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Eysses. Une prison dans la Résistance (article)

Corinne Jaladieu

« Maman ne te fais pas de bile pour moi. Je t’assure que ce stage me fait bien aimer et comprendre la vie. Je voudrais que beaucoup profite de cette école »1

En décidant de regrouper à la centrale d’Eysses en octobre 1943 tous les condamnés par les sections spéciales de zone sud (tribunaux d’exception destinés à juger les résistants), le régime de Vichy, soucieux de sécurité, a favorisé bien malgré lui un foisonnement exceptionnel. La prison concentre alors un échantillon très représentatif des politiques emprisonnés sous le régime de Vichy : des hommes de toute origine sociale ou géographique appartenant à la Résistance dans toute sa diversité. Condamnés à des peines de prison, réclusion ou travaux forcés, les résistants d’Eysses totalisent 73 siècles de condamnation, sans compter les travaux forcés à perpétuité ! C’est cette conjugaison d’expériences, de luttes carcérales collectives acquises dans les différentes prisons qui, une fois concentrées dans cette centrale, explique le perfectionnement de l’organisation résistante qui y voit le jour…

1. Le choix d’Eysses comme principale prison de concentration de résistants sous Vichy

Alors que la centrale d’Eysses ne comptait entre ses murs qu’une infime minorité de prisonniers politiques isolés parmi les droits communs, elle devient en octobre 1943 la principale prison de concentration de résistants de l’État français. Contrairement à d’autres prisons, occupées entièrement ou en partie par les forces d’occupation, elle restera toujours sous souveraineté française, y compris après l’occupation de la zone sud en novembre 1942. Le 15 septembre 1943, le rattachement de l’administration pénitentiaire et des services de l’Éducation surveillée au ministère de l’Intérieur n’est que l’aboutissement d’un processus qui conduit le régime de Vichy à dénaturer graduellement la mission pénitentiaire au profit exclusif de la répression2 . Il s’accompagne de la décision, dès le 9 septembre 1943, de concentrer dans seize prisons dites « maisons de concentration », tous les condamnés et prévenus pour faits terroristes, 3645 à cette date3 . Jusque-là, la plupart des prisonniers politiques étaient isolés parmi les droits communs qui constituaient l’essentiel de l’inflation carcérale sous Vichy (voir document n°1).

D’une façon générale, la décision de concentrer tous les condamnés politiques dans quelques maisons de concentration a pour but d’éviter les évasions fréquentes qui se produisent dans les prisons départementales (on en dénombre plus de deux cents entre juin et décembre 1943). Les Allemands perdent de plus en plus confiance dans la capacité de l’administration pénitentiaire française à garder ses prisonniers, ennemis communs des deux régimes, et exigent le regroupement des détenus politiques dans des forts de l’Est de la France, sous la surveillance plus ou moins directe de l’Armée allemande. Cette demande se heurte à un refus catégorique du gouvernement français soucieux de maintenir sa souveraineté. 
Une circulaire du 26 octobre 1943 signée René Bousquet (secrétaire général de la police) décide alors le transfert à la maison centrale d’Eysses, de toutes les personnes condamnées par les sections spéciales de zone sud et par le tribunal d’État de Lyon, pour menées communistes terroristes anarchistes ou subversives. Mais dès décembre 1943, plusieurs convois arrivent de Paris et de zone nord, dont cent prisonniers transférés de la Santé le 12 février 1944.

Le choix d’Eysses peut s’expliquer par différents facteurs. Pour les « subversifs », une centrale présente des atouts, car selon les termes de l’inspecteur général chargé de trouver un lieu d’accueil pour les Résistants, elle est : « plus sûre et mieux défendue que les maisons d’arrêt … depuis que l’administration pénitentiaire est chargée de garder un nombre important de détenus politiques, appartenant à de puissantes organisations de combat, la notion de sécurité a évolué…il faut faire front à des entreprises menées de l’extérieur avec des moyens importants »4 . En zone sud, trois centrales sont susceptibles de répondre à ces objectifs, pourquoi le choix se porte t-il sur Eysses ? Accueillir des résistants condamnés constitue une mission délicate. Un inspecteur général est donc chargé d’étudier la possibilité de concentrer à la maison centrale d’Eysses, tous les « condamnés subversifs » de zone sud, et inspecte la prison le 1er octobre 1943. Il perçoit dans ce choix certains atouts :
« … Géographiquement le choix de la centrale d’Eysses est tout indiqué… situé dans une région agricole de petite propriété dont la population dans sa grande majorité est calme, et ne participerait pas à une action quelconque menée contre l’autorité. Elle se compose principalement de petits propriétaires et de maraîchers indifférents aux idées subversives, d’ouvriers agricoles sympathiques au communisme mais n’ayant jamais milité, et de réfugiés parmi lesquels des juifs commerçants pour la plupart honnêtes et tranquilles, installés dans la région avec leur famille, que les Allemands n’ont d’ailleurs jamais inquiétés … Le choix d’Eysses est inéluctable les maisons centrales de Riom et de Nîmes de par leur situation géographique sont moins sûres ». 

On voit poindre les idéaux de la Révolution Nationale, selon l’adage « la terre elle ne ment pas ! », la ville étant perçue comme un lieu de perversion morale et politique. L’environnement rural, réputé tranquille, intervient comme un attribut déterminant pour Eysses. La réputation du "bagne" d’Eysses (voir l’exposition en ligne) a pu jouer un rôle, du fait de la volonté de « mâter » les politiques. Pour faire place aux résistants, les derniers mineurs de la maison d’éducation surveillée sont évacués à Aniane, alors que les condamnés de droit commun sont envoyés au camp de Carrère, non loin de la centrale. À partir d’octobre 1943, arrivent des centaines de résistants (voir document n° 2 ainsi que le diaporama n°1 : photos de détenus et le diaporama n° 2 à venir : documents personnels, notices individuelles et écrous) enchaînés, transférés des maisons d’arrêt de zone sud (de Riom à Nice). S’ajoutent environ deux cents internés administratifs jugés potentiellement dangereux par le régime : le caractère anormal du séjour prolongé dans une prison d’individus suspects uniquement retenus par voie administrative et non judiciaire révèle l’arbitraire qui prévaut alors. 

2. La double peine des résistants sous Vichy


« Qu’on nous rende la Bastille s’il vous plaît, ou à son défaut Port-Libre, Sainte-Pélagie, quelqu’une des geôles injustement décriées dont la description nous enseigne le regret du passé monarchique ou impérial »5 .

2.1 Un régime politique discriminatoire
La conclusion du séminaire sur la prison républicaine (animé par Robert Badinter et Michelle Perrot) est sans équivoque : la Troisième République n’avait pas changé la prison, « certes, elle avait eu le mérite d’y recourir le moins possible, convaincue qu’elle était de son inutilité […] mais elle ne l’avait pas vraiment changée, animée d’un esprit de vengeance - la prison doit punir - et de la "loi d’airain" qui veut que la condition des détenus soit inférieure à celle des pauvres de la société »6 . La plupart des établissements sont de vieilles prisons datant de la seconde moitié du XIXe siècle et leur état à la veille de la guerre est médiocre. Le délabrement des locaux, l’insuffisance quantitative et la moindre qualité professionnelle des gardiens, la tenue administrative aléatoire des établissements et leur foncière inadéquation à leur fonction moderne constituent le socle des constats. Mais l’opinion s’en désintéresse. Depuis le milieu du XIXe siècle, les classes populaires se moralisent et se détournent peu à peu du monde des prisons, classes laborieuses et classes dangereuses ne sont plus sociologiquement imbriquées et la prison concerne essentiellement le « lumpen prolétariat » auquel les mouvements socialistes et syndicaux vouent une certaine méfiance7 .

Depuis la suppression de la relégation en 1938, les centrales sont considérées comme des bagnes de l’intérieur. Non seulement les détenus sont astreints au silence, mais ils doivent observer une obéissance absolue à toutes les prescriptions réglementaires. L’alimentation de base est insuffisante, de façon à pousser le détenu à s’assurer un surplus grâce à son travail. La surveillance incombe au personnel et parfois à des détenus eux-mêmes, porteurs de galons, dénommés prévôts. Des punitions sont infligées à la suite d’une comparution du détenu devant le prétoire disciplinaire (tenu par le directeur) : privation de promenade, de cantine, de correspondance (puis de colis), réclusion, c’est-à-dire la mise en cellule dans les locaux du quartier cellulaire, avec comme seule alimentation pain et eau. 

Durant la guerre, les conditions de détention deviennent déplorables, les années 1941-1942 faisant figure d’années noires. Or, la prison devient lisible au moment où elle connaît une crise très grave. Car le régime de Vichy recourt massivement à l’enfermement mais s’avère incapable, dans le même temps, de déléguer à l’administration pénitentiaire les moyens de fonctionnement. Les conséquences de cette inflation carcérale du point de vue des conditions d’hygiène et de la morbidité des détenus deviennent rapidement dramatiques. Pour les détenus, s’ajoutent aux restrictions du régime traditionnel, les restrictions croissantes imposées aux Français, mais ils ne peuvent recourir au système D, élaboré à l’extérieur pour améliorer l’ordinaire. Tuberculose, sous-alimentation, froid pénitentiaire, mauvais traitements sont encore accentués durant les années noires : « l’état des prisons restait déshonorant, la crise de 1940 l’a rendu catastrophique » reconnaît le Garde des Sceaux J. Barthélémy. La situation à Eysses correspond à une situation moyenne : 7 à 8 décès par mois et deux cas de typhus en 1942 venus de Lyon. Elle est moins dramatique que dans les centrales de Poissy ou de Riom où la mortalité bat des records en 1941, 1942.
Après les chiffres de mortalité très élevés de 1941, une série d’épidémies liées à la situation terrible de 1942, l’administration pénitentiaire, débordée par les événements, accepte une ouverture de la prison à l’aide extérieure. Il n’y a donc pas d’ « abandon à la mort » mais des tentatives de gestion de crise. Les pressions internes de l’administration pénitentiaire jouent un rôle essentiel dans cette prise de conscience. L’aide familiale se fait par deux moyens : les mandats et les colis. Ce type de mesure engendre des inégalités entre les détenus dont le sort dépend du soutien extérieur. L’ouverture se fait en direction des sociétés caritatives ; des dispositions sont prises dès 1941 pour que les sociétés, telles celle de Vincent de Paul, assument la charge des achats en cantine pour les détenus malades ou indigents. En novembre 1941, ont lieu les premiers contacts entre l’administration pénitentiaire et la Croix Rouge en vue de la mise en place d’un service médical. Cet organisme est sollicité, ainsi que le Secours national pour apporter une aide alimentaire aux détenus. Pour la première fois, des assistantes sociales franchissent les murs des prisons ! Le service camps et prisons du Secours national sera, à la Libération, avec la Croix Rouge française, le support du service social des prisons (créé par la circulaire du 29 juin 1945 : Lire le texte).
Alors que le régime ne reconnaissait qu’un seul type de détenus, les prisonniers politiques, considérés par le régime comme les détenus les plus dangereux, subissent alors une législation discriminatoire. La circulaire Barthélémy prescrivant la réduction des colis familiaux à deux par mois (au lieu de quatre) pour les communistes entre en vigueur le 17 novembre 1942. Le prétexte en est l’utilisation des colis pour communiquer clandestinement avec l’extérieur. Pour la première fois en France, le régime spécial des politiques est moins favorable que celui des droits communs, rupture révélatrice de la nature du régime. 

Mais le régime réel n’est pas toujours conforme au régime théorique. La situation s’améliore en 1943, lorsqu’avec l’arrivée massive des résistants, la solidarité alimentaire se met en place. À Eysses, elle est organisée grâce à la complicité de l’économe et la mobilisation des paysans du villeneuvois. Les politiques parviennent à occuper les postes clefs, comme l’infirmerie pénitentiaire dirigée par le docteur Paul Weil (voir le diaporama n°3). Dans son journal intime, il transcrit le quotidien d’un médecin pénitentiaire à la centrale d’Eysses8  en 1943, 1944. Regard d’un professionnel en exercice, il livre un rapport sanitaire et médical, document inédit sur l’état de santé des diverses catégories de prisonniers. Il doit lutter principalement contre la grande misère physiologique des droits communs et la tuberculose (qui touche entre le tiers et la moitié des malades). D’après les archives de l’infirmerie, l’année la plus dure eu égard aux conditions de détention et à la misère physiologique reste 1942. En 1943, 1944, le taux de décès, lié aux maladies ou à la misère physiologique pour les politiques est dix fois moindre que pour les droits communs ; l’essentiel des décès des politiques est directement lié à la répression. Le cas d’Eysses n’est pas atypique mais révélateur des interactions nombreuses qui modifient le régime théorique en faveur des politiques : 

  • Les familles, dans l’ensemble moins défavorisées que celles des droits communs, leur viennent en aide de façon plus substantielle. 
  • Les relations entre gardiens et gardé(e)s influent sur le régime réel. Les directeurs, loin d’appliquer aux politiques une législation discriminante, leur accordent souvent un régime plus favorable. 
  • Les détenus politiques s’organisent rapidement et revendiquent. 
  • La résistance extérieure leur vient en aide grâce à l’activité de services sociaux, lorsque les prisonniers politiques sont nombreux et organisés et que l’évolution de l’opinion en 1943 augmente l’attentisme de sympathie ou l’engagement résistant.


Les politiques, bien insérés dans la société, ont donc su tisser autour d’eux du lien social, contrairement à la plupart des prisonniers de droit commun. L’absence de solidarité, d’organisation, la rareté des colis familiaux dans ces milieux défavorisés, l’absence d’espoir dans une libération prochaine font que la réalité carcérale est souvent plus dure pour cette catégorie que pour les politiques. S’ajoutent pour les détenus de centrale de longues années de prison antérieures à la guerre qu’ils abordent donc affaiblis. Au-delà d’une grande diversité de parcours, passée une première période où le sort des politiques (peu nombreux dans l’univers carcéral) est proche de celui des droits communs, la prison réelle devient moins difficile pour les premiers9  lorsqu’ils sont nombreux, regroupés et organisés, ceci malgré une législation discriminatoire à leur encontre. 
La comparaison s’impose également avec d’autres lieux fermés. À cet égard, le cas des hôpitaux psychiatriques est particulièrement intéressant. Intervenant lors du colloque de Lyon sur famine et exclusions sous l’Occupation, Isabelle von Bueltzingsloewen10  analyse la situation à l’hôpital psychiatrique départemental du Vinatier à Lyon où 3165 malades sont morts entre 1940 et 1945. Elle montre que si elle ne traduit pas une volonté exterminatrice, la famine qui entre 1940 et 1945 a décimé les aliénés internés à l’hôpital psychiatrique du Rhône ne procède pas de la fatalité. Elle renvoie à une dissolution du lien social qui s’est amorcée bien avant la guerre. C’est parce que, bien qu’assistés, les aliénés internés forment une population retranchée de la communauté nationale qu’ils sont morts en masse dans le contexte des pénuries alimentaires provoquées par l’Occupation. 

Pour les prisons comme d’autres lieux fermés, les années terribles sont 1941 et 194211 . Si la situation des aliénés est sans doute proche de celle de certains droits communs, les prisonniers politiques ont pu, quant à eux, bénéficier de fortes solidarités de la part de l’extérieur, générant du lien social. L’ensemble des mesures prises et la surveillance régulière des prisons permettent une amélioration dès 1943. Suite à de nombreuses protestations, la circulaire du 7 octobre 1943 rétablit l’égalité entre tous les détenus et met fin à la circulaire Barthélémy. Elle précise cependant qu’il appartient aux directeurs de prison d’apprécier dans certains cas si le nombre de colis peut être diminué, au cas notamment où le personnel serait insuffisant pour assurer leur stricte vérification. Mais une nouvelle discrimination s’applique à l’ensemble des politiques au moment où l’on décide leur concentration. Les visiteurs de prison n’ont plus le droit de visiter les détenus « communistes, terroristes, anarchistes » et cela sans distinction de sexe : « Ils peuvent néanmoins entrer dans les prisons pour y déposer colis de vivres vêtements et objets divers »12 . La circulaire du 29 décembre 1943 décide que les prisons de droit commun ressortissent du Secours national, celles des politiques de la Croix Rouge. 
La double peine des politiques est accentuée avec la miliciarisation du régime en décembre 1943. Elle aboutira à la livraison systématique des prisonniers politiques aux autorités allemandes. 

2.2. D’un directeur républicain à un directeur milicien

L’application du règlement dépend de l’attitude du directeur, personnage clef de l’institution. Les directeurs des maisons centrales se trouvent au sommet de la hiérarchie pénitentiaire avec ceux des grands établissements parisiens (Fresnes et la Santé). Ils sont à la tête de circonscriptions pénitentiaires qui comprennent également plusieurs prisons départementales. Nommés par le Ministre, ils disposent de pouvoirs quasiment sans limites ni contrôles et ont oublié, à quelques exceptions, le double sens de leur mission : surveiller et amender les prisonniers. La nouvelle mission assignée aux directeurs est à elle seule révélatrice des choix idéologiques du régime. Il doit toujours être un bon administrateur mais aussi un chef selon la loi du 14 septembre 1941, portant statut général des fonctionnaires. 
Deux directeurs se succèderont à Eysses entre 1940 et 1944 : Jean-Baptiste Lassalle illustre le cas des vieux serviteurs d’une administration pénitentiaire républicaine resté en place sous Vichy (voir document n°3). Considéré comme trop conciliant avec les résistants il est limogé avec la miliciarisation du régime en janvier 1944, et remplacé par Joseph Schivo, milicien fanatique et ami personnel du Secrétaire général au maintien de l’Ordre, Joseph Darnand (voir document n°4). Les caves du directeur se transforment alors en lieu de tortures pour les prisonniers comme les résistants villeneuvois, le personnel est surveillé et menacé quotidiennement d’autant que les détenus ont su s’attirer la sympathie de la majorité de surveillants. Quatorze d’entre eux, sollicités par le Collectif des détenus, s’engageront même dans la Résistance au sein d’un Front national des surveillants, deux autres permettront l’évasion de 54 détenus en janvier 1944.

3. Résistances en prison

L’organisation collective des prisonniers politiques pendant la Seconde Guerre s’apparente t-elle, à une réaction classique de la communauté carcérale, ou est-elle le prolongement de l’engagement résistant dans la lignée du combat commencé à l’extérieur ? Quelle est la part du matériel, du symbolique et du politique dans les revendications ? 

3.1. Eysses : un creuset

Le fait que convergent dans la centrale d’Eysses l’ensemble des condamnés politiques de zone sud, puis, des flux de prisonniers venus de maisons d’arrêt du nord, renforce l’intérêt de cette prison et atténue considérablement l’effet de singularité de l’objet d’étude. Le premier atout pour les "Eyssois"13  est l’extrême diversité de leurs origines, géographique, sociale et politique, mais aussi carcérale. La centrale d’Eysses tient dans le parcours des résistants une place exceptionnelle, si l’on en croit ces hommes qui vont jusqu’à ne pas regretter le passage entre ses murs. Ces prisonniers sont déjà passés par plusieurs maisons d’arrêt où ils ont acquis, à des degrés divers, des expériences d’organisations collectives qui se fonderont dans cette prison en une organisation très structurée.
À Eysses comme ailleurs, la première démarche tentée par les premiers détenus politiques dès 1940 est de réclamer un « régime politique » (plus favorable) et la séparation d’avec les droits communs, de nombreux courriers sont adressés au maréchal Pétain en ce sens. Voici ce que rapporte un témoin essentiel, le garde des Sceaux à qui étaient principalement adressées les requêtes : « …tandis que j’étais à la chancellerie, j’ai reçu bien des lettres de détenus communistes. Elles présentaient des caractères communs et remarquables. Elles arrivaient en général par vagues, au sujet d’une réclamation commune. Elles partaient des coins les plus divers et les plus éloignés les uns des autres. Cependant, toutes les lettres d’une même vague semblaient copiées, avec plus ou moins de liberté, sur un modèle unique […] La revendication commune était celle d’un régime politique »14 . L’organisation clandestine communiste était en relation sur une bonne partie du territoire avec ses militants incarcérés et un service « camps et prisons » fonctionnait dès 1940. Réclamation d’un régime politique plus favorable conformément à la tradition, regroupement et solidarité, travail de cohésion, telles sont les priorités affichées partout. 
Le régime de Vichy n’accordera jamais le régime politique ; cependant celui-ci fut parfois toléré de fait par des directeurs à partir de l’arrivée massive des résistants dans les prisons, comme à Eysses en octobre 1943. Nulle part cependant, l’organisation des détenus ne prit un tour aussi élaboré…

Arrivés massivement les 15 et 16 octobre 1943 par « le train de la Marseillaise » (voir le diaporama n°4), les détenus parviennent à transformer ce transfert en véritable manifestation de résistance, suscitant la participation de la population dans les différentes gares traversées. 

Dès lors, les organisations déjà constituées dans les différents établissements pénitentiaires ont cherché à se regrouper et à se fondre. La première étape consiste dans la formation de petits groupes (où se trouvent mélangés volontairement des personnes de toutes formations résistantes) dont l’objectif premier est l’organisation matérielle. Fabien Lacombe, venu du mouvement Franc-Tireur, indique que dès l’arrivée massive de centaines de détenus en octobre 1943, les détenus communistes ont proposé aux détenus gaullistes de former un Front commun d’action et de nommer dans chaque préau des délégués auprès de la direction et des responsables aux diverses tâches : nettoyage, solidarité, loisirs, instruction15 . Cette union à la base doit faciliter ensuite l’acceptation d’une organisation plus structurée à l’échelle de la centrale et aux objectifs davantage politiques. La plupart des résistants présents dans la prison appartiennent à quelques grands mouvements : CombatLibérationFranc-Tireur, ou au Parti communiste. C’est donc aux responsables des diverses organisations que se pose la question de l’adhésion au Front national des détenus, bien que quelques électrons libres considèrent d’emblée qu’ils n’ont plus, en prison, d’ordre à recevoir de personne. Le moment, l’automne 1943, est plutôt favorable car c’est celui où cette organisation affirme son choix de travailler au rassemblement autour du Comité français de libération nationale16  dans le cadre du CNR et des comités de la France combattante.

L’union doit sans doute beaucoup à la rencontre entre deux hommes : Stéphane Fuchs et Henri Auzias désignés par leurs camarades délégué gaulliste et communiste des détenus. La reconnaissance par la direction de délégués des détenus symbolise celle d’un statut politique. En effet, ceux-ci sont désignés par leurs codétenus politiques et ont vocation à représenter un groupe uni par la nature commune de leur condamnation, alors que jusque-là l’administration pénitentiaire n’acceptait, sous certaines conditions, que des doléances individuelles. 
Les affinités personnelles et la volonté d’unité ont donc raison de pratiques sectaires et à l’immense majorité des 1200 détenus cherche à se fédérer, malgré certaines réticences. L’unité autour du Front national des détenus s’est réalisée autour d’objectifs communs immédiats dans le cadre carcéral et la préparation de l’évasion. Mais pour certains, la peur d’être noyauté par le PC a prévalu (voir l’article de L’Unité de novembre 1943 dans le document n°5). Une cinquantaine de détenus (soit 3%) sont restés en dehors de ce Collectif, au quartier cellulaire (pour en savoir plus).

L’ensemble des sources et témoignages montre qu’une organisation pluraliste est effectivement en place, jusqu’au niveau principal de direction : le Comité directeur de la prison. Tous les postes sont doublés, on parle d’organisation mixte ou bicéphale. Si Henri Auzias et Stéphane Fuchs représentent l’ensemble des détenus, dans chaque préau, deux délégués (un communiste, un gaulliste) sont officiellement chargés de présenter les revendications auprès de la direction et participent aux réunions clandestines inter-préaux. L’organisation est réellement représentative des différents courants, ceci pour deux raisons. Le premier souci est de trouver un équilibre dans la représentation de tous les mouvements de résistance présents dans la centrale, le second est la recherche de l’efficacité, les postes étant confiés en vertu des compétences. Ainsi, le commandement du « Bataillon » est-il confié au commandant Bernard, socialiste, en raison de son expérience de commandement d’un bataillon lors de la guerre d’Espagne, la direction de l’infirmerie au docteur Paul Weil du mouvement Franc-Tireur. La stratégie mise en œuvre dans la centrale a vocation à rechercher l’unité pour préparer l’évasion et la reprise du combat. On peut également souligner la présence de cadres importants venus de différents mouvements et réseaux gaullistes qui n’étaient pas prêts à se laisser « noyauter ». Forts de cette unité, les détenus mettent en place une organisation structurée visant à préparer l’évasion collective. 

3.2. L’organisation avouée

L’efficacité de l’organisation se mesure d’abord aux acquis obtenus par les détenus. Par commodité, nous appelons organisation avouée celle qui inévitablement était connue des autorités, du moins à l’échelle de la prison. D’après l’ensemble des sources concernant les différentes prisons de l’État français, c’est à Eysses que l’organisation est la mieux structurée, fin 1943. Les entorses au régime carcéral initial sont nombreuses, concédées par la direction face à un groupe organisé et combatif. Le rapport du 31 décembre 1943 signé par M. Chartroule (directeur de la circonscription pénitentiaire), résume ainsi les libéralités accordées sous la direction du directeur M. Lassalle : 
« M. Lassalle tolérait que les détenus assurent eux-mêmes leur police sans intervention du personnel et lui présentent périodiquement un cahier de revendications. 

  • Les fouilles des dortoirs et le sondage des barreaux des fenêtres n’étaient plus pratiqués, les détenus ayant donné leur parole de rester calmes et disciplinés. 
  • M. Lassalle ne se conformait pas aux instructions restrictives qu’il avait reçues en ce qui concerne la réception des colis par les détenus, leur correspondance et visites. 
  • L’usage du tabac était toléré. 
  • Les locaux occupés par les détenus étaient ornés d’inscriptions banderoles et décorations diverses ayant un motif patriotique. 
  • Les détenus étaient autorisés à virer les sommes portées à leur pécule au nom de personnes habitant la localité, lesquelles utilisaient ces sommes pour leur procurer des vivres dont il faisaient bénéficier l’ensemble de leurs co-détenus. 
  • Les instruments de musique étaient autorisés et une scène de théâtre et ses accessoires était installée par les détenus. La veille de noël M. Lassalle avait laissé les détenus organiser une fête et y avait même assisté… »17 .


L’élément identitaire est bien l’appartenance commune à la Résistance puisque les avantages ne concernent pas l’ensemble des « politiques », notamment les espions à la solde de l’Allemagne. L’obtention de l’appel des noms en lieu et place des matricules renvoie à l’existence civile de l’individu. Il va sans dire que la règle du silence et l’interdiction de se déplacer sans autorisation volent en éclat. Cependant, les déplacements inter-préaux restent exceptionnels et sont réservés aux délégués vêtus du costume traditionnel des prévôts. Mais les prévôts, traditionnellement choisis par la direction parmi les détenus méritants moyennant quelques avantages sont remplacés par des délégués choisis par leurs camarades de détention. Qui plus est, ce sont eux qui négocient quotidiennement leur marge d’autonomie avec la direction. Les avantages matériels sont le fruit d’une reconnaissance de fait d’un régime politique, s’apparentant à celui traditionnellement concédé sous la IIIe République. 

Mais les acquis vont beaucoup plus loin. Eysses, ancienne abbaye, semble bien être redevenue une « terre de mission », un lieu de création pour une population captive aux deux sens du terme. La règle commune est celle du partage, notamment de la nourriture mais aussi du savoir. C’est ainsi que des chauffoirs servent aux études et cours, d’autres abritent le secrétariat, le bureau de la solidarité, la bibliothèque, le coiffeur. Cette liberté relative de mouvement permet aux détenus d’organiser leur vie à l’intérieur et de fixer leur emploi du temps, en dehors des horaires impératifs des repas, d’abord en travaillant et en occupant tous les postes-clefs de l’organisation intérieure sous la direction du personnel (économe, médecin pénitentiaire etc.), ensuite en occupant et aménageant à leur guise les locaux. Une commission des loisirs est chargée d’organiser les spectacles et activités récréatives données dans une salle de spectacle spécialement aménagée. 
Le partage est aussi celui de la culture. La soif de connaissances des détenus politiques a des raisons diverses, la plus importante venant d’une prise de conscience directement liée aux idéaux de la Résistance, dans la poursuite d’un engagement citoyen. Les cours sont des armes dans la lutte pour la Libération, mais aussi et surtout dans la France libérée, gage de participation efficace et active à sa reconstruction. Il s’agit là d’une raison politique qui sert également le prosélytisme. La seconde est psychologique : éviter le désœuvrement qui suscite mauvais moral. Enfin, les cours autorisés servent de paravent aux cours politiques clandestins, il s’agit d’une raison stratégique. Cette soif d’instruction est encouragée par les principaux responsables et les détenus arrachent à la direction l’autorisation de recevoir des libres d’étude, du cahier et du papier, de faire des cours. Les autorités cèdent dans la mesure où elles ont tout intérêt à maintenir la paix en détention et à la condition que cela n’apparaisse pas comme une activité subversive. Les cours sont dispensés par des personnes qui ont une compétence professionnelle ou pratique. S’ajoute un programme de conférences très varié. L’abandon de l’enseignement et plus généralement de l’amendement des détenus par une administration pénitentiaire focalisée sur sa mission de garde, contraste avec ce qu’il convient d’appeler « l’obsession culturelle » des détenus politiques. 

3.2. L’organisation clandestine 

Ces libéralités concédées petit à petit par la direction ou le personnel les encouragent à aller plus loin. L’un des buts de l’organisation avouée est de servir de camouflage à l’organisation clandestine. Elle prend plusieurs formes ; outre l’éducation politique sous couvert des cours autorisés, on assiste à la mise sur pied d’une organisation militaire dont le but est de préparer une évasion collective pour reprendre le combat libérateur. Cette organisation ne peut se concevoir que dans le contexte, de quasi liberté interne obtenu à force de pression, à partir d’octobre 1943. Un ensemble conséquent de témoignages, de sources primaires, tels les messages clandestins envoyés par le Comité directeur des emprisonnés au GMR (garde mobile de réserve) résistant Pierre Déchet confirment l’existence d’un encadrement et d’une organisation de type militaire, prêts à être activés le moment venu. Seule l’existence réelle d’une organisation suffisamment perfectionnée peut expliquer qu’un millier de détenus ait fait échec aux forces de l’ordre venues chercher les internés administratifs pour les transférer en zone nord (7, 8 et 9 décembre 1943 : journées appelées les Trois Glorieuses (voir document n°6) par les détenus , puis se soit rendu maître de l’ensemble de la détention, en quelques heures et en silence, lors de la tentative d’évasion collective du 19 février 1944 (ce que soulignent les rapports des inspecteurs pris en otage ce jour-là). 

Ces faits ont justifié après-guerre la reconnaissance de cette organisation comme bataillon de Forces françaises de l’intérieur (FFI)-Unité combattante, cas unique dans l’histoire carcérale18 . L’ensemble de ces éléments conduisent donc à ne pas rejeter a priori, l’existence d’une organisation de type militaire dans la prison, tout en se méfiant, comme il se doit, des risques d’idéalisation. 
Les hommes sont structurés en groupes, sections, compagnies, le tout formant un bataillon, coiffé d’un état-major sous la direction du commandant Bernard et de la commission militaire du Front National. C’est l’expérience du combat et du commandement lors de la guerre d’Espagne (en mai 1938, il s’était vu confier le commandement de la 139e Brigade espagnole) qui vaut à Fernand Bernard d’être désigné pour diriger l’organisation militaire des détenus19 . Sous sa direction, l’État-major général de la prison a la responsabilité d’organiser militairement chaque préau qui représente une compagnie. Les groupes de dix (principe d’organisation de l’armée française) sont formés sans règle stricte avec cependant des directives pour que « gaullistes » et « communistes » soient mélangés. Les Espagnols restent groupés même s’ils s’intègrent à l’organisation générale. Chaque préau a un commandant militaire, de même qu’il a un responsable FN. L’encadrement est assuré par une trentaine d’officiers et suffisamment de cadres subalternes (sous officiers, gradés de l’armée, cadres FTP ou de groupes francs)20 . L’État-major dispose de son propre service de renseignements sur l’activité à l’intérieur et à l’extérieur de la prison. Par sécurité, ceux de la base ne connaissent pas le chef de compagnie. Une instruction militaire et des cours de maniement d’armes sont donnés, sous couvert des cours autorisés, l’éducation physique régulière devient obligatoire en janvier, dans la perspective de l’évasion21 . Les instructeurs militaires qui se rendent successivement dans les préaux sont des officiers de l’armée française. L’instruction physique est confiée à des moniteurs sportifs diplômés, comme le lyonnais Jean Chardonnet, cycliste de haut niveau dans le civil ou le professeur de sport Marcel Cochet du mouvement Libération qui exerçait au lycée Lalande. 

Il convient cependant de relativiser la portée de cette formation. « Si le courage ne nous manque pas pour le combat, nous devons tenir compte que le fait d’une inactivité assez grande ne permettra pas d’exiger de nos camarades un gros effort soutenu, d’autre part la majorité de nos gars méconnaissent pratiquement la manipulation d’armes automatiques », reconnaît la direction du Collectif dans un message clandestin adressé à l’extérieur22 . La force militaire des détenus réside en fait dans leur organisation minutieuse et leur discipline indispensables pour un groupe aussi nombreux. Michel Poulet, responsable militaire gaulliste du préau 3 parle d’« une unité militaire cohérente, parfaitement préparée à son objectif : évasion collective en unités combattantes destinées à rejoindre les maquis, dont les points de chute étaient par avance connus et déterminés »23
Eysses choisie pour être une forteresse sûre, devient une prison rebelle où s’organise une forme élaborée de résistance. La part des revendications politiques et symboliques dépasse les revendications matérielles. L’organisation clandestine comporte un volet militaire destiné à organiser l’évasion pour reprendre le combat. On dépasse de loin la tradition de lutte des prisonniers pour un ordinaire meilleur ; plus que d’honneur, il est question de Résistance. La démarche engagée est une lutte revendicative au quotidien avec la volonté d’être traités comme des prisonniers politiques, c’est-à-dire des citoyens engagés dans la lutte qui soulignent le caractère illégitime de leur emprisonnement. Cette conception se retrouve dans l’idée d’instaurer en permanence un rapport de force destiné à faire aboutir les revendications et préparer la suite : l’évasion, la Libération de la France et sa reconstruction. Le cas d’Eysses n’est pas atypique mais révélateur : il synthétise ce qui, à des degrés divers, a été réclamé, parfois conquis dans les autres prisons.

À la question posée initialement : les détenus politiques ont-ils un type d’action spécifique à leur nature et à leur milieu ?, on peut répondre par l’affirmative. La sous-culture patriotique et républicaine en est le moteur, n’empruntant à la sous-culture carcérale que ses modalités d’action spécifiques et non ses thèmes d’inspiration. Tout en réactivant des formes de contestation classiques, les résistants impriment leurs références à la lutte. Après une première période où le prisonnier politique, isolé parmi les droits communs, réclame le régime politique, succède une seconde période où les politiques regroupés développent des initiatives plus ambitieuses. Ces formes d’action entrent dans le champ résistant dans la mesure où elles découlent d’une adhésion volontaire et responsable à des objectifs de refus affirmés (voir un extrait du journal de S. Fuchs dans le document n°7). Paradoxalement, les risques sont moindres qu’à l’extérieur puisque les résistants ne courent plus le risque d’être arrêtés, ce qui se traduit au quotidien par un certain soulagement ; par ailleurs, leur regroupement à plusieurs centaines conduit à une émulation et un bouillonnement bien difficile à contenir. En même temps, la perception par les détenus de leur force collective relativise l’idée d’une utopie dans le projet de se s’évader à 1200… 

4. Un rêve : l’évasion collective

L’objectif suprême reste l’évasion - rêve commun à tous les prisonniers - et pour la plupart, la reprise du combat libérateur.

4.1 L’évasion de 54 détenus le 4 janvier 1944

Arrivés pour la plupart avant la masse des détenus, durant l’été 1943, ceux du quartier cellulaire, qui avaient déjà élaboré un projet d’évasion, refusent de s’intégrer à l’organisation collective, craignant un noyautage de la part des communistes et/ou considérant comme irréalisable une évasion de plusieurs centaines de prisonniers ; ils profitent du vide laissé à la direction de la prison après le limogeage du directeur Lassalle pour s’enfuir. L’évasion du quartier est une évasion préparée par l’Intelligence Service et le réseau Buckmaster (sur les 54 évadés, 25 appartiennent à ce réseau), les autres détenus en bénéficient accessoirement. Parmi les responsables de l’évasion, citons le commandant Stargart qui parvient, avec l’aide de certains gardiens, à prendre contact avec deux agents de l’OES (Operations Executives Speciales), le capitaine Lescorat de l’Armée secrète du Lot-et-Garonne, le lieutenant Aron de l’Intelligence Service, le commandant Hudson, officier de l’armée anglaise qui se voit confier, étant donné son grade, la direction des opérations. Tous ces contacts permettent d’organiser des points de chute dans la région de Cancon, à une trentaine de kilomètres de la prison. Les détenus doivent être conduits jusqu’à la sortie par les surveillants résistants, en simulant la sortie d’une corvée. Ils se divisent, ensuite, en petits groupes, suivant chacun un itinéraire prévu à l’avance, jusqu’à des points de chute chez des paysans des environs, en attendant leur transfert vers les maquis (voir la circulaire de recherche dans le diaporama n°6).

Plusieurs témoins, notamment des membres du mouvementFranc-Tireur (Henri Entine, Paul Weil) détenus dans les préaux, mais aussi Stéphane Fuchs, affirment avoir été sollicités pour participer à cette évasion restreinte et avoir refusé en raison de leur implication dans le Collectif et le projet d’évasion en cours. En effet, le responsable du groupe de Franc-Tireur : M. Gerschel, admettait difficilement de laisser derrière lui des membres de son groupe ; cinq détenus du préau 3 lui donnent d’ailleurs leur accord pour s’évader. Le déroulement est, en tous points, conforme au plan prévu. Vers 18 heures, les deux surveillants de service au quartier n°1 sont bâillonnés, ligotés, chloroformés et enfermés dans la cellule. Les détenus se rassemblent dans le hall où un surveillant complice, M. Gaillard, les conduit par le chemin de ronde, en direction de la porte charretière (voir galerie). L’effet de surprise est total car les détenus s’évadent en donnant l’impression aux gardes des tourelles qu’ils suivent leurs gardiens pour une corvée. Au total, sur les 54 évadés, 47 détenus viennent du quartier cellulaire, 5 du préau 3 et 2 ouvriers boulangers du préau des travailleurs doivent leur fuite au hasard. La réussite de l’opération est liée à facteurs essentiels : la complicité de deux surveillants Freslon et Gaillard qui s’enfuient avec les détenus, le relâchement de la discipline sous le directeur Lassalle, qui avait permis notamment l’ouverture des cellules du quartier pendant la journée.

L’alerte étant immédiatement donnée au sein des préaux, le Comité directeur décide d’une réunion, le soir même, sur l’opportunité d’une évasion généralisée dans la foulée. Après une discussion virulente, les membres du comité se rangent à l’avis de ceux qui veulent attendre le feu vert pour mener à bien le projet en cours, en coordination avec l’extérieur, contre celui de ceux qui veulent immédiatement profiter du désarroi créé par l’évasion pour s’évader dans la foulée. 

Suite à cette évasion, l’Administration pénitentiaire met tout en œuvre pour reprendre en main la centrale. Le ministère de l’Intérieur décide l’internement administratif du directeur M. Lassalle, jugé directement responsable24 . À l’intérieur de la centrale, le directeur milicien Schivo resserre l’étau autour du collectif et l’organisation et la préparation minutieuse de plusieurs mois risquent à tout moment d’être réduits à néant. Il menace de mort les détenus qui lui opposent une quelconque résistance et plusieurs altercations ont lieu. La situation interne est devenue inacceptable pour le collectif, qui décide de saisir la première occasion pour tenter une sortie. 

4.2. La tentative d’évasion collective du 19 février 1944

C’est dans ce contexte, que le 19 février 1944 Eysses est le théâtre d’une ambitieuse tentative d’évasion collective (à mille deux cents). Dès leur arrivée massive mi-octobre 1943, les responsables des politiques entrent en contact avec la résistance extérieure pour préparer l’évasion. La solidarité et l’efficacité de l’organisation du collectif d’Eysses, imposent rapidement un projet d’évasion collective pour toutes les formations de résistance représentées dans la centrale, et ne se limite pas à une évasion des cadres. 
Mais pour réussir, ce plan ambitieux a besoin d’une coordination parfaite avec la résistance extérieure. La résistance locale apporte, dès octobre, une aide à la préparation de l’évasion qui s’avère efficace dans trois domaines, les faux papiers, les points de chute - en attendant le transport vers les maquis - et surtout, la transmission d’armes aux détenus. Dépassant les actions de solidarité, une partie de la population s’engage activement dans la Résistance. Si le groupe Libération dirigé par Gérard Bouvard reste l’âme locale de l’aide aux prisonniers, une opération d’évasion de cette envergure nécessite des appuis régionaux et la mise en place de relais extérieurs nécessaires à l’accueil des évadés. En décembre 1943, l’état-major national des FTPF envoie à Villeneuve un officier chargé de préparer l’évasion. Les responsables des Comités d’action paysanne sont chargés de trouver des points de chute (camouflage, transit) pour les futurs évadés d’Eysses. L’écho semble favorable dans la région et beaucoup de paysans répondent présents. Début 1944, l’aide extérieure est opérationnelle dans deux domaines : celui des papiers et des points d’accueil. Les points de ralliement sont établis avec les divers maquis FTP et AS du Lot-et-Garonne nord et de Dordogne sud.

Étant donné le nombre et la valeur des détenus incarcérés (beaucoup de responsables de mouvements ou de réseaux), le Conseil national de la Résistance s’occupe de l’évasion et charge en décembre 1943, Serge Ravanel, de sa mise en œuvre25 . Mais après une première entrevue avec Kleber26 , il perd le contact ; suite à cet incident et à l’évasion de janvier, la réalisation du plan devient plus difficile d’autant que les forces d’occupation en ont eu vent et se tiennent en alerte. La coordination avec l’extérieur ne fonctionne plus en janvier.

À l’intérieur, les Eyssois sont sur le qui-vive, impatients d’agir, animés par une force collective rodée et efficace qui a déjà permis en décembre 1943 de triompher des GMR et des plans de Vichy. Après débat, la direction du Collectif se range derrière le plan proposé par le commandant Fernand Bernard : saisir la première occasion pour se rendre maître de la centrale de l’intérieur, progresser jusqu’au poste du commandement de la garde extérieure, convoquer par téléphone les officiers de la caserne annexe et une fois décapité le bataillon de garde, prendre par surprise la caserne, (il y avait dix-huit gardiens associés à l’action) s’emparer de l’armement, de camions, de motos, de vivres, avertir la résistance extérieure après maîtrise du central téléphonique, afin qu’elle puisse fournir l’aide logistique indispensable. Les camions des GMR ne suffisant pas à évacuer les 1200 prisonniers, il était nécessaire de couper les principaux accès à Villeneuve afin d’éviter l’arrivée des renforts. 

 

 

L’occasion saisie est la venue d’un inspecteur général dans la prison. Le 19 février, après une réussite parfaite de la première partie du plan (entre 14 et 17 heures l’inspecteur général, le directeur, les surveillants sont capturés et les détenus se rendent maîtres de la centrale en silence, l’alerte est donnée vers 17 heures par une corvée de droits communs de retour dans la détention ; or la réussite du plan supposait la maîtrise de la détention en silence. Alerté par les coups de feu, la garde extérieure met en batterie des armes automatiques aux fenêtres des bâtiments d’entrée donnant sur la cour d’honneur et commence à ouvrir le feu sur les locaux de détention. Les groupes de choc, formés en particulier d’Espagnols ayant l’expérience du combat pendant la guerre civile, après avoir sommé en vain les GMR des tourelles de les laisser sortir, tentent, à plusieurs reprises, de franchir les murs de l’enceinte extérieure en attaquant les miradors à la grenade et à la mitraillette. Certains montent sur les toits, tirent à coups de mitraillette sur les gardes, pendant que d’autres, protégés par des matelas, tentent de monter à l’échelle jusqu’au mirador. Toutes ces tentatives sont repoussées. Il y a un mort, deux blessés graves, trois blessés légers du côté des détenus, un tué, un blessé parmi le personnel pénitentiaire et seize blessés parmi les forces de l’ordre.

Vers 21 heures, les troupes d’occupation venues d’Agen, encerclent la centrale munies de pièces d’artillerie. Vers minuit, l’État-major des détenus tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la préfecture, demandant au préfet de les laisser sortir, arguant de la qualité des otages qu’ils détiennent ; Auzias dirige les négociations avec la préfecture27  afin d’obtenir une reddition acceptable ; on libère alors le directeur Schivo qui confirme le traitement correct dont il a été l’objet et relaie la demande des détenus auprès des autorités. Tous les témoins insistent sur l’attitude particulièrement veule du milicien, craignant pour sa vie et tentant de se justifier par toutes sortes d’attitudes mensongères, tout en faisant état de sa qualité d’officier français. Vers trois heures, le commandant des troupes allemandes lance un ultimatum donnant aux révoltés un quart d’heure pour se rendre sans condition, faute de quoi ils menacent de faire sauter la centrale. Les détenus demandent alors par l’intermédiaire du directeur, un délai d’une heure pour regagner les dortoirs et déposer les armes (temps nécessaire également pour faire disparaître un certain nombre de papiers compromettants), celui-ci ayant donné sa promesse d’officier qu’il n’y aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Les détenus libèrent alors les otages, rendent les armes (onze mitraillettes et huit grenades) et regagnent leurs dortoirs, il est environ quatre heures du matin. Ce sont les forces françaises qui viennent cependant à bout de cette rébellion.
En se rendant rapidement et silencieusement maîtres de la détention, les détenus ont montré leur parfaite discipline, ainsi que leur connivence avec l’essentiel du personnel de surveillance. Reportons nous au rapport établi le 23 février par l’inspecteur général pris en otage, à la direction générale de l’administration pénitentiaire : 
« Je dois dire que cet incident se passa avec une extrême rapidité et paraît avoir été organisé avec beaucoup de méthode et de soin. Il n’y eut en effet ni cris ni appels ni désordre dont j’ai pu me rendre compte… je fus durant cette période l’objet de certains égards de la part des détenus qui vinrent me demander si je n’étais pas trop mal… (à part les ecchymoses aux poignets liées aux menottes) je n’ai pas été l’objet de mauvais traitements de la part des détenus… je dois dire qu’à l’exception de deux porte-billets contenant divers papiers importants qui n’ont paraît-il pas été retrouvés, tous les objets qui m’avaient été prélevés et notamment l’argent que je portais sur moi m’ont été restitués …cette mutinerie a été menée tout au moins au début avec ordre et méthode ».

Les détenus sont-ils victimes d’une utopie collective ? Au premier abord, sans aucun doute ; mais l’autoperception du groupe amplifie les victoires remportées jusqu’alors. Les reculs successifs de l’Administration pénitentiaire devant les revendications quotidiennes, le recul des trois cents gardes mobiles armés face aux 1200 détenus désarmés en décembre, la présence de responsables militaires parmi les détenus et l’entrée des armes pouvaient fonder la direction à imaginer une sortie collective jusqu’à l’évasion des cinquante-quatre. Avec l’arrivée à la tête de la prison d’un milicien, les données changèrent. La force et les acquis du Collectif, la rupture du soutien logistique à l’extérieur, les ont peut-être placés dans cette utopie au sens d’une rupture d’avec le réel. Ces éléments peuvent permettre d’expliquer le déclenchement d’une action qui est dans l’imaginaire de beaucoup celle de « la dernière chance », terme employé par le rédacteur du billet clandestin envoyé à l’extérieur après l’échec de cette tentative. 

5. Eysses, siège d’une cour martiale

Eysses, devient le siège d’une cour martiale désignée par le Secrétaire général au maintien de l’Ordre et se transforme en prétoire sanglant, destiné à juger les responsables de la « mutinerie ». Averti dans la nuit, alors qu’il se trouve à Vichy, Darnand « devant la gravité de tels faits », se rend d’urgence, en automobile, à Eysses, où il arrive dans l’après-midi, accompagné de deux membres de son cabinet, dont l’Intendant de police de Vichy, Mino, et de plusieurs miliciens et policiers, soit une escorte de trois voitures. Il dirige alors en personne la répression, donne l’ordre de renforcer la garde extérieure et d’introduire des forces de police dans la centrale, afin d’organiser une fouille générale des locaux et des détenus. Joseph Darnand reconnaît, lors de son procès, avoir décidé lui-même de la réunion de la cour martiale : « c’est moi qui ai décidé que la cour martiale siègerait étant donné que les rebelles n’avaient pas rendu toutes leurs armes et qu’ils n’avaient pas réintégré volontairement leurs cellules ». Si le rapport d’enquête indique qu’une caisse contenant cinq mitraillettes est retrouvée dans la cour de l’infirmerie, rien ne confirme la seconde affirmation. Il repart pour Vichy le lundi 21 février dans la matinée, après avoir exigé « cinquante têtes », les membres de la Cour martiale étant ensuite nommés en conseil de ministres. Il laisse sur place le directeur adjoint de l’Administration pénitentiaire, le milicien Maret, l’Intendant de police de Vichy, Mino, qui dirigent alors les opérations.

Cette justice expéditive au service d’une dictature répressive, livre ses victimes : douze condamnés à mort, fusillés, sur les quatorze amenés à comparaître (voir le diaporama n°7). Ils sont immédiatement exécutés pour avoir « été reconnus comme ayant les armes à la main au cours de l’émeute ». Les PV de l’enquête qui suit la tentative d’évasion collective permettent de préciser le fonctionnement la cour martiale, chance exceptionnelle pour une institution souvent entourée du plus grand secret28 . L’Intendant de police de Vichy Mino, arrivé le dimanche 20 février avec Darnand, dirige l’enquête menée par les 20e brigade de Limoges et 17e de Pau. C’est l’interrogatoire mené dès le dimanche après-midi 20 février, auprès de l’ensemble du personnel présent dans l’établissement la veille, en particulier les otages et les surveillants agressés, qui permet de désigner les prétendus meneurs de la mutinerie. Les détenus sont tous rassemblés dans les préaux, ceux qui sont désignés sont mis à l’écart et conduits au quartier cellulaire. Sont immédiatement mises en cause - « comme meneurs actifs et armés de la mutinerie » - seize personnes :

  • Auzias Henri, avec neuf témoins à charge, dont trois l’ayant vu porteur d’un revolver, les autres « donner des ordres et parlementer au téléphone » 
  • Stern Joseph, vu armé d’une mitraillette par quatre surveillants Bernard François, mis en cause, en tant que « chef à qui les autres détenus demandaient des instructions » par le directeur et son garde du corps, et en tant que blessé 
  • Chauvet Jean et Brun Roger mis en cause par le premier surveillant Dupin qui affirme les avoir vus participer à la mutinerie avec une arme 
  • Sero Jaime, Marqui Alexandre, Sarvisse Félicien, Serveto Bertrand, tous les quatre blessés, le dernier par une grenade. Parmi eux, seul Serveto reconnaît avoir transporté des matelas pour attaquer le mirador, les autres nient tout participation active 
  • Vigne Jean, Guiral Louis et Pelouze Gabriel, tous trois mis en cause par le détenu L., Vigne et Pelouze : pour avoir commandé l’attaque du mirador, le dernier donnant des ordres, Guiral pour avoir défoncé le plafond de la lingerie et jeté des grenades sur le mirador 
  • Canet jean, légèrement blessé au bras 
  • Fieschi Pascal, accusé par le surveillant-chef d’avoir agressé le directeur 
  • Brinetti Henri, accusé par le surveillant-chef d’être l’agresseur de l’inspecteur et par un surveillant, de l’avoir menacé d’un revolver

Seuls, deux des principaux responsables, Auzias et Bernard sont donc mis en cause. Le seul détenu « dénonciateur », est un blessé : L. Lucien, qui, sans doute dans l’espoir de voir sa vie épargnée, se déclare immédiatement disposé à dire tout ce qu’il sait sur les événements du 19 février. C’est le seul, parmi les mille deux cents détenus interrogés, qui parle, mais ses déclarations sont lourdes de conséquences.

Le mercredi 23 février, à quatre heures du matin, en présence de l’Intendant de police de Toulouse, du milicien Maret, sous-directeur de l’Administration pénitentiaire et des fonctionnaires de police enquêteurs, l’intendant de police de Vichy, M. Mino, saisit la cour martiale. Les trois juges assistent à l’examen de quatorze PV, parmi les seize initialement choisis. Deux détenus échappent donc de justesse à la cour martiale : le dénonciateur en contrepartie de ses révélations et Brinetti mis hors de cause par l’inspecteur qui ne reconnaît pas en lui l’homme désigné comme son agresseur. Notons que Pascal Fieschi, accusé d’avoir capturé le directeur, est amené lui, à comparaître car il a été formellement reconnu par ce dernier comme son assaillant. Les témoignages du personnel sont donc déterminants.

Les PV sont remis à la cour martiale qui délibère à huis clos. Douze détenus sur quatorze sont condamnés à mort, les deux autres, Fieschi et Canet seront présentés devant le procureur de la République (sic !) pour être poursuivis devant la section spéciale de la cour d’appel. À dix heures, le président de la cour martiale, assisté de deux juges, a déjà lu la sentence aux condamnés, qui sont passés par les armes à onze heures. Six heures au plus se sont donc écoulées entre la remise des PV à la cour martiale (une quarantaine avec ceux des accusateurs) et l’exécution de la sentence, sans aucune défense ni plaidoirie. Il s’agit donc d’un déni de justice plus que d’une justice expéditive. Aucune délibération écrite n’ayant été effectuée, nous ne possédons que le seul acte de condamnation, recopié après guerre par le personnel du greffe. Le motif d’exécution figure clairement : « ont participé armés à la mutinerie », ce qui, nous l’avons vu, n’a pu être prouvé pour la plupart d’entre eux. 

Rappelons que le plus grand secret entoure, par peur des représailles, les « juges » siégeant à la cour martiale qui siège d’ailleurs à 4 heures du matin dans la plus grande discrétion. Le commissaire de police, dont nous savons par ailleurs qu’il est membre du réseau Ajax, s’avère incapable malgré tous ses efforts, de transmettre à la Résistance l’identité des « juges ». Malgré l’intense activité de l’amicale et de ses alliés auprès les diverses administrations en matière d’épuration, aucun des membres de la cour martiale n’a pu être poursuivi après guerre, aucune preuve ne pouvant de toute façon être retenue contre eux, faute de trace écrite. Cet exemple illustre bien, tout à la fois l’anonymat qui entoure cette institution et la totale impunité dont ont pu bénéficier les membres des cours martiales. 

Cependant, elle ne fournit pas l’exemple escompté. La justice de l’État français doit compter avec des serviteurs de plus en plus nombreux à refuser de servir un régime suppléé par la Milice. L’action efficace et pourtant discrète d’une résistance administrative intervient dès le lendemain de la mutinerie et limite la répression. Elle joue à différents échelons des rouages administratifs par la dissuasion, les menaces, et le noyautage de certains services. L’inspecteur de Police Llaoury Charles, chef des services de police judiciaire dans la région de Toulouse, chef du réseau AJAX depuis janvier 1944 pour la région de Toulouse, est envoyé par la Résistance pour mener l’enquête, sur les instances de M. Mollard Chaumette commissaire de police chef de la section des affaires politiques qui était devenu un de ses agents : « …dès le premier contact avec Schivo nous comprîmes qu’il allait y avoir un simulacre d’enquête. Nous apprîmes que la cour martiale était convoquée et qu’il ne s’agissait rien moins que d’exécuter cinquante détenus en représailles. Les inspecteurs qui m’accompagnaient me firent part de leur répugnance et de leur désir de tout plaquer pour se cacher dans la clandestinité… Mes inspecteurs comprirent qu’il y avait des vies à sauver et restèrent près de moi…nous fûmes noyés au milieu de miliciens sectaires qui nous suspectèrent… »29 . La 8e brigade de Toulouse chargée de mener l’enquête, conduit les interrogatoires de façon à n’en tirer aucun résultat, son action, sous la direction de M le commissaire Llaoury permet de sauver trente- huit vies. Concernant le personnel pénitentiaire de la centrale d’Eysses, d’après l’ensemble imposant des témoignages et sources officielles dont nous disposons, on peut conclure à la réticence d’une majorité du personnel à exécuter les ordres lors de l’enquête, ces journées contribuent au renforcement d’une sympathie à l’égard de détenus dont la conduite impressionne. 
Outre les deux « rescapés » de la cour martiale, Canet et Fieschi, dix-neuf autres dossiers doivent être soumis à la section spéciale. Ils sont tous suspectés, soit d’avoir participé activement à la mutinerie (sept détenus), soit d’avoir joué un rôle dans l’organisation des détenus (douze détenus). Au total, vingt et un dossiers sont renvoyés devant la section spéciale d’Agen ; les détenus sont envoyés au quartier cellulaire avec une trentaine d’autres détenus contre lesquels aucune charge particulière n’est retenue, mais qui ont été mis de côté lors de la sélection du 20 février, soit en raison de leur insubordination, soit pour avoir été désignés par le personnel. Le quartier cellulaire devient alors pour les détenus et la Résistance extérieure le « quartier des otages ». Trente-six détenus du quartier cellulaire seront transférés vers la prison de Blois le 18 mai avant de rejoindre Compiègne pour être déportés. Les autres sont livrés aux autorités allemandes le 30 mai 1944 (sur la déportation, voir le diaporama n°8). 
Suite à ces évènements, l’État français décide le 26 février 1944, de durcir le régime de détention de l’ensemble des politiques des établissements de concentration. 

Si les ingérences allemandes dans les prisons françaises existent depuis 1940, le printemps 1944 constitue l’ultime étape. Avec la miliciarisation du régime, les prisonniers politiques sont alors systématiquement remis aux autorités allemandes. Les différentes pièces du procès d’André Baillet, directeur de l’administration pénitentiaire en 1944 permettent de faire la lumière sur une livraison qui montre combien l’administration française a fonctionné au service final de l’Occupant30 . La collaboration pénitentiaire révèle la stratégie allemande : elle ne tolère la souveraineté française qu’en raison d’une participation de fonctionnaires français rendant plus efficace sa politique de répression.
Le 21 décembre 1943, au milieu d’une crise du gouvernement de Vichy, Oberg exige en exécution d’un ordre du Reichsführer SS Himmler, l’éloignement immédiat de Bousquet et son remplacement par le chef de la milice Darnand, censé assurer à nouveau une étroite collaboration avec la police allemande. Suite à ces pressions allemandes Laval aurait donné son accord, début janvier 1944, à la nomination de Darnand comme chef de la police française et Secrétaire général au maintien de l’Ordre. Il contrôle alors de fait l’administration pénitentiaire. La livraison massive et générale des prisonniers politiques était demandée depuis plusieurs mois. Elle fut décidée fin mars, en accord avec les autorités françaises. L’écho national de la mutinerie armée engagée le 19 février 1944 par les 1200 détenus politiques d’Eysses afin de tenter une évasion collective ne peut que renforcer la certitude de la part des Allemands que le régime de Vichy est incapable de garder ses terroristes. La décision officielle de livraison systématique aux nazis des prisonniers politiques sous autorité française date du 31 mars 1944, elle est signée du directeur de l’administration pénitentiaire André Baillet. Loin d’opposer une quelconque résistance à la demande des nazis, le régime ultra de Vichy est responsable d’une livraison qu’il contribue pleinement à organiser. 

D’après les pièces du procès Baillet, c’est l’ensemble des prisonniers politiques alors détenus dans les prisons françaises - prévenus et condamnés - qui est livré aux nazis entre février et juillet 1944. S’ajoutent quelques condamnés de droit commun. Les détenus politiques déjà condamnés (2445 au total) sont les plus nombreux. Presque la moitié (1121) provient de la centrale d’Eysses, les autres étant groupés dans trois autres prisons : Blois, Châlons-sur-Marne et Rennes pour les femmes. La seconde catégorie concerne les prévenus politiques en attente de jugement pour activité terroriste, communiste ou subversive, 1598 au total. C’est une logique militaire qui conduit à éliminer tous les combattants potentiels et explique la livraison des simples prévenus. Celle-ci est accélérée après le débarquement, dans un contexte qui nécessite d’urgence de la main d’œuvre pour soutenir l’ultime effort de guerre du Reich. L’État français demande à ses fonctionnaires de se rendre complices de remises illégales de détenus, violant ainsi les principes élémentaires du droit pénal. À Eysses, la quasi-totalité des détenus politiques est livrée aux Allemands (voir galerie), seuls quinze détenus politiques demeurent à l’infirmerie, exemptés par le médecin pénitentiaire comme grands malades.

Avec la livraison systématique des prisonniers politiques, on saisit toute l’efficacité d’une collaboration d’État. Les prisonniers politiques des sections françaises et allemandes tendent à subir le même sort post-carcéral, car les prisons s’insèrent dans un maillage carcéral et un système concentrationnaire international qui prend une importance croissante dans l’Europe occupée.

Conclusion : "Leçons" de prison

Dans les convois comme dans les camps, l’esprit d’Eysses en réactivant la solidarité expérimentée en prison permet de sauver de nombreuses vies. 

Georges Charpak évoque ainsi le lien entre l’expérience d’Eysses et la survie dans les camps : « En arrivant à Eysses à l’âge de 19 ans, ce qui me fit l’impression la plus profonde fut l’atmosphère de solidarité qui y régnait et avait véritablement transfiguré la réalité de la vie en prison. La richesse et la force que nous avait apporté la pratique de cette solidarité furent encore plus perceptibles en Allemagne, où elle permit aux anciens d’Eysses, en maints endroits, d’être les piliers de la résistance à l’avilissement voulu par le système »31 .

Lors du premier congrès de l’amicale en août 1945, Stéphane Fuchs évoque ce lien tissé en prison comme un stimulant dans les camps :« Certains de préaux différents qui ne se connaissent pas se lient rien que par ce mot : Eysses. Dans beaucoup d’endroits, les anciens d’Eysses sont initiateurs de la solidarité […] Certains 19, nous évoquons Eysses, le souvenir de nos fusillés : leur sacrifice est pour nous un stimulant ; nous avons juré de les venger, il faut vivre ». Le 14 juillet, les détenus d’Eysses déportés à Dachau, se retrouvent dans les blocks de quarantaine portant les n°19, 21 et 23, et sont à l’origine de deux manifestations. Edmond Michelet reconnaît le rôle important joué par les Eyssois à Dachau : « Le jour du 14 juillet, […] dans les blocks envahis par les "tzougangues" (nouveaux venus) des trains de Compiègne, il avait été froidement décidé qu’on observerait une minute de silence après l’appel du matin […] non contents de cette manifestation silencieuse du jour de leur fête nationale, les Français s’étaient déchaînés, le 20 juillet suivant, lorsque l’espace d’une heure, les rapides événements consécutifs à l’attentat contre Hitler semblaient vouloir marquer un tournant du destin. La nouvelle en était parvenue au camp je ne sais comment. Ce dont je me souviens très bien par contre, c’est la panique des camarades qui avaient en main l’organisation clandestine lorsqu’ils entendirent s’élever la Marseillaise des blocks 21 et 23. On courut me chercher au kommando de la désinfection, où nous ignorions encore tout ce qui se passait. J’ai découvert ce matin-là combien le sentiment du tragique est éloigné de la mentalité française. De même je n’ai jamais non plus très bien compris pourquoi on nous traitait de peuple léger. Et jamais non plus je ne m’en suis senti si fier »32 . Quatre cents prisonniers d’Eysses laisseront la vie dans les bagnes nazis. 

À la Libération, les prisonniers politiques conquièrent l’ensemble du champ mémoriel reléguant les prisonniers de droit commun, pourtant ultra majoritaires, dans la nuit carcérale. Mais l’inscription institutionnelle des réformes concerne le prisonnier que l’on s’accorde, dans le contexte de la Libération, à vouloir réinsérer par une prison plus humaine.
L’incarcération de résistants de toutes conditions sociales pendant la guerre, à commencer par le Ministre de la Justice lui-même, contribue à ce que les prisons sortent du silence : « il n’est pas mauvais que ceux qui font les prisons en tâtent ! », disait Victor Hugo. 
Dès la Libération, le mur de la prison contre lequel avaient été dressés les poteaux d’exécution devient le « mur des fusillés » : lieu de mémoire inscrit depuis à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, cas unique venu rappeler aux vivants la France des cours martiales. L’hommage patriotique, point fort des commémorations annuelles à Villeneuve-sur-Lot depuis 1945 permet d’ancrer les fusillés dans le Panthéon des morts pour la lutte libératrice de la France. La Seconde Guerre mondiale met un terme à l’indifférence que la ville semble manifester à l’égard de ses prisonniers durant deux siècles d’histoire carcérale à Eysses. 
Les anciens détenus résistants d’Eysses se sont constitués en association dès leur retour des camps nazis en 1945 (sur la naissance de l’Amicale, voir le diaporama n°9). Le souvenir d’Eysses, avec les victoires remportées, l’esprit de fraternité, a vite symbolisé le souvenir positif, l’esprit de résistance des années de guerre. Les frontières de classe ou de parti y ont été en partie dépassées, « Unis comme à Eysses » en est le slogan fédérateur. La reconnaissance de l’action résistante se pose à double titre, collectif et individuel. La bataille pour la reconnaissance collective est rapidement couronnée de succès. Le 24 novembre 1947, la qualité d’unité FFI est reconnue - à compter du 9 décembre 1943 (lutte engagée contre l’envoi en zone nord des internés administratifs) - sous la dénomination de « Bataillon FFI de la centrale d’Eysses », à la formation combattante constituée par les membres de la Résistance incarcérés à la centrale d’Eysses. La fiche annexe mentionne deux opérations : la première est l’insurrection des 9, 10 et 11 décembre 1943 pour empêcher la livraison aux Allemands des internés administratifs, au cours de laquelle 1450 hommes sont engagés et qui se solde par une victoire (les 150 internés administratifs étant envoyés à Sisteron avant de former une unité participant aux combats de la Libération) ; la seconde concerne la tentative d’évasion collective du 19 février 1944, en vue de rejoindre la résistance extérieure33 .
Une seconde bataille commence alors, afin de faire reconnaître le « Bataillon » d’Eysses comme Unité combattante ; ce dossier est, par sa nature, exceptionnel : « il concerne une unité dans laquelle les éléments détenus dans une prison se sont soulevés collectivement pour tenter de s’évader et de rejoindre le maquis. Aussi, si cette formation ne remplit pas toutes les conditions habituellement demandées à un organisme de Résistance traditionnellement constitué, c’est précisément que les détenus se sont formés en un bataillon dans des conditions très particulières. En conséquence, il semble équitable que le jugement porté sur le caractère combattant de cette formation tienne compte des circonstances exceptionnelles dans lesquelles elle a dû s’opérer… ». La demande aboutit enfin le 20 avril 1990 ; le Bataillon FFI de la centrale d’Eysses est alors reconnu Unité combattante pour « les actions des Trois Glorieuses, débutant le 9 décembre 1943, empêchant la livraison en zone nord des internés administratifs et du 19 février ayant pour but de rejoindre la résistance extérieure ». De nouveaux plans d’évasion étant en cours après l’échec du 19 février, l’existence d’un bataillon, Unité combattante, est reconnue officiellement jusqu’au 30 mai 1944, date de la déportation des détenus politiques. Les anciens prisonniers politiques ont désormais plus de facilité pour faire reconnaître leurs droits individuels.
L’amicale d’Eysses a à son actif de nombreuses réalisations (livres, disque, expositions, site internet (http://www.eysses.fr), exposition dans le cadre du musée virtuel de la Résistance (AERI)). Les derniers témoins réunis au sein de l’association pour la mémoire d’Eysses autour des familles et amis, souhaitent voir aboutir un projet plus ambitieux, à la mesure de cette leçon de vie que fut pour nous le passage entre les murs de la centrale : un musée consacré à l’histoire de cette prison, mettant particulièrement en lumière la prison de résistants sous Vichy. 

La prison d’Eysses tient une place particulière dans l’histoire des prisons de Vichy, non seulement en raison de sa représentativité quantitative et qualitative, mais aussi par son image. Lieu de rencontre entre des personnes de milieux très divers, la prison fait tomber en partie les barrières sociales. Émerge une sous-culture spécifique des prisonniers politiques, unis à court terme pour vaincre le régime de Vichy et l’occupant et rétablir la République. 
À l’image d’une période noire du système pénitentiaire où triomphent l’arbitraire et la souffrance, avec sa misère physiologique, ses miliciens et ses cours martiales, se surimpose une autre image : rencontre humaniste entre détenus de tous milieux, marqués durablement par leur passage en prison, lieu d’instruction et de réflexion, puisant dans le creuset républicain et tournée vers le renouveau démocratique de la France libérée. 

Notes

1.

Lettre envoyée par Jean Vigne à sa famille depuis la centrale d’Eysses le 16 décembre 1943. Jean Vigne est né le 19 mars 1912 à Boisset-Gaujac, petite commune rurale du Gard proche d’Anduze. Résistant communiste dans le Gard puis en Savoie où il est envoyé pour organiser les groupes francs, il est arrêté le 20 octobre 1942. Il fait partie des douze fusillés à Eysses sur ordre de la cour martiale le 23 février 1944.

2.

C’est un retour à la situation antérieure à 1911. Le rattachement au ministère de la Justice était alors intervenu à la suite d’une longue lutte menée, tout au long du XIXe siècle, par des magistrats éclairés qui y voyaient un double avantage : entamer l’hermétisme de l’institution carcérale en vue de la contrôler et individualiser la peine dont l’exécution devait revenir à des magistrats.

3.

Voir Pierre Pédron, La prison sous Vichy, Paris, Éditions ouvrières, 1993.

4.

 Archives nationales, cote F60/1443, chemise administration pénitentiaire, rapport de l’inspecteur général au directeur de l’administration pénitentiaire, le 1er octobre 1943.

5.

Anatole de Monzie, La saison des juges, Paris, Flammarion, 1943, p. 35.

6.

Michelle Perrot, Les ombres de l’histoire, Crime et châtiment au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 2001, p. 51.

7.

M. Perrot (dir.), L’impossible prison. Recherches sur le système pénitentiaire, Paris, Le Seuil, 1980, p. 190.

8.

Archives privées de M. Bernard Weil.

9.

À l’exception cependant des condamnés de marché noir, des prévôts et travailleurs qui touchent des portions supplémentaires, ou des caïds.

10.

I. Von Bueltzingsloewen, « Morts sans ordonnance. les aliénés et la famine à l’hôpital psychiatrique départemental du Vinatier », in Morts d’inanition, Famine et exclusion sous l’occupation, actes du colloque de Lyon, 20 et 21 novembre 2003, RESEA (CNRS-Université Lumière Lyon II), Presses universitaires de Rennes, novembre 2005, p. 51-63.

11.

Remarquons une chronologie décalée avec l’extérieur où les pénuries se font le plus durement sentir en 1943.

12.

Bulletin officiel du Ministère de la Justice, circulaire du 13 octobre 1943.

13.

Terme employé pour désigner les prisonniers d’Eysses.

14.

Joseph Barthélémy, Ministre de la Justice, Vichy 1941-1943, mémoires, Paris, Pygmalion, 1989, p. 278.

15.

AN, 72 AJ 282, Fabien Lacombe, rapport du 27 octobre 1951 : « la détention à la maison centrale d’Eysses »

16.

Le CFLN est l’organisme gouvernemental, par lequel s’est effectuée, en juin 1943, la fusion des deux autorités françaises rentrées en guerre, le Comité national français de Londres, dirigé par le général de Gaulle, et le Commandement civil et militaire d’Alger, dirigé par le général Giraud. Ainsi furent unifié l’effort de guerre français, réalisé le rétablissement de la légalité républicaine, et préparée la Libération.

17.

AN Fontainebleau, dossier du directeur d’Eysses A. Lasalle, 19840465, art. 259.

18.

Les Forces françaises de l’intérieur (FFI) est le nom donné en 1944 à l’ensemble des groupements militaires clandestins qui s’étaient constitués dans la France occupée (Armée secrète, Organisation de résistance de l’armée, Francs-tireurs et partisans, etc.). Les FFI, placées en mars 1944 sous le commandement du général Kœnig, jouèrent un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement de juin 1944 et dans la libération du territoire français.

19.

Ce socialiste entre dès 1941 dans la Résistance, comme chef d’état-major du réseau Bertaux à Toulouse. Il est condamné le 24 juillet 1942 par le tribunal de la 17e région de Toulouse à 20 ans de travaux forcés pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État.

20.

Archives de l’amicale d’Eysses, message clandestin de Mistral à Denis, le 19 mai 1944. Ces renseignements transmis clandestinement par le Comité directeur des emprisonnés à la Résistance extérieure sont fiables dans la mesure où il s’agit d’élaborer un plan réaliste (ils ne manquent pas, par ailleurs, d’insister sur les faiblesses de leur organisation).

21.

Plusieurs chapitres d’instruction militaire, schémas d’armes automatiques figurent dans les divers carnets et livres des détenus

22.

Archives de l’amicale d’Eysses, message clandestin de Mistral à Denis, 30 avril 1944.

23.

AN, 72AJ282, A.5.I, rapport de M. Poulet.

24.

Prévenu à temps il peut y échapper et reste caché par la Résistance jusqu’à la Libération, alors que sa tête est mise à prix par la Milice.

25.

Entretiens avec Serge Ravanel, dont tous les témoignages écrits reprennent la même version, notamment son dernier livre, L’esprit de Résistance, Paris, Le Seuil, 2000 (1995), p. 197-200.

26.

Détenu évadé d’Eysses le 24 décembre 1943, chargé de la liaison avec l’extérieur pour la mise en œuvre du plan d‘évasion.

27.

Étant connu par tout le personnel comme délégué des détenus reconnu par l’ancien directeur, son rôle de responsable n’était un secret pour personne.

28.

Rapport du commissaire de police de sûreté Llaoury Charles au Commissaire principal chef de la 8e brigade régionale de police de Toulouse, le 22 avril 1944. Transmis par M. Delarue.

29.

Archives départementales de Lot-et-Garonne, cote 1738W40, dossier Schivo n°655 déposition de M. Llaoury

30.

Inculpé notamment pour la livraison des politiques aux Nazis, il est condamné à mort le 20 juin 1946 par la Cour de justice de la Seine.

31.

Bulletin de l’amicale d’Eysses, n°115, octobre 1974, témoignage de Georges Charpak.

32.

Edmond Michelet, Rue de la liberté, Dachau, 1943-1945, Paris, Éditions du Seuil, 1955.

33.

Archives du Ministère de la guerre, Dossiers d’homologation FFI Lot et Garonne, centrale d’Eysses, cote 13 P 113.