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Délibéré et verdict

Après 23 journées d’audience, les 24 jurés et les 3 magistrats se retirèrent dans la chambre des délibérés. Sept heures de débats furent nécessaires entre jurés parlementaires, résistants et juges professionnels notamment sur la question de la peine de mort. À 4h du matin, le 15 août 1945, Philippe Pétain fut condamné à mort, à l'indignité nationale et à la confiscation de ses biens.

Tenant compte de l’âge du condamné, la Haute Cour de justice émit le vœu que la condamnation à mort ne soit pas exécutée. Gracié par De Gaulle, Philippe Pétain fut transféré au fort de Portalet (où il fit emprisonner Blum, Reynaud et Daladier). Il partit ensuite, le 14 novembre 1945, au fort de Pierrelevée à l'île d'Yeu où il décéda en 1951.

« C’était une sorte de songe pesant. L’attente s’étirait sans mesure. La meule du temps broyant les instants de cette nuit avec une lenteur infinie. Dans le Palais de justice, tout – galeries, corridors et salles – était obscur, désert et muet. Tout, sauf l’aile où, après vingt audiences, le dernier maréchal de France avait à affronter les juges de la Haute Cour. [...] Et le songe pesant s’est formé peu à peu. [...] Le Palais de justice est mort à sa vie coutumière. Les grandes grilles sont closes. Seule une étroite fissure s’ouvre du côté de la place Dauphine. Et là, veille une cohorte de gardes, armés de mousquetons et de mitraillettes. Gardes dans le couloir, gardes dans les galeries qui mènent aux lieux où va se dénouer le procès du maréchal de France. Lumières Dures. Cliquetis de métal. Étrange rêve. À quelques pas, l’accusé attend. » Joseph Kessel, Jugements derniers : les procès Pétain et de Nuremberg, Paris, Tallandier, 2007, p. 87-88.

« Le maréchal réel et le maréchal de légende devenaient indistincts, comme une photographie qui s’efface, mangée par la lumière. Et l’on ne savait plus si l’on avait devant soi un vieillard au regard vide, à la voix détimbrée ou le maréchal de trahison ou le maréchal des bonnes gens. Le verdict, du moins, doit apporter sa brutale certitude. » Léon Werth, Impression d'audience, présenté et annoté par Christophe Kantcheff, Paris, Viviane Hamy, 1995, p. 146-147.

« La lecture de l'arrêt, le coup de théâtre de la grâce, suggérée à la magnanimité du général de Gaulle, l'apathie extraordinaire du condamné, telles sont les images qui se succèdent ensuite comme dans un rêve aux yeux de l'auditeur à bout de forces. La dernière vision du procès c’est celle d’un cortège d’autos éclairées à pleins feux sur le quai des Orfèvres, emportant en cette nuit vers une nuit plus profonde “celui qui fut le maréchal Pétain.” » Carrefour, 16 août 1945, « la nuit du verdict », Geo London.

« Un procès comme celui-ci n’est jamais clos et ne finira jamais d’être plaidé. Si Pétain avait honteusement cherché refuge au bord d’un lac suisse, son affaire eût été classée. Mais parce qu’il s’est livré à notre justice pour lui, le dialogue de l’accusation et de la défense va se poursuivre de siècle en siècle. Pour tous, quoi qu’il advienne, pour ses admirateurs, pour ses adversaires, il restera une figure tragique, à mi-chemin de la trahison et du sacrifice ». Le Figaro, 16 août 1945, éditorial de François Mauriac.

« On s'attendait à I‘arrêt, et le voeu qui l'a suivi est naturel dans un pays qui a le sens de la mesure. Nous ne croyons pas au surplus que cette conclusion aggrave les discordes civiles. Le pays a suivi les débats, non certes avec indifférence, mais avec un calme impressionnant. Que tout n'ait pas été dit et qu'il soit indispensable de détailler encore, non sur la personne même du maréchal déchu, mais sur toutes les responsabilités de la catastrophe dont notre peuple a atrocement souffert, il s'en doute bien. Mais c'est là le côté politique du grand procès, qui reste ouvert devant l'histoire. Il était impossible de l'évoquer dans son ensemble, dans cette enceinte de justice un peu étriquée. » Le Monde, 16 août 1945, « le maréchal Pétain est condamné à mort par la Haute Cour de justice », Rémi Roure.