’a réitérée avec elle diverses fois, jusques à sept ou huit fois, en divers lieux et contre son gré parce qu’elle n’y prenait point de plaisir
Interrogatoire de Marie Lanecin, Basuel (Nord), 4 mars 1621
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312, procédure contre Marie Lanecin, 4 ème cahier, fol. 1
[Après le sabbat] Le diable la remenoit en sa maison et couchoit avecq elle, ayant par deux fois heu sa copulation ; qu’elle sentoit sa chair froide et que sa nature estoit aussy froide.
[Après le sabbat] le diable la ramenait à sa maison et couchait avec elle ; qu’il a eu par deux fois sa copulation ; qu’elle sentait sa chair froide et que sa nature était aussi froide.
Interrogatoire de Marye Roy, 15 ans (plumitif d’audience du parlement de Paris), 22 décembre 1623
Source : Arch. nat., X/2a/987
A l’issue de ce long interrogatoire, deux femmes, Marye Roy et Jeanne Lallemand, sont condamnées à être fustigées et bannies neuf ans. Marye Roy avoue avoir été sorcière à l’âge de 9 ans, que ce sont ses parents qui l’ont menée au sabbat, qu’elle y a rencontré le diable, vêtu de noir, de grande taille. Elle nie avoir fait mourir des gens et des bêtes.
Si elle est pucelle ?
A dit que non et que le diable l’a débauchée dès la première fois qu’elle fut au sabbat.
Enquise comme elle scaict que c’est le diable.
A dit qu’elle veut bien que ce n’estoit un homme et que ce fut son parain que luy dit qu’elle se laissa fayre.
Enquise comme elle sait que c’est le diable.
A dit qu’elle vit bien que ce n’était pas un homme et que ce fut son parrain que lui dit qu’elle se laisse faire.
Chrétienne, 23 ans, Lorraine, 1624
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B 2583, n° 1. Chambre des comptes de Lorraine, comptes du receveur d’Arches.
il luy auroit faict grand mal, sentante un grand froid et de grandes douleurs, comme s’il luy eust mis des espines entre les jambes, tellement qu’elle fut malade quinze jours.
Il lui aurait fait grand mal ; elle sentit un grand froid et de grandes douleurs, comme s’il lui eût mis des épines entre les jambes, tellement qu’elle fut malade quinze jours.
Said that he had hurt him a great deal; she felt a great coldness and great pains, as if he had put spines between her legs, such that she was ill for two weeks.
Interrogatoire de Marie-Anne Dufosset, 15 ans environ, Bouvignies (Nord), 7 octobre 1679
Source : Archives départementales du Nord, E 3350
Au cours de son interrogatoire, Marie-Anne Dufosset évoque le sabbat où elle a fait révérence au diable, « un grand noir homme » qui se tient assis sur un siège, au milieu de la danse. Elle confesse que le diable l’a marquée à l’épaule droite et lui a donné une épingle pour faire mourir hommes et bêtes. Elle avoue ses maléfices contre une femme, une petite fille, deux poules et un cheval.
croiant d’y avoir du plaisir, ne sentant néantmoins rien sinon comme ung vent qui passe.
Elle croyait y avoir du plaisir mais ne sentait néanmoins rien, sinon comme un vent qui passe.
Interrogatoire de Marguerite, femme d’Anthoine Vaultrin, 60 ans, Rebeuville (Vosges), 18 juillet 1553
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B 4444. Chambre des comptes de Lorraine, comptes du receveur de Châtenois et Neufchâteau
Interroguée qu’ils faisoient aud. sabat.
Dict que les ungs y danssoient, les ungs jouoient et faisoient choses de merveille et à leurs departement leurs maistres leurs donnoient de la pouldre pour faire morir gens et bestes et les invitoit à ce.
Interrogée sur ce qu’ils faisaient au sabbat.
Elle dit que les uns y dansaient, les uns jouaient et faisaient des choses merveilleuses et qu’à leur départ, leurs maîtres leur donnaient de la poudre pour faire mourir les gens et les bêtes et les invitaient à le faire.
Interrogatoire de Françoise Billaud (plumitif d’audience du parlement de Paris), 15 juillet 1597
Source : Arch. nat., X/2a/959
R. qu’elle a dict qu’au sabat, il y avoit un bouc.
A dit que ouy
Remontré qu’elle a dit qu’au sabat, il y avait un bouc.
A dit que oui.
a dit qu’il faisoit danser ceulx qui y estoient et dansoit en homme, puis revenoyt en bouq ; l’a adoré trois foys.
A dit qu’il faisait danser ceux qui y étaient et qu’il dansait en homme, puis revenait en bouq ; qu’elle l’a adoré trois fois.
Interrogatoires de Reine Percheval, Basuel (Nord), 10 ou 13 septembre 1599
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312
Reine Percheval est veuve et vit à Bazuel. Soupçonnée et dénoncée par de nombreux voisins, elle est conduite à l’abbaye de Saint-André pour ses interrogatoires. Niant tout ce qui lui est reproché, elle est soumise à la torture : elle avoue et dénonce ses complices, notamment celles qui auraient participé avec elle aux danses du sabbat. On ignore quelle sentence a été prononcée contre elle.
ur la minuict et apprès la dansse finee, chacune d’elles at une chierce en sa main et vont baissier une beucque au cul, estant au mictant de la dansse.
Sur la minuit et après, la danse finie, chacune d’elles a une chandelle en sa main et va baiser un bouc au cul, qui est au milieu de la danse.
Interrogatoire de Jeanne Patarde (plumitif d’audience du parlement de Paris), 30 août 1603
Source : Arch. nat., X/2a/961
A dit qu’elle veu un grand homme tenant une chandelle qui disoit [“ Gaudeamus ? ”] et faisoit trois tours ; qu’on luy a tout osté ; est toute nue ; et qu’ayant chanté [“ Gaudeamus ? ”], s’en alla à sa maison
A dit qu’elle vit un grand homme tenant une chandelle, qui disait Gaudeamus [réjouisson-nous] et faisait trois tours ; qu’on lui a tout enlevé ; qu’elle était toute nue ; et qu’ayant chanté Gaudeamus, elle s’en alla à sa maison
Interrogatoire de Françoise Moreuse (plumitif d’audience du parlement de Paris), 9 septembre 1613
Source : Arch. nat., X/2a/975
A dit qu’elle avoit peur de ce grand qui y estoit, qui estoit tant effroyable, affreux. […] A dit que les hommes et femmes dansoyent ; qu’elle n’y dansa jamais ; que le grand homme effroyable ne bougeoit.
A dit qu’elle avait peur de ce grand qui y était, qui était tant effroyable, affreux. […] A dit que les hommes et les femmes dansaient ; qu’elle n’y dansa jamais ; que le grand homme effroyable ne bougeait pas.
Interrogatoire de Jehanne Le Rouy (plumitif d’audience du parlement de Paris), 11 septembre 1635
Source : Arch. nat., X/2a/999
ilz ont mangé de la viande d’enfant mort né, cuitte sur du charbon ; et qu’au milieu de la danse, elle a veu une grande beste noire laquelle elle a baisé soubz la queue.
Ils ont mangé de la viande d’enfant mort-né, cuite sur du charbon ; et qu’au milieu de la danse, elle a vu une grande bête noire qu’elle a baisé sous la queue.
Interrogatoire de Marie Martine (plumitif d’audience du parlement de Paris), 1er juillet 1586
Source : Arch. nat., X/2a/954
Si elle a esté au sabat.
A dit deux foys ; que cet esprit malin l’y mena ; luy dist “ Suy-moy ”, ce qu’elle feit ; ne scait qu’elle devint ; ne scayt dire le vilage ny comment elle y alla ; si ce fut en l’air.
Si elle a été au sabbat.
A dit : deux fois ; que cet esprit malin l’y emmena ; qu’il lui dit “ Suis-moi ”, ce qu’elle fit ; qu’elle ne sait ce qu’elle devint ; qu’elle ne sait dire le village ni comment elle y alla ; si ce fut en l’air.
Interrogatoire de Loise Hubiche (plumitif d’audience du parlement de Paris), 16 octobre 1587
Source : Arch. nat., X/2a/955
Si c’estoyt loin de sa maison.
A dit qu’il y avoyt un quart de lieu ; y alla avec ses femmes ; et que l’ayant chassé, s’en retourna toute seullette.
Si c’était loin de sa maison.
A dit qu’il y avait un quart de lieu ; qu’elle y alla avec ces femmes ; et qu’après avoir été chassée, s’en retourna toute seulette.
Interrogatoire d’Isabelle Margillon, Montbéliard, 8 février 1587
Source : Arch. nat., K/2030/1, cahier n° 33
Pour y aller, elle prenoit une ramasse entre les jambes et disoit “ saulte mirande ! ”
Pour y aller, elle prenait une ramasse [un balai] entre ses jambes et disait “ saute mirande ! ”
Interrogatoire de la Grosse Alison de Monteigneiz, Badonvillier (Vosges), 1561
Source : Archives départementales des Vosges, G 706, fol. 14
ung jour, elle entra en la maison dudit Blaise, envyron à heure de vespre, elle trouva ung petit enfans aagez d’envyron demy ans, lequelle une garse luy faisoit la bouleye ; ladite Alison print de la pouldre qu’elle avoit avec elles et en bouta esdicte boulyes ; puis se retire et incontinent l’enffans moura avant qu’il fut jour ;
un jour, elle entra dans la maison du dit Blaise, environ à l’heure de vêpres. Elle trouva un petit enfant âgé environ d’un demi-an, à qui une fille faisait la bouillie. La dite Alison prit de la poudre qu’elle avait avec elle et en mit dans la bouillie. Puis elle se retira et, de suite, l’enfant mourut avant qu’il fut jour ;
estant ledit enffans enterez, le diable luy fist retirer hors de terre et l’emporta ladite Alison le prochain jeudy ensuyvant à soir, au lieu où elles tenoient leurs saba ; là où ledit enffans fut routy par elles et le mangèrent par ensemble, elle [et] ses compagnes
l’enfant étant enterré, le diable lui fit retirer hors de terre et Alison l’emporta le jeudi suivant, le soir, au lieu où elles tenaient leur sabbat. Là, l’enfant fut rôti par elles et elles le mangèrent ensemble, elle et ses compagnes
Interrogatoire d’Isabeau Chayné, 50 ans, Villeneuve-de-Berg (Vivarais), 7 avril 1656
Source : Archives de l’évêché de Viviers, AA dossier 34
Cet interrogatoire est mené par le lieutenant du prévôt des maréchaux du Vivarais, qui se serait alors rendu fameux par son énergie à poursuivre et à faire brûler les sorciers et sorcières.
[…] elles prirent l’enfant dud. Valette auprès de luy et de sa femme [...], et l’emportèrent au Sabbat, sur une montagne […]
[…] elles prirent l’enfant du dit Valette chez lui et sa femme, et l’emportèrent au Sabbat, sur une montagne […]
elle et ladite Peytière sucèrent le sang dudit enfant, par un petit trou ou morsure que ladite Peytière lui fit avec les dents au cou
elle et la dite Peytière sucèrent le sang de l’enfant, par un petit trou ou une morsure que la dite Peytière lui fit avec les dents au cou
Procédure contre Catherine Thomas, 60 ans, Montbéliard, 1621
Source : Arch. nat., K/2030/2
en baptant, elles disoient “ gresle, gresle, va tumber sur les bois ou les grains ”
en battant [l’eau], elles disaient “ grêle, grêle, va tomber sur les bois ou les grains ”
Interrogatoire de Marguerite Goll, 56 ans, Héricourt, (pays de Montbéliard), 3 juillet 1563
Source : Arch. nat., K/2030/1
Marguerite Goll est la femme de Perrin Meusy, de Colombier-Savoureux. Interrogée par le bailli de la seigneurie d’Héricourt, elle raconte sa rencontre, un soir dans une forêt, avec le diable, un homme habillé de noir, qui lui promit de la sortir de la misère : elle renonça à Dieu, lui donna un de ses cheveux en signe d’allégeance ; il lui confia une petite boîte contenant de la graisse pour rendre malades les gens et les bêtes. Elle confesse les maléfices qu’énumèrent plusieurs témoins auditionnés. Elle évoque longuement le sabbat : comment elle s’y rendait sur un balai, comment elle y dansait. On ignore la sentence prononcée contre elle.
ils danssoient et saultoient par enssembles sans parler aulcungz propos
ils dansaient et sautaient ensembles sans plus rien dire
Interrogatoire d’Isabelle Margillon, Montbéliard, 26 décembre 1586
Source : Arch. nat., K/2030/1, cahier n° 33
Enquis[e] que s’est qu’elle feit là et si elle ne danssast pas avec trois hommes et qui ilz estoient.
Respond y avoir cueilly des pommes et des poires de bois mais n’avoir danssé, d’aultant que personne n’estoit avec elle.
Enquise sur ce qu’elle fit là et si elle ne dansa pas avec trois hommes ; qui étaient-ils.
Répond qu’elle y a cueilli des pommes et des poires de bois mais qu’elle n’y a pas dansé, d’autant que personne n’était avec elle.
Interrogatoire de Ilsche Luders, Ahnsbeck, 1570
Source : Stadtarchiv Celle / Archives municipales de Celle (Allemagne), best. 12 B Nr. 52
Daselbst haben sie gedantzt umb einen Eichenbom, den habe der bose etc. welcher schwarz gekleidich gewesen, und einen vlaen huet uffgehabt, mit rörm garn bespunnen, der boser habe eine Leier gahabt, und voran gedantzet.
Qu’elle avait dansé autour d’un chêne, que le méchant qui était habillé en noir, avec un chapeau plat, avait entouré de ficelle ; et qu’il aurait dansé en tête et qu’il aurait joué de la vielle.
Interrogatoire de Georgette Caillère, Saint-Dié, 10 novembre 1598
Source : Archives départementales des Vosges, G 2719
Qu’estans ainsy assemblés proche d’ung feu, led. Persin se mect à jouer d’une fleute, et eulx se mectoient à danser après luy
Qu’étant ainsi assemblés près d’un feu, le dit Persin [= le diable] se met à jouer d’une flûte ; et eux se mettaient à danser après lui
Procès de Nyzette Axy, Chevron (Liège, Belgique), 1604
Source : Archives de l’Etat de Liège, fonds de la Cour de Justice de Chevron, n°22
et avoient ung mestrel que usoit d'une paèle à sonner et de xhyettes de cheval
il y avait un ménestrel qui usait d’une poêle à sonner et de grelots de cheval
Procès-verbal d’exécution de Jeanne Patard (parlement de Paris), 13 octobre 1604.
Source : Arch. nat., X/2b/1330, 13 octobre 1604
« Réputée » sorcière, Jeanne Patard est jugée en appel au parlement de Paris. En première Instance, elle a avoué sous la torture avoir participé aux danses du sabbat avec plusieurs de ses voisins. Elle est exécutée le 13 octobre 1604.
[Ils] se prenoyent tous par les mains, disant “ diable diable diable foudre foudre tempeste ” et alors aparoist le diable en forme d’homme noir.
Ils se prenaient tous par les mains en disant “ diable diable diable foudre foudre tempête ” ; et alors apparaissait le diable en forme d’homme noir.
Procès de Anne Martin, Chevron (Liège, Belgique), 1605
Source : Archives de l’Etat de Liège, fonds de la Cour de Justice de Chevron, n°22
Confesse d’avoir par plussieurs fois baisy leurs supérieurs et, sauve révérence, le derrière, à raison qu’elle n’avoit argent pour payer le tribus
Confesse qu’elle a plusieurs fois baisé ses supérieurs [ses maîtres] et, sauf révérence, leur derrière, parce qu’elle n’avait pas d’argent pour payer le tribut au ménestrel
Interrogatoire sur la sellette d’Antoinette Duponchet (plumitif d’audience du parlement de Paris), 26 juin 1610
Source : Arch. nat., X/2a/971
Estant au sabath, ils dansent en rond. Y avoit plusieurs hommes et femmes. Le Malin y estoit en forme de bouc, quy estoit au mitan
Etant au sabbat, ils dansent en rond. Il y avait plusieurs hommes et femmes. Le Malin y était en forme de bouc et était au milieu
Interrogatoire de Ysabeau, veuve de Nicolas Demenge Richard, 65 ans, Aydoilles, 17 novembre 1615 – 11 janvier 1616
Source : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B 3789, n° 4. Chambre des comptes de Lorraine, comptes du receveur de Bruyères
tous dansoient au son d’un tambour et d’une fluite qui estoient sonnez par deux particuliers d’entr’eux
tous dansaient au son d’un tambour et d’une flûte qui étaient sonnés par deux d’entre eux
Procédure contre Henriette Borne, Montbéliard, 1617
Source : Arch. nat., K/2030/2
l’on y dansoit arrebours et qu’au milieu de la dance, il y avoit ung diable en forme de bouc gris
l’on y dansait à l’envers et au milieu de la danse, il y avait un diable en forme de bouc gris
Procédure contre Catherine Thomas, Montbéliard, 1621
Source : Arch. nat., K/2030/2
l’on dansoit à reculon et y avoit des menestriers qui faisoient de la fluttes et de la cornemuse
l’on dansait à reculons et il y avait des ménestrels qui faisaient de la flûte et de la cornemuse
Réquisitoire du procureur d’office de la justice seigneuriale de Vitrey-sur-Mance contre Reyne Mignot, 30 août 1630
Source : Archives départementales de la Haute-Saône, B 5058. Registre des sentences rendues sur pièces par le lieutenant général du baillage d’Amont
[accusée d’] avoir dansé au son d’une fifre disant “ bon, bon, bon ” avec d’autres sorciers et sorcières
Elle est accusée d’avoir dansé au son d’un fifre en disant “ bon, bon, bon ” avec d’autres sorciers et sorcières
Interrogatoire de Magdeleine Desmas, Bouchain (Nord), 21 octobre 1650
Source : Archives départementales du Nord, B 1216, 17615
[…] auprès de la danse, y at une beste de couleur grÿ, come une gade ou boucque, lequel on vat baiser au cul.
[…] près de la danse, il y a une bête de couleur grise, comme une [gade ?] ou un bouc, que l’on va baiser au cul.
Confessions de Claudine Burgeard, Clerval (Franche-Comté), mars 1656
Source : Arch. nat., K/2031/2
[…] luy sembloit qu’il n’y avoit aucunes dans la dance qui dancea mieul qu’elle et luy sembloit qu’elle sautoit aussy haut que le plancher.
Il lui semblait qu’il n’y en avait aucune, dans la danse, qui dansait mieux qu’elle ; et il lui semblait qu’elle sautait aussi haut que le plancher.
Interrogatoire de Catherine Polus, 8 ans et demi, Valenciennes, 18 septembre 1662.
Source : Archives municipales de Valencienne, FF 1 32, registre des causes criminelles, fol. 340 et 341
elles se mirent à danser et, après la danse, chacun diable leur donna à chacune une chandeille qu’elles vont allumer à un flambeau […]
elles se mettent à danser et, après la danse, chaque diable leur donne à chacune une chandelle qu’elles vont allumer à un flambeau […]
après quoi elles dansent touttes en rond, allentour d’iceluy, le dos tourné en dedans la danse
après quoi, elles dansent toutes en rond, autour d’icelui [le diable], le dos tourné en dedans de la danse
Interrogatoire de Claude Vernier (pièces du procès criminel intenté par le procureur fiscal de la seigneurie de Granges), 1er janvier 1571
Source : Arch. nat., K/2030/1. Pacquet 11
Interrogé si lors elle ayant propos injurieux contre la Jeanne […], elle luy dit “ gros ventre, mal te viendra ! Le dyable te puisse vuyder ”.
Interrogée si, alors qu’elle tint des propos injurieux contre la Jeanne […], elle ne lui dit pas “ gros ventre, mal te viendra ! Le diable puisse te vider ”.
Respond ne luy avoir tenu lesdits propoz et confesse toutesfois […] qu’elle appeloit à ladite Jeanne “ pisse en lict ”
Répond ne pas lui avoir tenu ces propos et confesse toutefois […] qu’elle appelait la dite Jeanne “ pisse en lit ! ”
Réquisitoire du procureur fiscal d’Amont (comté de Bourgogne) contre Alix Jeannin, 13 avril 1611
Source : Archives départementales de la Haute-Saône, B 5040, registre des causes tenues à Vesoul par le lieutenant général d’Amont
Alix Jeannin est condamnée au bannissement perpétuel du comté de Bourgogne. Les principaux chefs d’accusationsont : d’avoir rendu malades ou fait mourir des petits enfants ; d’avoir fait tarir le lait des mères ; d’avoir plusieurs fois participé au sabbat, sur les bords d’un étang.
[condamnée pour] s’estre agenouillée au jardin, et joignant les mains au ciel, avoir dit “ que le diable et malle foudre puisse tomber sur elle ”
Condamnée pour avoir dit, après s’être agenouillée au jardin, en joignant les mains au ciel, “ que le diable et la mauvaise foudre puisse tomber sur elle [une voisine] ”
[…] regardant un baston de cire qui estoit auprès d’elle et par plusieurs fois ma belle cire, ma belle cire et l’ayant empoingnée la baisa
[…] regardant un baston de cire qui était près d’elle, avoir dit par plusieurs fois “ ma belle cire, ma belle cire ” et l’ayant empoigné, la baisa
Procédure contre Henriette Borne, Montbéliard, 1617
Source : Arch. nat., K/2030/2
Interrogée sy après qu’elle eust mené ladite Jehanneron en ladite chambre, dérière elle, luy empoigna pas le bras et en le luy frottant,
Interrogée si, après qu’elle eût mené Jehanneron dans la chambre, dérière elle, elle ne lui empoigna pas le bras et, en le lui frottant,
sy elle ne luy dict pas ces motz “ les beaux bras goussets que tu as, ma belle fille ”.
si elle ne lui dit pas ces mots “ les beaux bras goussets (sic) que tu as, ma belle fille ”.
Mon Dieu, les beaux bras que tu as, s’il y avoit des brasseletz, qu’ilz seroyent beaux
Respond n’avoir tenu lesdits propos
“ Mon Dieu, les beaux bras que tu as, s’il y avait des bracelets, qu’ils seraient beaux ”.
Répond n’avoir pas tenu ces propos
Interrogatoire de Michèle Parisot, dite demoiselle de la Chambre (parlement de Paris), 11 février 1609
Source : Arch. nat., X/2b/1180
[S’il n’est pas vrai] que son mary, voyant ledit cheval en cest estat, luy dict de ceste sorte : “ Sorcière, sy tu n’oste au cheval ce que tu luy a donné, je te ferai mourir ” ;
S’il n’est pas vrai que son mari, voyant le cheval en cet état, ne lui dit pas de la sorte : “ Sorcière, si tu n’ôtes pas au cheval ce que tu lui a donné, je te ferai mourir ” ;
auquel instant, elle entra dans l’estable, mit la main de certaine fasson sur le dos dudit cheval et feit en mesme temps le cheval appaisé […]
qu’à cet instant, elle entra dans l’étable, mit la main d’une certaine façon sur le dos du cheval et au même temps le cheval fut apaisé […]
Interrogatoire de Claude Vernier (pièces du procès criminel intenté par le procureur fiscal de la seigneurie de Granges), 1er janvier 1571
Source : Arch. nat., K/2030/1. Pacquet 11
confesse que par moyen de certaines herbes qu’elle appelle des [dorues ?], elle peust guérir de fiebvres en broyans icelles et les appliquans sur les deux bras et invoquant le Pater
confesse qu’au moyen de certaines herbes qu’elle appelle des dorues (sic), elle peut guérir des fièvres en les broyant et en les appliquant sur les deux bras et en invoquant le Pater
Interrogatoire de Marie Dubled, (plumitif d’audience du parlement de Paris), 7 février 1581
Source : Arch. nat., X/2a/950
A dit qu’elle se mesle de laver des laissnes et d’aller garder des mallades ausquelz elle baille des potaiges où elle meyt toutes bonnes herbes, comme bouraches, chicorées et autres herbes
A dit qu’elle s’occupe de laver des laines et d’aller garder des malades aux quels elle donne des potages où elle met toutes bonnes herbes, comme bourraches, chicorées et autres herbes
Interrogatoire sur la sellette de Laurence Duchemin (parlement de Paris), 13 novembre 1601
Source : Arch. nat., X/2b/1178
A dit qu’elle fait un bain avec de l’eau […] la sauge du bazelic et qu’elle cueille la veille de la saint Jean, appelé de la macouffle ; quand ils sont disluez, fait une mémoire à Mr St-Quentin, fait le signe de la croix sur de l’eau ; allume de la chandelle beniste et en faict esgouté dans le bain 4 gouttes pour les bestiaux.
A dit qu’elle fait un bain avec de l’eau, la sauge du bazilic et qu’elle cueille la veille de la saint Jean, [une herbe] appelé de la macouffle (sic) ; quand ils sont dilués, elle fait une mémoire à Maître saint Quentin, fait le signe de la croix sur de l’eau, allume de la chandelle benîte et en fait égouter dans le bain quatre gouttes pour les bestiaux.
Procès-verbal de question de Margot Mongin (parlement de Paris), 29 janvier 1603
Source : Arch. nat., X/2b/1330
A dit qu’elle cueille le safran aux jardins et que cela guarit des morfondements et qu’elle dict cinq coups le Pater noster et V fois l’Ave Maria.
A dit qu’elle cueille le safran aux jardins et que cela guarit des rhumes et qu’elle dit cinq fois le Pater noster et cinq fois l’Ave Maria.
Interrogatoire de Jeanne Cailleau (plumitif d’audience du parlement de Paris), 15 février 1607
Source : Arch. nat., X/2a/969
R. qu’elle luy porta des guines ; que le mal luy commença à la teste.
A dit qu’elle luy a porté des bonnes comme elle les eust voulu pour elle et que jamais ne luy porta poires ny prunes
Remontré qu’elle lui porta [à un voisin] des guines ; que le mal lui commença à la tête.
A dit qu’elle lui en a porté des bonnes, comme elle les eûtt voulu pour elle et que jamais elle ne lui porta ni poires, ni prunes
Interrogatoire de Michèle Parisot, dite demoiselle de la Chambre (parlement de Paris), 27 novembre 1608
Source : Arch. nat., X/2b/1180
quand aulcuns se sont adressez à elle, ayant soubzson d’estre ensorcelez, leur a baillé conseil et advis de prendre des noisettes et les manger et de l’eau d’espine blanche
quand certains se sont adressés à elle, ayant soupçon d’être ensorcelés, elle leur a donné conseil et avis de prendre des noisettes et de les manger avec de l’eau d’épine blanche
Fragment d’interrogatoire de Reine Percheval, Basuel (Nord), [1599]
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312
Interrogiet savoir des crapaux qu’elle avoit en sa maison.
Respond qu’elle en nourrissoit quattre et les avoit accoustret de drap, l’ung rouge, l’aultre verd gaune et aultrement
Interrogée sur les crapauds qu’elle avait en sa maison.
Répond qu’elle en nourrissait quatre et les avait accoutrés de drap, l’un rouge, l’autre vert, jaune et autrement
Interrogatoire de Michèle Parisot, dite demoiselle de la Chambre (parlement de Paris), 11 février 1609
Source : Arch. nat., X/2b/1180
A dict n’avoir donné à personne la peau de blaireau pour guarir d’aucune maladie. A ouy dire que la peau de blaireau est propre pour mettre sur l’estomac
A dit n’avoir donné à personne la peau de blaireau pour guérir d’une maladie. A ouï dire que la peau de blaireau est bonne pour mettre sur l’estomac
Interrogatoire de Catherine D. (plumitif d’audience du parlement de Paris), 11 septembre 1620
Source : Arch. nat., X/2a/982
R. qu’elle amasse des crapaux et des chenilles.
A dit qu’elle préfère mourir si elle a faict cela.
Remontré qu’elle amasse des crapauds et des chenilles.
A dit qu’elle préfère mourir si elle a fait cela.
R. qu’elle jete de la pouldre de chenille sur les arbres et amadoue les crapaux.
A dit que non et a dit son Pater noster et Credo.
Remontré qu’elle jette de la poudre de chenille sur les arbres et qu’elle amadoue les crapauds.
A dit que non et a dit son Pater noster et son Credo.
Procès de Clauda Brunyé, Neufchâtel, 1568
Source : Office des archives de l’État de Neuchâtel, archives seigneuriales, B 23, n°1
Clauda Brunyé est accusée d’avoir aidé une femme à empoisonner son mari. Elle avoue son crime et donne tous les détails des recettes utilisées : pattes d’une poule broyées, ongles d’âne broyés et mélangés à des herbes, des racines et du vin blanc. Elle donne même le montant de son salaire : une verge d’argent, une bague en or et six écus. Elle est également accusée d’avoir causé la mort de nombreux animaux en leur donnant une poudre, de participer aux danses du sabbat et d’avoir des rapports sexuels avec le démon. Elle est brûlée le 16 septembre 1568.
[Elle confesse qu’une femme] luy bailla de l’ongle de pied d’asne, blanche devant et noire dérière, laquelle elle, ladite détenue, broya en ung mortier […]
Elle confesse qu’une femme lui donna de l’ongle de pied d’âne, blanche devant et noire derrière, laquelle elle broya dans un mortier […]
toutes deux d’ung [commun] accord en baillèrent à manger une souppe audit Don Claude, lequel sécha incontinent et mourut au bout de six jours après.
toutes les deux, d’un commun accord, en donnèrent à manger une soupe audit Don Claude, qui devint sec tout de suite et mourut au bout de six jours.
Interrogatoire sous la question d’Aldegonde de Rue, 70 ans, Basuel (Nord), 22 août 160
Source : Archives départementales du Nord, 8 H 312
Accusée d’avoir tué plusieurs animaux, Aldegonde de Rue est « visitée » : la marque des sorcières est trouvée sur son corps. Torturée, elle avoue ses maléfices, y compris ceux qu’elle aurait exercés contre ses voisins. Elle confesse aussi sa participation au sabbat et ses relations charnelles avec le diable. Elle est étrangmée et brûlée.
Confesse que quelque fois, allant de Basuel au Chasteau, trouva Jacques de Mimal sur le chemin ; ce voyant par elle, luy commencha à dire “ te voilla meschant ! tu m’as scandalisiet, disant que j’estoye sorcière ! ”
Confesse qu’une fois, allant de Basuel au Château, elle trouva Jacques de Mimal sur le chemin ; le voyant, elle commença à lui dire “ te voilà méchant ! tu m’as scandalisée en disant que j’étais sorcière ! ”
et tost apprés, par le conseil de son amis le diable, elle avoit mis de la pouldre en la voye où il debvoit rapasser pour le faire morire et languire
et aussitôt, sur le conseil de son ami le diable, elle avait mis de la poudre sur la voie où il devait repasser, pour le faire mourir et languir
Procédure contre Catherine Thomas, 60 ans, Montbéliard, 1621
Source : Arch. nat., K/2030/2
[le diable] luy donna de la poudre gresastre dans ung petit sachet noir […]
et luy en donnoit à toutes les fois fort peu ; mettant laquelle poultre dedans le pottage ou autres viandes, elle maudissoit secrettement celuy ou celle à qui elle le donnoit
le diable lui donna de la poudre grisâtre dans un petit sachet noir […]
et il lui en donnait chaque fois fort peu ; en mettant cette poudre dans le potage ou des viandes, elle maudissait secrètement celui ou celle à qui elle en donnait
Interrogatoire de Marie Lanecin, Basuel (Nord), 26 février 1621
Source : Archives départementales du Nord, 8H 312, procédure contre Marie Lanecin, 1er cahier
[le diable] luy bailla de la pouldre blance, luy comandant qu’elle en jectast en la maison dud. Hennocq ; laquelle elle print et comme la fille d’icelluy luy bailloit les grains, qu’elle jecta ladite pouldre sur elle
[le diable] lui donna de la poudre blanche, lui commandant d’en jeter dans la maison dudit Hennocq ; elle la prit et, comme la fille de celui-ci lui donnait les grains, elle jeta la poudre sur elle
Procès-verbal de l’exécution de Claudette, Baudrecourt, 29 décembre 1574
Source : Arch. nat., J/986, pièce 27, Procès instruit et jugé, sous l’autorité du comte de Salm, par la justice de Morville et Baudrecourt. 11 novembre–2 décembre 1574
Led. exécuteur de haulte justice l’auroit descendue de dessus led. chariot et l’auroit porté contre le poteau dressé pour elle et sur le bois qu’il y avoit adjancé et l’ayant despouillée et attachée aud. poteau avec chaîne et cordes, auroit mis le feu l’entour d’elle, qu’il auroit enfin consumer et réduicte en cendres, ce pendant l’on sonnoit à la cloche dud. Baudrecourt.
L’exécuteur de haute justice l’aurait descendue de dessus le chariot et l’aurait portée contre le poteau dressé pour elle et sur le bois qu’il y avait agencé. Et l’ayant dépouillée et attachée au poteau, avec chaîne et cordes, il aurait mis le feu autour d’elle. Qu’il l’aurait enfin consumée et réduite en cendres, pendant que l’on sonnait la cloche de Baudrecourt.
États des frais d’emprisonnement et d’exécution d’Adriaine d’Heur, Montbéliard, 1646
Source : Arch. nat., K/2031/1, pièce n° 5 bis
Mesmoire de ce que j’ay fourny pour fairre une chemise pour Adrienne Deur […]
5 aunes de toille pour 6 gros l’aune, qui font : 2 Fr, 6 G.
Puis pour la fason et le fils : 4 G.
Mémoire de ce que j’ai fourni pour faire une chemise pour Adrienne Deur […]
5 aunes de toile à 6 Gros l’aune, qui font : 2 Francs, 6 Gros.
Puis pour la façon et le fil : 4 Gros.
Frais et dépenses de la procédure contre Claudine Burgeard, lettre des officiers de Clerval, avril 1656
Source : Arch. nat., K/2031/2
Les officiers de la justice de Clerval qui rédigent cet état de frais insistent sur la brièveté du procès (un mois). Il n’empêche : il faut régler les frais occasionnés par le séjour de la prévenue en prison, ceux des gens de justice (procureur et greffier), ceux des gardiens, ceux du chirurgien qui l’a visitée et « palpée » (trois journées à cheval), ceux des docteurs consultés pour leur avis, ceux du bourreau, ceux des prêtres et religieux qui ont assisté Claudine Burgeard au lieu du supplice. Les mêmes officiers notent que « le malheur est que ladite Claude ne possédait aucun moyen » et que, lorsqu’on saisit ses biens, on trouva seulement quelques pièces de monnaie, un petit lit, deux draps tout déchirés, un petit coffre et quelques ustensiles en terre.
Item l’exécuteur ayant fait trois exécutions, scavoir les manottes, la corde et le feu, at receu deux pistolles
L’exécuteur a fait trois exécutions, à savoir les manottes (torture), la corde (idem) et le feu, a reçu deux pistoles
Exorcisme de Madeleine de La Palud, 18 ans (affaire Gaufridi), Marseille, 1611
Source : Arch. nat., U/785, fol. 282
elle a esté surprise d’ung remuement extraordinaire des fesses, représentant l’acte vénérien aveq grand mouvement des partyes intérieures du ventre
elle a été surprise d’un remuement extraordinaire des fesses, représentant l’acte vénérien [sexuel] avec grand mouvement des parties intérieures du ventre
Exorcismes et interrogatoires de Madeleine de La Palud, 18 ans, Marseille, 1611
Source : BnF, Mss Fr., 23851
[A répondu] “ Non, non as bel a faire, non, non, parlara pas, na trop de bouen eiso et trop d’importanço, non, non, sont que d’imaginations, es aqueou qu’acompagnavi hier lou lon dou camin, t’y trompes, non parlara pas, Gaufridy ”
[A répondu] "Non, non, tu as beau faire, non, non, il ne parlera pas; il a trop de bien aise et trop d'importance; non, non, ce ne sont que des imaginations; c'est celui que j'ai accompagné hier le long du chemin; tu te trompes; il ne parlera pas Gaufridy."
Interrogatoire de soeur Jeanne des Anges (exorcisme), Loudun, 13-14 février 1637
Source : Arch. nat., K/114, n° 22-1 – AE/II/818
Dans la France de Louis XIII, les procès en sorcellerie tendent à décliner mais le démon n’a pas dit son dernier mot… Incarné dans la peau d’un prêtre, beau parleur, plutôt séduisant, il s’empare des soeurs qui peuplent les couvents. En 1632, une épidémie de possession conventuelle frappe ainsi la ville de Loudun. Des Ursulines sont saisies de convulsions, blasphèment, ont des visions, évoquent en termes très crus des relations charnelles avec Urbain Grandier, le nouveau curé de la ville, réputé libertin. Accusé d’avoir ensorcelé ces femmes, le curé est jugé, banni, jugé à nouveau, torturé et brûlé vif en 1634. De fait, il a payé de sa vie son hostilité ouverte à la politique de Richelieu… Entre-temps, les Ursulines sont longuement interrogées et subissent plusieurs séances d’exorcisme de la part des pères Capucins. Les séances ont lieu devant un public avide de sensations fortes. Certaines soeurs chargent le prêtre, d’autres l’innocentent. Les exorcismes se poursuivent longtemps après le supplice d’Urbain Grandier. On vient de Paris voir les soeurs entrer en transe, mimer leurs étreintes charnelles avec le démon et hurler des propos obscènes. L’exorcisme est devenu un spectacle.
elle tomba sur les sept heures du soir dans de grandes foiblesses et defaillances, lesquelles defaillances furent precedées de la vizion qu’elle eut d’un animal,
elle tomba sur les sept heures du soir dans de grandes faiblesses et défaillances. Ces défaillances furent précedées de la vision qu’elle eut d’un animal,
ou monstre, fort horrible et affreux, ayant vers elle de grandes griffes et la bouche beante, de laquelle sortoyt comme des flames de feu, et aussy de ses yeux
ou d’un monstre fort horrible et affreux, qui s’approchait d’elle avec de grandes griffes et la bouche béante de laquelle sortait comme des flammes de feu, et aussi de ses yeux
Seconde répétition de Michée Chauderon (50 ans) en la torture, 1652, Genève
Source : Archives d’État de Genève, CH AEG P.C. 1re série 3465, fol. 36 v° et 37 r°
Michée Chauderon, pauvre lavandière de 50 ans, occasionnellement guérisseuse, est la dernière femme jugée pour sorcellerie et exécutée à Genève, en 1652. Au cours des interrogatoires, elle doit s’expliquer sur les « marques » laissées par le diable sur son corps.
Quand le Diable la marqua sous la mamelle droicte ?
R. Que ce fust au même temps qu’il la marqua à la lèvre et qu’elle sentist la mesme piquure.
Si elle se despouilla pas pour ce subject ?
R. Que non.
Quand le diable la marqua sous la mamelle droite ?
Répond que ce fut au même temps qu’il la marqua à la lèvre et qu’elle sentit la même piqûre.
Si elle ne se dépouilla pas pour ce sujet ?
Répond que non.
Interrogatoire de Michée Chauderon, Genève, 2 avril 1652
Source : Archives d’État de Genève, CH AEG P.C. 1re série 3465, fol. 48 v° et 49 r°
Pourquoy elle a confessé d’avoir donné de la poudre à la fille de Valin parce qu’auparavant elle a dit luy avoir donné une pomme ?
R. Qu’elle luy a donné une pomme qu’elle avoit receue du Diable au Molard.
En quelle forme il s’apparut à elle au Molard ?
R. Comme un petit asne.
Comment luy présenta ladite pomme ?
R. Qu’il la jetta à terre avec la gorge.
Pourquoi elle a confessé avoir donné de la poudre à la fille de Valin alors qu’auparavant elle a dit lui avoir donné une pomme ?
Répond qu’elle lui a donné une pomme qu’elle avoit reçue du diable au Molard.
En quelle forme il s’apparut à elle au Molard ?
Répond : comme un petit âne.
Comment il lui présenta la pomme ?
Répond qu’il la jeta à terre avec la gorge.