Roussenq (Paul) — L'enfer du bagne
Lorsque la chance aidant et poussée par la brise,
Ils arrivent enfin à la terre promise,
Ils sont devant les yeux un horizon nouveau ;
Avec la liberté ; leur sort leur paraît beau.
Mais souvent l’Océan, aux évadé hostile,
Engloutit tout à coup et la barque fragile,
Et ces désespérés qui ne regrettent pas,
D’avoir, sous leur salut, affronté le trépas.
Martyrs du Nickéry, vers ces rives désertes
Où dorment pour toujours vos dépouilles inertes,
Plane le souvenir de l’héroïque fin
Qui vous honore tous, dans un même destin !
Le liquide tombeau s’ouvrira pour vos frères,
Qui viendront, comme vous, y finir leurs misères :
Et comme vous, vaincus par la fatalité ;
Ils n’auront qu’entrevu la belle liberté…
« Il me faut revenir à la géhenne atroce,
Afin d’en compléter le tableau que je brosse,
Dont les touches en noir sont prises sur le vif.
C’est la mentalité d’un milieu destructif
Où les exceptions, se distinguant dans l’ombre
Ainsi que des lueurs brillant dans la nuit sombre,
Confirment d’autant plus, par l’extrême opposé,
L’ensemble descriptif qui s’y trouve exposé.
Dans l’air chaud, nuancé des teintes vaporeuses,
Les lucioles d’or s’élancent, lumineuses ;
Seuls les crapauds géants, s’appelant alentour,
Rompent l’accablement d’un silence trop lourd.
C’est la nuit ; un forçat vient d’éteindre la lampe
Qui brûle dans la case, et le voilà qui rampe
Près d’un nouveau venu, presqu’encore un enfant,
Qui va servir de proie au vice triomphant,
Il dort, de ce sommeil, si paisible à cet âge,
Et la sérénité s’épand sur son visage ;
Il ne doute pas, dans le rêve qu’il fait,
Que va se consommer l’innommable forfait.
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La lampe, rallumée, au plafond se balance,
Dans le prolongement du complice silence ?
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Quel crime a donc commis ce frêle adolescent,
Pour qu’il doive endurer le supplice incessant
Que le Bagne éhonté réserve à sa détresse –
Infiltrant son venin dans sa saine jeunesse,
L’attirant tout d’abord avec un peu de miel,
Afin de l’abreuver, ensuite, de son fiel…
Quel crime a-t-il commis ? Souvent rien de si grave,
Voyant sur son chemin une éternelle entrave,
N’ayant aucun appui, privé de réconfort,
Au lieu de réagir il n’a pas été fort.
Puis de l’entraînement devenant la victime,