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Après l’édification de la Sainte Chapelle par Saint Louis, c’est Philippe le Bel qui ouvrit un nouvel accès aux bâtiments palatiaux en perçant une entrée au premier étage de la galerie mercière reliant la Sainte Chapelle haute au reste du palais : « il s’agit pour lui de créer une entrée monumentale aux appartements royaux.  Les grands degrés se situent en effet en face de la porte principale du palais, aboutissent au bout de la galerie mercière qui mène, via la galerie des prisonniers, jusqu’au logis du roi. L’escalier, que l’on peut encore voir à l’arrière-plan du retable du parlement de Paris au musée du Louvre, est composé de trois pans, avec une rampe d’appui pleine au bord ; il est perpendiculaire à la galerie des merciers, alors que les escaliers extérieurs sont en général parallèles au bâtiment. C’est une forme originale qu’on ne trouve nulle part ailleurs, mais qui tend à devenir rapidement, dans les architectures imaginaires de l’iconographie, le prototype de l’escalier royal. »[1]


[1] Boris Bove, « Les palais royaux à Paris au Moyen Age (XIe-XVe siècles) », dans M. -F. Auzepy, J. Cornette (dir.), Palais et Pouvoir, de Constantinople à Versailles, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2003, pp. 62-63.

Entrée officielle du Palais avec ses voutes en croisée d’ogives de facture gothique, la galerie vit s’installer dès le XIVe siècle des boutiques notamment de merciers. Et il faut bien saisir que, durant l’époque moderne le palais de justice incarnait certes le premier devoir du prince, mais, à l’instar d’autres bâtiments de pouvoir, il constituait aussi un lieu de promenade et de commerce. Car loin d’être conçue comme une institution séparée et protégée de la vie de la Cité, l’enceinte du Palais de justice était au contraire un important centre commercial, ancêtre des grands magasins et des « passages couverts ». Ses boutiques formaient un véritable temple du luxe, où une clientèle huppée trouvait bijoux, argenterie, armes, accessoires de mode, livres et même coiffeurs. Alors que les libraires s’étaient installés autour des piliers de la « Grand’Salle », parfumeurs, joailliers, marchands d’instruments de musique, se regroupèrent dans la « rue Mercière » ; comme le restitue si bien Abraham Bosse, graveur du XVIIe.

D’après le terrier (équivalent du cadastre), il y avait, vers 1700, presque 600 boutiques au Palais (223 dans les salles même, 200 dans les cours et 164 contre les murs extérieurs) ainsi que de nombreux marchands ambulants[1]. Ce commerce, florissant au XVIIe siècle, mais qui déclina ensuite, a été favorisé par les monarques.  Les rois de France ne se sont pas contentés, depuis le XVe siècle, d’embellir la maison de justice, mais aussi d’en développer l’économie !

Mais la galerie mercière (ou Marchande) fut gravement endommagée par l’incendie des 10 et 11 janvier 1776, ses décombres furent détruits l'année suivante en même temps que les « grands degrés ». Ce fut le début du déclin des commerces du palais.  « Quand mes regards se reportent en arrière à cinquante ans, je ne reconnais plus l’ancien Palais. En dehors de l’édifice, de larges escaliers surchargés de boutiques étagées les unes sur les autres, flanquées en sus de bureaux d’écrivains, à partir de l’angle actuel de la belle grille du côté du Pont-au-Change, régnant tout au pourtour de l’ancienne cour du Mai, et servant de ceinture à la Sainte-Chapelle, jusqu’à l’encoignure opposée qui termine les trois quarts d’un cercle irrégulier ; amas confus de degrés et d’échoppes, si animés dans les chants du Lutrin. Sous les immenses galeries voûtées et aussi en revêtement de tous les piliers de la Grande Salle, d’autres rangées de boutiques remplies de marchandises de toute espèce avaient fait donner à ce temple de la Justice le nom de Palais Marchand. Ce nom, les escaliers, les boutiques, les bureaux d’écrivains, tout, avec les joies du Lutrin, a péri dans les flammes peu de mois après mon débarquement au Palais. »[2]

La galerie mercière (ou Marchande) que nous connaissons aujourd’hui fut reconstruite dans un style néo-classique à la veille de la Révolution, mais elle resta le point d’entrée principal du palais, même si la nouvelle façade monumentale avec ses deux ailes classiques avait bouleversé l’organisation de la cour du Mai en la séparant de la Sainte Chapelle


[1] Pour aller plus loin : Nicolas Lyon-Caen, « Les marchands du temple. Les boutiques du Palais de justice de Paris aux XVIe-XVIIIe siècles », Revue historique, 2015, t. CCCXVII/2, n°674, pp. 323-352.

[2] Le père du célèbre avocat Berryer, cité par Henri Stein, Le Palais de justice et la Sainte-Chapelle de Paris, Paris, Longuet, 1912, pp. 69-70.

Galerie marchande

Source : Hélène Bellanger

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