Les combats périphériques à l’œuvre en France, en Espagne et au Royaume Uni, s’appuient sur l’affirmation d’une singularité identitaire et historique qui distingue fortement la petite nation en lutte de ses puissantes voisines.
En Corse, l’insularité s’inscrit dans cette logique de mise en avant d’un particularisme fort qui trouve une forme schématique dans l’inscription des contours stylisés de l’île. Associée au terme « Liberta » ou « Indipendenza », ces formes de symbolisation de la terre de Corse par le dessin, la peinture ou le pochoir, tout comme la tête du Maure qui orne le drapeau insulaire, l’usage de la langue vernaculaire ou la référence à la figure du père de l’indépendantisme corse (Pascal Paoli) constituent des rappels constants et extrêmement lisibles d’une originalité affichée.
On retrouve une semblable préoccupation de la protection d’une terre « qui n’est pas à vendre » dans l’inscription murale nationaliste au Pays Basque que ce soit pour stigmatiser la présence envahissante des résidences secondaires sur la côte française, particulièrement attractive, ou pour dénoncer les projets de grands travaux contre lesquels l’ETA s’est toujours levée (ici la construction d’une ligne de train grande vitesse). L’usage de l’Ikurrina, le drapeau basque, fonctionne aussi comme un marqueur identitaire aux prétentions éminemment politiques, lorsqu’il s’agit de traduire, en couleur, son opposition à Madrid ou Paris.
Plus enraciné dans une filiation historique multiple et contrastée selon le camp dans lequel on se range (loyalistes protestants ou républicains catholiques), le marquage politique en Irlande du Nord cherche à appuyer l’idée d’un ancrage solide et heureux sous domination britannique ou à l’inverse rappelle les exactions commises par la Couronne sur le peuple catholique d’Ulster. La figure de Guillaume d’Orange, héros du protestantisme en guerre contre Jacques d’Angleterre le roi catholique associé à la France, est sans cesse convoquée et fait l’objet de commémorations festives (parades ou défilés) dégénérant souvent en heurts inter-communautaires. C’est également l’engagement des forces irlandaises loyalistes (la fameuse 36ème ulster division) dans la première guerre mondiale aux côtés des Britanniques qui sert à établir une filiation entre la solidarité passée et l’exigence de soumission actuelle à la monarchie. Du côté républicain, outre la grande famine de 1845, imputable selon les catholiques à la politique agricole et commerciale britannique, on convoquera l’histoire politique récente de l’Irlande : en particulier l’épisode de la prise de la Poste de Dublin en 1916 qui aboutira à l’indépendance et la partition de l’île.
Le « kit identitaire communautaire » emprunte donc des formes variées (historique, géographique, paysager, traditionnaliste, linguistique, etc.), mais l’objectif recherché est identique : favoriser l’inscription spatiale de sa singularité, affirmer une ligne politique claire (nationalisme ou loyalisme), se voir imputer un statut victimaire, qui ouvre sur une ligne de crédit politique infinie…
Pays Basque
EH EZ
DA
SALGAI
35864
MINBIZI
LE PAYS BASQUE
N’EST PAS
À VENDRE
35864
CANCER
35864 : évaluation du nombre de résidences secondaires au Pays Basque nord.
Irlande du Nord
1690
HOLY BIBLE
CEMENTED WITH LOVE
LINDSAY ST ARCH
ERECTED 1964
WILLIAM III PRINCE OF ORANGE
1690
SAINTE BIBLE
ARCHE
RUE LINDSAY
ÉRIGÉE EN 1964
GUILLAUME III PRINCE D’ORANGE
Irlande du Nord
… OUR CHERISHED POSITION OF EQUAL CITIZENSHIP IN THE UNITED KINGDOM…”
ULSTER DAY
SIR EDWARD CARSON
SIGNING THE
COVENANT
BELFAST CITY HALL
28TH SEPTEMBER
1912
“…NOTRE POSITION INÉBRANLABLE SUR L’ÉGALITE DES CITOYENS AU ROYAUME-UNI…”
SIR EDWARD CARSON
SIGNATURE DU
PACTE D’ULSTER
MAIRIE DE BELFAST
28 SEPTEMBRE 1912
Irlande du Nord
36 TH (ULSTER) DIVISION
IN FLANDERS’ FIELDS
IN FLANDERS’ FIELDS THE POPPIES BLOW
BETWEEN THE CROSSES, ROW ON ROW,
THAT MARK OUR PLACE; AND IN THE SKY
THE LARKS, STILL BRAVELY SINGING, FLY
SCARCE HEARD AMID THE GUNS BELOW.
WE ARE THE DEAD. SHORT DAYS AGO
WE LIVED, FELT DAWN, SAW SUNSET GLOW,
LOVED, AND WERE LOVED, AND NOW WE LIE
IN FLANDERS’ FIELDS
TAKE UP OUR QUARREL WITH THE FOE:
TO YOU FROM FAILING HANDS WE THROW
THE TORCH, BE YOURS TO HOLD IT HIGH.
IF YE BREAK FAITH WITH US WHO DIE
WE SHALL NOT SLEEP , THROUGH POPPIES GROW
IN FLANDERS’ FIELDS
MAJOR JOHN MC CRAE 1915
ONLY BY REMEMBERING THIS MEN,
AND OTHERS LIKE THEM,
CAN WE EVER REPAY THEIR MEMORY
LES CHAMPS DES FLANDRES
DANS LES CHAMPS DES FLANDRES, LES COQUELICOTS
FLEURISSENT ENTRE LES CROIX, LIGNE APRES LIGNE,
SUR NOS TOMBES ; ET DANS LE CIEL
LES ALOUETTES, COURAGEUSES, CHANTENT ENCORE,
À PEINE AUDIBLES AU-DESSUS DES COMBATS.NOUS SOMMES LES MORTS.
LA VEILLE ENCORE NOUS RESSENTIONS L’AUBE,
NOUS VOYIONS LE SOLEIL ROUGEOYER,
NOUS AIMIONS ET ÉTIONS AIMÉS, ET MAINTENANT NOUS REPOSONS,
SOUS LES CHAMPS DE FLANDRES,
POURSUIVEZ NOTRE COMBAT CONTRE L’ENNEMI,
DE NOS MAINS FAIBLES NOUS VOUS TRANSMETTONS LE FLAMBEAU,
C’EST À VOUS DE LE PRENDRE ET DE LE BRANDIR.
SI VOTRE LOYAUTÉ FAILLIT, NOUS QUI MOURRONS
NE TROUVERONS PAS DE REPOS,
MÊME SI LES COQUELICOTS POUSSENT DANS LES CHAMPS DES FLANDRES.
JOHN MC CRAE 1915
SEUL LE SOUVENIR DE CES HOMMES,
ET DE LEURS SEMBLABLES,
NOUS PERMET DES LEUR RENDRE HOMMAGE À JAMAIS