Musée d’histoire de la justice, des crimes et des peines

Titre complet

Laëtitia Chartier : Qu’en est-il de la référence analytique à l’IPES de Bourges ?

Source

AH-PJM

Journées d'études « En 1968 à Bourges, du Bon Pasteur au complexe éducatif » (21 et 22 octobre 1993)

Psychiatre psychanalyste, Laëtitia Violet-Chartier est alors consultante à la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse pour les questions de santé mentale. En introduction, elle fait un détour historique par l’histoire de la psychiatrie et évoque comment la psychanalyse s’installe et évolue de façon dynamique dans la société française en imprégnant l’idée que les sujets, comme les sociétés, sont mus par leur inconscient. Freud a découvert les phénomènes de transfert et chacun a pu en vérifier l’importance dans l’éducation avec l’intérêt, par exemple, d’un « accrochage affectif » par la personne de l’enseignant pour mobiliser l’attention des élèves concernant le contenu de l’enseignement. Qu’il soit positif ou négatif, le transfert structure les groupes. La psychanalyse fait partie des sciences humaines et peut se reporter aux sciences expérimentales. Pour L. Chartier, on doit observer les faits, en étudier les causes et les conséquences avant de comparer ensuite avec la théorie ; mais si les faits donnent tort à la théorie c’est la théorie qui a tort ! Dans la suite du livre blanc de la psychiatrie (années 60) alors qu’une réflexion sur l’enfermement se fait jour, elle suggère que « le pattern qui a ouvert des voies de parole » dans l’établissement de Bourges s’est inscrit dans le grand mouvement de la thérapie institutionnelle de 1968. C’est l’époque où les jeunes psychiatres allaient se former dans les séminaires de Tosquellès, Oury, Michaud, Bonnafé, imprégnés de l’idée que « nous ne pouvions plus travailler avec les malades mentaux comme avant », rappelle t-elle.

Ces courants psychanalytiques ont traversé divers champs professionnels rendant les sujets concernés partenaires de leur prise en charge, ce qui a fait sauter les modes de prise en charge ségrégationnels au profit d’une « aide sous contrainte ». L’équipe éducative (direction comprise) à l’ipes de Bourges souhaitait tout particulièrement que les filles deviennent partenaires de leur prise en charge.

Débats : Comment l’IPES de Bourges a t-il été traversé par les références psychanalytiques ? Ce n’est que dans l’après-coup qu’on peut le savoir, avance L. Chartier.

Jacques Bourquin se dit étonné qu’on n’évoque pas la neuropsychiatrie infantile porteuse des théories de la dégénérescence. Le secteur de la rééducation, à partir de 1912, est influencé par cette neuropsychiatrie qui, quand elle s’intéresse aux causes sociales, les limite à la famille. Cette approche débouche sur le déconditionnement/reconditionnement, à l’origine de toutes les pratiques d’internat de rééducation jusqu’à la fin des années 60. On développe l’observation avec les théories de Le Senne car il ne s’agit pas alors de traitement clinique mais de dépistage en vue d’orientation. Plusieurs participants témoignent qu’ils n’avaient reçu aucune formation à la psychanalyse avant d’exercer à Bourges ! On s’accorde sur le constat que la psychanalyse ne va arriver que timidement à l’Education surveillée et qu’il faudra attendre longtemps pour que le psychologue ne reste pas seulement un diagnosticien. Il n’y avait alors pas d’approche clinique dans la formation des éducateurs qui ont longtemps été formés par modélisation de ce qui se faisait en internat pour les mineurs. ÀBourges, seule Mme Prétot avait un certain nombre de pré-requis en la matière et c’est en s’appuyant sur ses expériences antérieures et avec beaucoup d’empirisme qu’elle a produit la notion opérationnelle de « pédagogie des besoins » des filles.

Claire Dumas et Gisèle Fiche

 

Pour en savoir plus, voir la présentation de la journée d'étude et de ses 9 séquences vidéos.

Mots-clés

Éducation surveillée – Bon Pasteur